Roch hachana, le Roi du jugement- Rav Mordekhai Chriki
Roi du jugement
A priori, il y a une contradiction dans cette définition de D.ieu car un roi n’est pas un juge! Le roi pardonne plutôt qu’il ne sanctionne, il n’est donc pas correct de le nommer »juge »!
Le jour de Roch Hachana, la force de sa royauté se révèle surtout dans le fait que rien ne peut entraver sa volonté. Mais d’un autre côté, ce jour est le jour du jugement. Comment arriver à réunir ces deux notions a priori contraires? La royauté définit son pouvoir illimité au-dessus des autres et même des lois, et de l’autre côté le jugement qui est la définition même de la limite. En vérité, ni la royauté ni le jugement ne sont mentionnés dans la Torah à propos de ce jour. Dans la Torah, seuls sont mentionnés le »jour du son du Chofar » ou le »jour du souvenir ». Peut-être peut-on dire que le Chofar est le symbole de la royauté, et que le souvenir symbolise du jugement. De même, le Chofar peut être le symbole de la peur réveillée par le jugement.
Dans la Mishna, il est écrit »le jour de Roch Hachana, tous les habitants de ce monde passent devant le juge comme les animaux d’un troupeau ». Nous sommes jugés tel le marquage toutes les dix bêtes d’un troupeau. Il semble que ce soit cela le jugement de Roch Hachana, marquer les événements, faire une trace par le jugement, ordonner le jugement. Devant Dieu, tout est dressé, le passé, le présent et le futur. Ce jour-là, il remet en place tous les événements. Le jugement étant en vérité une mise en ordre des événements. Est-ce que ce souvenir est là pour réellement amener le jugement?
Le Zohar explique: »le jour de Roch Hachana, le jugement s’assoit ». À Roch Hachana, le jugement n’agit pas, il est prononcé mais pas appliqué. Même si nous disons que ce jour est le jour du jugement, ce n’est pas un jugement qui va se matérialiser. C’est à Kippour que le décret va se matérialiser. Mais à Roch Hachana, quelle est l’utilité du jugement? Le jugement de Roch Hachana n’existe que dans la limite du »potentiel ». Quel est le besoin d’ordonner les événements s’ils ne sont qu’en potentiel ? Nous pouvons nous interroger d’une autre manière: quelle est la nature, l’essence du jugement de Roch Hachana ? Il est interdit le jour de Roch Hachana de mentionner nos fautes, de réveiller le jugement. Il est interdit de se repentir ce jour car c’est un »YOM TOV » (jour de fête).
Il y a en vérité un décret du jugement mais sans l’application du jugement. Chaque année, ce type de jugement se renouvelle, qui juge même les morts. Il faut comprendre quel est le besoin de juger chaque année les morts ! En vérité le jugement n’est pas un acte tranché qui déclenche une sentence soit bonne soit mauvaise.
Dans la porte 79, le Ramh’al parle d’une autre sorte de jugement, il parle du jugement dernier, du jugement du »grand jour », le »jour du grand jugement » qui fait référence au jour de la résurrection des morts où tout le monde est jugé, et saura s’il va revivre ou non. Le jugement pour Dieu est d’ordonner devant lui tous les actes depuis le début de la création jusqu’à sa fin. Selon cet ordonnancement de tous ces actes, la perfection de l’unité de Dieu sera connue. Et selon cette perfection, l’éternité va alors apparaître, une éternité sans fin et sans but. Chaque action a un but : la révélation de l’unité divine, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Cette révélation va se faire par la force de l’enchaînement de toutes ces actions, de tous ces événements, qui se révèlent être une trame dans la conduite divine ; dont le but est la révélation de son unité. Dieu étant le maître de toutes les actions de ce monde, depuis sa création jusqu’à la révélation finale. Rien n’est laissé au hasard, rien n’est accidentel, tout est calculé. Il est vrai qu’il y a le libre-arbitre pour définir qui est mécréant et qui est juste. Mais le mécréant, en fait, n’est que celui qui a l’illusion d’agir contre la volonté divine, et même un acte bon, s’il est fait dans cette optique d’autonomie, n’est pas jugé bien, car il est toujours perçu de manière duelle où la présence divine est absente. Mais en réalité, l’acte en lui-même procède de cette unité. Et c’est cela, Sa royauté, la révélation de son unité dans l’ordonnancement de tous les actes. Ces actes seront la révélation de Son unité, qu’ils soient accomplis de manière juste ou de manière duelle ; et même en ressentant que l’homme se révolte et agit contre la volonté divine. Le septième millénaire est dans le mystère du septième mois, le mois de Tichri. C’est le mois de la Malkhout. C’est la fin d’un cycle qui a duré un an, de même que le septième millénaire est la fin d’un cycle de six millénaires de dualité. En réalité, le jugement de fin de cycle est un ordonnancement de tous les actes qui s’enchaînent l’un dans l’autre. C’est une prise de conscience dans la manière d’agir. Si l’acte était en union avec Dieu, où Dieu est non seulement le Créateur mais aussi l’acteur, ou alors, a contrario, c’est MOI qui agis même si c’est en Son nom, étant (moi-même) le déclencheur et l’acteur où JE suis au même niveau que Dieu, et donc au-dessus de Lui car ayant force de décision. Est-ce que l’homme agit dans cette voie de l’unité, ou bien dans cette voie duelle de la récompense et de la punition ? Est-ce que l’acte de l’homme a été fait pour révéler l’unité divine ou bien pour son intérêt personnel ? C’est sur cela que porte le jugement de Roch Hachana. L’homme moyen, c’est-à-dire celui qui agit parfois de manière intéressée et parfois de manière désintéressée. Dans quelle voie se situe l’homme tout au long de cette année ? Dans la voie de l’unité ou bien dans celle de la dualité ? Dans la perception de l’arbre de vie ou dans celle de l’arbre de la connaissance? C’est ce qui est englobé dans la définition de la Mitsva lichma, dénuée d’intérêt personnel, ou alors de la Mitsva ché lo lichma, avec un intérêt personnel. Car même dans les Mitsvot qui sont les commandements divins, donc a priori dirigées vers Dieu, il y a place pour la dualité et pour la dissimulation de l’unité divine. Nos maîtres vont jusqu’à dire qu’une faute accomplie par inadvertance, ne sachant pas que cela était une faute, et faite pour l’honneur de Dieu, Lichma, est plus grande qu’une Mitsva faite pour son propre intérêt, Ché lo lichma.
