Viande et lait – temps entre les deux – consommation sur une même table
Dans cette publication de Halakha Yomit nous avons regroupé trois articles (traductions) qui ont pour sujet commun « le lait et la viande ». Les articles sont traduits et adaptés par le Rav Freddy Elbaze. Les articles originaux sont issus du site Halakha Yomit
Sommaire :
1) Combien de temps faut-il attendre entre la viande et le lait ?
2) Consommation de laitage après de la volaille
3) Sujet : Consommation de lait et de viande sur une même table
- Combien de temps faut-il attendre entre la viande et le lait ?
Dans le traité Houlin 105 il est enseigné : Mor Oukba (nom d’un sage) a dit : « Mon père, attendait 24 heures entre la viande et le lait, tandis que moi (Mor Oukba) au cours d’un même repas je ne mange pas de la viande puis du lait, mais j’attends le repas suivant pour en consommer ». Rabbi Isaac Elfassi déduit (le Rif) de là, que lorsque l’on mange de la viande, il faut attendre le temps de la prochaine Séouda pour consommer du lait.
Justement, les Richonim discutent sur le temps qu’il faut espacer entre ces 2 aliments : Rabbenou Tam dit que dans une même séouda, on peut consommer de la viande, puis du lait, à condition de bien nettoyer sa bouche et ses mains entre les deux. D’après cet avis, il faut comprendre que Mor Oukba était plus exigent que la halakha, et attendait l’espace de temps, qu’il y a entre deux repas (mais toujours moins exigeant que son père qui attendait 24 heures). Cependant le Rambam, le Rif et la majorité des Richonim disent que Mor Oukba agissait comme le din (la loi) et attendait l’espace entre deux séoudot tandis que son père était lui- seul, exigeant et attendait 24 heures.
Quel est le temps qui sépare une séouda d’une autre ? Pour Tossfot, ce temps n’est pas fixe ; il suffit de débarrasser la table sur laquelle on a mangé de la viande, la consommation de lait sera immédiatement après, autorisée.
Cependant, la majorité des Richonim disent qu’il faut attendre 6 heures ; ceci correspond au temps qui sépare deux séoudot. Ainsi pense le Rambam, ainsi que Maran le Choulhan Aroukh ; même le Rama (Rav Moché Isserles) écrit qu’il convient d’attendre 6 heures bien qu’il y ait des avis différents. Maran le Hida écrit que dans les communautés séfarades, l’usage est d’attendre 6 heures. Même le Maharchal (Rabbi Chlomo Louvia, grand décisionnaire Ashkénaze contemporain de Rabbi Yossef Karo), a écrit concernant les Ashkenazim : « quiconque possède un souffle de Torah doit attendre 6 heures ». Le Aroukh Achoulhan (Rabbi Yehiel Mikhal Epstein ז״ל) a écrit lui aussi, qu’aujourd’hui la majorité des Ashkenazim avait l’usage d’attendre 6 heures, et qu’il ne fallait pas être indulgent à ce sujet
Selon le Rambam, la raison pour laquelle il faut attendre 6 heures, vient du fait que la viande s’infiltre entre les dents, et si l’on mange du fromage, ces deux aliments se mélangeront forcément, et l’on en viendra à consommer de la viande et du lait ensemble. Cependant, pour Rachi et le Roch, la raison est que, la viande renvoie du goût dans la bouche pendant un temps relativement long (environ 6 heures).
C’est pour cela que la Halakha est que dans tous les cas, il faudra attendre 6 heures pour consommer du fromage [ou tout autre laitage] et s’il reste de la viande entre les dents après ce temps on considérera celle-ci comme n’ayant plus le statut de viande. Néanmoins, si l’on est sûr qu’il reste des déchets de viande entre les dents (après les 6 heures), on tachera de la retirer avant toute consommation de lait.
- Consommation de laitage après de la volaille.
Il a été dit précédemment qu’il fallait attendre entre la viande et le lait, 6 heures; ceci à cause de la viande qui reste entre les dents, ainsi que le goût de viande permanent dans la bouche, pendant ces 6 heures.
Le Rambam a écrit dans les Halakhot sur les aliments interdits : chap.9 : Celui qui a mangé de la viande, ou de la volaille, devra attendre environ 6 heures pour consommer des laitages. Ainsi ont tranchés le Kol Bo et le Orh’ot Haim. Notre maître Rav Ovadia Yossef זצ״ל déduit des paroles du Rambam : Kémo = environ, qu’il n’est pas nécessaire d’attendre vraiment 6 heures, mais que 5h30 suffisaient car dans le langage de la halakha, le Samoukh = Kémo = environ, correspondent à 30 minutes : cette déduction est confirmée par les paroles du Meiri : « 6 heures, ou bien approximativement ».
