Règles relatives aux bénédictions du matin – N°7
(selon le Hala’ha Béroura sur Shoul’han ‘Arou’h O.H chap.46)
Un non-voyant récite-t-il la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim » (« qui donne la vue aux non-voyants ») ?
Un malentendant récite-t-il la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … » (« qui donne la sagesse au coq pour discerner le jour de la nuit ») ?
Résumé
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Selon certains décisionnaires, le non-voyant ne doit pas réciter la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim ». Selon d’autres, il peut la réciter.
Nous ne sommes pas face à un véritable doute (ou une véritable divergence d’opinion) en matière de récitation d’une bénédiction, où l’on devrait trancher qu’il ne faut pas la réciter, car ce principe ne s’applique pas lorsque l’opinion qui indique de ne pas réciter la bénédiction est représentée par un seul décisionnaire, comme c’est le cas ici.
De plus, puisque nous récitons les bénédictions du matin sur le bon fonctionnement du monde et non par obligation individuelle (voir exposé N°6 de cette série), on pourrait concevoir la récitation de cette bénédiction par le non-voyant puisque d’autres personnes voient et peuvent le guider.
Par conséquent, si un non voyant désire réciter cette bénédiction, il a sur qui s’appuyer dans la Hala’ha.
Cependant, s’il pose la question, il faut lui répondre de s’en abstenir.
Par contre, le malentendant peut tout à fait réciter la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … ».
Développement
Selon le Hagahot Maïmoniyot (chap.7 des règles de la prière), le non-voyant ne récite pas la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim ». De même, le malentendant ne récite pas celle de « Ha-Noten La-Se’hvi … ». Ceci en raison du fait qu’ils manquent tous les deux de l’une ou de l’autre de ces 2 capacités physiques.
Telle est également l’opinion du Sefer Ha-Agouda (Bénédictions chap.210).
Selon cette opinion, puisque le non-voyant comme le malentendant sont tous les deux exclus de la possibilité de tirer profit du sujet de ces 2 bénédictions, nous ne pouvons pas estimer qu’ils les récitent sur le bon fonctionnement du monde.
Opinions des décisionnaires concernant « Pokéya’h ‘Ivrim » pour le non-voyant
Mais le Péri ‘Hadash (sur O.H 46 note 8) écrit qu’il est évident que le malentendant récite la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … », puisque nous récitons les bénédictions du matin non pas par obligation individuelle mais pour le bon fonctionnement du monde.
Il cite également une preuve pour le non-voyant.
En effet, le non voyant récite la bénédiction de « Yotser Ha-Méorot » dans la prière de Sha’harit (dans les bénédictions du Shéma’), alors que cette bénédiction traite de la création des luminaires dont un non-voyant ne profite pas !
Nous justifions la récitation de cette bénédiction par le non-voyant en s’appuyant sur le fait que d’autres personnes peuvent profiter de la lumière des luminaires, et grâce à cela guider le non-voyant.
Il en est de même pour la récitation de « Pokéya’h ‘Ivrim ».
Cependant, dans son livre Maté Yéhouda (Ibid. note 3), le Gaon Rabbi Yéhouda ‘AYASH réfute les propos du Péri ‘Hadash concernant le non-voyant, car la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim » traite de la clairvoyance retrouvée par les yeux du non voyant, alors que la bénédiction de « Yotser Ha-Méorot » traite de la création des luminaires, qui sont des éléments physiquement extérieurs au corps du non-voyant.
Dans son livre KOL HA-REMEZ (sur Méguila chap.4 Mishna 6), le Gaon et Kabbaliste Rabbi Moshé ZAKOUT z.ts.l soutient l’opinion du Péri ‘Hadash, et tranche que le non-voyant récite la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », en invoquant la même raison, selon laquelle d’autres personnes voient et tirent profit de la lumière, et peuvent ainsi guider le non-voyant.
Dans son livre Birké Yossef (Ibid. dans la partie Shiyouré Béra’ha), notre maitre le ‘HYDA cite les propos du KOL HA-REMEZ et les soutient du point de vue de la Hala’ha. Il tranche donc que le non-voyant récite la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim ».
[Il est vrai que dans Birké Yossef, le ‘HYDA soutient dans un premier temps que le non-voyant ne doit pas réciter la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », mais en définitif, il est revenu sur son opinion dans l’additif Shiyouré Béra’ha.]
Nous avons donc une divergence d’opinion parmi les décisionnaires concernant la récitation de la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim » par le non-voyant, même si cette divergence semble peu équilibrée puisque seulement un seul décisionnaire (Maté Yéhouda) pense qu’il ne doit pas la réciter, alors que 3 autres (Péri ‘Hadash ; KOL HA-REMEZ et ‘HYDA) sont d’avis qu’il doit la réciter.
Mais il semble par contre que la récitation de la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … » par le malentendant soit quand même acceptée.
Opinion du Maguen Avraham
Il est assez difficile de définir l’opinion du Maguen Avraham de façon claire sur ce point.
