Parashat Tazria-Métsora (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHYOT TAZRIA-MÉTSORA
Cette semaine, deux parachyot se succèdent Tazria et Métsora, cependant le sujet qu’elles traitent est commun, celui des différents moyens de devenir impur, et des règles à suivre, en fonction des différents cas, pour retourner à l’état de pureté. Ainsi, la paracha de Tazria débute par l’impureté liée à l’accouchement en fonction du sexe de l’enfant. Après la période d’impureté qu’elle contracte lors de sa délivrance, la torah définie l’offrande que devra apporter la mère. La paracha poursuit en parlant du cas de tsaraat. La torah octroie exclusivement au cohen la capacité de déterminer si la tâche qui est survenue est une tâche de tsaraat ou pas. C’est pourquoi le texte définit les différents types de tâche qui peuvent apparaître, en les classant en fonction des différents endroits où elles peuvent survenir sur la personne, ainsi que les règles à suivre en cas de doute. À savoir que, si la tâche est clairement une tsaraat, alors le cohen déclare l’individu impur et il devra suivre le processus de purification qui consiste à se retirer du camp des bné-Israël jusqu’à ce qu’il guérisse. Cependant, en cas de doute, le cohen consigne la personne atteinte dans sa demeure pour une période de sept jours au terme desquels il reviendra examiner l’individu. La paracha de Tazria se conclut par les critères déterminant la tsaraat qui atteint les vêtements. Ainsi en cas de doute sur la plaie, les règles sont quasiment les mêmes que la tsaraat qui atteint le corps, en cas de certitude, l’habit doit être brûlé. La paracha de Tazria ayant déterminée les critères d’atteintes de la tsaraat sur la peau et les vêtements, la paracha de Métsora débute en définissant les offrandes que devra offrir la personne le jour de sa purification, ainsi que son processus de purification. Ainsi, la personne devra raser sa tête, sa barbe, ses sourcils, et toute endroit pileux visible, avant d’offrir son offrande le lendemain. Suite à cela, la paracha décrit la tsaraat qui apparaît sur une maison. Il faudra vider la maison de la personne avant que le cohen ne l’examine et ne détermine la pureté ou l’impureté. Si certains critères sont constatés par le cohen, la maison restera sous clos pour une période de sept jours. Au terme de cette période, une deuxième analyse se fera par le cohen. De fait, si la tâche s’est propagée, le cohen ordonnera qu’on remplace les pierres où se trouvent la plaie après avoir gratté autour, et que l’on se débarrasse des anciennes pierres en les déposant dans un endroit impur. Après sept jours, si la plaie réapparaît, le cohen ordonne la destruction de la maison. La paracha se conclut par les impuretés acquises par écoulements, ainsi que le manière dont se transmet cette impureté aux personnes et aux ustensiles. La personne devra également apporter une offrande après avoir suivi le processus de purification.
Dans le chapitre 14 de Vayikra, la torah dit :
נד/ זֹאת, הַתּוֹרָה, לְכָל-נֶגַע הַצָּרַעַת, וְלַנָּתֶק׃
54/ Ceci est la loi pour toute tache de Tsaraat et de « Nétek ».
:נה/ וּלְצָרַעַת הַבֶּגֶד, וְלַבָּיִת
55/ Pour la tsaraat du vêtement et de la maison.
:נו/ וְלַשְׂאֵת וְלַסַּפַּחַת, וְלַבֶּהָרֶת
56/ Et pour la « Séèt », la « Sapa’hate » et la « Baérète ».
:נז/ לְהוֹרֹת, בְּיוֹם הַטָּמֵא וּבְיוֹם הַטָּהֹר; זֹאת תּוֹרַת, הַצָּרָעַת
57/ Pour enseigner le jour qui est impur et le jour qui est pur, ceci est la loi de la tsaraat.
Notre paracha aborde le sujet du métsora, cette personne punie pour avoir dit du lachon hara et qui voit apparaître des tâches sur son corps, ses vêtements et sa maison.
Cette punition d’ordre divin, se manifeste de façon assez étrange et il paraît difficile de comprendre son mode de fonctionnement. Pourquoi frappe t-on le corps par des tâches lorsque la faute commise se fait par la bouche? Plus encore, pourquoi les habits et les murs sont-ils touchés? Que l’homme soit atteint est une chose, mais qu’une chose inerte le soit, paraît inutile.
