Parashat Vayaqhel-Pékoudé (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
Pour télécharger le fichier correspondant : Télécharger “Parashat Vayakel - Pékoudé - Para - 5775 - Yéhouda Moshé Charbit” vayakel-pekoude-para-5775.pdf – Téléchargé 244 fois – 1,33 Mo
בס״
PARACHAT VAYAKEL-PÉKOUDÉ
Les parachyot vayakel et pékoudé relatent la création concrète du michkan. Effectivement, jusqu’ici nous ne parlions que de la description qu’Hachem faisait à Moshé des plans de fabrication. Mais, une fois le peuple pardonné de la faute du veau d’or, Moshé peut maintenant leur dévoiler les requêtes d’Hakadoch Baroukh Hou pour la création de sa demeure. Comme Hachem le lui a demandé, Moshé nomme Betsalel et Aholiav pour la supervision de l’ensemble des travaux. Ainsi, après les avoir entendu d’Hachem, Moshé, à son tour, réunit le peuple et lui explique ce qu’il a appris et lui demande d’apporter les offrandes qui fourniront les matériaux de fabrication. Devant cette demande, la réaction des bné-Israël fut d’une telle ampleur, que Moshé dut lui-même demander de cesser les apports car la quantité de matériaux nécessaires pour l’ensemble des travaux était plus que dépassée. C’est pourquoi la dernière paracha du livre de chémot quantifie et mesure chaque matériau qui a été utilisé pour le michkan. C’est à Moshé que revint l’assemblage final du michkan, ainsi que le droit d’officier durant les jours d’inauguration du michkan et d’intronisation d’Aaron et ses fils dans la fonction de Cohanim.
Dans le chapitre 39 de Chémot, la torah dit :
:ב/ וַיַּעַשׂ, אֶת-הָאֵפֹד: זָהָב, תְּכֵלֶת וְאַרְגָּמָן וְתוֹלַעַת שָׁנִי–וְשֵׁשׁ מָשְׁזָר
2/ Il fit l’Éphod en or, azur, pourpre, écarlate et en lin fin tordu.
ג/ וַיְרַקְּעוּ אֶת-פַּחֵי הַזָּהָב, וְקִצֵּץ פְּתִילִם, לַעֲשׂוֹת בְּתוֹךְ הַתְּכֵלֶת וּבְתוֹךְ הָאַרְגָּמָן, וּבְתוֹךְ תּוֹלַעַת הַשָּׁנִי וּבְתוֹךְ הַשֵּׁשׁ–מַעֲשֵׂה, חֹשֵׁב׃
3/ Ils laminèrent les lames d’or et on u découpa des fils pour faire avec les fils d’azur, de pourpre, d’écarlate et de lin fin, en œuvre d’artiste.
Le tissage du éphod s’est fait de façon particulière. En effet, Rachi explique la première étape celle de la fabrication des fils d’or. Il s’agit d’aplatir l’or en feuille fine et de couper des fils dans la longueur. Suite à cela, il fallait associer six fils de chacune des espèces citées dans les versets, avec un fil d’or.
Ce procédé, bien que novateur, est particulièrement délaissé par les commentaires de nos sages. De facto, il paraît extrêmement difficile d’en comprendre le sens. Pourquoi la torah exige t-elle d’agir de la sorte ? Quelle symbolique se cache derrière ce tissage si particulier ?
