Parashat Vaykra (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT VAYIKRA
Le troisième livre de la torah commence par les règles concernant les offrandes que les bné-Israël étaient sensés apporter au michkan pour expier les fautes qu’ils auraient commises. Ainsi la torah décrit les parties précises de l’animal, qui devront être brûlées dans chaque sacrifice, la manière précise de recueillir le sang de la bête, la manière d’en asperger l’autel, le lieu du sacrifice, et l’attribution des restes de l’animal ou de l’aliment offert entre le propriétaire du sacrifice et les cohanim qui s’occupent de l’office, ainsi que tous les détails annexes à chaque type de sacrifice. Ainsi, la torah traite du sacrifice ola (holocauste) devant être offert lorsque la personne transgresse une faute pour laquelle la torah ne mentionne pas de punition, ou qu’elle n’a pas accompli un commandement positif. Une personne peut également offrir ce type de sacrifice lorsqu’elle a pensé à faire une faute sans l’accomplir concrètement ou si elle souhaite se rapprocher d’Hachem. Vient ensuite le sacrifice minha (oblation) qui est purement volontaire. Après cela, la torah traite du sacrifice chélamim (offrande de paix) qui témoigne de notre amour pour Hachem. Suite à cela, la torah parle du sacrifice hatat qui permet la réparation des fautes commises involontairement. Et enfin le sacrifice acham (expiatoire). La paracha conclut en énumérant les fautes qui entrainent l’obligation pour une personne d’apporter ces sacrifices.
Dans le chapitre 4 de Vayikra, la torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר׃
1/ Hachem parla à Moshé en disant :
ב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, לֵאמֹר–נֶפֶשׁ כִּי-תֶחֱטָא בִשְׁגָגָה מִכֹּל מִצְוֹת יְהוָה, אֲשֶׁר לֹא תֵעָשֶׂינָה; וְעָשָׂה, מֵאַחַת מֵהֵנָּה׃
2/ Parle aux bné-Israël, en disant : « Lorsqu’une personne fautera par inadvertance d’entre tous les commandements d’Hachem qui ne doivent pas être commis, et il a commis l’un d’eux.
Suite à ce verset, la torah énumère chacun des cas de transgression, et précise quel type d’offrande le coupable devra apporter pour se faire pardonner. Il s’agit donc ici des offrandes de type hatat. Le hatat est présenté en sacrifice lorsqu’une personne transgresse une faute en état de chogueg. Avant d’entamer notre développement, il convient d’éclaircir cette notion. Le mot chogueg, est souvent traduit par « involontaire ». Toutefois ce n’est pas précis. Commettre une transgression en état de chogueg consiste à vouloir faire une action donnée, sans pour autant vouloir transgresser la torah. Par exemple lorsque nous avons agi sans réfléchir et avons oublié qu’une action est interdite. Il ne s’agit donc pas d’un acte totalement involontaire et inévitable. Il s’agit plutôt d’un manque d’attention pour lequel la torah nous demande d’apporter un sacrifice.
En partant de là, quelques questions se posent sur ce sujet. La première est de comprendre pourquoi la torah demande t-elle d’apporter un sacrifice pour une faute commise en état de chogueg. Effectivement, il s’agit d’un manque d’attention, mais il apparaît clairement que ce dernier n’est motivé d’aucune intention négative ! La personne en question n’a jamais voulu outrepasser la volonté du créateur ! Or, quiconque subit de la part de son prochain un dérangement, conçoit que si ce dernier n’avait pas de mauvaise intention, il faut lui pardonner. Alors comment comprendre qu’Hachem ne pardonne pas ? Pourquoi insiste t-il pour que la personne apporte une offrande ? Il n’a pas fait exprès et ne voulait pas faire de mal !?
De même, comment est-ce possible de concevoir qu’Hachem laisse la possibilité de fauter en état de chogueg ? Puisque ce n’est pas notre intention de faire du mal, alors pourquoi Hachem nous met dans une telle situation ? Cela semble injuste, puisque nous ne voulions pas fauter !
Dans la même suite d’idée, il paraît étrange de constater qu’en cas de transgression volontaire, la torah ne demande absolument aucune offrande. Pourtant, il semblerait logique de penser qu’à plus forte raison, la personne qui faute intentionnellement doive se faire pardonner. Alors pourquoi cette dernière, qui commet un acte plus grave qu’un chogueg, ne doive apporter aucun sacrifice pour expier sa faute ?
