Rav Baroukh Rosenblum – Balak Bilaam et Mashia’h
Balak Bilaam et Mashia’h
Traduit et adapté par Rav Michaël Smadja
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Cinq chapitres de la Torah ont été appelés au nom d’un homme: « Yitro-Balak-Noah-Korah-Pinhas » et seulement un chapitre est appelée au nom d’un non-juif, « Balak ». Quel a été le mérite de Balak pour qu’une Paracha de la Torah soit nommée en son nom et que Son nom soit transmis aux générations futures ?
La grande majorité des années, cette Paracha tombe avant le dix-sept Tamouz et les Parachiyot »Pinhas-Matot-Massé » tombent dans les trois semaines qui amènent au neuf Av.
Balak Bilaam et Mashia’h
Balak est l’aïeul de Ruth et de toute la descendance du roi David jusqu’au roi Messie et ceci par le mérite des quarante-deux sacrifices qu’il a apportés. De ce fait il a eu le mérite qu’une Paracha soit appelée en son nom. Et c’est aussi pour cela qu’il a voulu détruire le peuple d’Israël car il ne voulait pas que le roi Messie puisse se matérialiser dans ce monde, car cela aurait pour conséquence que tous les peuples n’auraient pas d’existence propre si ce n’est qu’en devenant un seul peuple serviteur de D-ieu.
Le nom de son peuple « Moav » vient du mot « mi av » « de mon père« , ce qui fait référence à l’acte honteux qui a été le principe créateur de son peuple (la relation entre Loth et sa fille). L’effronterie est l’essence même de ce peuple. Balak a dit: « et maintenant va de grâce maudit pour moi ce peuple car il est plus fort que moi (atsoum miméni) ».
Le mot « atsoum » peut aussi se lire « atsmout » » l’essence » et donc Balak dit: »l’essence même de ce peuple qui est le roi Messie, vient de moi « . Pour cela il demande à Bilaam de maudire le peuple non pas parce qu’il a peur de lui, car D-ieu a ordonné de ne pas exterminer Son peuple et au contraire D-ieu a ordonné à Moshé de ne pas faire la guerre contre Moav. La véritable peur est que le peuple d’israël existe et arrive au roi Messie. Ceci il voulait l’empêcher. Et pour cela « et Moav a eu très peur du peuple car il est nombreux (rav)« . Le mot « rav » est composé des deux lettres « rech » pour « ruth » et « beth » pour « Boaz ». Les arrière-grands-parents du roi David. Il a eu peur de sa descendance. Et qu’a hérité la descendance de Moav? Justement cette effronterie qui est la particularité des grands de ce monde, qui mise au service du divin, est une qualité extrême.
« Moav était écœuré (vayakots) de vivre à cause des enfants d’Israël« . On peut lire »vayikats » « il s’est réveillé », c’est-à-dire que dans l’assemblée d’Israël, cette qualité qui caractérise Moav, n’existait pas et il a fallu que l’effronterie rentre dans le peuple d’Israël pour que la royauté s’installe dans ce peuple. Cette effronterie qui caractérise Balak s’est réveillée et s’est diffusée dans le peuple d’Israël.
Les véritables caractéristiques du peuple d’Israël sont la honte et la bonté. Afin d’acquérir cette effronterie, il a fallu éparpiller le peuple dans tous les peuples du monde. Ainsi le Talmud enseigne: « D-ieu a éparpillé le peuple d’Israël dans toutes les terres afin de ramener les convertis ». Et dans quel but? Afin de rassembler toutes les qualités de tous les peuples au service de D-ieu. Chaque conversion ramène une qualité au service divin. La qualité de l’effronterie est l’essence même de Moav qui transpire même dans son nom: »MI AV », celui qui vient de son père. D-ieu a voulu que cette qualité de l’effronterie soit dans le premier roi d’Israël. Pour cela, D-ieu a sauvé Loth de Sédom. Le Midrash explique que D-ieu a trouvé le roi David à Sédom. Dans la grotte où Loth s’est réfugié pendant la destruction de Sédom, il y avait du vin caché depuis les six jours de la création. La providence divine a fait que cette effronterie sorte de Moav par le moyen de Loth.
« Il alla en chemin et il frappa l’ânesse pour la faire revenir dans le chemin« . Bilaam était en chemin pour aller maudire Israël et, d’un coup, il se met à frapper son ânesse ! Comment comprendre son comportement ? Il est dans l’optique de maudire un peuple tout entier, que lui passe-t-il par la tête pour frapper son ânesse ? Lorsqu’elle s’est détournée du chemin pour rentrer dans une propriété privée, Bilaam s’est dit: tu es en train de t’introduire pour voler ? Si nous disons que Bilaam est l’équivalent d’Avraham, celui qui muselait ses troupeaux afin qu’ils ne broutent pas dans les champs des autres, comment l’ânesse de Bilaam peut-elle s’introduire dans un champ qui n’est pas sa propriété ? C’était cela son étonnement.
