Parachyot Nitsavim Vayelekh (5774) Yéhouda Moshé Charbit
Parachyot Nitsavim Vayelekh
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בס״ד
Parachyot Nitsavim Vayélakh
Suite à une paracha extrêmement inquiétante, la paracha Nitsavim vient apaiser les bné-Israël. Effectivement, la paracha de la semaine dernière, ki tavo, annonçait les malédictions auxquelles risquaient de faire face les bné-Israël s’ils fautaient (has véchalom). De fait, notre paracha vient apporter un réconfort et une note d’espoir. Ainsi Moshé rabbénou commence par ré-établir l’alliance entre Hachem et le peuple hébreu. Non seulement les gens présents sont inclus dans ce pacte, mais également les générations futures. Par la suite, Moshé reprend les grandes lignes des malédictions en annonçant l’exil à venir. Toutefois, l’annonce débouche sur la prophétie d’une rédemption pour le peuple. Bien évidement, cette rédemption ne dépend que du peuple et de ses efforts de retour vers la Torah et les mitsvot. La paracha se conclut par le choix de la vie ou de la mort, ou plus précisément le libre-arbitre. Moshé Rabbénou enjoint donc le peuple à faire le choix de vivre, c’est-à-dire, celui de suivre les lois de la Torah.
La Paracha Vayélékh met en scène la passation de pouvoir de Moshé Rabbénou à Yéhochoua son serviteur. Ainsi Moshé rappelle au peuple qu’arrivé à 120 ans, il ne pourra pas les faire traverser le Jourdain et les conduire en Israël. C’est pourquoi, une nouvelle fois Moshé encourage le peuple à la bravoure et à la confiance envers Hakadoch Baroukh Hou. De même, Moshé encourage Yéhochoua, son successeur et lui rappelle la promesse qu’Hachem ne l’abandonnera pas. La paracha se conclut par l’annonce faite par Hachem à Moshé, que plus tard le peuple s’égarerait du chemin de la Torah et que la colère divine s’abattrait sur ce dernier à ce moment. Suite à cela, Moshé achève l’écriture de la Torah qu’il confie aux Cohanim afin qu’ils la déposent avec l’arche.
Dans le chapitre 29 de Dévarim, la torah dit :
ט/ אַתֶּם נִצָּבִים הַיּוֹם כֻּלְּכֶם, לִפְנֵי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם: רָאשֵׁיכֶם שִׁבְטֵיכֶם, זִקְנֵיכֶם וְשֹׁטְרֵיכֶם, כֹּל, אִישׁ יִשְׂרָאֵל׃
9/ Vous vous tenez debout, vous tous aujourd’hui devant Hachem votre Dieu : vos chefs, vos tribus, vos anciens, vos officiers, tout homme d’Israël.
י/ טַפְּכֶם נְשֵׁיכֶם–וְגֵרְךָ, אֲשֶׁר בְּקֶרֶב מַחֲנֶיךָ: מֵחֹטֵב עֵצֶיךָ, עַד שֹׁאֵב מֵימֶיךָ׃
10/ Vos jeunes enfants, vos femmes et ton converti qui est à l’intérieur de ton camp, depuis qui taille ton bois jusqu’à celui puise tes eaux.
יא/ לְעָבְרְךָ, בִּבְרִית יְהוָה אֱלֹהֶיךָ–וּבְאָלָתוֹ: אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, כֹּרֵת עִמְּךָ הַיּוֹם׃
11/ Pour que tu passes dans l’alliance d’Hachem ton Dieu et dans son serment, qu’Hachem ton Dieu établit avec toi aujourd’hui.
יב/ לְמַעַן הָקִים-אֹתְךָ הַיּוֹם לוֹ לְעָם, וְהוּא יִהְיֶה-לְּךָ לֵאלֹהִים–כַּאֲשֶׁר, דִּבֶּר-לָךְ; וְכַאֲשֶׁר נִשְׁבַּע לַאֲבֹתֶיךָ, לְאַבְרָהָם לְיִצְחָק וּלְיַעֲקֹב׃
12/ Afin de t’établir aujourd’hui, pour lui, comme un peuple et lui, il sera pour toi Dieu comme il a dit à ton sujet et comme il a juré à tes pères, à Avraham, Yitshak et Yaakov.
יג/ וְלֹא אִתְּכֶם, לְבַדְּכֶם–אָנֹכִי, כֹּרֵת אֶת-הַבְּרִית הַזֹּאת, וְאֶת-הָאָלָה, הַזֹּאת׃
13/ Mais ce n’est pas avec vous seulement que moi, j’établis cette alliance et ce serment.
יד/ כִּי אֶת-אֲשֶׁר יֶשְׁנוֹ פֹּה, עִמָּנוּ עֹמֵד הַיּוֹם, לִפְנֵי, יְהוָה אֱלֹהֵינוּ; וְאֵת אֲשֶׁר אֵינֶנּוּ פֹּה, עִמָּנוּ הַיּוֹם׃
14/ Mais c’est avec celui qui est ici avec nous, debout aujourd’hui devant Hachem ton Dieu, et avec quiconque n’est pas ici avec nous aujourd’hui.