Et enfin, nos sages posent souvent une question concernant les offrandes animales. Pourquoi tuer une bête lorsque nous sommes les responsables de la transgression en question ? La bête, elle, n’y est pour rien, alors pourquoi l’offrir en sacrifice ?
Tentons d’éclaircir.
Il faut savoir que sur un plan métaphysique, l’âme, la néchama, est subdivisée en cinq sous-parties, qui sont le néfech, le roua’h, la néchama, la haya et la yé’hida. Les deux dernières sont purement spirituelles et demeurent dans des sphères célestes extrêmement saintes. Par contre, les trois premières sont directement connectées avec nous. De façon simple, le néfech correspond à tout l’attrait matériel et bestial de l’homme. Elle alimente les fonctions primaires du corps que nous avons en commun avec les animaux, à savoir la capacité de se déplacer, de manger, de voir… . La troisième partie, la néchama, est l’étincelle divine qui provient directement d’Hachem et qui octroie à l’homme l’accès à tout ce qui touche à la sainteté. Ces deux parties sont donc diamétralement opposées, d’où la nécessité du roua’h afin de les réunir sous une seule entité.
Ainsi, lorsqu’une personne arrive dans ce monde, elle dispose d’une dose de matérialité et de sainteté reparties équitablement. L’objectif de la vie étant de favoriser et de cultiver au maximum la partie spirituelle et de refouler la partie matérielle. Toutefois, ces deux notions étant connectées, elles s’influent mutuellement. De ce fait, lorsque l’homme commet des actes saints, il sanctifie sa partie matérielle, tandis que lorsqu’il transgresse la torah, il souille son aspect spirituel.
Rav Arié Leib (dans son livre chaar bat rabim) avance donc une idée extraordinaire ! Lorsqu’une personne en vient à transgresser une faute en état de chogueg, c’est qu’elle l’a déjà transgressée volontairement ! Au vu de ce que nous venons d’expliquer, cela paraît clair. En temps normal, une personne est sensée réagir immédiatement lorsqu’une faute se présente devant elle. De par la partie spirituelle qui le compose, l’homme doit naturellement se rendre compte que l’action qu’il va entreprendre est mauvaise du point de vue de la torah. Un frein naturel provenant de notre néchama
doit donc le retenir et lui rappeler que ce qu’il souhaite faire est mal ! En clair, il semble naturellement impossible d’oublier et d’agir en état de chogueg !
À une exception près ! Le cas où la personne a déjà transgressé cette même faute de façon volontaire ! Lorsque cela arrive, comme nous l’avons dit, la partie matérielle et bestiale de l’âme « contamine » la partie spirituelle. Cette dernière se retrouve donc atrophiée et restreinte par rapport à sa rivale qui prend le dessus. Dès lors, la nature de la personne en question se trouve profondément modifiée et, ce qui semblait mal jadis, néfaste, devient aujourd’hui ordinaire voir même instinctif ! Notre côté bestial devient la norme et prend le pas, ce qui lui permet malheureusement d’agir plus librement. Ainsi, lorsqu’une faute se présente à nous, durant un instant, nous ne pensons même pas qu’il s’agit d’un interdit, nous ne voyons plus aussi clairement qu’il s’agit d’une avéra, et sans même vouloir transgresser la torah, nous le faisons ! Dorénavant, ce n’est plus consciemment que nous transgressons la torah, ce n’est plus notre intellect qui régit notre action, c’est notre corps, la partie animale et automatisée de notre être !
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le verset précise « נֶפֶשׁ כִּי-תֶחֱטָא Lorsqu’une personne fautera par inadvertance« . Le mot choisi par la torah pour parler de la personne en question est « נֶפֶשׁ néfech« . Cela nous montre que c’est bien le néfech, la partie bestiale de l’homme qui faute et non sa partie spirituelle ! Et c’est bien là, la définition d’un chogueg qui consiste à agir machinalement sans avoir réfléchi ! D’où l’intérêt d’apporter un sacrifie animal, dans le but de réduire notre côté animal et de le rétablir à un niveau qui permettra à notre côté spirituel de reprendre le dessus.
Comment l’offrande animal permet-elle cela ?
