Parachat Vézot Habérakha – 5777 – Yéhouda Moshé Charbit
Vézot Habérakha
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Résumé de la Parasha
La paracha vézot habérakha conclut le dernier livre de la torah par des bénédictions. Effectivement, à l’image de Yaakov avant de quitter le monde, Moshé bénit chacune des douze tribus. Ainsi, Moshé rejoint l’endroit où Hachem lui avait dit de se rendre. Sur la montagne de Névo, Moshé regarde la terre promise aux patriarches, afin d’être témoin que leurs enfants en ont bien hérité, et que Hachem a tenu sa promesse. Hakadoch Baroukh Hou descend alors des cieux afin de venir lui-même embrasser Moshé et récupérer son âme. La torah se conclut par le témoignage suivant : « il ne se leva jamais un prophète en Israël comme Moshé, que Hachem avait connu face à face. Pour tous les signes et les merveilles pour lesquels Hachem l’avait envoyé pour accomplir en terre d’Égypte contre pharaon, contre tous ses serviteurs et contre tout son pays. Et pour toute la main forte et pour toute la grande crainte que Moshé a accomplies aux yeux de tout Israël. »
Dvar Torah
La torah dit dans le chapitre 34 :
ד/ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֵלָיו, זֹאת הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּעְתִּי לְאַבְרָהָם לְיִצְחָק וּלְיַעֲקֹב לֵאמֹר, לְזַרְעֲךָ, אֶתְּנֶנָּה; הֶרְאִיתִיךָ בְעֵינֶיךָ, וְשָׁמָּה לֹא תַעֲבֹר׃
4/ Et Hachem lui dit: « C’est là le pays que j’ai promis par serment à Avraham, à Yitshak et à Yaakov, en disant: Je le donnerai à votre postérité. Je te l’ai fait voir de tes yeux, mais tu n’y entreras point. »
ה/ וַיָּמָת שָׁם מֹשֶׁה עֶבֶד-יְהוָה, בְּאֶרֶץ מוֹאָב–עַל-פִּי יְהוָה׃
5/ C’est donc là que mourut Moshé, le serviteur d’Hachem, dans le pays de Moav, sur l’ordre d’Hachem.
ו/ וַיִּקְבֹּר אֹתוֹ בַגַּי בְּאֶרֶץ מוֹאָב, מוּל בֵּית פְּעוֹר; וְלֹא-יָדַע אִישׁ אֶת-קְבֻרָתוֹ, עַד הַיּוֹם הַזֶּה׃
6/ Il fut enseveli dans la vallée du pays de Moav qui fait face à Beth-Pé’or; mais nul n’a connu sa sépulture jusqu’à ce jour.
ז/ וּמֹשֶׁה, בֶּן-מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה–בְּמֹתוֹ; לֹא-כָהֲתָה עֵינוֹ, וְלֹא-נָס לֵחֹה׃
7/ Moshé était âgé de cent vingt ans lorsqu’il mourut; son regard ne s’était point terni, et sa vigueur n’était point épuisée.