Tentons de comprendre.
Dans Béréchit, la torah dit (chapitre 2, verset 7) :
:וַיִּיצֶר יְהוָה אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם, עָפָר מִן-הָאֲדָמָה, וַיִּפַּח בְּאַפָּיו, נִשְׁמַת חַיִּים; וַיְהִי הָאָדָם, לְנֶפֶשׁ חַיָּה
Et Hachem-Dieu façonna l’homme, poussière du sol, il insuffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint une âme vivante.
Rachi analyse ce verset: « mêmes les animaux domestiques et sauvages sont appelés « âmes vivantes ». Seulement l’âme de l’homme est la plus vivante de toutes, car il lui a été ajouté la connaissance et la parole. »
La parole, cet attribut spécifique à l’homme se trouve au centre de la vie. Elle est ce qui le conditionne comme « vivant ». Il ressort donc de cela qu’elle nous permet de définir l’essence de la vie. L’homme est le prototype du vivant parce qu’il peut parler. Dieu lui a accordé ce don fabuleux afin de le créer à son image. Hachem a créé le monde avec la parole et demande à l’homme d’user de cette singularité de la voix pour construire à son tour. Par opposition nous sommes menés à définir la mort comme l’absence de paroles constructrices! Si la vie est issue de la parole, alors à l’évidence, l’utilisation de la parole sous un aspect négatif relève de la mort.
Nos sages enseignent dans le traité avoda zara (page 8a): « au jour de la création d’Adam Harichone, lorsque le soleil s’est couché, il a dit: « malheur à moi! À cause de ma transgression, le monde s’obscurcit pour moi et retourne au néant! Ceci constitue la mort dont j’ai été condamné par le ciel! » Il est resté assis en jeûnant et en pleurant toute la nuit et ´Hava pleurait contre lui. Lorsqu’est arrivé le lever du soleil il a déclaré: « tel est le fonctionnement du monde! » »
Le midrach téhilim (sur le téhilim 92) explique que le vendredi où Adam a été créé, le soleil ne s’est pas couché à l’entrée du chabbat. Ce n’est qu’à la sortie de chabbat que cela s’est produit pour la première fois aux yeux d’Adam. Voyant que ce phénomène ne s’est pas produit la veille, Adam pensait qu’il s’agissait de la conséquence de sa faute.
Le zohar (vayakel, page 208b) ainsi que le pirké dérabbi Éliézer (chapitre 14) expliquent qu’à sa création, Adam était vêtu d’un habit particulier que Dieu lui a confectionné. Ce vêtement était de la même matière que les ongles et resplendissait d’une lumière extraordinaire. Plus encore, des nuées de gloire (comparables à celles dont jouissaient les bné-Israël dans le désert) ainsi qu’une assemblée d’anges l’entouraient et le protégeaient. La faute qu’il a commise a engendré la perte de ces vêtements lumineux et de cette protection, le laissant dorénavant en proie aux dangers du monde. Seul le bout de nos doigts ont gardé une trace de cette tunique particulière.
Ainsi, le Beth Yossef (Ora’h ´Haïm, chapitre 298, hala’ha 3) explique que c’est une des raisons pour lesquelles nous regardons nos ongles à la lumière de la bougie durant la havdala de chabbat. En effet, l’auteur du maassé avot simane labanim (tome 4, page 265) explique à partir de ce que nous venons d’évoquer, que puisque la nuit a provoqué le pleur et l’inquiétude d’Adam, nous fixons nos ongles à motsaé chabbat, en souvenir de cette tunique particulière qui le recouvrait avant qu’il ne faute et perde ce vêtement.
Se développe ici une notion intéressante. Les vêtements que portait initialement l’homme, étaient eux-mêmes source de lumière. La notion d’obscurité lui semblait donc étrangère et ce n’est qu’à la nuit tombante qu’il s’en est inquiété. La corrélation d’Adam entre sa faute et la disparition de la lumière semble très cohérente. Il constate d’une part que ses habits produisant de la lumière lui sont retirés, puis ensuite que le soleil tire sa révérence. De facto, il conclut que ces deux choses ont une source commune, à savoir sa transgression. Les ongles qui enveloppaient Adam produisaient de la lumière, ils étaient l’expression de la sainteté de son âme, qui est attestée par son entourage: des nuées de gloire et des camps d’anges! Sa faute repousse le tout et ses habits ne produisent plus de lumière, ils ne reflète plus sa néchama. Il apparaît donc que l’habit de l’homme exprimait jadis l’état de sa néchama!
