Parashat Lekh Lékha 5775 Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Lekh Lékha
בס״ד
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Parashat Lekh Lékha
La paracha de le’h le’ha nous raconte le départ de Avram depuis sa terre natale vers une terre inconnue que lui indiquerait Hachem. La suite nous révèlera évidement qu’il s’agit de la terre d’Israël. Ainsi, Avram, accompagné de sa femme Saraï et de son neveu Loth entreprend sans hésitation le voyage. Cependant, à peine arrivé sur cette terre, Avram y trouve la famine et se voit contraint de se rendre en Égypte. Se rendant compte de la beauté de sa femme, Avram se fait passer pour son frère de peur que les égyptiens ne le tuent pour la prendre. Cela ne rate pas, pharaon décide de la prendre pour femme. Évidement, Hakadoch Baroukh Hou intervient et frappe tous les égyptiens par des plaies, afin de protéger Saraï. Contraint de se rendre à l’évidence, pharaon comprend qu’il s’agit en fait de la femme d’Avram et les renvoie de son pays. Vient ensuite la fameuse dispute entre les bergers d’Aram et ceux de Loth, ce qui contraint Aram à se séparer de son neveu. Ce dernier choisit de s’installer à Sedom et Amoral. Cependant, une énorme guerre mêlant neuf rois éclate et Loth se fait capturer. Aram décide d’intervenir et livre bataille contre les quatre rois victorieux du conflit. Sorti vainqueur, Aram délivre son neveu. C’est alors qu’Hachem apparaît à Aram et établit son alliance avec lui, lui promettant le don de la terre d’Israël à sa descendance. Plus tard, Sara, voyant qu’elle n’arrivait toujours pas à concevoir d’enfant, demande à Aram, d’avoir une descendance à travers sa servante, Hagard. Peu de temps après, Hagard engendre Yshmaël. C’est après ces évènements, qu’Hachem enjoint Aram de pratiquer la circoncision, sur lui et sur tous les mâles vivant dans sa demeure. De plus, lors de cette intervention, Hachem change les noms d’Aram et Sara. Aram devient alors Abraham et Sara devient Sarah. Hachem promet alors à Abraham la naissance d’un fils issu de Sarah : Yitzhak.
Dans le chapitre 12, la Torah dit :
:א/ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-אַבְרָם, לֶךְ-לְךָ מֵאַרְצְךָ וּמִמּוֹלַדְתְּךָ וּמִבֵּית אָבִיךָ, אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר אַרְאֶךָּ
1/ Hachem dit à Avram : « Va pour toi hors de ta terre, de ton pays natal et de la maison de ton père vers la terre que je te montrerai.
:ב/ וְאֶעֶשְׂךָ, לְגוֹי גָּדוֹל, וַאֲבָרֶכְךָ, וַאֲגַדְּלָה שְׁמֶךָ; וֶהְיֵה, בְּרָכָה
2/ Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et j’agrandirai ton nom, tu seras une bénédiction.
Le midrach Rabba analyse le second et le troisième versets de la Torah, afin de nous exposer la nature d’Avraham.
ב/ וְהָאָרֶץ, הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ, וְחֹשֶׁךְ, עַל-פְּנֵי תְהוֹם; וְרוּחַ אֱלֹהִים, מְרַחֶפֶת עַל-פְּנֵי הַמָּיִם :
2/ Et la terre était informe et vide, et les ténèbres étaient sur la surface de l’abime et l’esprit de Dieu planait à la surface des eaux.
ג/ וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים, יְהִי אוֹר; וַיְהִי-אוֹר :
3/ Dieu dit : « que la lumière soit ! », et la lumière fut.
D’après Rabbi Yéhouda, les mots de ces versets font référence aux générations qui séparent Adam et Avraham. Le mot « תֹהוּ informe » fait ainsi référence à Adam Harichone. Le suivant «וָבֹהוּ et vide » renvoie à Caïn qui en tuant son frère risquait de faire retourner le monde au néant (étant par la suite lui-même passible de mort, il n’aurait alors plus existé aucun homme). « וְחֹשֶׁךְ et les ténèbres » insinue la génération d’Énoch, instigatrice de l’idolâtrie qui a plongé le monde dans l’obscurité. Vient ensuite la génération du déluge évoquée par les mots « עַל-פְּנֵי תְהוֹם sur la surface de l’abime », car ce sont les eaux provenant des abimes qui ont détruit le monde. Devant une telle déchéance Hachem demande : « jusqu’à quand le monde se tiendra t-il dans l’obscurité, que vienne la lumière ! », c’est alors qu’il ordonne « יְהִי אוֹר que la lumière soit ! ». Avraham Avinou était cette lumière !