Comment à la fin des temps, Dieu va-t-il fixer qui a droit à l’éternité, c’est-à-dire vivre avec cette perception continuelle que Dieu « est en NOUS » ? C’est justement selon la façon dont toutes ces actions, qui étaient dans le chemin de la révélation divine, ont été accomplies.
Nous pouvons comprendre maintenant ce que dit le Ramh’al sur les mots ‘‘souviens-toi de nous pour la vie » ou encore »les livres des vivants et des morts sont ouverts ce jour-là ». Que représentent ces « livres des vivants et des morts » ? Ce sont les livres des justes et des mécréants. Un homme peut vivre toute l’année et toute sa vie, tout en étant écrit sur le livre des morts. C’est-à-dire que cet homme ne prend pas conscience de sa fonction dans la direction divine. Il pense vivre selon sa propre volonté, déconnecté de la présence divine bien qu’il puisse agir pour la gloire divine, car tant qu’il ressentira une autonomie dans ses gestes, il aura la preuve qu’il n’est pas dans la direction divine de manière consciente. Nous devons prendre conscience que Dieu est en nous à chacune de nos pensées, de nos paroles et de nos actions. Nous pouvons accomplir nombre de Mitsvot, mais les accomplir de manière habituelle en étant toujours connecté à la conscience pulsionnelle du corps. Nous devons ressentir que nous ne sommes que l’engendrement de Dieu et non une entité autonome séparée de lui. Ces livres qui sont ouverts ce jour précis vont fixer la vie spirituelle de l’homme. Est-ce que l’homme sera proche ou non de la présence divine ou non dans sa vie? Est-ce que la vie de l’homme sera une vie de Kédoucha ou non ? Le juste est celui qui fait épancher sa vitalité de la Kédoucha, du sacré lui-même. C’est cela la vie, cette énergie divine qui coule au plus profond de la conscience humaine et qui la renforce de plus en plus. La mort, dans cette perception, est une mort spirituelle où Dieu n’est pas présent dans la conscience humaine, où le corps est de plus en plus épais, c’est-à-dire ayant cette sensation que rien ne peut se faire sans cette volonté pulsionnelle du corps. Le corps domine alors la conscience en lui faisant croire qu’il est lui-même sa propre conscience.
C’est une vie de mort. Ce n’est pas une vie qui tire sa vitalité de l’énergie supérieure mais d’une sorte de batterie qui fait vivre le corps sans lien avec la source divine et génératrice. Et c’est ce qui est inclus dans le principe du prélèvement de la dixième bête, qui est réservée pour Dieu, c’est la vie dans la Kédoucha. Et même si cette bête a un défaut, elle est sacrée ; il en va de même pour notre vie : même si elle est parsemée de fautes, tant qu’elle est tournée vers le sacré, cela est considéré comme la vie et non comme la mort. Dieu a un but à la création du monde: la révélation de son unicité. Le jour de Roch Hachana, Dieu regarde où en est sa création dans cette réparation et que doit-il faire tout au long de cette année. Roch Hachana d’après le Zohar et le Ramh’al n’est pas un jour de jugement mais le jour de la construction de la Chékhina, de la Noukva, une nouvelle fois, en la purifiant de tous les défauts des actions de ce bas-monde afin d’épancher sa vitalité bénéfique dans toute la création. Les fautes bouchant, si l’on peut s’exprimer ainsi, ces canaux, qui permettent l’épanchement de l’énergie divine. Ce jour, la Malkhout se purifie de toutes ses actions. Il y a une nouvelle construction qui se met en place, une purification des mondes. Se purifient tous les Partsoufim des mondes supérieurs, et alors, se renouvelle la construction de la Malkhout de cette année. Roch Hachana, les MOH’IN, les grands cerveaux se renouvellent pour s’épancher de nouveaux vers la Noukva. C’est ce que nous définissions auparavant comme étant la Kédoucha. Le livre des vivants étant le principe des MOH’IN, le principe de la Kédoucha qui se déverse sur la personne. C’est cela en vérité la révélation de la Malkhout. Et sans la Kédoucha, sans les MOH’IN, le roi ne peut se révéler. Ainsi l’homme qui va s’attacher à la Kédoucha va se transformer lui-même en Kédoucha. C’est cela le jour de Roch Hachana, le moyen de se relier à la Kédoucha malgré tout notre passé comme la dixième bête du troupeau qui devient sacrée d’elle-même. C’est cela le souvenir, la possibilité qu’a l’homme par l’intermédiaire des MOH’IN, de se relier à la vie éternelle. Et par le son du Chofar, les MOH’IN vont pouvoir s’introduire dans la Noukva. Le son du chofar est considéré comme le souffle divin qui donne vie à l’homme, le souffle des MOH’IN qui s’épanche dans la Noukva.
Chaque année, toutes les actions passées reviennent devant la conduite divine afin de voir comment elles se situent, à ce moment-là, dans la conduite vers la révélation de l’unité de la fin des temps.
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