Exterminer tout un peuple ne lui pose pas de problème mais que son animal s’introduise dans un endroit qui n’est pas le sien cela est un problème!
Il demande à Balak d’approcher sept sacrifices. Pourquoi sept ? Par rapport aux sept Mitsvot des enfants de Noah, par rapport aux sept cieux, par rapport aux sept autels qui ont été érigés pour D-ieu par Adam, Abel, Noah, Avraham, Ytshak, Yaacov et Moshé. Ainsi Bilaam a compris pourquoi D-ieu a chéri tous ces hommes ! Parce qu’ils ont approché des sacrifices. D-ieu aime les sacrifices donc je vais approcher des sacrifices. Extermine ce peuple par le mérite de ces sacrifices afin que tu sois servi par soixante-dix nations plutôt que par une seule nation. Détruis ce peuple et je ferai en sorte que toutes les nations te reconnaissent et te servent et pas seulement avec les sept Mitsvot des enfants de Noah.
Alors D-ieu lui répondit ainsi: « Je connais tes intentions. Tu veux créer une brèche entre Moi et Mon peuple«
Dans son for intérieur, Bilaam pensait réellement que tout ce qu’il faisait était dénué de recherche d’intérêt personnel: « il s’est levé tôt le matin et il a harnaché son ânesse« . D-ieu lui dit: « mécréant, leur ancêtre t’a déjà précédé » Bilaam lui dit: ‘‘regardons ce qu’a fait Avraham. Tu lui aq ordonné de prendre Ytshak et de le monter en tant que sacrifice. Au dernier moment tu t’es ravisé et tu l’as empêché. Mais en fait quelle était la volonté divine? Que Ytshak meure afin que le service divin dans ce monde se fasse par les soixante-dix nations et pas uniquement par le peuple d’Israël. Je fais exactement la véritable volonté divine ». Bilaam était persuadé que son acte était pour l’honneur de D-ieu, pour dévoiler la présence divine sur terre. Jusqu’à ce que D-ieu nous dévoile qui était vraiment Bilaam. Il avait des traits de caractères qui se contredisaient l’un l’autre. D’un côté il était un prophète et de l’autre côté il copulait avec son ânesse. Comment peut-on faire coexister en même temps ces deux pulsions? Un élan vers le divin et de l’autre côté un élan vers la bestialité? Mais pour Bilaam, il n’y avait pas de contradiction. Comment un homme peut d’un côté se prévenir du vol et de l’autre vouloir exterminer un peuple entier ? Mais il n’y a pas de contradiction: d’un côté, il se conduit comme Avraham avinou au sujet du vol et de l’autre, il a voulu parfaire la volonté divine en voulant exterminer le peuple et finir ce qu’Avraham avait commencé au sacrifice d’Ytshak. Nos sages nous dévoilent que Bilaam était entièrement méchant. Rien de bon ne se matérialisait dans sa pensée.
Nous voyons d’un côté que la raison pour laquelle Ruth est de la descendance de Balak est qu’il a apporté quarante-deux sacrifices pour D-ieu et d’un autre côté le Talmud dit que c’est par le mérite de Eglone, descendant lui-même de Balak qui s’est levé lorsque Yéhoud ben Guéra et lui a annoncé qu’il avait une missive de D-ieu à lui lire. Comment concilier les deux enseignements ? En fait, au moment où Bilaam a ordonné de sacrifier des animaux à Balak, celui-ci n’a pas daigné se lever et ainsi il a voulu montrer que Bilaam n’avait pas de pouvoir. Alors Bilaam lui ordonna de se lever car il n’était que l’émissaire de D-ieu. Pour cela, Balak a transmis ce mérite à Eglone de reconnaître D-ieu et de se lever devant lui.
Mais a priori, il y a un enseignement qui se contredit car il est dit: « a plus de mérite celui qui fait faire plutôt que celui qui fait » Comment se fait-il que Bilaam n’ait eu aucun mérite? C’est lui qui a demandé à Balak d’apporter des sacrifices et de se lever devant D-ieu ! Nos sages enseignent dans le traité »Shabbat » ainsi: « il se peut que l’acte d’un homme soit à 99% accompli pour le mal et 1% pour le bien ». Balak a demandé à Bilaam de maudire le peuple d’Israël. Pourquoi a-t-il demandé cela? Car il avait peur et donc son intention n’était pas de l’exterminer comme Bilaam. Il y a dans cet acte, du mauvais mais il y a aussi une pointe de bon, cette peur et donc l’approche de ses sacrifices et cette marque de respect de se lever devant D-ieu devient, malgré tout le mauvais, un mérite qui va faire que Ruth va devenir sa descendance mais Bilaam était complètement » mal ».
