Parachat Chofétim (5775) Yéhouda Moshé Charbit
Parachat Chofétim
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בס »ד
Parachat Chofétim
La paracha de choftim enjoint le peuple à la création d’un système judiciaire par la nomination de juges et d’officiers chargés de faire régner l’ordre dans le peuple. Bien évidemment, la torah précise l’importance pour le juge de s’éloigner de toute forme de corruption afin de ne pas déformer la justice. La suite du texte se poursuit par un rappel contre l’idolâtrie et les punitions qu’encourent ceux qui la pratiquent. La torah énonce ensuite les règles pour la nomination d’un roi lorsque les bné-Israël seront installés dans le pays. Ce dernier, ainsi que tout le peuple devra se soumettre intégralement à la loi juive et ne devra jamais dévier de la torah en prenant garde de s’éloigner de toute forme de sorcellerie pour ne se référer qu’aux prophètes. Vient ensuite la loi concernant la création de villes de refuge pour les personnes ayant commis un meurtre involontaire afin d’éviter de subir la vengeance de la famille du défunt. La paracha ce conclut avec quelques règles concernant la guerre.
Dans le chapitre 17 de dévarim, la torah dit :
טו/ שׂוֹם תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ, אֲשֶׁר יִבְחַר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בּוֹ: מִקֶּרֶב אַחֶיךָ, תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ–לֹא תוּכַל לָתֵת עָלֶיךָ אִישׁ נָכְרִי, אֲשֶׁר לֹא-אָחִיךָ הוּא
15/ Tu pourras te donner un roi, celui dont Hachem, ton Dieu, approuvera le choix: c’est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi; tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger, qui ne serait pas ton frère.
טז/ רַק, לֹא-יַרְבֶּה-לּוֹ סוּסִים, וְלֹא-יָשִׁיב אֶת-הָעָם מִצְרַיְמָה, לְמַעַן הַרְבּוֹת סוּס; וַיהוָה, אָמַר לָכֶם, לֹא תֹסִפוּן לָשׁוּב בַּדֶּרֶךְ הַזֶּה, עוֹד
16/ Seulement, il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux, et ne pas ramener le peuple en Egypte pour en augmenter le nombre, l’Éternel vous ayant déclaré que vous ne reprendrez plus ce chemin-là désormais.
יז/ וְלֹא יַרְבֶּה-לּוֹ נָשִׁים, וְלֹא יָסוּר לְבָבוֹ; וְכֶסֶף וְזָהָב, לֹא יַרְבֶּה-לּוֹ מְאֹד
17/ Il ne doit pas non plus avoir beaucoup de femmes, de crainte que son cœur ne s’égare; même de l’argent et de l’or, il n’en amassera pas outre mesure.
יח/ וְהָיָה כְשִׁבְתּוֹ, עַל כִּסֵּא מַמְלַכְתּוֹ–וְכָתַב לוֹ אֶת-מִשְׁנֵה הַתּוֹרָה הַזֹּאת, עַל-סֵפֶר, מִלִּפְנֵי, הַכֹּהֲנִים הַלְוִיִּם
18/ Or, quand il occupera le siège royal, il écrira pour son usage, dans un livre, une copie de cette torah, en s’inspirant des cohanim descendants de Lévi.
יט/ וְהָיְתָה עִמּוֹ, וְקָרָא בוֹ כָּל-יְמֵי חַיָּיו–לְמַעַן יִלְמַד, לְיִרְאָה אֶת-יְהוָה אֱלֹהָיו, לִשְׁמֹר אֶת-כָּל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה הַזֹּאת וְאֶת-הַחֻקִּים הָאֵלֶּה, לַעֲשֹׂתָם
19/ Elle restera par devers lui, car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer Hachem, son Dieu, qu’il respecte et exécute tout le contenu de cette torah et les présents statuts.
La torah explicite ici les règles concernant la nomination du roi d’Israël. Ce dernier ne doit pas être choisi par le peuple, doit provenir exclusivement du peuple juif, et il ne doit pas multiplier les richesses et les femmes. Nous voyons donc que dans son fondement, la notion de la royauté juive, s’oppose aux standards goy d’une royauté suprême dans laquelle, le roi fait ce que bon lui chante dans la mesure où rien ne le dépasse. Quelle est donc cette notion juive du roi d’Israël ? Qu’est-ce qui justifie son existence ? Est-elle facultative, obligatoire, ou à l’opposé interdite ? Cette dernière question peut paraître ambiguë dans la mesure où, si la torah traite de ce sujet c’est qu’il ne s’agit clairement pas d’un interdit. Cependant, l’histoire nous apprend que lorsque le peuple a réclamé au prophète Chmouël de lui attribuer un roi, ce dernier les a lourdement réprimandés. Dès lors, il semble nécessaire d’éclaircir le sujet jusque dans son essence profonde.
