Parashiyot Mattot – Massé (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
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PARACHYOT MATOT-MASSÉ
La parachat matot débute en définissant les lois qui régissent les voeux volontaires et les serments, qu’un homme ou une femme, s’engagerait à tenir. Elle relate ensuite, la bataille qu’ont livrée les bné-Israël aux gens de Midiane, en représailles pour les fautes que ces derniers ont fait commettre au peuple. Une fois vaincus, Moshé, sur ordre d’Hachem, réparti le butin en fonction de chaque personne. Suite à cela, les tribus de Réouven et de Gad, ainsi que la moitié de celle de Ménaché demandent la permission de s’installer dans les villes se trouvant avant le Jourdain et de les prendre à la place de leur héritage sur la terre d’Israël.
La parachat Massei, qui clôture le livre de Bamidbar, énumère les quarante deux voyages accomplis par le peuple depuis la sortie d’Égypte. Elle définit ensuite les frontières du pays dont les bné-Israël allaient prendre possession et la manière dont le territoire devra être réparti.
Dans le chapitre 33 de Bamidbar la torah dit :
לח/ וַיַּעַל אַהֲרֹן הַכֹּהֵן אֶל-הֹר הָהָר, עַל-פִּי יְהוָה–וַיָּמָת שָׁם: בִּשְׁנַת הָאַרְבָּעִים, לְצֵאת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, בַּחֹדֶשׁ הַחֲמִישִׁי, בְּאֶחָד לַחֹדֶשׁ :
38/ Aaron le cohen, monta sur la montagne de Hor d’après la parole d’Hachem ; il y mourut dans la quarantième année après la sortie des bné-Israël du pays d’Égypte, dans le cinquième mois, le premier jour du mois.
לט/ וְאַהֲרֹן, בֶּן-שָׁלֹשׁ וְעֶשְׂרִים וּמְאַת שָׁנָה, בְּמֹתוֹ, בְּהֹר הָהָר :
39/ Et Aaron était âgé de cent vingt-trois ans lors de sa mort sur la montagne de Hor.
(…)
מט/ וַיַּחֲנוּ עַל-הַיַּרְדֵּן מִבֵּית הַיְשִׁמֹת, עַד אָבֵל הַשִּׁטִּים, בְּעַרְבֹת, מוֹאָב :
49/ Ils campèrent près du Jourdain depuis Beth-Hayéchimot jusqu’à Avel-Hachitim, dans les plaines de Moav.
Contrairement à Myriam et Moshé, la torah s’arrête avec précision sur la disparition d’Aaron qui a quitté ce monde au premier jour du cinquième mois de l’année, à savoir Roch ‘Hodech Av (les mois de la torah commencent à Nissan et non Tichri). Bien évidemment, si la torah prend soin de préciser cette date plus que les autres, c’est qu’elle revêt un intérêt particulier et qu’il se trouve particulièrement lié avec le sujet des voyages de notre paracha.
Le Émek Hadavar explique que la précision de la date vient faire allusion à la destruction du beth hamikdach qui, comme nous le savons s’est effondré le 9 Av. Ainsi, Aaron, particulièrement lié au temple de par sa fonction de cohen gadol quitte ce monde le mois où, plus tard, le lieu où il officiait disparaîtra. Plus encore, le Cha’h note que suite à la mort d’Aaron le 1er Av, les bné-Israël ont voyagé encore huit autres fois. Il ressort que le dernier voyage, celui du dernier verset cité, se situe au 9 Av, à raison d’un voyage par jour. Ce dernier voyage les a menés à « אָבֵל הַשִּׁטִּים Avel Hachitim« . Le mot Avel signifie en hébreu le deuil. Ainsi la torah prolonge l’allusion concernant la disparition d’Aaron durant le mois de la destruction du temple en mentionnant durant le dernier voyage du 9 Av, qu’en ce jour aura lieu un grand deuil dans le peuple d’Israël !
