Parashat Vayaqhel (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT VAYAKEL
Les parachyot vayakel et pékoudé relatent la création concrète du michkan. Effectivement, jusqu’ici nous ne parlions que de la description que Hachem faisait à Moshé des plans de fabrications. Mais, une fois le peuple pardonné de la faute du veau d’or, Moshé peut maintenant leur dévoiler les requêtes de Hakadoch Baroukh Hou pour la création de sa demeure. Comme Hachem le lui a demandé, Moshé nomme Betsalel et Aholiav pour la supervision de l’ensemble des travaux. Ainsi, après les avoir entendu de Hachem, Moshé, à son tour, réunit le peuple et lui explique ce qu’il a appris et lui demande d’apporter les offrandes qui fourniront les matériaux de fabrication. Devant cette demande, la réaction des bné-Israël fut d’une telle ampleur, que Moshé dut lui-même demander de cesser les apports car la quantité de matériaux nécessaires pour l’ensemble des travaux était plus que dépassée.
Dans le chapitre 35 de Chémot, la torah dit :
ל/ וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, רְאוּ קָרָא יְהוָה בְּשֵׁם, בְּצַלְאֵל בֶּן-אוּרִי בֶן-חוּר, לְמַטֵּה יְהוּדָה׃
30/ Moshé dit aux bné-Israël : « Voyez, Hachem a désigné par son nom Betsalel, fils de Ouri, fils de ‘Hour, pour la tribu de Yéhouda.
לא/ וַיְמַלֵּא אֹתוֹ, רוּחַ אֱלֹהִים, בְּחָכְמָה בִּתְבוּנָה וּבְדַעַת, וּבְכָל-מְלָאכָה׃
31/ Il l’a empli de l’esprit de Dieu, d’intelligence, de discernement, et de connaissance, et d’aptitude pour tout art.
לב/ וְלַחְשֹׁב, מַחֲשָׁבֹת–לַעֲשֹׂת בַּזָּהָב וּבַכֶּסֶף, וּבַנְּחֹשֶׁת׃
32/ Pour concevoir des œuvres d’art pour mettre en œuvre l’or et l’argent et le cuivre.
לג/ וּבַחֲרֹשֶׁת אֶבֶן לְמַלֹּאת, וּבַחֲרֹשֶׁת עֵץ; לַעֲשׂוֹת, בְּכָל-מְלֶאכֶת מַחֲשָׁבֶת׃
33/ Pour la taille de la pierre à sertir, et la taille du bois, pour exécuter tout ouvrage d’art.
לד/ וּלְהוֹרֹת, נָתַן בְּלִבּוֹ: הוּא, וְאָהֳלִיאָב בֶּן-אֲחִיסָמָךְ לְמַטֵּה-דָן׃
34/ Et il mit dans son cœur, l’art d’enseigner, à lui et à Aholiav fils d’Ahissamar de la tribu de Dan.
לה/ מִלֵּא אֹתָם חָכְמַת-לֵב, לַעֲשׂוֹת כָּל-מְלֶאכֶת חָרָשׁ וְחֹשֵׁב, וְרֹקֵם בַּתְּכֵלֶת וּבָאַרְגָּמָן בְּתוֹלַעַת הַשָּׁנִי וּבַשֵּׁשׁ, וְאֹרֵג; עֹשֵׂי, כָּל-מְלָאכָה, וְחֹשְׁבֵי, מַחֲשָׁבֹת׃
35/ il les emplit d’intelligence de cœur pour exécuter tout travail de graveur, d’artiste et de brodeur dans l’étoffe d’azur et la pourpre et l’écarlate et le lin fin , et de tisseur artisans de toute œuvre et concevant des œuvres d’art. »
La question que nous allons traiter est de savoir pourquoi spécifiquement des personnages de ces deux tribus ont-ils été choisis pour construire le michkan ? Nous aurions légitimement pu penser que chaque tribus devait s’associer à la fabrication du michkan, de la même manière que chaque tribus a offert un don pour obtenir les matériaux de construction. Effectivement, puisque le michkan est le lieu d’accueil de la chékhina, il convient que chaque membre des bné-Israël participe à sa fabrication. Et pourtant, Hakadoch Baroukh Hou choisi exclusivement deux hommes, issus des tribus de Yéhouda et de Dan, pour diriger le chantier. Pourquoi eux ?
Dans cette même suite d’idée, pourquoi est-ce finalement Moshé qui doit ériger le michkan ? Le Midrach explique que personne ne parvenait à le faire. Seul Moshé accomplit cette tache. Pourquoi, est-ce finalement lui, et non pas Betsalel ou Aholiav, qui termine le travail ?
