Les remontrances liées au Chabbat – Cours de Rav Ovadia Yossef Zatsal
Les remontrances liées au Chabbat
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Nous allons aborder le problème délicat des remontrances à faire à autrui lorsque celui-ci ne respecte pas Chabbat.
Cette publication est extraite du livre Shiouré Harashal Tome 1, Parashat Vay’hi (page 224) qui est la transcription des cours du samedi soir de Maran Rav Ovadia Yossef Zatsal
Les remontrances liées au Chabbat
Au passage, lorsque nous disons « Hayav » (doit apporter un sacrifice expiatoire si l’interdit a été commis de manière involontaire) ou « Assour » (interdit) à propos du Chabbat, il faut connaître l’importance des interdits qui touchent au Chabbat. Car respecter le Chabbat (ne pas faire d’interdits du Chabbat ou accomplir des Mitsvot positives) est quelque chose d’une très grande importance, et le transgresser est très grave.
Le Chabbat n’est pas comme les autres Mitsvoth, les autres commandements. Un individu qui transgresse une des autres Mitsvoth, commandements positifs ou négatifs, bien qu’il soit puni, est toujours considéré comme un juif. Par contre celui qui transgresse le Chabbat en public (de manière dévoilée, ostentatoire) a le même statut qu’un non juif, et est considéré comme celui qui dit « je n’ai pas de part dans le D.ieu d’Israël » [comme un renégat complet ; il garde évidemment son statut de juif].
En conséquence quelqu’un qui conduit une voiture Chabbat est considéré comme quelqu’un qui transgresse le Chabbat en public, de manière dévoilée.
Quelqu’un qui transgresse Chabbat en public ressemble à un commerçant qui a un magasin, et dont les biens diminuent, son magasin se vide peu à peu jusqu’à ce qu’il doive retirer son enseigne (fermer le magasin). Alors tout le monde sait qu’il a fait faillite. S’il n’a pas encore retiré l’enseigne, alors il a l’espoir de renouveler son magasin et de le remplir de marchandises.
Il en est de même de celui qui commet des fautes (des âvéroth) et se vide sa judéité, de sa sainteté ; il est comme quelqu’un qui vide peu à peu son magasin de ses marchandises ; mais celui qui transgresse Chabbat est comme s’il faisait savoir qu’il a fait faillite, une faillite spirituelle, et lorsqu’il ne respecte pas le Chabbat, c’est comme s’il enlevait l’enseigne de son magasin complètement (il a complètement fermé boutique, a quitté le cadre de la Judéité).
Le Rambam et le Shou’han Aroukh ont tranché que celui qui transgresse Chabbat ne peut être associé au compte du Minyan (les 10 hommes nécessaires pour constituer une « communauté », faire la prière en public, dire Qaddish, lire la Torah avec bénédictions …).
S’il y a 9 personnes qui attendent impatiemment le dixième pour compléter le Minyan, une personne qui transgresse Chabbat ne peut être associée (malgré tout) pour pouvoir faire la répétition de la Âmida [prière debout] (le Rambam n’a pas été dur dans ses propos car ses paroles sont mesurées comme lorsqu’on pèse de l’or, mais telle est la halakha ; voir par exemple Rambam Hilkhoth Irouvin Ch. 2 §16).
Cependant, certains sont plus souples de nos jours pour associer quelqu’un qui transgresse Chabbat au Minyan en cas de force majeure, tant que son statut est celui « d’un enfant qui a été kidnappé » (par les non juifs et donc n’est pas responsable ; de nos jours, l’assimilation peut donner un tel statut à de nombreuses personne car la personne est née dans une famille où elle n’a pas appris l’importance et les lois du Chabbat). Malgré tout, si quelqu’un qui transgresse Chabbat dit le Qaddish, il faut qu’un autre juif qui respecte la Torah et les Mitsvoth dise le Qaddish en même temps que lui. En cas de force majeure il est possible de l’associer au compte des dix hommes du Minyan pour pouvoir dire Qaddish (voir Yalqouth Yossef T1 page 93).
Il est vrai que nombreux sont ceux qui ne connaissent pas « ça » [l’importance du Chabbat] et voyagent en voiture pendant Shabbat, même si par ailleurs ce sont des gens bons, ayant de bonnes actions, et font des dons aux Yéshivoth, ont une bonne âme (Néshama) ; cependant il est très dommage qu’ils ne respectent pas et détruisent leur âme.
Il faut leur faire des « reproches » avec des paroles qui sont acceptées par le cœur (qui touchent le cœur), et une langue belle (sans agressivité par exemple)
Il ne faut pas crier contre quelqu’un qui transgresse Chabbat « Shabbesssssssss !!!!!!!!!! » car les cris ne conviennent pas pour faire des reproches !