Alors le roi Yanaï avertit sa femme ainsi: « méfies toi de ceux qui agissent comme Zimri et qui demandent le salaire de Pinhas ». Dans le Talmud, il est écrit: « le peuple s’est installé à Shitim ». C’est un endroit où celui qui boit de ses eaux, devient ivre de désirs. L’arche sainte, le Aron était fabriqué de bois de Shitim, rempli de désirs spirituels. Lorsqu’ils sont arrivés à Shitim, est venu Bilaam pour donner l’idée monstrueuse de faire fauter les enfants d’Israël par la débauche. Comment ? Il a dit aux Mydianim de prendre beaucoup de ‘Pichtan », de »lin » afin de les proposer aux enfants d’Israël car le lin protège l’homme de beaucoup de souffrances. Lorsqu’un homme part de ce monde, on le vêtit d’un linceul, vêtement en lin, car cela est un élément protecteur et salvateur contre les forces du mal. Le peuple d’Israël désirait ce Pichtan et Bilaam savait que les enfants d’Israël étaient prêts à payer très cher pour s’en procurer. Alors il a installé les filles de Mydian dans des endroits remplis de Pichtan pour les attirer puis leur proposèrent du vin pour les faire fauter mais à la condition de servir les dieux étrangers. Alors les enfants d’Israël ont fait deux fautes, la dépravation et l’idolâtrie et est venu Zimri ben Salou et a dit à Moshé Rabbénou: en bas elles leur vendent du lin mais les font fauter par deux fautes. Au lieu de les laisser faire deux fautes, qu’ils se dépravent dans le camp et ainsi ils ne fauteront qu’une seule faute et par cela, ils ne feront pas la faute de l’idolâtrie. Alors Pin’has est venu en face de Zimri et a dit qu’il est strictement interdit de faire de dépravation dans le camp d’Israël. Alors Zimri lui répondit: »pour toi Pinhas, il est préférable qu’ils fassent l’idolâtrie car toi-même tu ne tires ta vitalité que de l’idolâtrie« . Et ainsi les tribus se moquaient de Pin’has en disant que ses ancêtres engraissaient les veaux pour l’idolâtrie, car il était de la descendance de Yitro qui a servi toutes les pensées idolâtres qui existaient dans le monde. Ainsi Zimri reproche à Pin’has: »tu ne supportes pas que les enfants d’Israël se prostituent dans le camp car tu es de la descendance de Yossef qui a réussi l’épreuve de la femme de Potifar ». Alors Zimri lui dit qu’il préfère ne pas transgresser la faute de l’idolâtrie car elle rentre dans le cadre des fautes de « laisses toi tuer plutôt que de transgresser« . Zimri pensait réellement avoir raison devant Pin’has. C’est ainsi que le roi Yanaï avertit sa femme en lui disant: « ne te comportes pas comme Zimri qui a mal agi et qui a demandé le salaire de Pinhas ».
Ainsi Rav Yéheske-l livensteïn explique: »il y a dans l’homme la possibilité de faire cohabiter de nombreuses contradictions‘‘. Ainsi Bilaam peut d’un côté empêcher son ânesse de voler et de l’autre vouloir exterminer tout un peuple. De même, Zimri n’était pas dérangé par le fait de protéger son peuple de l’idolâtrie en faisant qu’ils profanent et souillent le camp par la dépravation car l’homme est fait d’obscurité et de lumière. Un homme est prêt à voler et avant, prier D-ieu afin qu’il le fasse réussir. Car cette lumière et cette obscurité sont mélangées en lui.
Ainsi nous voyons à propos du jugement du roi Salomon: la femme qui voulait voler l’enfant, son intention était bonne car elle était prête à sacrifier sa vie, ses nuits, sa tranquillité, son argent pour exprimer le bien qu’elle a en elle mais d’un autre côté elle est prête à voler l’enfant à sa véritable mère.
Le père originel de cette ambiguïté est Bilaam le mécréant.
Rav Haïm Vittal fait remarquer qu’il n’y a aucun commandement à propos des traits de caractère dans la Torah. Pas d’interdiction sur l’orgueil sur la colère …la Torah n’interdit pas ces traits de caractère spécifiquement. Par contre ces traits de caractère sont la base et le principe actif de toutes les Mitsvot de la Torah.