Le Daat Zékénim Mibaalé Hatosfot (dévarim, chapitre 34, verset 10) rapporte le débat bien connu entre Hachem et la néchama de Moshé : « Hachem a appelé la néchama de Moshé et lui a dit : »Ma fille, Je t’ai accordé 120 ans pour résider dans le corps de Moshé, sors et ne tardes pas, parce qu’est venue ta limite pour sortir. Elle Lui a immédiatement répondu : Je sais que Tu es le Dieu des esprits et des âmes et que toutes les âmes sont entre Tes mains, et que Tu m’as créée et placée dans le corps de Moshé. Seulement, as-Tu un corps aussi pur pour m’y placer mieux que celui de Moshé dans lequel il n’y aura jamais de vers , et qu’aucune mouche ne verra jamais ? Je ne veux pas le quitter ! Il lui a alors dit : Ne tardes pas, car est venue ta limite pour sortir, et Je t’élèverai dans les plus hauts cieux et te placerai avec les chérubins sous Mon trône de gloire près des séraphim, des ophanim et des anges ! Elle Lui a dit : Maître du monde, il est préférable pour moi d’être dans le corps de Moshé plutôt que près des chérubins et des anges car voici que deux d’entres eux, Ouza et Azael, sont descendus sur terre et ont convoité les femmes de la terre, sont allés avec elles, et se sont égarés jusqu’à ce que Tu les fasses remonter. Par contre, Moshé, depuis le moment où Tu T’es dévoilé à lui sur le buisson, il n’est pas retourné avec sa femme ! Exauces ma requête et laisses-moi à ma place ! » Puisqu’Il a vu cela, Il l’a »embrassée » et a prit son âme par un »baiser ». »
Ce texte, très connu, suscite des interrogations. Que signifie l’attitude de l’âme de Moshé ? Certes, le corps du plus grand des hommes est d’une sainteté extrême, mais de là à le préférer au trône de gloire ? Que signifie ce texte que nous lisons par habitude sans trop nous questionner ?
Pour apporter un élément de réponse, il nous faut tenter d’analyser la mort de Moshé, où plus précisément, son tombeau. En effet, les versets que nous avons cité expliquent clairement que sa localisation est une chose cachée de l’homme. Celle-ci est un tel mystère, que nos sages précisent (traité sotah, page14a) que Moshé lui-même ignore sa position.
Plus encore, le talmud enseigne (traité sotah, page13b) : « »Il fut enseveli dans la vallée du pays de Moav qui fait face à Beth-Pé’or » Rav Bérakhia a dit : la torah nous donne un signe dans un signe (c’est-à-dire plusieurs indications) et quand bien-même elle dit ensuite : »nul n’a connu sa sépulture jusqu’à ce jour ». Il est déjà arrivé qu’une mauvaise royauté envoie une délégation auprès de chef de Beth-Pé’or afin qu’il lui indique la position de la tombe de Moshé. Lorsqu’ils se tenaient en haut, il leur semblait être en bas, lorsqu’ils se tenaient en bas, il leur semblait être en haut. Ils se sont alors divisés en deux groupes et ceux qui se tenaient en haut pensaient être en bas et ceux qui se tenaient en bas pensaient être en haut. »
Ces textes insistent donc pour nous prouver qu’il s’agit d’une chose inaccessible. Et pourtant, le Yalkout Réouvéni (sur vayélékh) écrit que Moshé et Tsipora sont enterrés dans le tombeau de Makhpélah auprès des patriarches et leurs épouses ! Car c’est seulement Moshé qui s’est vu interdit d’aller en terre d’Israël, mais pas les anges qui se sont chargés de conduire son corps dans le tombeau des avot !
Le ‘Hida (‘Homat onekh, parachat ‘hayé sarah) écrit au nom du Rokéa’h que les mots (béréchit, chapitre 23, verset 19) « מְעָרַת שְׂדֵה הַמַּכְפֵּלָה le caveau du champ de Makpéla » ont pour initiales »משה moshé ». C’est en ce sens que le Mégalé Tséfounot (page 144) explique pourquoi même Moshé ignore où se trouve sa tombe. Puisqu’il a été enterré près de Beth-Pé’or et qu’il voit son corps dans le tombeau de Makhpéla, il ne saisit pas où se situe sa sépulture !
Ces commentaires semblent contredire frontalement ce que la torah affirme explicitement. Si Moshé se trouve dans le tombeau de Makhpéla, alors nous sommes maintenant au courant de position contrairement à ce que la torah affirme. Comment comprendre ?