Ce n’est pas tout. Ce dernier verset que nous avons cité pousse la comparaison avec la destruction du temple encore plus loin. En effet, le lieu de campement, « אָבֵל הַשִּׁטִּים Avel Hachitim » connote le deuil par le premier mot qui le compose. Mais l’allusion est encore plus précise au vu du second mot. En effet, ce mot Chitim, est celui du bois qui composait le michkan que les bné-Israël ont fabriqué dans le désert. La provenance de ce bois est très particulière. Rachi (chémot, chapitre 25, verset 5) enseigne au nom du midrach Tan’houma que ce bois avait était planté par Yaakov en Égypte afin que ses enfants puissent le prendre et construire le michkan lorsqu’ils sortiraient de l’exil !
Le verset que nous avons cité mentionne donc toutes les informations de ce triste événement, la date, le deuil et la raison du deuil, à savoir la destruction du michkan le 9 Av.
Bien que nous puissions parfaitement imaginer le zèle de Yaakov et son entrain à participer un tant soit peu à la construction du michkan, il convient de remarquer un détail. Si Yaakov n’avait pas agi de la sorte et mis à disposition de ses enfants du bois, comment alors, les bné-Israël se trouvant de le désert, auraient-ils pu obtenir le matériel requis ?
La réponse est évidente : Hachem le leur aurait procuré. Effectivement, la plantation par Yaakov du bois de chitim est un anticipation de sa part, une vision prophétique. Cela signifie bien qu’Hachem désirait, avant que Yaakov ne le plante, que ce bois fasse partie du michkan. Cela signifie clairement qu’Il aurait donné au peuple le moyen de se le procurer même si Yaakov n’était pas intervenu. Dès lors, pourquoi Yaakov tient t-il absolument à planter ce bois, pourquoi cette mitsvah lui tient tant à cœur ?
Pour comprendre cela, il convient de nous référer à un enseignement de nos sages (cf ‘Hidouchei ‘Harim, Chavouot). L’année est composée de 365 jours auxquels correspondent les 365 interdits de la torah. Chaque jour est donc jumelé avec un interdit spécifique. Le 9 Av est associé avec le guid hanaché, l’interdiction de manger le nerf sciatique. Qu’est-ce qui relie le 9 Av, jour de la disparition du beth hamikdach et cette loi du nerf sciatique ?
L’auteur du Maassé avot simane labanim (tome 4, page 108) apporte un développement passionnant qui va nous éclairer sur le sujet. Le Rambam (Hil’hot malha’him, chapitre 9) enseigne : « Avraham a reçu l’ordre de faire la mila, Yitshak a prélevé le maasser, tandis que Yaakov a ajouté la loi sur le guid hanaché ». Les mots du Rambam insinuent que la démarche de Yaakov est une suite de celle d’Yitshak dans la mesure où le nerf sciatique est un « ajout ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Peut-être pouvons-nous comprendre au vu du pacte qu’Hachem promet à Avraham de passer avec sa descendance. Dans ce dernier Il dit : « כי ביצחק יקרא לך זרע Car Dans Yitshak sera ta descendance ». Le mot en gras nous précise une notion fondamentale. Hachem apprend à Avraham que seule une partie des enfants d’Yitshak sera choisie pour la succession. À ce titre, les deux enfants d’Yitshak, Yaakov et Essav vont tenter de prouver qu’ils s’inscrivent respectivement dans la démarche de leur père. Par exemple, nos sages enseignent qu’Essav venait questionner Yitshak sur la manière de prélever le maasser sur le sel et la paille, bien que ces deux catégories ne nécessitent pas de prélèvement. Il tentait par cela de prouver à son père le zèle extrême dont il faisait preuve dans la mitsvah du masser que son père à innover. Parallèlement, l’attitude de Yaakov sur ce sujet se fait plus discrète. Il ne tente pas de prouver à son père qu’il marche dans ses pas, il le témoigne plutôt à Hakadoch Baroukh Hou lorsqu’il lui dit (Béréchit, chapitre 28, verset 22) : « וְכֹל אֲשֶׁר תִּתֶּן לִי עַשֵּׂר אֲעַשְּׂרֶנּוּ לָךְ Et tout ce que Tu me donneras, j’en prélèverai un dixième pour Toi ». Sur ce don du maasser que Yaakov promet à Hachem, les Daat Zékénim Baalé Hatosfot précise qu’il a parlé concernant sa descendance ! Yaakov promet à Hachem de consacrer un dixième de ses enfants à Hachem, de par Lévi qui ne sera affairé qu’à l’étude de la torah !
