Se réjouir le jour de Pourim – Rav David Pitoun
Se réjouir le jour de Pourim
QUESTION
De quelle façon doit on se réjouir le jour de Pourim ?
DÉCISION DE LA HALA’HA
Nous avons le devoir de faire un important repas le jour de Pourim. Ce repas doit être constitué de viande et accompagné de pain. Il doit être également le plus savoureux possible. Nous avons également le devoir de boire du vin lors de ce repas. Nous devons boire plus qu’à notre habitude.
ATTENTION !!
Malgré notre devoir de boire du vin lors du repas de Pourim, il est strictement interdit de s’enivrer, car l’ivresse est bannit par notre Sainte Torah. (Ceux qui liront les sources et développement, comprendront mieux ce que je veux dire !)
Il faut simplement boire de sorte à être d’humeur joyeuse, afin de mieux prendre conscience des Miracles et des merveilles dont nous a fait bénéficier Hashem.
Le fait de boire plus qu’à notre habitude, doit provoquer un sommeil dans lequel il nous sera impossible de faire la différence entre « Arour Haman » (« Maudit soit Haman ! ») et« Barou’h Morde’haï » (« Bénit soit Morde’haï ! »).
Ainsi, nous nous acquittons de notre devoir de boire le jour de Pourim.
Nous n’avons pas le devoir de nous adonner à la débauche et à la débilité, et de diminuer notre dignité aux yeux des autres, mais seulement de nous réjouir du plaisir qui nous mènera vers l’amour d’Hashem, et vers la reconnaissance pour les Miracles qu’Il nous prodigue.
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SOURCES ET DÉVELOPPEMENTS
Il est tranché dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 695-1) :
Il est un devoir de faire un grand repas le jour de Pourim.
Le’hate’hila (selon le Din à priori), il faut consommer du pain et de laviande lors de ce repas.
Il est également tranché au même chapitre (parag.2) :
Tout homme a le devoir de s’enivrer le jour de Pourim, au point de ne plus faire la différence entre « Arour Haman »(maudit soit Haman) et « Barou’h Morde’haï » (bénit soit Morde’haï).
Cette Hala’ha prend sa source dans la Guemara Meguila (7b)
Le RAMBAM écrit (chap.2 des Hala’hot relatives à la Meguila, Hal.15) :
« Comment devons nous faire ce repas ? Il faut consommer de la viande et préparer un bon repas selon ses possibilités. Il faut aussi boire du vin jusqu’au stade d’être ivre pour aller ensuite dormir du fait de cette ivresse. »
Le Maguid Mishné précise que la source du RAMBAM se situe dans la Guemara Meguila 7b où l’on enseigne une Hala’ha selon laquelle :
Tout homme a le devoir de s’enivrer le jour de Pourim, au point de ne plus faire la différence entre « Arour Haman » et « Barou’h Morde’haï » .
Or le Maguid Mishné fait remarquer que dans cette Hala’ha, le mot utilisé pour désigner « Pourim » est le mot araméen « Pourya » qui signifie également en araméen « lit ». Ce qui indique donc que l’alcool consommé à Pourim, doit l’être uniquement dans le but d’être cuvé ensuite dans un lit, où l’on n’est plus à même de faire la différence entre « Arour Haman » et « Barou’h Morde’haï ».
Le Meïri écrit (commentaire sur Meguila 7b) :
« On a le devoir de multiplier la joie le jour de Pourim, ainsi que de manger et de boire de façon consistante … Mais cependant, nous n’avons pas le devoir de boire au point de s’enivrer et de diminuer notre dignité aux yeux des autres. Nous n’avons pas le devoir de nous adonner à la débauche et àla débilité, mais seulement de nous réjouir du plaisir qui nous mènera vers l’amour d’Hashem, et vers la reconnaissance pour les Miracles qu’Il nous prodigue. »
Le Or’hot ‘Haïm écrit (Hala’hot Pourim note 38) que la Hala’ha citée dans la Guemara (7b) selon laquelle tout homme a le devoir de s’enivrer le jour de Pourim, au point de ne plus faire la différence entre « Arour Haman » et « Barou’h Morde’haï » ne signifie pas qu’il faut s’enivrer, car l’ivresse représente un interdit formel, et il n’y a pas plus grande ‘Avera que de s’enivrer puisque l’ivresse entraîne la débauche et le meurtre ainsi que d’autres transgressions. Il faut seulement boire plus qu’à son habitude.
Telle est également l’opinion du Kol Bo cité par le RAMA (O.H 695-2)
Selon le RAVEYA (fin du chap.564), cette Hala’ha vient seulement indiquer une Mitsva, et non une totale obligation. Cette opinion est aussi partagée par le Hagahot Maïmoniyot (chap.2 des Hal. relatives à la Meguila) et citée par le Shou’t MAHARYL (chap.56) et par leRAMA dans Darké Moshé.
