Parachat Vayétsé Yéhouda Moshé Charbit (5775)
Parachat Vayétsé Charbit
בס״ד
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Parachat Vayétsé Yéhouda Moshé Charbit
Après s’être substitué à Essav, son frère, pour recevoir les bénédictions d’Yitshak, Yaakov est contraint de fuir sa maison. Il se dirige donc vers Harane, lieu où vit son oncle, Lavane. Sur le chemin, Yaakov en s’endormant fait un rêve dans lequel des anges montent et descendent une échelle au sommet de laquelle se tient Hakadoch Baroukh Hou. C’est à ce moment que Yaakov reçoit la promesse d’être protégé durant tout son voyage et se voit accorder la bénédiction d’Hachem. Suite à cela, Yaakov poursuit son voyage jusqu’à arriver à un puits recouvert d’une immense pierre autour de laquelle se réunissaient tous les bergers pour abreuver leur troupeau. C’est à cet endroit que Yaakov rencontre Rahel pour laquelle il décide de travailler sept ans auprès de Lavane, son père, afin qu’il la lui accorde pour épouse. Au terme de ces sept années, Lavane dupe Yaakov, et substitue Léa, sa fille aînée, à Rahel lors du mariage, obligeant Yaakov à travailler sept années supplémentaires pour enfin pouvoir se marier avec Rahel. De ces femmes, auxquelles il faut ajouter les servantes de Rahel et Léa, respectivement Bilha et Zilpa, naissent les onze premiers fils de Yaakov. Puis Yaakov travaille sept années de plus pour son oncle, afin d’obtenir des richesses avant de le quitter.
Dans le chapitre 28, la Torah dit :
י/ וַיֵּצֵא יַעֲקֹב, מִבְּאֵר שָׁבַע; וַיֵּלֶךְ, חָרָנָה׃
10/ Yaakov sortit de Béer-Chevah et il alla vers Harane.
יא/ וַיִּפְגַּע בַּמָּקוֹם וַיָּלֶן שָׁם, כִּי-בָא הַשֶּׁמֶשׁ, וַיִּקַּח מֵאַבְנֵי הַמָּקוֹם, וַיָּשֶׂם מְרַאֲשֹׁתָיו; וַיִּשְׁכַּב, בַּמָּקוֹם הַהוּא׃
11/ Il rencontra l’endroit et y passa la nuit car le soleil s’était couché ; il prit parmi les pierres de l’endroit, les posa autour de sa tête et s’étendit en ce lieu.
יב/ וַיַּחֲלֹם, וְהִנֵּה סֻלָּם מֻצָּב אַרְצָה, וְרֹאשׁוֹ, מַגִּיעַ הַשָּׁמָיְמָה; וְהִנֵּה מַלְאֲכֵי אֱלֹהִים, עֹלִים וְיֹרְדִים בּוֹ׃
12/ Il rêva et voici une échelle posée à terre et son sommet arrivait jusqu’au ciel, et voici : des anges de Dieu montaient et descendaient dessus.
Le passage du rêve de Yaakov est extrêmement commenté par nos sages. L’abondance des commentaires nous montre à quel point ce texte est profond et évidemment, une lecture méticuleuse s’impose pour tenter de le comprendre. Un midrach bien connu explique que les anges que Yaakov voit monter et descendre sont les mêmes que ceux qui se sont chargés de détruire les villes de Sédome et Amora, ainsi que d’en sauver Loth, le neveu d’Avraham. Le Yalkout Chimoni (parachat vayéra, paragraphe 84) enseigne au nom de Rav Lévi, qu’au moment de sauver Loth, les anges ont commis une faute. Il lui ont dit « כי משחיתים אנחנו car nous détruisons». En disant ces mots les anges ont dévoilé que Dieu comptait détruire les villes en question. Or, les secrets de Dieu ne concernent pas Loth qui n’avait pas à savoir ce qui devait se produire. Il n’avait qu’à fuir, mais pas à connaître le destin de la ville. À ce titre, les anges commettent une faute et sont punis : durant 138 ans ils ne remonteront pas dans le ciel ! Ce n’est que lorsque Yaakov fera ce rêve de l’échelle qu’ils pourront rejoindre le maître du monde. Les anges dont nous parle la torah et qui grimpent sur l’échelle sont ceux-là même qui sont restés bloqués sur terre. Selon Rabbi ‘Hama Bar ‘Hanina la raison de la sanction des anges diffère. Il ne s’agit plus d’avoir dévoilé les secrets de Dieu, mais d’avoir fait preuve d’orgueil, en précisant « אנחנו nous» qui sous-entend qu’ils sont eux-mêmes les instigateurs de cette destruction, alors qu’ils ne sont que les émissaires d’Hakadoch Baroukh Hou.
Sur ce même midrach, un élément est précisé (parachat vayétsé, paragraphe 119) : les deux opinions citées ne sont pas en désaccord. Seulement, le second enseignement explique ce que le premier dit, de façon plus légère et atténuée.