Sur ce passage, nos sages précisent que toutes les Néchamot étaient présentes, afin d’entrer dans l’alliance avec Hachem. À ce titre, cela justifie pourquoi, même les générations qui ont suivi étaient astreintes au service d’Hakadoch Baroukh Hou.
Toutefois, cet enseignement pose un problème de poids qui va nous pousser à comprendre les choses différemment. En effet, la présence de toutes les néchamot à venir, ne justifie en rien leur entrée dans l’alliance avec Hachem, dans la mesure où, un accord ne peut être validé qu’à condition que les deux parties soient en possibilité de faire un choix libre. Or, au moment où nous parlons, les néchamot ne sont pas encore dans le monde physique. De fait, elles ne disposent pas de yetser hara et ne sont pas poussées vers le mal. Cela les empêche donc de pouvoir refuser le pacte qui se conclut dans notre paracha. Dès lors, il paraît difficile de comprendre l’enseignement de nos sages.
Une notion intéressante est évoquée lors du seder de Pessa’h, dans lequel nous récitons un passage qui peut nous apporter une piste de réflexion. En effet, nous disons durant cette soirée, que nous étions esclaves de Pharaon en Égypte, et que si Hachem ne nous en avait pas libérés, nous, ainsi que nos descendants, serions encore les serviteurs de Pharaon. Un point fondamentale est ici évoqué, celui de l’état d’esclave. Un esclave est assujéti à son maître de façon « éternelle » dans la mesure où, lui et sa descendance sont soumis à leur maître. Le fils de l’esclave est lui-même esclave du maître. En clair, la libération qu’a connu le peuple juif a permis à Hachem de prendre le titre de maître. À savoir que dorénavant, les hébreux ne sont plus esclaves de Pharaon en Égypte, mais esclave du maître du monde. La conséquence directe de ce phénomène est évidente. En entrant sous l’égide d’Hachem nous lui avons automatiquement fait acquérir nos descendants.
Cela explique pourquoi la torah n’a de cesse de rappeler la sortie d’Égypte, car chacune des mitsvot doit être respectée par les bné-Israël pour la simple raison de cette sortie. Car, la libération de cet esclavage nous a fait entrer sous l’autorité d’un nouveau maître qui n’est autre qu’Hachem. C’est pourquoi, chaque génération est astreinte à l’alliance contractée avec les bné-Israël.
Toutefois, cette réponse pose également un problème. Si, en effet, toute la raison pour laquelle toutes les générations sont assujetties à cette alliance, s’explique par la notion que nous venons d’évoquer, alors pourquoi est-il nécessaire que toutes les néchamot soient présentes au moment où l’alliance est scellée ? Leur présence devient inutile puisqu’elle ne se justifie plus ? Quel est donc le sens de cet enseignement de nos sages ?
Pour répondre à cela, il est important de s’arrêter sur cette notion de servitude qui nous engage auprès d’Hachem. Bien souvent, ce langage est perçu comme péjoratif. L’esclave n’est-il pas celui qui est privé de toutes libertés ? Celui qui n’a aucun droit, celui dont l’existence n’est réduit qu’à une valeur financière ? Est-ce là donc toute la valeur du peuple juif, le fameux peuple élu de Dieu ?
Il est intéressant de noter que la vision de la torah à ce sujet s’oppose complètement à ces idées. Au point que la sortie d’Égypte représente, au sens de la torah, l’accès pour le peuple juif, à la liberté ! En clair, notre accès à la liberté se concrétise par notre entrée sous l’autorité divine. Nous sommes des esclaves tout en étant libre. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous touchons là à une question fréquemment abordée dans la philosophie, celle de la définition de la liberté. La liberté la plus concrète est celle de pouvoir réaliser ce que nous voulons vraiment, sans jamais être poussé, orienté ni même incité à faire autre chose. Toute influence externe nous prive de la liberté. Bien sûr, nos choix sont toujours libres, dans la mesure où nous devons en assumer la pleine responsabilité. Toutefois, nos choix reflètent-ils toujours notre désir ou bien sont-ils la résultantes de l’influence de ce qui nous entoure ?
Prenons un exemple. Un enfant, lorsqu’il grandit se place souvent dans un des deux modes de vies suivants : soit il agit de façon sensiblement proche de celle de ses parents ; soit au contraire, il se place à l’opposé de leur ligne de conduite. Cela s’explique assez simplement, lorsque l’enfant juge l’attitude de ses parents bonne, alors il choisira de suivre le même fonctionnement qu’eux. Par contre, s’il n’a pas apprécié le système adopté par ses parents, alors il opte plutôt pour son opposé. Bien sûr, la réalité est bien plus complexe, mais dans les faits l’idée que nous évoquons régit les bases des choix des gens. À ce titre, nous nous apercevons que le choix de l’enfant est plus qu’influencé par ce qu’il a vécu. Il n’est pas parfaitement libre mais au contraire, très limité. Cela prouve à quel point il est difficile d’être authentique, de ne pas être le reflet de la pensée et des convictions des autres. La possibilité de parvenir à exprimer un désir, une volonté dont nous sommes les seuls instigateurs devient alors quasiment impossible.