Un homme tel que Bilaam, n’a pu naître que d’une source entièrement mauvaise qui ne diffuse que des mauvaises qualités telles que la cupidité, l’avidité, le pouvoir et l’orgueil. De cette source du mal, s’est matérialisé Bilham le mécréant. Afin de se déraciner de ces mauvaise qualités, d’enlever de soi cette cohabitation du bien et du mal embroussaillées, alors il faut enraciner en nous le »bon œil », la »satisfaction de ce que l’on a » et la »modestie ». Il n’y a pas de différence extérieurement entre Avraham et Bilaam. La différence n’est visible que dans leurs élèves, dans les traits de caractère psychiques. C’est l’enseignement de la Paracha »Balak », nous montrer combien est primordial le travail sur les traits de caractère. Car ceci est le principe vital de tout notre travail intérieur dans l’accomplissement des Mitsvot.
En réalité tant que les mauvaises qualités se révèlent en nous, c’est le signe que même nos bonnes qualités ne tirent leur énergie et leur vitalité que de ces mauvaises qualités. En vérité, il n’y a aucune dualité dans l’esprit de l’homme, soit il est tout mauvais soit il est tout bon.
Un homme ne peut pas danser dans deux mariages en même temps. Vouloir et le monde futur et le monde présent. Vouloir la spiritualité et la matérialité. Soit il est tout spirituel soit tout matériel. Et même ce qu’il pense être spirituel, n’est en fait que de la matérialité habillée en spiritualité.
Notre travail dans ce monde est de justement transformer cette matérialité et ses pulsions en spiritualité. Pour cela, D-ieu a donné au peuple d’Israël des Mitsvot liées à la matérialité. Agir dans ce monde de l’action, c’est-à-dire transformer cette matérialité en spiritualité.
Ainsi nous pouvons comprendre le fait de manger en l’honneur de Shabbat, prendre du plaisir en l’honneur du Shabbat. C’est un travail extrêmement difficile car le désir et l’envie sont tapis en l’homme et peuvent se réveiller à tout moment et dominer son âme animale.
Nous pouvons comprendre que travailler nos qualités n’est pas un ordre de la Torah, car en fait c’est un travail qui se fait en amont de l’accomplissement des Mitsvot.
C’est l’étude du Moussar qui permet cette alchimie et qui permet de faire révéler les trois qualités qui vont transformer l’homme en quelqu’un d’entièrement bien:
1/ »le bon œil » voir que ce que je perçois n’est pas pour moi mais que moi je suis pour cette perception. Le bon œil va permettre à l’homme de s’ouvrir à l’autre et par ceci éliminer l’ego qui est en lui et ainsi pouvoir exécuter les Mitsvot et étudier la Torah en étant dénué de tout intérêt personnel. Ce qui est le but de tout Israël.
2/ »La satisfaction de ce que l’on a » va permettre à l’homme de ressentir que ses propres désirs matériels ne sont pas de véritables désirs mais une aliénation aux pulsions que diffuse son corps. Il va ainsi comprendre que tout est dirigé par son créateur et par cela, ressentir lui-même qu’il n’est qu’une créature. Par cela, il va effectuer les mitsvot telles qu’elles doivent être effectuées, pour l’honneur de son créateur et non pour son propre honneur car une créature n’a d’existence que par et pour son créateur.
3/ ‘‘l’humilité’’. La véritable humilité est de ne plus ressentir d’ego c’est-à-dire n’avoir aucun ressenti que l’on agit en tant que »déclencheur ».
Le Malbim examine la différence entre Moshé Rabbénou et Bilham le mécréant ainsi: »Le verset de la Torah dit: »il n’y a et il n’y aura jamais de prophète tel que Moshé dans le peuple d’Israël‘‘ le Talmud déduisant que dans le peuple d’Israël, il n’y aura pas un prophète comme Moshé mais dans les nations, il y en aura un et qui est-ce ? Bilaam le mécréant. Il avait le même niveau de perception de prophétie mais il y avait une différence entre les deux: Bilaam savait que D-ieu lui parlait alors que Moshé ne savait pas que D-ieu lui parlait.
Comment comprendre cet enseignement du Malbim?
Tout simplement Moshé avait complètement annulé les pulsions du corps et par cela, celles-ci n’avaient plus d’emprise sur son âme animale et donc, l’ego ne pouvait se matérialiser en lui. Et il recevait les informations divines telles qu’elles sont réellement, énergie divine pure. Sa perception n’étant qu’un transpondeur qui matérialisait les énergies divines. Et donc, il n’avait aucune conscience de sa réalité superficielle. Alors que Bilaam, les pulsions de son corps dominaient toujours son âme animale et par cela, se créait en lui un ego à chaque perception et même si la perception était purement divine. Il avait conscience d’être l’intermédiaire et l’entremetteur entre de spiritualité et la matérialité.