Rabbi Israël Salanter
Des propos au sujet de la crainte et de l’appréhension spirituelle de la Torah
Rabbi Israel Salanter – La lumière d’Israël
Adapté par Rav Michael Smadja
La suite de ce cours est :
Le Rav Haïm de Volozine enseigne que toute chose créée dans le monde est la réalisation d’un enchaînement de cause et effet et toute cause est la résultante d’une cause antérieure. En résumé, aucune réalité ne peut exister sans cause au préalable. Et la cause elle-même n’est la réalisation que d’une cause antérieure.
Cet enchaînement de cause et d’effet a pour fin d’arriver à un but. Des fois il faudra beaucoup de causes pour arriver au but recherché, des fois peu. Le plus grand des buts à atteindre dans la création est le service divin car pour celui-ci, D-ieu a créé toute la création dans son intégralité et en particulier l’être humain. Pour cela, il faut se servir de l’intelligence que D-ieu nous a octroyée pour rechercher avec avidité quelles sont les causes qui vont déclencher cette envie d’aller au but ultime qu’est le service divin. Lorsque nous recherchons dans les livres saints quel peut être ce déclencheur, les avis sont unanimes : la cause primordiale qui va réveiller en nous Torah et service est la crainte divine. C’est le point central, le gond, la charnière qui va être le déclencheur de tous les événements. Comment ces événements vont s’enchaîner que ce soit dans sa conduite avec D-ieu ou avec son propre environnement ! Et c’est le fondement et la racine de toute la Torah et des Mitsvot. C’est ce que le roi David proclame : « le commencement de la sagesse est la crainte divine ». Et ainsi il est écrit dans le livre « koélet » : « La conclusion de tout acte est que tout est entendu et dévoilé : il faut craindre D-ieu. « Toute intention qui me guide, qui me projette dans l’avenir doit être la crainte divine. « Tout homme qui a en lui la Torah mais qui n’a pas de crainte ressemble à un gardien à qui on aurait confié les clés des coffres mais pas les clés de la salle des coffres ». Rashi explique que celui qui a la crainte des cieux devient tremblant à l’idée de garder et d’accomplir les commandements de la Torah. Et s’il ne développe pas cette qualité, il ne va pas découvrir l’extrême importance de la Torah. La crainte du ciel est la clé qui permet de rentrer dans la salle des coffres afin de pouvoir ensuite ouvrir les portes intérieures qui permettent d’accéder à la Torah et au service divin.
Cependant quelle est la nature de la crainte divine ? Cette crainte qui ouvre les portes de la Torah et qui est le déclencheur et la cause qui va engendrer le service et l’accomplissement des mitsvot.
Il est connu qu’il y a 2 expressions à la crainte de D-ieu :
Et les sages du Moussar les ont cataloguées en 2 catégories :
1/ la crainte de la punition.
2/ la crainte de Sa majesté, de la grandeur divine.
1/ la crainte de la punition comme son sens simple : la peur qu’un homme développe afin de ne pas transgresser la parole divine. Et donc cela passe par la crainte de la punition corporelle ou spirituelle.
2/ la crainte de Sa majesté : cette peur qu’un homme développe afin de s’éloigner de la faute pour ne pas en arriver à ternir la gloire divine.
Il est inclus dans la crainte de la punition aussi la peur de perdre le salaire de la mitsva car de la même manière qu’il faut craindre la punition divine ainsi nous avons l’obligation de renforcer en notre cœur l’amour du salaire véritable et de le placer bien au-dessus de l’amour des choses futiles et vaines. Devenir désireux et obsédé de ressentir la lumière divine. Car le salaire d’une mitsva est cette proximité divine que l’on ressent en accomplissant les commandements de la Torah. Et c’est ce bien enfoui qui est réservé aux justes. Il ne faut comprendre que la peur de la punition et de la perte du salaire serait la motivation de nos actes c’est-à-dire la finalité du pourquoi de mon acte mais au contraire elle doit être ce qui va être l’origine de mon acte. C’est-à-dire que puisque je veux me rapprocher de D-ieu alors j’accomplis les mitsvot. Par cela nous pouvons comprendre ce qu’est la punition d’une faute : c’est l’éloignement d’avec D-ieu. C’est cette crainte qui doit motiver mon acte ou ma passivité. Car même les punitions explicites de la Torah ne sont qu’une réparation afin de rétablir cette proximité divine. En fait toute la motivation primordiale est de protéger ce lien qui nous uni avec le divin qui est en nous. C’est cela qui est enseigné dans les paroles du roi David : « le début de la sagesse est la crainte divine« .
