Propriété intellectuelle dans la halakha. Rav Réouven Cohen
Propriété intellectuelle Halakha
Question au Rav (Propriété intellectuelle Halakha)
Chalom très cher rav, j’ai quelques questions pour vous :
- Est-il permis pour un juif ou pour un non-juif de vendre des contrefaçons (par exemple une fausse montre de marque) si le « client » est convaincu que c’est une vraie montre de marque? Car il me semble que j’ai entendu dire que la Torah ne reconnaissait pas le principe de propriété intellectuelle donc si je comprends bien cela est permis?
- Si cela n’est pas permis, est-ce un péché grave? Comment s’en repentir ?
- Si cela n’est pas permis et qu’un non-juif voulant se convertir au Judaïsme dans la sincérité et dans l’amour de D.ieu et de la Torah, est-ce que ce péché le disqualifie de la conversion (au niveau spirituel) alors qu’il a fait cela avant d’entamer la procédure de conversion officielle?
Merci beaucoup pour vos réponses qui sont toujours extrêmement claires et que D.ieu vous bénisse!
M. M.
Réponse du Rav
Chalom ouvrakha
Il y deux problématiques à votre comportement : voler la propriété intellectuelle et tromper les clients.
– Au sujet du vol de propriété intellectuelle, il y a une controverse entre les décisionnaires des derniers siècles (aharonim) et contemporains.
Le Choel ouméchiv (A, 44) considère cela comme un acte de vol (interdit aussi pour les goyims) même si cela ne porte pas préjudice à l’auteur car la sagesse est propriété de celui qui la produit. Le Nétsiv (Méchiv Davar 24) partage cet avis ainsi que Rav Eliachiv.
D’autre part certains décisionnaires ne considèrent pas la production artistique ou autre comme une propriété car elle est virtuelle. C’est ce qu’il est donné de comprendre de Rama quand il interdit d’acheter un livre du Rambam qui ne serait pas publié par untel en arguant l’avis du Aviassaf (rapporté par Bet Yossef 156 selon lequel on ne pourra ouvrir un magasin dans une impasse où il y en a un autre). C’est donc qu’il n’y a pas de propriété mais plutôt des lois de concurrence. C’est aussi l’avis du Hatam Sofer (Hochen Michpat 69) qui interdit cette forme copiage en menaçant d’excommunions etc. Il semblerait que ce soit l’avis de beaucoup de décisionnaires si l’on se réfère à leurs lettres d’approbation aux livres de leurs contemporains. En effet ils interdisent le copiage par la force d’excommunions etc. et non par soucis d’éviter le vol de la propriété intellectuelle. (Voir la préface de Havot Yayir dans laquelle les préfaciers interdisent de publier son livre durant une période de 10 ans.). C’est l’avis que retiennent Rav Ben Tsion abba Chaoul et Rav Chlomo zalman Oyerbach et Tsits Eliezer (18, 80).
Mais Il est évident que face à cette controverse entre les grands du monde de la halakha, il serait décent de s’abstenir de copier et de voler une propriété intellectuelle. D’autant plus que la production intellectuelle est aujourd’hui une forme de parnassa et que les artistes y investissent beaucoup de fonds et d’efforts. il faut savoir que cela est vrai pour des fins non commerciales. Mais copier à des fins commerciales est interdit selon tous les décisionnaires. Certains se basent sur le Tossafote kidouchine 59 (Hatam Sofer 79, Sridé Ech (3; 129), Maharachdam 259) selon lequel il est interdit de pécher quand quelqu’un a placé un piège avec un appât et que les poissons se sont réunis autour de cet appât. On considèrera que les poissons sont la propriété de celui qui les a attiré midérabanan. Ici aussi on ne pourra attirer des clients autour d’un »appât » préparé par autrui en la forme d’une création intellectuelle (contrefaçon).
D’autres feront ressembler cela à une entente tacite entre commerçant (minhag soharim) évoquée dans le Talmud (Baba Batra 8 b) et voir à ce sujet le Rachba (20, b). Et je rajouterai que de même qu’il est interdit de vendre ces reproductions, personne ne devra les acheter car comme disent nos sages (traité Kidouchine 56b): »la souris ne volerait pas si elle ne trouvait pas le trou où mettre son butin c’est donc le trou qui est le voleur ».
– Vis-à-vis des clients il pourrait y avoir une obligation de remboursement. Cela dépendra de la qualité et du prix de vente de la montre, mais aussi de la nature du client est ce qu’il achète uniquement des montres de marques (Choulhane Aroukh Hochéne Michpat 233; 1).
Mais il est évident que cela ne vous disqualifie pas de la conversion. Et si vous n’arrivez à retrouver vos clients et votre sincère conversion sera le meilleur repentit.
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Beaucoup d’hatslaha et de bonheur.
Rav Réouven Cohen
Beth Dine Michpat Chalom (+972) 025024837
www.michpat-chalom.org
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