Mais il faut faire des reproches de manière aimable : « Nos frères, nos bien aimés, aujourd’hui c’est Chabbat, ce travail est interdit Chabbat » ; ces propos (bien adaptés) sont importants pour celui qui les reçoit, afin qu’il revienne vers le meilleur. Et, là où se tient quelqu’un qui a fait Téshouva, même des Tsadiqim (justes) parfaits ne peuvent se tenir ! [Car lui a goûté à la faute et pas les Tsadiqim parfaits].
Celui qui n’est pas capable de faire des remontrances calmement, avec une langue belle et avec civilité n’a pas le droit de faire des reproches. Car (s’il n’a pas ces qualités) il va crier et l’autre va lui répondre ! Il va lui faire des reproches (tu as fait ceci) et l’autre va lui rétorquer en mettant en exergue ses failles (mais toi, tu fais cela) ; car il n’y a pas de Tsadiq (juste) sur terre qui fait le bien mais qui n’a pas (jamais) fauté !
En conséquence, il faut parler avec respect, savoir-vivre. Il est écrit (Lévitique Ch. 19 v18) « tu aimeras ton prochain comme toi-même » !!
De même que c’est une Mitsva (une « obligation religieuse ») de dire (à quelqu’un) une chose qui sera écoutée (qui a des chances d’être écoutée), de même il est interdit de dire une chose qui ne sera pas écoutée.
Racontons une histoire (un fait) concernant le Tsémah Tsédeq (Zatsal) qui était Admour de Loubavich il y a plus de 150 ans (et grand père du dernier Rabbi de Loubavich). [(29 Elloul 1789 – 13 Nissan 1866)]
Une fois, l’Admour a demandé à son aide (son « Chamach ») d’aller avec lui sur le chemin. L’aide a pris ses affaires et est sorti avec l’Admour. Ils arrivèrent à la maison d’un riche personnage qui n’était autre que le directeur de la banque locale. L’aide frappa à la porte et le riche personnage ouvrit sa porte ; il fut fort surpris de voir l’Admour en personne venir chez lui !
Immédiatement, il leur demanda de rentrer dans sa splendide demeure et de s’asseoir. Il leur présenta des fruits ; cependant ils ne prirent rien du tout. L’Admour resta assis plongé dans ses pensées pendant tout ce temps et au bout de cinq minutes se leva et partit vers la porte (pour sortir de la maison).
Le riche personnage qui n’avait rien compris au comportement de l’Admour, demanda « Votre honneur est venue chez moi, pour quel besoin ? ».
L’Admour lui répondit : les sages nous ont appris :
- De même que c’est une Mitsva (une « obligation religieuse ») de dire (à quelqu’un) une chose qui sera écoutée (qui a des chances d’être écoutée), de même il est interdit de dire une chose qui ne sera pas écoutée.
Le riche s’étonna et dit : « d’où le Rabbi peut-il savoir si je ne vais pas l’écouter ? ».
L’Admour lui répondit : « je sais que vous n’allez pas écouter ! » ; et il se prépara à sortir.
Le riche était perplexe et était honteux du fait de ces propos ! Il dit peut-être vais-je écouter ce que vous allez me dire ? ». Après un échange d’arguments (une négociation), l’Admour revint à sa place et dit : « il y a une veuve avec six orphelins qui a des dettes envers la banque qui est sous votre direction. La banque lui envoie chaque mois des lettres de relance ; la dernière lettre s’est faite plus menaçante, c’est une lettre de mise en demeure la menaçant que si elle ne rembourse pas ses dettes alors ils vendront sa petite maison et la jetteront à la rue, cette lettre porte votre signature !
Le directeur, perplexe, répondit que, dans le fond des choses il n’était qu’un exécutant, dont la fonction est de faire gagner la banque ! (Il n’a pas la latitude d’effacer une dette) !
L’Admour commença à gémir et dit : « j’ai fauté ! je n’ai pas écouté les paroles des Sages, j’ai dit à un homme des propos qu’il est interdit de lui dire ! car c’est une Mitsva de ne pas dire une chose qui ne sera pas écoutée ».
Le directeur vit à quel point l’Admour était touché ! Il prit sur lui personnellement de rembourser la dette de cette veuve ….
Alors, l’Admour le bénit : « que Sa bonté et Sa richesse ne quittent jamais votre maison ni votre descendance »
De cela nous voyons comment il faut se comporter pour faire des remontrances ; avec intelligence et sagesse ; celui qui vient se purifier [lui-même] il est aidé (du ciel), à plus forte raison celui qui vient purifier les autres !!