À partir de cela, nous pouvons envisager une réponse à nos questions et trouver la corrélation entre le faute du lachon hara et le fait que la punition conséquente à ce dernier, s’oriente vers le corps, les vêtements et les murs de la maison. Effectivement, notre néchama étant enfouie dans notre corps, ne peut pas s’exprimer de façon ostensible. Personne ne voit, ne sent ou ne touche l’âme dont il dispose. Cependant, dire qu’il n’existe aucun moyen à notre néchama d’interagir avec ce qui est externe au corps est parfaitement faux! Comme nous l’avons dit en introduction à notre développement, la vie, le fait d’être dôté d’une âme, se caractérise par la parole. Ceci paraît évident, car il s’agit là de la seule chose que l’homme crée sans aucune source. En effet, nos organes sensoriels ne produisent rien, ils ne sont que des percepteurs du monde qui les entoure. De même, l’air que nous évacuons et toutes autres émissions du corps ne sont que le résultat d’une absorption initiale de composants venus d’en dehors de notre corps. Quelle est l’unique chose dépourvue de source externe? Il s’agit bien de la parole! Bien-sûr, lorsque nous employons le mot parole nous ne parlons pas du son lui-même qui sort de notre bouche qui n’est que le résultat de l’air que nous expulsons et qui frappe nos cordes vocales. La parole qualifie la capacité à articuler une idée, une pensée, elle donne une expression concrète de ce que le Moi le plus profond pense! C’est ce que Rachi expliquait plus haut, en disant que la vie, cette néchama qu’Hachem insuffle à l’homme, constitue la capacité à connaître et à parler.
L’état actuel de notre enveloppe charnelle, ne respire plus la sainteté d’antan. Lorsque nous étions extrêmement saints, la lumière resplendissait de notre corps. Cet état que nous avons perdu, n’est pas définitif, comme en témoigne le visage de Moshé au lendemain du don de la torah! De ce dernier jaillissait une lumière divine! Le progrès vers la sainteté permet ainsi au corps de se rapprocher de son état premier. Il paraît donc évident que la manifestation d’une chute engendre une évolution inverse.
L’idée que nous évoquons ici prouve le lien étroit qui unit la parole et le corps! Ils sont les deux seuls moyens d’appréhender la néchama. Le corps témoigne de l’état de l’âme, tandis que la parole permet l’expression de cette dernière. Ainsi, la personne qui abîme et souille sa parole par du lachon hara en voit la conséquence directe sur son corps!
Plus encore, le Kli Yakar (chapitre 13, verset 47) explique que la néchama dispose de trois habits qui se recouvrent les uns les autres: le corps est le premier écran de la néchama. Ce dernier est lui-même recouvert de vêtements. Et le tout est entouré des murs de notre maison. Ainsi, en tant qu’extension de notre corps, nos vêtements et nos maisons sont atteintes par la souillure de nos bouches.
Cela nous amène à doubler notre vigilance quant à ce qui sort de nos bouches. Bien-sûr le lachon hara est un loi extrêmement dur à respecter, surtout de nos jours où les vecteurs de communication comme internet, amplifient son champs d’action de façon phénoménale. Toutefois, c’est justement dans de telles conditions que nous devons faire preuve de rigueur. En regardant le monde qu’il venait de créer, Dieu l’a jugé bon, bien que l’homme ait fauté ! Et pourtant quelle devait-être sa déception !? À fortiori devons-nous apprendre à juger favorablement ce qui partage nos vies et l’ensemble de nos frères. C’est ainsi, que nous parviendrons à maîtriser nos propos et ne tomberons jamais dans l’erreur de la médisance. En retour, plus aucune parole négative, plus aucune accusation ne pourra être prononcée dans le ciel à notre égard, laissant la place à la bénédiction amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.