Rav Zékharia Tovi explique que pour comprendre ce qui provoque ce choix spécifique, il faut au préalable avoir à l’idée, qu’il existe un lien important entre ces deux tribus. Ce lien remonte à Rahel et Léa, les deux femmes de Yaakov. Comme chacun le sait, Rahel avait du mal à enfanter, c’est pourquoi, sa servante eu des enfants de Yaakov son mari. Rahel voulait par cela, obtenir une part dans la descendance de Yaakov. Rachi (Divré Hayamim, tome 2, chapitre 2, verset 13) nous enseigne que la naissance de Dan et de Naphtali, a « rassuré » Rahel. Effectivement, Rahel a vu par prophétie, que se serait Betsalel qui serait désigné pour la construction du michkan. C’est donc dans la descendance de Léa que revenait le mérite de construire la résidence du maître du monde. Toutefois, lors de la naissance de Dan et de Naphtali, Rahel dit (cf Béréchit, chapitre 30, versets 6 et 8) :
ו/ וַתֹּאמֶר רָחֵל, דָּנַנִּי אֱלֹהִים, וְגַם שָׁמַע בְּקֹלִי, וַיִּתֶּן-לִי בֵּן; עַל-כֵּן קָרְאָה שְׁמוֹ, דָּן׃
6/ Rahel dit : « Dieu m’a jugé et entendu ma voix et m’a donné un fils », c’est pourquoi elle appela son nom Dan.
ח/ וַתֹּאמֶר רָחֵל, נַפְתּוּלֵי אֱלֹהִים נִפְתַּלְתִּי עִם-אֲחֹתִי–גַּם-יָכֹלְתִּי; וַתִּקְרָא שְׁמוֹ, נַפְתָּלִי׃
8/ Rahel dit : « Ce sont les tourments de Dieu que j’ai tressés pour être comme ma sœur et j’ai triomphé ». Elle appela son nom Naphtali.
D’après Rachi ce que Rahel insinue ici, c’est que par sa prière, elle a réussi à s’associer avec sa sœur. Dorénavant, lorsque Betsalel construira le michkan, il aura besoin de s’associer à un descendant de Rahel ! Il s’avère donc que Rahel est parvenue à mériter d’avoir dans sa descendance, une tribu qui sera nécessaire pour la construction du michkan.
Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi insister pour participer à la construction du michkan ?
Il faut comprendre que le michkan, ainsi que le beth Hamikdach plus tard, est le « palais » terrestre d’Hakadoch Baroukh Hou. Comme le soulignera David Hamelekh lorsqu’il trouvera inconvenable que, lui, roi humain, réside dans un palais, tandis que le roi des rois résidait à l’époque dans une tente. C’est pourquoi, il entreprit de construire une vraie résidence pour Hachem et, son fils Chlomo, est celui qui s’en est chargé.
Il apparaît donc que l’entreprise de construction du temple sera gérée par le roi d’Israël, c’est-à-dire, le machia’h. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi parmi toutes les tribus, la tribu de Yéhouda est celle qui est le plus mise en avant, à travers Betsalel, pour construire le michkan. Vu que c’est de cette tribu que sont issus les rois, il paraît évident que c’est à cette tribu de construire la maison du maître du monde.
Lorsque l’on approfondie le sujet, peut-être que l’intention de Rahel se trouve justement là. À savoir qu’elle était consciente que la royauté revenait aux descendants de sa grande sœur. C’est pourquoi, elle cherche à prendre part à cela, à associer sa descendance à la royauté d’Israël. Et justement, elle réussit ! Mais pour cela, il est nécessaire de passer par la construction du michkan. Effectivement, à deux reprises les tribus d’Israël vont recevoir une bénédiction. La première provient de Yaakov avant sa mort, la seconde de Moshé également avant de quitter ce monde. Toutefois, il apparaît que Moshé à modifier un détail. Lorsque Yaakov Avinou béni la tribu de Dan, il l’a compare au serpent. Tandis que lorsque Moshé Rabbénou béni cette même tribu, il l’a compare au lion, animal qui avait été attribué par Yaakov à la tribu de Yéhouda.
Pourquoi Moshé Rabbénou a t-il changé le « statut » de Dan ? Quelle est la différence entre la bénédiction de Yaakov et celle de Moshé ?
La différence justement, est la participation à la construction du Michkan ! Et telle était la prière de Rahel. À savoir qu’elle a demandé à être hissée au niveau de sa sœur dans la création du michkan. Par cette prière, elle est parvenue à associer Aholiav, descendant de Dan, à Bestalel, descendant de Yéhouda ! Il s’est opéré ici un lien profond entre ces deux tribus qui se joignent pour mettre en place le palais divin. Par cela, la tribu de Dan change profondément. Elle devient adjointe à la royauté car Yéhouda dépend maintenant d’elle. C’est pourquoi, initialement seule la tribu de Yéhouda est comparait au lion, mais suite à l’étape du michkan, une seconde tribu bénéficie de ce titre ; celle de Dan.
