Parashat Tazria (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
Pour télécharger le fichier correspondant : Télécharger “Dvar Torah Parachat Tazria - 5774 - Yéhouda Moché Charbit” dvar-torah-tazria-5774YM-Charbit.pdf – Téléchargé 92 fois – 227,05 Ko
בס״ד
PARACHAT TAZRIA
La parachat Tazria traite des différents moyens de devenir impur et des règles à suivre, en fonction des différents cas, pour retourner à l’état de pureté. Ainsi, la paracha débute par l’impureté liée à l’accouchement en fonction du sexe de l’enfant. Après la période d’impureté qu’elle contracte lors de sa délivrance, la Torah définie l’offrande que devra apporter la mère. La paracha poursuit en parlant du cas de tsaraat[1]. La Torah octroie exclusivement au Cohen la capacité de déterminer si la tâche qui est survenue est une tâche de tsaraat ou pas. C’est pourquoi le texte définit les différents types de tâches qui peuvent apparaître, en les classant en fonction des différents endroits où elles peuvent survenir sur la personne, ainsi que les règles à suivre en cas de doute. À savoir que, si la tâche est clairement un tsaraat, alors le Cohen déclare l’individu impur et il devra suivre le processus de purification qui consiste à se retirer du camp des bné-Israël jusqu’à ce qu’il guérisse. Cependant, en cas de doute, le Cohen consigne la personne atteinte, dans sa demeure pour une période de sept jours au terme desquels il reviendra examiner l’individu. La paracha de Tazria se conclue par les critères déterminant la tsaraat qui atteint les vêtements. Ainsi en cas de doute sur la plaie, les règles sont quasiment les mêmes que la tsaraat qui atteint le corps, en cas de certitude, l’habit doit être brulé.
Dans le chapitre 13 de Vayikra, la Torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר׃
1/ Et Hachem parla à Moshé et Aaron, en disant :
ב/ אָדָם, כִּי-יִהְיֶה בְעוֹר-בְּשָׂרוֹ שְׂאֵת אוֹ-סַפַּחַת אוֹ בַהֶרֶת, וְהָיָה בְעוֹר-בְּשָׂרוֹ, לְנֶגַע צָרָעַת–וְהוּבָא אֶל-אַהֲרֹן הַכֹּהֵן, אוֹ אֶל-אַחַד מִבָּנָיו הַכֹּהֲנִים׃
2/ Si une personne a sur la peau de sa chair une « Séète », ou une « Sappa’hate » ou une « Bahérète » et qu’elle devienne sur la peau de sa chair comme une tache de « Tsaraat », elle sera amené à Aaron le Cohen ou à l’un de ses fils, les Cohanim.
ג/ וְרָאָה הַכֹּהֵן אֶת-הַנֶּגַע בְּעוֹר-הַבָּשָׂר וְשֵׂעָר בַּנֶּגַע הָפַךְ לָבָן, וּמַרְאֵה הַנֶּגַע עָמֹק מֵעוֹר בְּשָׂרוֹ–נֶגַע צָרַעַת, הוּא; וְרָאָהוּ הַכֹּהֵן, וְטִמֵּא אֹתוֹ׃
3/ Le Cohen regardera la tache sur la peau de sa chair : si un poil dans la tache est devenu blanc, et que l’aspect de la tache est plus profond que la peau de sa chair, c’est une tache de « Tsaraat » ; le Cohen la regardera et le rendra impur.
Le second verset nomme les types de taches qui rendent une personne impure. Le midrach rabba (paragraphe 9 sur Tazria) compare ces quatre types de taches, aux quatre royautés que le peuple d’Israël doit rencontrer dans son histoire. La Séète fait donc référence à Babel, la Sappa’hate renvoie à la Perse, la Bahérète se rapporte à la Grèce, tandis que la Tsaraat reflète Rome.
Le parallèle établi dans ce midrach, entre les taches de Tsaraat et les différents empires face auxquels les bné-Israël vont se confronter, semble nous échapper. Quel lien relie les deux notions ? Pourquoi nos sages prennent-ils le temps de signaler la corrélation entre le phénomène de la Tsaraat et l’exil ? Que cherchent t-ils à nous apprendre ?
Pour comprendre, tentons d’analyser cette notion particulière qu’est la Tsaraat.