C’est pourquoi il est nécessaire que chacun puisse définir ce qu’il est vraiment et non pas ce que les gens veulent qu’il soit. Dans le monde juif, nous entendons souvent les parents dire de leur enfants qu’ils seront médecin ou avocat. Il s’agit malheureusement de la projection du désir des parents sur leur enfant, privant souvent ces derniers de la liberté réelle. Quelle est donc cette notion qui semble si difficile à atteindre ? Que voulons-nous réellement ? Comment être sûr que nos décisions proviennent de nous et pas de l’influence des autres ?
À cela un enseignement du Rambam apporte une réponse époustouflante. Dans les lois du divorce, le Rambam demande comment peut-on forcer une personne à donner le guet alors qu’il ne le veut pas ? Il répond que ce qui empêche la personne de donner le guet, n’est autre que son yetser hara. Mais dans les faits ce n’est pas ce qu’il veut réellement. C’est pourquoi nous avons le droit de le forcer, car nous l’obligeons à faire ce qu’il veut vraiment faire.
Le Rambam énonce ici la base même de ce qu’est la liberté. Être libre signifie exprimer un désir qui ne subit aucune influence, qui est dépourvu de toutes incitations. Il s’agit de revenir à notre origine la plus primaire, notre néchama. L’âme est pure, elle est l’expression la plus profonde de notre être, elle ne connait que le bien. En ce sens, elle est la liberté, elle n’est pas soumise au mal, aucune influence ne la perturbe.
Or, de façon systématique, l’être humain est soumis au mauvais penchant. Du coup, il est obligatoirement poussé vers une voie alors même qu’elle ne représente pas sa volonté. C’est pourquoi, la torah propose un rapport de maître à esclave pour parler de la relation entre Hachem et l’homme. Par cela, nous suivons une décision qui est celle d’Hakadoch Baroukh Hou qui nous propose des actions dépourvues de l’influence du yetser hara, des actions qui s’inscrivent dans la liberté. Être l’esclave d’Hakadoch Baroukh Hou signifie s’affranchir du mal! Acquérir la liberté authentique.
D’après cela, l’explication de nos sages prend un autre sens. Le fait que les âmes soient présentent au moment de l’alliance prend une symbolique concrète! Elles ne sont pas là pour passer l’alliance avec le maître du monde. Cela ne servirait à rien puisqu’elles sont astreintes à servir Hachem de par le fait que nous sommes ses esclaves. Elles sont là, car elles prouvent une chose. Dès que les bné-Israël ont accepté l’alliance avec Hachem, dès qu’ils sont devenus ses serviteurs, alors ils ont exprimé leur volonté propre, une volonté qui n’a subi aucune influence! À cet instant les bné-Israël sont retournés à la liberté!
Par ailleurs, outre le rapport de maître à esclave, la torah compare la relation entre Hachem et son peuple, à la relation d’un père avec ses enfants. Il s’agit là du niveau qui suit celui d’esclave. Une fois que nous nous sommes affranchis de l’influence du yetser hara, que nous sommes afin libre, alors un nouveau sentiment va apparaître. Le mal ne nous encombrant plus l’esprit, nous nous rendrons compte que, bien plus qu’une nécessité, la motivation de nos actes sera notre affection, notre amour pour le maître du monde. Nous devenons littéralement des enfants, liés de façon génétique à leur père!
Il est intéressant de noter que cela constitue la différence entre le service divin et l’idolâtrie. Lorsque la torah parle des idolâtres, elle utilise toujours un langage d’asservissement. Par contre pour Hakadoch Baroukh Hou, elle emploie tantôt le mot serviteur, tantôt le mot fils. Car l’asservissement envers Hachem ne constitue pas un esclavage, mais bien une voie vers la liberté! Nous devenons les fils du roi ! Par contre, pour l’idolâtrie, qui n’est que l’impulsion du yetser hara, alors au sens propre il s’agit d’un esclavage, d’une privation de liberté ! À ce titre, il n’y a pas d’évolution, l’idolâtre restera toujours un esclave! Le juif lui, se transforme, se transcende, au point qu’il devient un fils pour le créateur!
Yéhi ratsone, que chaque ben-Israël se libère et puisse accéder au titre de fils de Dieu ! Et alors, puisse dire avec conviction, lors de roch hachana: » אם כבנים, רחמנו כרחם אב על בנים, si nous sommes (jugés) comme tes fils, aies pitié de nous comme un père a pitié de ses fils « .
Chabbat chalom.
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