En effet, le Maguen Avraham écrit (Ibid. note 14) que le non voyant ne doit pas réciter la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », se rangeant ainsi à l’opinion du Maté Yéhouda cité précédemment.
Mais le Gaon Rabbi ‘Akiva EIGUER cite son grand père auteur du Shou’t Mishnat Rabbi ‘Akiva (sect. O.H chap.46) qui atteste qu’une erreur de copiste s’est glissée dans les propos du Maguen Avraham tel qu’ils sont écrits. Selon lui, il faut corriger et dire : « le non voyant récite la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim ».
Cette erreur de copiste dans les propos du Maguen Avraham est aussi dénoncée par d’autres décisionnaires comme le Péri Mégadim (Eshel Avraham note 14), et le Lévoushé Sérad (note 11) qui ajoute que selon le Maguen Avraham, le malentendant ne récite pas la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … ».
Mais d’autres décisionnaires interprètent les propos du Maguen Avraham tel qu’ils sont écrits, et selon lesquels, le non-voyant ne récite pas la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », mais le malentendant récite la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … ».
Telle est l’interprétation des propos du Maguen Avraham et l’opinion personnelle du Yad Efraïm, du Baer Hétev (note 12), du Gaon Rabbi Zalman dans son Shoul’han ‘Arou’h (paragr.7).
C’est ainsi notre maitre le ‘HYDA explique dans son livre Birké Yossef (note 13) l’opinion du Maguen Avraham selon laquelle le non-voyant ne récite pas la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », mais le malentendant récite la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … ».
Quoi qu’il en soit, de nombreux décisionnaires tranchent que le non voyant récite la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim », ce qui correspond à l’opinion du Maguen Avraham, selon la deuxième interprétation de ses propos (ainsi qu’à l’avis du Péri ‘Hadash et des décisionnaires partagent son opinion).
Parmi ces décisionnaires : Elya Rabba (note 12) ; ‘Hayé Adam (règle 8 note 3) et le Dere’h Ha-‘Haïm cités par le Mishna Béroura dans Sha’ar Ha-Tsiyoun (note 21) qui approuve leur opinion (Mishna Béroura note 25) ; Ben Ish ‘Haï (Vayeshev note 5) ; Kaf Ha-‘Haïm (note 50), et d’autres …
Le Shalmé Tsibbour (page 47d) donne une explication qui justifie la récitation de la bénédiction de « Pokéya’h ‘Ivrim » par le non-voyant.
Selon lui, cette bénédiction ne traite pas du fait de recouvrir la vue physique, mais seulement de retrouver après le sommeil la capacité à voir avec l’intellect, ce qui signifie de retrouver la faculté de compréhension dont est doté l’être humain, et qu’il récupère le matin au réveil.
Selon cela, il n’y a pas de raison d’empêcher un non-voyant de réciter cette bénédiction.
Du point de vue pratique, notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF Zatsoukal tranche dans son livre Shou’t Yabiya’ Omer (tome 5 sect. O.H chap.10 paragr.3) que si le voyant désire réciter cette bénédiction, il a sur qui s’appuyer dans la Hala’ha. Cependant, s’il pose la question, il faut lui répondre de ne pas la réciter, puisque certains décisionnaires s’y opposent, et que cette capacité est totalement absente de sa constitution physique.
En effet, même si par force de tradition confirmée dans les décisionnaires, nous récitons les bénédictions du matin sur le bon fonctionnement du monde et non par obligation individuelle, nous ne pouvons occulter de l’esprit que selon le RAMBAM et MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h, il n’en est rien (voir l’exposé N°6 de cette série). Nous ne pouvons donc pas aller jusqu’à inclure le non voyant dans ce raisonnement.
De plus, nous sommes face à un double doute (« Safek Séféka ») qui justifierait de ne pas réciter cette bénédiction :
- Faut-il réciter les bénédictions du matin même lorsqu’on n’est pas concerné par le sujet de certaines d’entre elles ?
- Même s’il faut les réciter dans tous les cas, faut-il considérer le non-voyant comme totalement exclus de cette bénédiction du fait qu’il est privé de cette capacité physique ?
Concernant la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … » pour le malentendant, même s’il ressort des propos du Hagahot Maïmoniyot et du Sefer Ha-Agouda cités en début de cet exposé que le malentendant ne doit pas réciter cette bénédiction, malgré tout, le TOUR explique que le terme « Se’hvi » désigne aussi le cœur dans le langage des textes. Or, au moyen de la compréhension du cœur, l’être humain discerne le jour de la nuit. Et puisque le coq – appelé en arabe ancien « Se’hvi » – a aussi cette capacité (voir Rosh Ha-Shana 26a), nos maitres ont instauré de réciter cette bénédiction au moment où l’on entend le coq le matin. Fin de citation du TOUR.
A la lueur de cette explication, il n’y a pas le moindre sens à exclure le malentendant de cette bénédiction, puisque lui aussi est doté de la compréhension du cœur, grâce à laquelle il pourra discerner le jour de la nuit.
C’est pourquoi, le malentendant peut – même Lé’hatéhila (à priori) – réciter la bénédiction de « Ha-Noten La-Se’hvi … ».