Ce midrach nous pousse à plusieurs interrogations. La première consiste à comprendre comment des anges peuvent-ils commettre une faute dans la mesure où ils n’ont pas de libre-arbitre. La notion de transgression provient de la défaillance causée par notre mauvais penchant. Les anges, étant purement spirituels, ne disposent pas de ce défaut ! Rachi en atteste dans son commentaire sur la paracha vayéra, lorsqu’il souligne dans le verset 5, chapitre 18, que le mot « לבכם votre coeur » est employé pour désigner les anges. À contrario, lorsqu’il s’agit de l’homme le mot utilisé est « לבבכם votre coeur », dans lequel la lettre ב est bissée. Cela provient du fait que l’homme dispose de deux penchants, le bon et le mauvais. Par contre, les anges ne sont pas atteints par le mauvais penchant, c’est pourquoi, le ב n’est pas doublé. Rabbénou ‘Hananel tel qu’expliqué par Rav Dessler (cf mi’htav mééliyahou, page 113) prouve que les notions de libre-arbitre, de faute et de punition n’ont pas leur place lorsque nous parlons des anges. Il paraît donc extrêmement compliqué de comprendre les propos de notre midrach qui affirme que les anges ont non seulement commis une erreur mais de surcroît, ont été punis !
La seconde question qu’il convient de poser concerne le lien entre Yaakov et la remontée des anges. En quoi, Yaakov leur permet-il d’accéder de nouveau aux cieux ?
Un troisième point à souligner est celui du second midrach que nous avons cité. D’après le texte, l’opinion qui explique la faute des anges par le dévoilement d’une information ne diffère pas de celle qui affirme qu’ils ont fait preuve d’orgueil. Cela est difficile à comprendre dans la mesure où les deux hypothèses avancées n’ont pas de lien entre elles. Comment deux choses différentes peuvent n’en signifier qu’une seule ?
Nous voyons bien que ce texte est extrêmement obscur et qu’il nécessite plusieurs éclaircissements. Pour les obtenir remontons à ce fameux moment où les anges commettent leur « faute ». Voyant que Loth tardait à fuir la ville, les anges décident de l’empresser. Dans le chapitre 19, verset 12, les anges lui disent :
וַיֹּאמְרוּ הָאֲנָשִׁים אֶל-לוֹט, עֹד מִי-לְךָ פֹה–חָתָן וּבָנֶיךָ וּבְנֹתֶיךָ, וְכֹל אֲשֶׁר-לְךָ בָּעִיר: הוֹצֵא, מִן-הַמָּקוֹם
Les hommes dirent à Loth : « Qui as-tu encore ici, un gendre, tes fils, tes filles et tout ce que tu as dans la ville, fais sortir de l’endroit ».
Sur ce passage, le Baal Hatourim fait un commentaire extrêmement étrange dans la mesure où il semble faux. Il remarque que le dernier mot de la phrase « מִי-לְךָ פֹה Qui as-tu encore ici » a la même valeur numérique que « בועז Boaz ». Le Baal Hatourim explique ainsi que cela est une allusion faite à Loth concernant Boaz qui descendrait de lui. Or ceci est complètement faux ! Faisons un bref rappel. Boaz est l’homme qui s’est marié à Routh la moavite. De leur union sortira plus tard le roi David et c’est de cette lignée royale que viendra le machia’h. Routh vient du peuple de Moav qui est lui-même issu de Loth qui a eu un rapport incestueux avec sa fille. En clair, c’est la femme de Boaz qui est issue de Loth et non Boaz lui-même ! Que signifie donc le commentaire du Baal Hatourim ?
La réponse se trouve peut-être dans la nécessité de sauver Loth de la destruction de cette ville. Nos sages enseignent que Loth n’a été sauvé que par le mérite de son oncle Avraham. En clair le message de notre texte ainsi que l’allusion du Baal Hatourim sont les suivants : les anges demandent à Loth qu’est-ce qui lui reste dans la ville. Par cela, ils lui révèlent une chose extraordinaire. Ce qui lui reste c’est Boaz ! Loth n’est sauvé que par le mérite de son oncle Avraham. De ce dernier descendra le peuple hébreu duquel devra émerger le machia’h. Comme nous venons de l’expliquer, Boaz sera le vecteur de la venue du machia’h au travers de son union avec Routh. Ainsi, le mérite provenant d’Avraham qui permet de sauver Loth, est le fait qu’une des descendantes de Loth se mariera avec Boaz. Loth doit récupérer le droit à sa survie dans le mérite d’Avraham, dans la promesse qu’Hachem lui fait de faire émerger le machia’h !
Il ressort de cette explication que la raison profonde du sauvetage de Loth par l’intervention des anges se trouve dans la mise en place de la venue du machia’h ! Loth ayant une part dans cet objectif, puise dans Avraham le droit à sa survie et ce droit se nomme Boaz. Les anges sont donc présents pour assurer la mise en place du machia’h et c’est ce qui nous permet de comprendre ce qui se passe lorsqu’ils « fautent ».