En fait même cette crainte de la punition est une façon d’éliminer l’ego. Car le rapprochement vers D-ieu passe d’abord par l’annulation de ce petit ego. (au contraire de la peur schématique de la punition corporelle et du salaire d’une vie éternelle qui a un côté matériel en quelque sorte, qui elle, alimente notre ego en énergie négative).
De même dans la catégorie de la crainte de sa grandeur, est inclus l’amour de D-ieu car ces deux qualités que sont la peur de sa majesté et l’amour de D-ieu sont pratiquement l’expression d’une même source. Cependant le service engendré par l’amour est plus grand que celui engendré par la crainte de l’infini comme ce qu’a été enseigné par nos sages : « Plus grand est le service effectué par amour que celui effectué par crainte ».
Cependant la finalité de la crainte divine est évidemment la crainte ressentie par son infinie majesté. Cependant il est connu que cette crainte que l’on définit comme le début de la sagesse, est la crainte provoquée par la peur de la punition. Le Rav Haïm Vittal écrit que celui qui veut se purifier et se rapprocher doit impérativement développer en lui cette crainte de la punition car la crainte de sa majesté qui est une crainte qui tire sa source de l’intériorité et de la profondeur de l’âme, ne peut être atteinte que par une sagesse extrême. Mais les sages en crainte vont encore plus loin dans la valeur de cette crainte de la punition et écrivent que sans celle-ci, il est impossible d’accéder à l’élévation suprême qu’est la crainte de sa majesté. Et c’est ce qu’enseigne le Malbim : « ainsi ont expliqué les sages de cœur : il est impossible d’accéder directement à cette élévation suprême qu’est la crainte de sa majesté. Il faut qu’en premier naisse en l’homme cette crainte de la punition car par elle uniquement nous pourrons accéder à la crainte suprême ». Et ainsi écrit le rav Haïm de Volozine dans ses écrits : la confiance, la émouna qui se diffuse en nous que D-ieu est notre juge est une source génératrice de vie. C’est le départ de toute notre évolution dans le service divin.
Outre la raison évidente qui vient à l’esprit de tout sage de coeur qu’il est impossible d’atteindre la vérité en une seule fois car il est indispensable que ce mérite se fasse par étapes. En premier la crainte de la punition pour arriver à la crainte de sa majesté. Il y a encore un autre principe dans les fondements de la crainte dévoilé dans les écrits des commentateurs du Rambam : « et nous trouvons dans la Torah deux versets. Un qui enseigne que la crainte amène à l’accomplissement de tous les commandements comme il est dit : « et maintenant Israël que te demande D-ieu si ce n’est de le craindre ». Et le 2ème verset enseigne que tous les commandements ne sont qu’un moyen d’arriver à la crainte comme il est dit : « et D-ieu te demande d’accomplir ses commandements afin de le craindre ». Comment comprendre ces 2 versets ? Nous devons expliquer qu’il y a 2 extrémités à la crainte. La 1ère qui est le commencement qui précède toutes les Mitsvot, qui est la cause et le déclencheur de tous les commandements. La crainte du roi qui m’empêche de transgresser ses décrets et sur cette crainte il est dit : « tout celui dont sa crainte précède sa sagesse, sa sagesse perdurera« . Et la 2ème extrémité qui est la fin et le but final de la crainte qui est la crainte de sa grandeur. Elle ne peut s’exprimer qu’après l’accomplissement de toutes les Mitsvot. Et une fois ce degré de vérité atteint, il pourra développer en lui un amour du créateur qui ne se réveille uniquement qu’après avoir atteint la perfection dans la crainte.