Ce midrach est passionnant et nous amène à définir l’essence même du travail qu’Avraham a effectué dans ce monde. Il est celui qui, après des générations de fautes, d’obscurité, parvient à faire rayonner la lumière. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nos sages enseignent qu’Avraham est parvenu à comprendre et découvrir l’existence de Dieu de par sa propre réflexion ! Cependant un tel commentaire paraît dur à comprendre. En effet, beaucoup d’éléments semblent le contredire. Le plus évident est l’existence de Noa’h alors qu’Avraham voit le jour. En effet, Avraham est né en l’an 1948, tandis que Noa’h ne meurt qu’en 2006, alors qu’Avraham a déjà 58 ans ! Noa’h étant le seul rescapé du déluge, tous les être vivants de l’époque savent parfaitement qu’ils sont issus de lui. À ce titre, il est peu probable qu’ils ignorent son histoire. Dans la mesure où, aucun homme ne le précède, les gens de l’époque sont forcément au courant de sa provenance : il est celui que Dieu a sauvé. Partant de cela, affirmer que personne ne connait l’existence de Dieu paraît parfaitement invraisemblable. Une preuve supplémentaire se trouve dans l’évènement de la tour de Babel, au cours duquel les hommes se rebellent contre Hachem. S’ils se révoltent c’est bien qu’ils connaissent son existence ! Que signifie alors l’enseignement de nos sages affirmant qu’Avraham découvre Dieu ? Que découvre t-il réellement que le monde ignorait jusqu’alors ?
La réponse est simple mais son implication est saisissante. Avraham découvre que Dieu est l’unique ! La notion d’idolâtrie n’est pas fondée et Avraham le démontre.
Tentons d’approfondir.
La différence profonde entre l’idolâtrie et le service divin se trouve dans leur origine respective. Le Rambam explique que la avoda zara est inventée par l’homme car ce dernier cherche à obtenir plus facilement les bonnes grâces divines. Dieu étant absolu, il se trouve trop loin de l’homme pour avoir accès facilement à lui. C’est pourquoi, ses émissaires, les anges, seraient plus propices à répondre aux demandes des hommes. Dès lors, les implorer et les servir trouve une justification. Par cela, les hommes ont divinisé les anges et se sont éloignés de Dieu. En clair, la création de l’idolâtrie trouve son origine dans l’égocentrisme, le souhait d’être exaucé et d’obtenir satisfaction ; tandis que le service de Dieu provient d’une source externe à nous. Il ne s’agit pas de servir Hachem pour qu’il nous exauce mais de le servir parce que nous le devons.
Pour comprendre un peu mieux l’aspect sous-jacent à ce développement arrêtons-nous sur la création de l’homme. La Torah atteste qu’Hachem a initialement créé Adam dans une version mâle et femelle. À ce niveau l’être humain n’est pas différencié de par son sexe, il n’est qu’une seule entité réunissant les deux notions. C’est par la suite que Hava fait son apparition, lorsqu’Hachem décide de la distinguer de l’homme. Enfin, en dernière étape, Dieu leur demande de s’unir. En résumé, il les crées assemblés, les sépare pour les réassembler de nouveau. Pourquoi alors ne pas les maintenir dans leur état d’origine ? Pourquoi créer deux êtres et non un seul qui serait capable de se reproduire de lui-même ?
La réponse à cela se trouve dans la nécessité de faire connaissance avec l’altérité ! Dieu attend de l’homme qu’il soit capable de se projeter vers autrui et de cesser de se focaliser sur sa personne. Pour cela, il crée deux notions opposées, l’homme et la femme. Nos sages expliquent que l’homme et la femme sont si différents l’un de l’autre qu’il est naturellement impossible de les lier. C’est pour cela qu’Hachem commence par les créer dans l’union parfaite, ils ne forment qu’un seul être. Ce n’est qu’après qu’il les sépare. Par cela, il crée un manque, un vide qu’il faut combler. D’où la recherche d’un conjoint et la nécessité du mariage. Seule différence entre l’état initial et celui atteint lors du mariage : l’homme et la femme se font face, ils forment une entité non pas constitutionnelle mais complémentaire. En ce sens, ou ce n’est qu’en cédant une place, en rétractant notre égo que nous parvenons à faire entrer en nous autre chose, notre conjoint de sexe opposé, celui-là même qui se trouve à l’antipode de notre mode de fonctionnement. L’homme et la femme ne se ressemblent pas, contrairement à ce que cherche à nous faire croire notre société, c’est le contraire qui décrit la réalité. De par leur affinité, leur sensibilité, leur façon d’appréhender les choses, de réfléchir, tout les oppose. Et ceci est nécessaire ! Car s’ils étaient identiques, aucun effort ne serait nécessaire pour accepter l’autre. C’est bien les différences qui les séparent qui rendent nécessaire leur union. C’est en repoussant notre état naturel, en tenant compte de l’autre, que nous parvenons au ‘hessed, la bonté, et que nous évoluons vers un progrès commun qui nous unit.