Le Sfat Émet apporte un éclaircissement lumineux sur le sujet. Lorsque Dieu a créé le monde, Sa présence était ostensible. Aucun écran ne faisait frontière entre Hachem et les êtres vivants. Chacun pouvait contempler la présence divine. Lorsque l’homme a fauté, il a par là même, altéré la nature telle que conçue initialement. Celle-ci est devenue plus opaque et s’est assombrie au point de recouvrir la réalité divine, de la rendre quasiment imperceptible. L’homme ne peut dès lors, plus discerner sa source, son créateur. Un obstacle concret est apparu et a obscurci la vision de l’homme. Cet obstacle n’est autre que la peau comme la Torah en atteste au lendemain de la faute d’Adam : (Béréchit, chapitre 3, verset 21)
:וַיַּעַשׂ יְהוָה אֱלֹהִים לְאָדָם וּלְאִשְׁתּוֹ, כָּתְנוֹת עוֹר—וַיַּלְבִּשֵׁם
Et Hachem fit à Adam et sa femme des tuniques de peau et les en vêtit.
Initialement, l’homme n’était vêtu que de lumière, dorénavant la peau cache cette lumière. Il est particulièrement intéressant de remarquer que le mot « עוֹר (‘or) peau« , peut également se lire « עִוֵּר (iver) » qui signifie l’aveugle. Cela témoigne bien de la notion que nous venons d’évoquer, comme quoi, la peau est la frontière qui a rendu l’homme aveugle et lui empêche l’accès à la spiritualité.
Toutefois, la peau contient des pores par lesquels la sueur peut s’échapper. De même, cela s’applique au rayonnement divin qui se dissimule derrière le brouillard de la nature. Aussi puissantes que soient les forces du mal, elles ne peuvent complètement filtrer l’étincelle de sainteté qui émane d’Hachem. C’est pourquoi, quiconque fait l’effort de sonder la direction de ce monde, constate la présence d’un créateur qui le dirige avec la sagesse qui le caractérise. À l’inverse, si une personne se refuse à cette recherche, se cache de la vérité, alors la lumière ne peut l’atteindre. Il s’engouffre plus profondément dans cette barrière qui le prive de la vérité. Il est alors sous l’emprise totale du mal. Il est d’ailleurs remarquable de noter que le mot « עוֹר (‘or) peau » est extrêmement proche du mot « אוֹר (or) » qui signifie la lumière. Car la peau est bien ce qui a recouvert la lumière dont l’homme brillait à sa création. De « אוֹר (or) la lumière« , nous sommes passés à « עוֹר (‘or) peau« . Ces deux mots ne se différencient que par la première lettre qui les compose. Or, le « א « , première lettre du mot « אוֹר (or) la lumière », a pour valeur numérique le chiffre un. Le « א » reflète les forces du bien, de part l’unité du peuple d’Israël qui renvoie à l’unicité d’Hakadoch Baroukh Hou. Par contre, le « ע » première lettre du mot « עוֹר (‘or) peau » a pour valeur soixante-dix. Cela fait référence aux soixante-dix nations qui s’opposent aux bné-Israël. Il s’agit bien des forces qui tentent d’éloigner le peuple juif de son créateur, de même que la peau est ce qui nous sépare de la lumière.
Ainsi, celui qui choisit de s’enfoncer dans l’ignorance et qui s’éloigne encore plus d’Hachem, enfouit en lui de plus en plus d’impureté. Cette impureté finit par se manifester sur sa peau par « נֶגַע צָרָעַת des taches de Tsaraat« . Nos sages soulignent que le mot « נֶגַע tache« , est l’inverse du mot « ענג plaisir« , qui renvoi au chabbat, dont nous devons nous délecter. Également, le mot « צָרָעַת Tsaraat« , est composé des mêmes lettres que le mot « עצרת rassemblement« , qui fait référence aux trois fêtes de la Torah pour lesquelles les bné-Israël se rassemblent à Yérouchalayim. Or, par définition, le chabbat et les Yom Tov, sont des jours où la manifestation d’Hachem est extrême. C’est pourquoi, à leur opposé, nous trouvons les taches de Tsaraat, qui témoignent du refoulement du divin, has véchalom. Il paraît donc évident, qu’une personne qui manifeste cette maladie, devienne automatiquement impure.