Un point fondamental ressort de ce passage. En effet, d’une part Yitshak prend sur lui de prélever un dixième de ses biens et d’autre part Yaakov prolonge cela en donnant un de ses fils. La réaction d’Hachem face à cela est sans équivoque : Il choisit d’offrir le maasser que les descendants d’Yitshak prélèveront, à la tribu de Lévi ! Il s’avère qu’Hachem a fait de l’attitude d’Yitshak, le moyen de faire vivre les Léviim ! Plus encore, les Léviim sont en plus chargés d’une mission, celle de s’occuper du temple ! Le maasser a donc pour objectif de maintenir le service des Léviim dans le temple. Cela démontre à quel point Yaakov est celui qui s’est parfaitement inscrit dans la lignée de son père, en créant l’objectif de la mitsvah du maasser !
Or, dans la parachat Béchal’ah, la torah raconte le combat de Yaakov contre l’ange d’Essav, au terme duquel Yaakov ressort vainqueur mais blessé au niveau du nerf sciatique. Sur ce passage le Zohar (béchal’ah page 171 a) explique que l’intention de l’ange était d’atteindre la torah de Yaakov. Par cela, il briserait la possibilité de ce dernier à « offrir » Lévi en tant que maasser consacré intégralement à la torah. La conséquence de cela aurait été désastreuse : Hachem n’aurait pas choisi les lévvim pour s’occuper du beth hamikdach ! En somme, la visée de l’ange en frappant le nerf sciatique est d’empêcher l’avènement des Léviim qui sont la prolongation de la mitsvah du maasser ! Par cela, la transmission des bénédictions de Yitshak à Yaakov est remise en cause car Yaakov ne s’inscrirait plus dans la lignée du maasser de son père ! Nous comprenons le lien intime entre ticha béav et le nerf sciatique qui relèvent de la même notion : le nerf sciatique visé par l’ange avait pour but de remettre en cause les léviim, ceux-là même qui seront consacrés au service du temple. Or, c’est bien le neuf av que ce service au beth hamikdach a été anéanti.
Nous pouvons maintenant parfaitement comprendre la volonté particulière de Yaakov de fournir à ses enfants le bois de chitim qui servira à la fabrication du michkan. Il cherche par cela à faire aboutir le travail de sa vie : mettre ne place l’accomplissement ultime du masser de son père en permettant à Lévi de servir au beth hamikdach et de recevoir ce fameux maasser ! C’est pourquoi il se montre tellement soucieux de cette mitsvah !
Ainsi notre verset témoigne que c’est l’oeuvre de Yaakov qui est détruite lors du 9 Av : le deuil se porte sur le bois de chitim qui connote tout l’effort accompli par notre ancêtre pour aboutir à la succession de son père et obtenir le beth hamikdach ! Bien évidemment, il n’y a rien d’étonnant à trouver que ceux qui ont mis fin à cet édifice sont les descendants d’Essav dans leur quête perpétuelle à remettre ne cause Yaakov dans sa succession en tant que troisième patriarche.
Dans cette perspective, la torah laisse toutefois une note positive en conclusion du sujet. En effet, immédiatement après ce verset annonciateur de tant de troubles, la torah parle de l’entrée en Israël qui doit se faire par la prise des territoires ennemis sur lesquels nous devrons détruire tout signe d’idolâtrie. Ces versets se placent donc à l’antipode de l’événement du 9 Av, dans lequel c’est notre temple qui a été détruit. Peut-être est ce là un message d’Hachem rappelant que certes nous avons perdu le temple, mais cela n’est pas normal, il ne s’agit pas d’un état définitif ! Car la torah l’atteste (chapitre 33, verset 53) : « וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת-הָאָרֶץ, וִישַׁבְתֶּם-בָּהּ: כִּי לָכֶם נָתַתִּי אֶת-הָאָרֶץ, לָרֶשֶׁת אֹתָהּ Vous conquerrez ainsi le pays et vous vous y établirez; car c’est à vous que je le donne à titre de possession »
Yéhi ratsone que cette promesse s’accomplisse bientôt et que le beth hamikdach soit bientôt reconstruit amen véamen !
Chabbat chalom.