Pour tenter de comprendre et d’avoir une approche adéquate, remontons au début de notre paracha. Le premier sujet traité est celui du chabbat. La torah, enjoint de nouveau le peuple au respect de ce jour saint, bien qu’elle l’ait déjà fait dans les parachyot précédentes. Plusieurs raisons sont évoquées par nos sages pour expliquer cette répétition. Entre autre, le talmud traité chabbat (page 118b) enseigne : « quiconque respecte le chabbat selon toutes ses lois, même s’il s’agit d’une génération aussi investie dans l’idolâtrie que celle d’Énoch, se voit pardonner ». En ce sens, la torah vient réitérer son injonction sur les lois du chabbat afin de fournir au peuple juif le moyen de se faire pardonner de la faute qu’il vient de commettre, celle du veau d’or. En effet, nos sages expliquent que dans son sens le plus profond, le chabbat représente l’expression de la foi la plus totale en Dieu, car il témoigne de la création du monde faite en six jours suivit d’un septième jour saint, celui du repos « chabbatique ». En ce sens, celui qui est capable de s’affranchir des contraintes du monde afin de se plier à un comportement similaire à celui adopté par le Maître du monde, atteste sa confiance totale envers ce dernier. Face à un tel personnage, la notion d’idolâtrie qui consiste à renier l’existence d’Hachem pour le service d’un faux dieu, perd tout son sens.
Cela laisse évidement envisager un lien étroit entre le chabbat, et la manière particulière de tisser les fils du Éphod. Il faut associer six fils d’une espèce à un fils d’or. Le midrach tan’houma explique pourquoi l’or est requis pour la confection du michkan et de ses ustensiles. Pour retarder la faute du veau d’or au maximum, Aaron a demandé aux hommes de lui fournir l’or de leurs femmes et de leurs enfants. Sachant parfaitement combien les bijoux pouvaient êtres précieux, Aaron espérait que les femmes refusent de les céder à leur mari, laissant le temps à Moshé de redescendre de la montagne afin d’éviter au peuple de fauter. Toutefois, les hommes ont littéralement arraché l’or de sur leurs femmes pour la donner à Aaron. L’or est donc ce qui a permis de sculpter le veau d’or.
À l’inverse, lorsque le peuple s’est repenti de son acte et qu’Hachem leur a demandé d’apporter de l’or pour construire le michkan, les hommes ont eu la même attitude mais cette fois dans le but de réparer leur acte : ils se sont de nouveau présenter devant leurs femmes, cette fois en tant que baalé téchouva, afin d’obtenir les matières premières à la confection du michkan. L’or ainsi récolté se positionne aux antipodes de celui dont les femmes avaient été dépouillées. Si l’or du veau d’or a détruit, celui du michkan a réparé.
Nos sages enseignent que chaque vêtement du cohen gadol avait la vertu de réparer une faute. Le Éphod se chargeait d’annuler les forces de la avoda zara, à ce titre, son tissage est entremêlé de signes et de secrets orientés vers la suppression de l’idolâtrie. Il est constitué d’un alliage de six fils d’azur, six de pourpre, six d’écarlate et six de lin fin tordu, chacun accompagné par un septième fil d’or. Comme nous l’avons dit, l’or est présent en rapport avec sa capacité à réparer la mauvaise attitude des hommes durant le veau d’or. Afin de renforcer ce caractère réparateur, la torah le lie avec le septième jour de la semaine, le chabbat. C’est pourquoi sans doute, Hachem enjoint le peuple à le disposer dans une proportion d’un septième. Par cela, elle oppose les six fils de chaque espèce à l’or et place ce dernier sous l’égide du chabbat.
Plus encore, nous remarquons qu’au total, le tissage est composé de vingt huit fils. Ce chiffre renvoi directement au nombre de jour qui compose les mois du calendrier juif. Or, le Tour (ora’h haïm, chapitre 413) enseigne une chose extraordinaire. Chaque fête de notre calendrier est placé sous l’égide d’un des trois patriarches. Ainsi, pessa’h est lié à Avraham, chavouot se place sous l’égide d’Yitshak, tandis que souccot est jumelée à Yaakov. Initialement les douze tribus auraient du faire hériter le peuple de douze jours supplémentaires de yom tov incarnés au travers des douze roch ´hochech de l’année. Seulement, les hommes ayant fauté durant le veau d’or ont perdu ce mérite. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un min’hag très répandu, rapporté dans la hala’ha, consiste à dispenser les femmes de tout travail durant roch ´hodech dans la mesure où elles n’ont pas fauté !