Cependant, le Sfat Émet soulève un point crucial. Ces taches qui apparaissent sur la peau, ne viennent pas pour faire souffrir la personne mais au contraire, pour la guérir ! Par leur intervention, l’impureté qui se dissimule dans la personne, s’extériorise, s’échappe de son corps. D’où l’apparition de taches ! Ceci explique d’ailleurs pourquoi, il est impératif que la personne frappée de Tsaraat soit sortie du camp des bné-Israël. Car l’impureté qui va se dégager de lui, ne correspond pas à la pureté qui caractérise le peuple. D’autant qu’une personne malade de Tsaraat s’appelle » מצורע (métsora) » ; qui peut se décomposer en « מוציא רע (motsi r’a) celui qui expulse le mal « . Là se trouve tout l’objectif de la manœuvre. Une personne qui en arriverait à un trop grand niveau d’impureté, serait « aidée » par Hachem. Il lui fera expulser le mal qui se trouve en elle.
Nous comprenons donc pourquoi tout le processus de la Tsaraat dépend du Cohen. En effet, c’est le Cohen qui définira si la tache en question est impure ou non, c’est également ce dernier qui déterminera si la personne est guérie ou pas. En clair tout repose sur le Cohen. Ceci est parfaitement justifié dans la mesure où, le Cohen est celui qui est chargé d’apporter les sacrifices. La définition même de son rôle est d’assurer le pardon des hommes qui auraient fauté, de réparer leurs fautes en les rapprochant du Maître du monde par le biais des offrandes. Il est donc tout désigné pour se charger d’aider une personne à retrouver sa sainteté et à expulser l’impureté qui sommeille en elle.
D’où le lien particulièrement étroit entre les quatre exils du peuple juif et les quatre types de tache de la Tsaraat. En effet, le peuple juif est soumis à diverses oppressions au cours de son histoire. Il est important d’en comprendre le sens. Hachem ne souhaite pas nous faire souffrir has véchalom. Chacune de Ses actions est motivée par des raisons plus parfaites les unes que les autres. Même si elles nous échappent la plupart du temps, il n’en demeure que chaque action de Dieu est parfaitement juste. L’objectif de notre souffrance au travers des différents exils que nous avons connus est de nous purger du mal que nous emmagasinons par nos fautes. Chaque fois qu’un exil se présente à nous, il vient enrailler et réparer le mal que nous avons choisi de suivre. C’est pourquoi le midrach n’hésite pas à mêler la Tsaraat avec les exils. Car il s’agit là d’un même sujet.
D’autant que la corrélation est lumineuse : la personne frappée de Tsaraat est refoulée à l’extérieur du camp, elle est elle-même en exil vis-à-vis de son propre peuple ! Le seul moyen de réintégrer les bné-Israël est de guérir, c’est-à-dire de faire téchouva et de parvenir à éradiquer l’impureté qui le touche. De même, nos sages attestent que les bné-Israël ne seront libérés que par la téchouva ! Les souffrances de l’exil ne sont que le moyen de nous y mener. Hachem nous impose de grandes souffrances certes, mais Son seul objectif est de nous séparer de l’impureté et de faire jaillir de nous, la lumière qui nous constituait jadis. C’est la raison pour laquelle, le midrach que nous avons cité plus haut se conclut par cette phrase : « Dans ce monde, c’est le Cohen qui regarde les taches (de Tsaraat), mais dans le monde futur Hachem proclame : C’est moi qui vous purifie ! Comme la Torah l’affirme : Et je déverserais sur vous des eaux pures afin que vous deveniez purs ! ».
L’intérêt qu’Hakadoch Baroukh Hou accorde à Son peuple est sans pareil. Tous les événements de ce monde sont axés sur les bné-Israël. Tout mène à l’objectif d’Hachem de nous rapprocher de Lui et d’effacer nos fautes. Mais, il ne dépend que de nous de faire les efforts pour atteindre ce but. Car sans cela, jamais nous ne serons dignes de percevoir Sa présence. Hachem nous ouvre la porte de Son palais, c’est à nous d’y entrer. La première étape reste cependant de comprendre que tout est pour notre bien. Toutes les souffrances que nous vivons au cours de nos vies sont à prendre avec amour, car même le métsora qui est humilié, exclu, banni de son peuple, comprend que la seule source de son mal provient des fautes qu’il commet. Mais surtout, il comprend que la téchouva est le remède à sa maladie. C’est elle qui lui permettra de regagner sa place parmi le camp des hébreux, et c’est elle qui nous permettra de retourner vers la sainteté d’Hachem. Puissions-nous rapidement le voir revenir dans le beth Hamikdach, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat Chalom.
[1] Souvent traduit par lèpre, la tsaraat est en réalité une maladie divine très particulière qui atteint une personne qui aurait dit du lachon hara (médisance). La tsaraat est une tâche qui apparaît en premier lieu sur les murs de la maison, puis sur les habits de son propriétaire et qui finit par atteindre son corps.