Mais cette liaison entre les deux tribus va encore plus loin. Effectivement, la participation à la construction du michkan a non seulement permis à la tribu de Dan de se « rapprocher » de la tribu de Yéhouda. Mais plus que cela encore, la tribu de Dan a dorénavant une part dans la royauté. Effectivement, le Yalkout Chimoni (160) explique que le machia’h sera issu de deux tribus : la tribu de Yéhouda pour le père, et la tribu de Dan pour la mère ! Le passage par la construction du michkan a donc permis à la tribu de Dan de passer sous l’image du lion et de recevoir la même source de bénédiction que Yéhouda. Or le lion est une des images gravées sous le trône de gloire d’Hakadoch Baroukh Hou. Le trône étant le symbole de la royauté, il ressort que ce symbole jaillit maintenant sur Dan qui s’immisce dans la royauté terrestre ! Or, seuls ceux qui sont affiliés à la royauté, peuvent participer à la création du royaume divin, le palais d’Hachem qu’est le michkan.
D’après tout ce que nous venons de dire, nous comprenons pourquoi c’est finalement Moshé qui accomplit la dernière étape de construction, à savoir le montage. Car en l’état, dans la génération dans laquelle se situe les faits, c’est bien Moshé Rabbénou le roi du peuple, le machia’h de la génération. C’est donc à lui et nul autre que revient cette mission finale. Et plus tard, lorsque la royauté se sera révélée chez Yéhouda, se sera Chlomo qui construira le beth Hamikdach.
Le fait marquant de tout ce développement est finalement simple. La prière d’une femme a transformé l’avenir d’une tribu. Rahel Iménou, voulant de toutes ses forces participer à la gloire d’Israël a prié pour cela. Nous seulement sa prière a été entendue, mais elle a occasionné un changement profond sur ses descendants ! Alors qu’ils n’étaient pas destinés à la royauté, ils ont maintenant le mérite de faire partie de ceux qui amèneront le Machia’h ! Telle est la force de la téfilah. La possibilité de se transformer et d’atteindre ce qui peut parfois sembler inaccessible. Le but réel de la téfilah est la progression, l’ascension. Rahel en témoigne, elle n’a eu de cesse de prier pour changer. Elle tenait à participer à la formation du peuple d’Israël bien que stérile. Elle tenait à avoir une part dans la royauté d’Israël, bien que la royauté ne lui revenait pas. Il est clair qu’aucune de ces requêtes ne faisait partie de son héritage. Et pourtant, elle prie et reçoit ce qui ne lui était pas destiné ! Elle demande à Hachem de lui offrir plus de sainteté et Hachem lui accorde ! Bien que stérile elle enfante ! Bien que n’étant pas destinée à la royauté, elle parvient à y prendre part ! Voilà dont comment, la prière peut influencer nos vies !
Rav Akiva Tatz explique que l’objectif de la téfilah est le changement. Cela consiste à vider notre être de ce qu’il est, pour laisser Hakadoch Baroukh Hou le remplir par autre chose de plus haut ! Il ne s’agit pas de requêtes puérils, il s’agit de progresser, d’une ascension divine, naturellement impossible. D’où la nécessité de prier, de demander de l’aide. Cela est parfaitement illustré par notre paracha qui nous démontre, comment d’un niveau donné, Rahel est parvenue à atteindre une niveau supérieur. Avoir cela à l’esprit ouvre toute les portes. Quiconque est capable de désirer sincèrement un progrès, a la possibilité de voir s’opérer sur lui un miracle. Cette personne parvient alors à dépasser ses propres limites et atteindre des sphères inespérées. Pour cela, il suffit de s’en remettre intégralement à Hakadoch Baroukh Hou.
Ceci est un message particulièrement important à notre époque. Dans la mesure où lorsque le sujet de machia’h est abordé, malheureusement beaucoup de personne tendent vers le pessimisme. Leur hésitation est fondée : comment pourrions-nous espérer la venue du machia’h alors que notre niveau spirituel est si faible ? La réponse est claire, il faut prier ! Prier pour qu’Hachem fasse le même miracle qu’il a fait pour Rahel. Qu’il nous permette d’atteindre ce niveau qui nous semble si loin, de même qu’il a permis aux descendants de Rahel de se lier avec la royauté au point d’en devenir les géniteurs ! Nous pensons trop souvent que les dés sont jetés. C’est faux ! Rahel, ainsi que nombres de nos ancêtres nous l’ont prouvé. Leur exemple est celui que nous devons suivre pour nous aussi nous hisser dans la grandeur et avoir le mérite de reconstruire le beth Hamikdach biméra béyaménou, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.