À cela, le Maharacha (sur sotah, page 13b, dernier commentaire de la page) apporte un éclaircissement remarquable qui nous permet de comprendre les choses : « Moshé a déjà dans sa vie fait des actes spirituels comparable aux anges, comme il est écrit, qu’il n’a pas mangé de pain ou encore qu’il s’est séparé de sa femme. C’est pourquoi, même dans sa mort, son corps qui est enterré, reste spirituel et n’a pas la dimension de l’espace et il n’est pas possible
de se tenir dans »son endroit spécifique ». C’est dans cette suite d’idée que Rabbi ‘Hama ajoute que même Moshé ne sait pas où il est enterré, car il est devenu parfaitement spirituel et ne sait absolument pas où se trouve son corps car la dimension matérielle n’existe plus chez lui. »
En somme, puisque Moshé a dépassé le cadre de la matière, il ne s’inscrit plus dans un espace défini. D’où le texte de la guémara qui affirme que les notions d’orientations ont disparu lorsque des hommes ont tenté de pénétrer sa tombe, car pour se faire, il faudrait parvenir à se soustraire à la matière et ne plus être concerné par les notions de haut et bas ! Plus encore, personne ne peut localiser la tombe de Moshé car, elle ne trouve pas de position fixe, elle sort du cadre ! De facto, il n’y a plus rien de surprenant à noter que la torah atteste d’une part que personne ne sait où se trouve son tombeau et que d’autre part, nos sages indiquent qu’il réside dans le tombeau des avot, car dans les faits, sa disposition ne se limite pas à une espace donné !
Il est particulièrement intéressant de noter ce que dit la suite de la guémara que nous avons cité : « Rabbi Simlaï a expliqué : la torah commence et se termine par la gmilout ‘hassadim (actes de bontés). Elle commence par gmilout ‘hassadim comme il est écrit : » et Hachem Dieu fit pour Adam et sa femme un tunique de peau et les habilla avec » et elle termine par la gmilout ‘hassadim, comme il est écrit : »Il l’a enterré dans la vallée » .»
Les deux faits apportés pour relier la fin de la torah à son début ne sont pas anodins. Le premier concerne la suite de la faute d’Adam, qui subit alors une transformation. Il passe de »כתנות אור tunique de lumière » à une »כתנות עור tunique de peau ». Avant sa
faute, Adam était lumineux et devient ensuite limité et recouvert de peau ! En clair, il entre de la cadre des dimensions, dans le domaine du fini, du mesurable. Par contre, la fin de la torah se termine par l’enterrement de Moshé qui justement, constitue la sortie de ce cadre, l’absence de dimension ! C’est dire combien la torah retourne avec Moshé à l’état initiale du monde, la fin de la torah n’est rien d’autre que »son début ».
Partant de ce développement, nous comprenons la réaction de l’âme de Moshé. Lorsqu’Hachem propose à la néchama de Moshé de rejoindre les anges, elle n’y trouve aucun intérêt, parce qu’elle réside dans un endroit qui est supérieur à celui où les anges évoluent, d’où sa comparaison entre le corps de Moshé et les anges déchus. Elle ne ressent pas d’aspect matériel à l’enveloppe qui la recouvre. Au contraire, elle se sent »chez elle » dans une monde parfaitement spirituel, où aucun défaut n’existe, la dimension du terrestre, du limité, ne se manifeste plus chez Moshé ! La seule chose où l’âme du plus grand des hommes sent un interêt, vit une élévation, n’est autre que Dieu Lui-même ! D’où le »baiser divin » qu’Hachem effectue ! En somme, il n’existe plus rien de supérieur à Moshé si ce n’est le Maître du monde, qui reste le seul chez qui la néchama du plus grand des hommes préfère être !
La conclusion de la torah est donc une forte note d’espoir, celle de voir combien il est en notre pouvoir de retourner à l’état antérieur à la faute, de revenir à nos origines.
Béni soit Hakadoch Baroukh Hou qui nous a accordé le mérite incomparable d’étudier et de commenter Sa torah et qui nous offre l’opportunité de revenir à son début, avec encore des merveilles à découvrir, amen véamen.
‘Hag Saméa’h
Y.M. Charbit
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