Il s’avère donc que le mois juif, roch hodech, souffre d’une lacune conséquente à la faute du veau d’or ! C’est pourquoi, l’habit qui répare cette faute est disposé dans une structure similaire à celle du mois, pour lequel il faut opérer un tikoun.
Le seul détail qu’il nous reste à comprendre est celui du choix de ces quatre types de fils. Pourquoi eux précisément sont ceux qui accompagnent l’or pour réparer l’idolâtrie ?
La réponse nous est peut-être fournie par le midrach léka’h tov qui, par une analyse méticuleuse des versets, apporte une corrélation pour chaque catégorie de fil. À première vue, ce midrach semble difficile à comprendre, mais au travers de notre cheminement, une explication se profile. Ainsi, l’azur ferait référence au peuple d’Israël, le pourpre est liée à Daniel qui a prophétisé les quatre exils du peuple juif, l’écarlate est de nouveau lié au peuple juif et enfin le lin fin tordu est une allusion aux anges !
À l’évidence, le midrach se répète. Pourquoi la torah ferait-elle deux fois allusion au peuple hébreu?! De même quel est le lien entre les différentes comparaisons que nous apporte ce texte? Pourquoi lier Israël, les prophéties de Daniel ainsi que les anges?
La réponse se trouve peut-être dans le fait qu’avant le veau d’or, la sainteté du peuple était extraordinaire. Ceci est souligné par la comparaison avec l’azur qui est lié aux bné-Israël car ils s’enveloppent du talith qui est composé par ce tissu! Or nos sages attestent que le sens profond du talith est de nous rappeler la présence divine de par la couleur de cette fibre qui ressemble à celle du ciel! Ainsi, la personne qui revêt le talith est une personne en connexion intense avec le Maître du monde. Toutefois, la faute du veau d’or nous a retiré cette splendeur nous faisant retomber à un niveau moindre. Cela aura pour conséquence de nous mener en exil, d’où le lien avec Daniel qui a prophétisé ces différents exils. Le but de ces exils est de nous permettre de réparer notre erreur et de nous hisser au niveau que nous avions atteint jadis. D’où la nécessité de mentionner une seconde fois le peuple d’Israël, afin d’insister sur le retour au niveau initial. Enfin, une fois ce niveau atteint nous devenons comparable aux anges ce qui nous permet de comprendre la mention du midrach concernant les anges.
Ce développement trouve un écho particulier cette semaine où nous lisons une paracha supplémentaire, celle de para. La lecture de cette section de la torah prend son sens à l’approche de pessa’h dans la mesure où, pour accomplir le commandement de faire le sacrifice de pessa’h, il est nécessaire d’être pur. De fait, nos sages ont institué de rappeler la vache rousse qui avait la propriété de restituer la sainteté à ceux qui l’avait perdue. Pour reprendre l’expression de Rabbi Moshé Hadarchane cité par Rachi : « Cela ressemble à un enfant qui aurait salie le palais du roi. Ils lui disent alors : Que vienne la mère, nettoyer la tâche de son fils, de même que vienne la vache réparer la faute du veau. »
Il est intéressant de noter combien Hachem prend soin d’intégrer tous les systèmes menant à notre repentir. Chaque détail est consacré à la réparation, à l’amélioration. C’est dire combien la téchouva est précieuse pour Hakadoch Baroukh Hou. Bien sûr, chacun peut ignorer le message. Toutefois quel gâchis que de fermer les yeux à tant d’amour et de compassion. Encore une fois, toutes kaparot du monde ne peuvent se substituer à la téchouva. Il ne s’agit que de moyen pour réparer, mais si nous n’avons pas la volonté de le faire, alors ils perdent toute efficacité. Seul notre désire de retourner vers la proximité avec Hachem sera garant de notre délivrance prochaine. Puissions-nous parvenir rapidement à ce niveau, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.