Le Arizal dévoile le fonctionnement du sacrifice. Normalement, c’est nous qui devrions mourir, has véchalom. Cependant, Hakadoch Baroukh Hou, par miséricorde, nous propose d’apporter un animal qui se substitue à nous. Car en voyant les graisses, le sang et les membres de la bête être brûlés, nous détruisons notre partie animale, nous réduisons notre néfech et redonnons sa place à notre intellect, notre néchama ! C’est la raison pour laquelle, l’animal est spécifiquement choisi pour réparer notre faute. Lorsque nous renforçons notre côté animal, nous devons brûler un animal qui supprimera l’ascendance de notre néfech sur notre néchama !
Par cela, nous comprenons comment il est possible que la notion de chogueg existe ! Nous ne comprenions pas pourquoi Hachem crée une situation dans laquelle nous ne voulons pas fauter et dans laquelle nous fautons finalement ! Si ce n’est pas notre faute pourquoi ce genre de cas existe t-il ? De même pourquoi Hachem nous en tient-il rigueur ?
La réponse est maintenant évidente ! Nous avions tout simplement tort ! C’est de notre faute si nous fautons involontairement ! Car c’est nous qui avons initialement fauté volontairement. Par cela, nous avons habitué notre corps à la faute, nous avons désensibilisé notre néchama qui ne réagit même plus lorsque le mal se présente devant nous ! C’est pour cela qu’Hakadoch Baroukh Hou ne pardonne pas naturellement cette transgression ! Car elle est tout sauf naturelle ! Elle provient de notre volonté initiale de fauter !
Il se peut même que se soit là, la raison pour laquelle lorsque nous transgressons volontairement une faute, aucune offrande ne doit être apportée. Ce n’est que lorsque nous en arrivons au chogueg que le sacrifice est nécessaire. Tant que cela n’arrive pas, c’est que notre partie spirituelle est encore assez puissante pour s’opposer à notre néfech ! Dans cet état, c’est à nous d’agir, c’est à nous de faire l’effort de combattre notre mauvais penchant et de le vaincre ! Nul besoin d’une offrande, à moins de vouloir faire du zèle ! Mais la torah ne nous oblige pas à cela ! Par contre, quand la faute s’est tellement enracinée en nous que nous la faisons inconsciemment, alors la torah nous pousse au réveil ! Elle nous aide à la téchouva et nous offre un cadeau sans pareil. La possibilité de reprendre des forces, de remonter la pente et de rétablir un équilibre ! Elle nous donne les armes pour reprendre la bataille et pour que, de nous-même, nous puissions faire téchouva sur la faute volontaire ! Par cela, nous déracinons le mal que nous avons enfoui dans notre être et nous supprimons la possibilité de faire des fautes inconsciemment !
Il est d’ailleurs intéressant de noter que le mot קורבן, sacrifice, provient du mot קירוב qui signifie un rapprochement. Cela connote parfaitement l’idée que nous avons évoquée comme quoi le sacrifice a pour objectif de nous mener à la téchouva.
Tout ce développement nous montre une fois de plus, combien la téchouva est précieuse pour Hakadoch Baroukh Hou. Jamais il ne nous abandonne. Et lorsque nous perdons trop de terrain face au yetser hara, il met en place le moyen de nous remettre en selle et de lutter à nouveau. Même lorsque nous semblons vaincu, Hachem nous aide et nous conduit sur la route de la téchouva. C’est dire, à quel point nous comptons pour lui et à quel point nous devons savoir saisir les opportunités qu’il place devant nous. Certes les sacrifices n’existent plus de nos jours. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne devons pas chercher à déraciner nos fautes. Nous devons au contraire, redoubler d’efforts et trouver en nous la force de ne pas se plier au mauvais penchant. Par cela, même sans sacrifice, Hachem nous aidera et nous pardonnera. Ce sera peut-être le signe que de nouveau, nous méritons ces sacrifices qui nous aidaient, et donc que nous sommes enfin prêts à reconstruire le beth Hamikdach. Yéhi ratsone que nous puissions rapidement être purifiés et qu’Hakadoch Baroukh Ho revienne établir sa résidence parmi nous en nous permettant d’offrir à nouveau les sacrifices dont la torah nous parle ! Amen véamen.
Chabbat Chalom.