Par cela nous ressemblons à Hachem ! En effet, comme nous l’avons expliqué récemment, Dieu a créé le monde par la bonté. Le premier acte de sa création consiste en cette notion, celle de laisser place à autre chose que soi. En effet, nos sages enseignent que Dieu n’est pas dans le monde, c’est plutôt le monde qui se trouve en Dieu. L’infinité divine surplombe l’immensité du monde. Initialement, Hakadoch Baroukh Hou était seul et rien d’autre n’existait. Pour créer le monde, il était nécessaire de créer un espace dans lequel il pourrait exister. C’est alors que Dieu a procédé à ce que nos sages appellent le tsimtsoum : il s’est « rétracté » pour laisser de la place à l’univers. La création du monde a débuté par acte de bonté, Dieu se retire pour laisser place à autre chose que lui ! Il nous montre l’exemple à suivre, l’objectif de notre création ! Il s’agit de lui ressembler pour mieux le servir. En effet, de par la nature de l’homme, l’égocentrisme prend une place prépondérante dans la vie. Tout tourne autour de nous, de nos désirs et de nos envies. Il paraît alors impossible de servir le créateur car pour cela nous devrions refouler notre volonté au profit de la sienne. Le servir, signifie nous plier à ses ordres sans tenir compte de notre avis personnel. Naturellement, l’homme s’oppose à cela et c’est là que se trouve l’utilité du couple. Le mariage force à l’effort, il contraint au don et à l’échange, il nous conduit à nous comporter comme Hachem, limitant notre égo pour faire place à celui de notre conjoint. C’est pour cela que le mariage se base sur le don, car il est le seul outil qui nous ouvre à autrui.
Telle est la nouveauté d’Avraham dans le monde ! L’innovation d’Avraham ne se situe pas tant dans la découverte de Dieu puisqu’il savait déjà qu’il existait. La révolution qu’il entreprend se situe plutôt dans la caractérisation de Dieu. Hachem constitue la bonté absolue et il nous demande d’agir de la même manière. À ce titre, Avraham est celui qui se distingue de toutes les générations précédentes. Jusque là, les actions de l’homme se sont opposées à cette notion. Caïn tue son frère car il ne veut pas partager la terre avec lui ! Les hommes inventent l’idolâtrie afin d’assouvir plus facilement leurs désirs. Par cela ils s’opposent frontalement au service divin qui consiste à refouler nos envies, à les réprimer pour accomplir la volonté d’Hakadoch Baroukh Hou ! Les hommes vont même pousser cela jusqu’au paroxysme lors de la génération du déluge. Cette dernière sera détruite à cause du vol, acte qui caractérise parfaitement l’absence de limite, la négligence d’autrui face au désir absolu de notre égo.
Face à tout cela, apparaît Avraham, le premier homme qui va cesser de se consacrer à sa personne pour s’occuper des autres. Nos sages attestent que le trait de caractère du premier patriarche était le ‘hessed. Il est celui qui toute sa vie, va tenter de prouver au monde son erreur, il va accueillir tous les passants sous sa tente afin de leur offrir le repos, la nourriture et de les ramener vers Hachem ! Il est le premier à convertir les gens ! C’est là la différence avec Noa’h, qui, bien que tsadik, ne prie pas pour les autres et survit seul ! Avraham lui, informe, tente de sauver et prie pour les autres. Il découvre ce caractère divin qu’est la bonté et l’exploite. Il est le premier homme à formuler une requête au créateur ! Jamais auparavant la Torah ne parle d’une téfilah qui n’est pas une louange ! Par contre pour Avraham, lorsque la ville de Sédome va être détruite, nous constatons qu’il n’hésite pas à implorer Dieu, chose parfaitement inédite ! C’est pour cela que notre paracha commence par le verset que nous avons cité. Avraham est celui qui part, qui sort de son état original, de son pays, de sa patrie et de sa ville natale. Il quitte sa famille et son confort, car il ne laisse aucune place à son désir personnel. Il s’agit de la première étape d’une démarche basée sur le ‘hessed ! Il vit dix épreuves pour prouver qu’à aucun moment, son avis, sa volonté ne prend le pas sur la place qu’il accorde à Hachem ! Il parvient à une telle expression de la bonté, qu’il s’efface totalement face à la volonté d’Hakadoch Baroukh Hou !
C’est là tout le sens de ce midrach par lequel nous avons entamé notre raisonnement. Toutes les générations précédant Avraham se sont axées sur elles-mêmes. Elles ont sombré dans l’obscurité et se sont renfermées sur elles. Avraham est celui qui apporte la lumière au monde, il découvre Dieu et ce qu’il représente, il apporte sa connaissance, il est le premier à lui ressembler ! Tel est le message qu’il nous transmet en tant que père de toutes les nations. Il a atteint ce titre parce que le premier, il s’est comporté comme un père pour les autres. Le père est celui qui donne tout à ses enfants, qui abandonne tout ce qu’il possède pour sa descendance ! Il fait preuve d’un amour inconditionnel. Avraham était ce père pour le monde, il était le ‘hessed qui illumine la création de Dieu.
Yéhi ratsone que nous puissions cesser de penser à notre personne, de nous focaliser sur des objectifs qui ne visent que notre profit. Qu’au contraire nous soyons portés vers les autres au point d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, et d’être enfin à l’image d’Hakadoch Baroukh Hou ! Amen véamen !
Chabbat Chalom.
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