Le GaRA (Le Gaon Rabbi Eliyahou de Vilna) écrit dans son commentaire sur le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 695) que le fait de boire plus qu’à son habitude, entraîne le sommeil dans lequel, nous ne sommes pas en mesure de définir quel est le plus grand miracle : la chute de Haman, descendent de ‘Amalek, ou bien l’accession de Morde’haï au pouvoir. Ceci est le sens de « ne pas savoir faire la différence entre « Arour Haman » (maudit soit Haman) et « Barou’h Morde’haï » (bénit soit Morde’haï).
Tel était l’usage de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal le jour de Pourim lors du repas, il ne s’enivre pas, mais boit simplement un peu plus qu’à son habitude, pour ensuite aller se reposer durant l’après midi. Même ce jour-là, il ne s’autorise certainement pas de ne pas étudier la Torah, mais au contraire, il reste assis avec assiduité et étudie la Torah la nuit comme le jour. Le mérite de l’étude de la Torah le jour de Pourim a une importance encore plus grande que les autres jours de l’année, car ce jour-là, très peu de personnes étudient la Torah puisque chacun se consacre à la réjouissance de Pourim et aux Mitsvot du jour. Par conséquent, celui qui a le mérite d’étudier pendant ces heures où peu de monde étudie prendra la récompense de tous les autres.
Le Beer Ha-Gola fait remarquer que la valeur numérique des mots« Barou’h Morde’haï » et des mots « Arour Haman » est identique : 502.
Ce qui signifie que lorsqu’on n’arrive plus à calculer cette valeur numérique, on est quitte du devoir de boire.
Le RASHASH (Rabbi Shemouel SHTRASHON, commentateur de la Guemara au 19ème siècle) sur Meguila 7b, ainsi que d’autres Poskim écrivent que dans le temps, ils avaient un Piyout (un poème liturgique) composé de strophes, à la fin desquelles il y avait une fois « Arour Haman »et une fois « Barou’h Morde’haï ». Celui qui avait bu au point de ne plus savoir ce qu’il fallait répondre, était quitte de son devoir de boire.
Cette explication est déjà citée dans le Sefer Ha-Eshkol (tome 2 page 27).
Elle est aussi rapportée par le ‘Hatam Sofer (sur Meguila 7b) au nom de son maître le Gaon Rabbi Natan ADLER. Le ‘Hatam Sofer ajoute qu’il a trouvé ce Piyout dans le Siddour des juifs de Roumanie édité à Venise.
Le livre ROV DAGAN (du Gaon Rabbi Its’hak ‘ATTIE Syrie 19ème siècle)(fascicule « Ote Le-Tova » note 52) explique qu’il ne s’agit pas d’inverser‘Hass Veshalom entre Haman et Morde’haï, mais simplement de ne plus être en état de raconter le Miracle de Pourim de façon claire.
A la lueur de toutes ces références, chacun doit tirer ses conclusions.
Même si l’on ne se sent pas capable d’oser porter atteinte à « l’usage sacré » (?????) de s’enivrer le jour de Pourim, et de laisser libre cour à tous les débordement sous couvert de la « réjouissance de Pourim », on ne peut pas occulter l’opinion Hala’hique des Poskim sur la gravité d’un tel comportement.
N’ayons pas peur de nous démarquer des autres ! N’ayons pas peur d’agir en conformité avec la Hala’ha même au risque d’être qualifié de marginal !!
Le fait que des individus – même s’ils s’agit de gens qui s’affichent comme pratiquants – s’enivrent et s’adonnent aux comportements les plus scandaleux, indignes de gens de Torah, ne constitue pas une preuve de légitimité au niveau Hala’hique, à l’encontre de tous les Poskim que nous avons cité !!!
Donnons plutôt une forme plus spirituelle au repas de Pourim, en prononçant des paroles de Torah et des chants sacrés. Ce repas peut devenir un véritable repas de réjouissance de Mitsva et d’amour d’Hashem, mais peut aussi – ‘Hass Veshalom – devenir un repas vide de tout contenu, et constitué uniquement de débilité et de futilité !
En agissant comme nous l’avons suggéré, chacun peut mériter de s’attirer le respect des autres, et transformer l’aspect de son foyer en une maison où règnent l’amour de la Torah et la Crainte d’Hashem.
RaMBaM ou Maïmonide Rabbi Moshé Ben Maïmon Espagne – Egypte 12ème siècle
Meïri Rabbenou Mena’hem Ben Shlomo HaMeïri France 13ème et 14ème siècle
Or’hot ‘Haïm Rabbenou Aharon Bar Rabbi Yaakov France 13ème siècle
Maran ou « Notre maître » en araméen. Rabbi Yossef KARO, 16ème siècle, Espagne – Israël, l’auteur du Beit Yossef et du Shoul’han Arou’h
RaMA Rabbi Moshé ISSERLEISS Pologne 16ème siècle, opinion Hala’hic principale pour les Ashkenazim
Article de l’auteur, Rav David Pitoun, initialement publié sur son blog http://ravdavidpitoun.blogspot.com/