Seulement dans le livre « Guinat Veradim », il est rapporté qu’il faut attendre 6 heures pleines, et ainsi ressort-il des autres Posskim (décisionnaires), c’est pourquoi Rav Ovadia Yossef זצ״לa tranché qu’a priori, il fallait attendre 6 heures précises, mais qu’en cas de nécessité, 5h30 suffisaient, particulièrement si l’on a consommé du poulet.
Rabbi Chlomo Klugen ז״ל a tranché que si l’un goûte de la viande sans la mâcher et sans l’avaler, il n’est pas nécessaire d’attendre 6 heures. Ainsi a tranché le Kapé Aharon et le Kaf Ahayim. La raison est que si on ne mâche pas, il n’y aura pas de viande entre les dents, et si on n’avale pas il n’y aura pas de goût. Donc aucune raison d’attendre 6 heures ; c’est pourquoi la veille de Chabbat Kodesh, on pourra goûter des sauces viandes sans les avaler évidemment, puis consommer immédiatement des laitages ; on veillera cependant à se rincer la bouche, et à se laver les mains. Maran, Rav Ovadia Yossef זצ״לa écrit en 5714 que pour les enfants de bas âge, il n’était pas nécessaire d’attendre 6 heures, mais qu’une heure suffisait, des lors où l’on avait débarrassé la première table (Quand l’enfant grandira et comprendra le sens des interdictions, on l’initiera à attendre 6 heures).
Si une personne veut déguster un bon gâteau au fromage mais ne sait pas si 6 heures se sont écoulées depuis sa consommation de Dafina au bœuf, Rav Isaac Yossef זצ״ל, a écrit que dans le doute, il y a lieu d’être indulgent et permettre le délicieux gâteau au fromage.
- Sujet : Consommation de lait et de viande sur une même table.
Quiconque consomme un plat lacté, ne peut accepter qu’un consommateur de plat carné, s’associe à sa table.
Pour le Rambam cette interdiction est « de peur » que l’on se serve du plat de son ami
Pour Rachi l’interdiction est, « de peur » qu’il y ait contact entre les deux aliments et que l’on en vienne à manger de la viande et du lait ensemble.
Dans la guemara Houlin 107, il a été précisé, que l’interdiction ne s’applique que pour deux personnes qui se connaissent, car dans ces conditions, le risque d’échange d’aliments est réel ; mais deux personnes qui ne se connaissent pas, peuvent manger sur une même table, l’une du lait, l’autre de la viande, car le risque de mélange est insignifiant.
Deux personnes se connaissant, comme deux membres d’une même famille, peuvent manger sur une même table, dès l’instant où il y a « héker » ; c’est-à-dire, soi que chacun mange sur une nappe différente ; soi qu’un objet que l’on n’utilisera pas pendant le repas, soit placé entre les deux personnes, comme une carafe ou un morceau de pain. Ce « héker » doit être visible ; c’est pourquoi on ne se contentera pas de placer une bague sur la table, car à ce moment-là, le risque de confusion persistera.
Deux personnes, assises à une même table, l’un mangeant de la viande, l’autre du lait, mais éloignées l’une de l’autre, peuvent manger « ensemble » sans héker. On entend par « éloignés », si les deux personnes tendent les mains, et qu’aucun contact ne peut s’établir entre elles.
Evidemment, une personne mangeant seule, ne pourra pas poser sur une même table du lait et de la viande, même avec un « héker » ; car celui-ci n’a de sens, que dans la mesure où l’un peut rappeler à l’autre l’interdiction de mélanger son plat. En revanche, si l’on mange seul, il sera possible de nommer un « chomer », une personne qui veillera à ce que l’on ne touche pas la viande, lorsque l’on mange du fromage et vice-versa. Ceci est valable même si le chomer ne mange pas avec nous.
Un mineur (moins de 13 ans) ne pourra pas être « chomer », car celui-ci ne sera pas crédible, pour ce genre de mission ; aussi un adulte mangeant son plat de viande, ne pourra pas inviter à sa table, un enfant mangeant son yaourt, même en posant un « héker ». Bien que certains décisionnaires soient indulgents pour ce cas, le Rav Isaac Yossef שליטא dit qu’il faut être rigoureux et s’abstenir de manger dans ces conditions avec un enfant, sauf si chacun mange sur une table différente ; une autre solution, consiste, à nommer un « chomer », qui surveillera l’enfant et l’adulte.
Traduction et adaptation par Rav F. Elbaze