Rav Dessler (cf plus haut) explique qu’en réalité les anges n’ont pas fauté et n’ont fait que suivre la volonté d’Hachem. L’objectif de leur action est de montrer le comportement idéal à adopter, celui de l’humilité totale ! La perfection humaine consiste en une humilité totale qui représente le reconnaissance absolue de Dieu et de son intervention. Penser un instant être l’origine de quoique ce soit est une carence, un défaut qui empêche une adhésion complète à la divinité. Ce critère d’humilité totale est celui qui caractérisait Moshé Rabbénou, le plus grand homme de l’histoire, celui-là même dont le zohar atteste qu’il sera le machia’h que nous attendons. Or Yaakov est le troisième des patriarches, celui qui doit faire éclore le peuple d’Israël. En tant que géniteur des représentant d’Hachem et du futur machia’h, il se doit lui-même d’être détenteur de cette qualité vitale qu’est l’humilité. Yaakov doit travailler et effacer toute trace d’orgueil et c’est pour cela que les anges devront rester sur terre durant 138 ans. Car, ils devront accompagner Yaakov et lui témoigner les conséquences de l’orgueil. Comme le disait le second midrach, les anges restent sur terre parce qu’ils dévoilent la volonté de Dieu et parce qu’ils font preuve d’orgueil. L’explication est la suivante : l’orgueil dont ils font preuve est la volonté de Dieu ! Ils font cela afin d’enseigner à Yaakov comment se comporter pour atteindre la perfection. Et ce n’est que lorsque cette mission se termine qu’ils peuvent remonter dans le ciel. Le Targoum Yéhonathan précise même que ces anges, lorsqu’ils sont remontés, ont proclamé la perfection qu’avait atteint Yaakov, au point que son visage était gravé sous le trône de gloire. Les autres anges en entendant cela, sont descendus pour observer eux-même cet homme extraordinaire !
Il apparaît donc que la punition des anges n’est que la poursuite de leur mission initiale qui consistait à maintenir Loth en vie afin d’acheminer la venue du machia’h. Ils sont donc rester sur terre auprès de Yaakov afin de lui enseigner la perfection qu’il devait atteindre et qui lui permettrait d’être l’ascendant du machia’h ! En remontant dans le ciel, ils attestent du niveau de Yaakov, qui est fin prêt à accomplir sa mission. Ce n’est que maintenant qu’il peut sortir d’Israël et aller chez son oncle pour épouser Ra’hel et Léa et commencer le travail de créer le peuple hébreu.
Plus que cela, le Baal Hatourim explique que la valeur numérique des mots « עֹלִים וְיֹרְדִים montaient et descendaient » est la même que celle des quatre exils qui frapperont les bné-Israël dans l’histoire : Babylone-Perse-Grèce-Rome. De même les mots « וְהִנֵּה סֻלָּם et voici une échelle » ont la même valeur que le mot « קץ » qui symbolise la fin des temps. Cela insinue que maintenant que Yaakov est prêt, Hachem lui montre les quatre exils car ayant atteint la perfection, il est maintenant capable de représenter le machia’h et de voir la fin des exils qui frapperont ses enfants.
Sur cela le Mabit (dans son livre Beth élokhim, chaar hatéfila, page 48) émet un commentaire extraordinaire. Lors de son arrivée à l’endroit où il fait son rêve, nos sages enseignent que Dieu a provoqué la nuit et qu’à cet instant Yaakov a prié. De là nous apprenons que Yaakov est l’instigateur de la prière du soir. Des trois prières que nous faisons chaque jour, celle du soir est la seule que nos sages n’instituent pas comme une obligation mais comme facultative. La raison à cela se trouve dans le fait que chaque patriarche s’est tenu à l’endroit où se trouve Yaakov, à savoir celui du beth Hamikdach et y a prié. Or, le mérite d’Avraham a permis de donner un terme à l’exil d’Égypte. Ce dernier était limité et défini dans le temps. La prière d’Avraham sur le beth hamikdach a permis de déterminer une fin à l’exil et une date à la délivrance. De même, le second exil, celui de Babel ne devait durer que soixante dix ans. Lui aussi était donc limité et sa fin provient du mérite de Yitshak. À ce titre, les deux téfilot instituées par Avraham et Yitshak (celles de cha’harit et min’ha) sont obligatoires. Par contre la suite des exils qui se prolonge dans celui où nous nous trouvons actuellement n’a pas de date limite. L’exil dans lequel nous sommes se place sous l’égide de Yaakov et la téfilah instituée par Yaakov, celle d’arvit, est celle qui s’est faite dans l’obscurité. Cela pour témoigner le lien étroit entre notre exil et la prière d’arvit : les deux sont « facultatifs »! Notre exil n’a pas de durée limitée, seule notre volonté de prier dans l’obscurité, de chercher la lumière de la téchouva, nous vaudra la rédemption ! C’est ce que Yaakov voit au travers de ce rêve, il voit les préparatifs de la fin de notre exil, les préparatifs de la venue du machia’h et LA condition de cette dernière : la téchouva !
Yéhi ratsone que nous puissions rapidement accomplir cet objectif et que notre téchouva nous permette la venue du machia’h amen véamen !
Chabbat Chalom.
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