Le Yalkout Réouvéni (section vayigach) enseigne : « Pour quelle raison, Yossef a t-il mérité la royauté ? Parce qu’il a vaincu son mauvais penchant, comme il est enseigné, quiconque domine son yester hara, fait reposer sur lui la royauté céleste… ». Ceci est vérifié à d’autres endroits lorsque par exemple, Avraham a dominé les quatre rois pour libérer son neveu Loth. À la fin de cette guerre, le roi de Sédom offre toutes ses richesses à Avraham, mais ce dernier les refuse car il ne souhaitait pas que la promesse de richesse qu’Hachem lui a faite s’accomplisse par l’intermédiaire de réchaïm. À cet instant, la torah, (béréchit, chapitre 14, verset 22) précise qu’Avraham a levé la main vers le ciel. Certains commentateurs expliquent qu’Avraham a chanté pour louer Hachem ! Quelle était la raison de ce chant ? Devant la possibilité de s’enrichir Avraham a vaincu son penchant et pour cette raison il a chanté ! Or rappelons que, venant de soumettre tous les rois en vigueur, Avraham était devenu lui-même roi ! La domination de son penchant l’a élevé au statut royal ! De même Moshé, après la traversée de la mer a chanté la chirah que nous récitons chaque matin, dans laquelle il est dit : « c’est le Dieu de mon père et je L’élèverai ». De quoi parle t-il en qualifiant Hachem de Dieu de « son » père et non de « ses » pères. Évidemment la réponse est évidente : Moshé s’inscrit dans la même démarche qu’Avraham avant lui. En effet, juste avant de sortir d’Égypte, Hachem enjoint les bné-Israël à réclamer la fortune des égyptiens. Durant le temps où le peuple s’occupait de cette mitsvah, Moshé fait le choix d’en accomplir une autre, celle de récupérer les ossements de Yossef. Entre deux mitsvot, Moshé choisit celle qui s’éloigne le plus de ses désirs ! Il repousse ainsi son mauvais penchant et c’est ce qu’il chante lors de la chirah : « comme mon père avant moi, j’ai refusé la richesse ! ». Or, même s’il n’a pas été oint, Moshé était bel et bien le leader naturel du peuple juif et revêtait l’expression de la royauté.
La royauté juive est donc celle qui s’inscrit dans une démarche spirituelle de combat contre le mauvais penchant. Toutefois, qu’est-ce que cela signifie dans son sens profond ? En effet, tout juif se doit de dominer le mal, dès lors où se situe réellement l’impact du roi d’Israël ?
Pour tenter de comprendre cela, il faut se référer à un enseignement du Mikhtav Mééliyahou (tome 3, page 22). Lorsque la méguila raconte que la reine Esther s’est vêtue de ses habits royaux pour aller convaincre le roi de sauver son peuple, le midrach enseigne qu’elle s’est saisie du rou’ah hakodech (l’esprit saint). Le Mikhtav Mééliyahou explique sur cette base que lorsqu’il était nécessaire de soumettre A’hachvéroch à sa volonté, Esther se munissait de sainteté, exprimant ainsi sa supériorité vis-à-vis de lui. Par ce fait, elle libérait son essence profonde et méritait que repose sur elle la royauté authentique : elle devenait reine et lui esclave !
Se profile ici la notion véritable de la royauté. Comme l’explique le Chiouré Daat (tome 3, page 9), nous avons souvent l’impression que la royauté se définit par la quantité d’esclaves, de richesses… . Seulement, tout cela est factice dans la mesure où la souveraineté n’est dépendante que de la bonne volonté du peuple : sans peuple pas de roi ! De même, si le peuple décide de se rebeller, le roi perd toute légitimité si ce n’est lorsqu’il parvient à tyranniser ses sujets. En somme, tout le pouvoir du roi standard repose sur ce que son peuple veut bien lui accorder, rendant ainsi la royauté dépendante du peuple. Le roi se doit de plaire plus ou moins sous peine de perdre son titre sur le long terme, comme cela s’est produit dans diverses civilisations au cours de l’histoire. En définitive le roi devient le serviteur. Par contre, la royauté telle qu’établie par la torah se base sur un choix externe au peuple, un choix divin. Lorsque le souverain est élu par Dieu, tout le peuple reconnaît la grandeur de l’homme en question. Il ne s’agit pas de puissance ni de richesse, mais de sainteté ! De cela découle un amour du roi pour ce qu’il est, il ne doit pas plaire, il ne doit pas justifier son titre. Les sujets ne le voient pas comme une personne à craindre mais comme un exemple à suivre. La torah le précise, le roi ne doit se complaire dans la luxure et ne doit pas multiplier les montures et les femmes. Cela témoigne parfaitement de l’attrait spirituel de sa vocation. Il doit montrer le chemin à son peuple et être un modèle pour ses frères.
C’est d’ailleurs ce critère qui a permis à Yéhouda d’être choisi dans la fonction royale. La noblesse dont il a fait preuve témoigne de la grandeur de cet homme. En effet, après avoir eu une relation avec Tamar qu’il pensait être une prostituée, le repentir dont Yéhouda fait preuve dépasse l’entendement. Dans un statut particulièrement élevé, les gens de la ville se tournent vers lui lorsqu’ils découvrent que Tamar est enceinte et la soupçonnent d’avoir commis l’adultère. Ceci n’était en réalité pas vrai dans la mesure où le père de l’enfant n’était autre que Yéhouda, homme avec lequel Tamar avait le droit de cohabiter. Seulement, Yéhouda ne savait pas que la prostituée avec qui il avait fauté n’était autre que Tamar et devant la gravité de la faute qu’il pensait avoir commise, Yéhouda voulait que l’affaire reste secrète. Cependant, c’est lorsque Tamar est sur le point d’être mise à mort qu’elle montre les effets personnels de Yéhouda sans pour autant le dénoncer. Yéhouda comprend alors l’histoire et se trouve devant un dilemme : sauver Tamar et ruiner sa réputation en avouant son comportement honteux, ou se taire et préserver sa réputation. Bien évidemment, Yéhouda n’hésite pas un instant et avoue son méfait portant ainsi le poids lourd de l’humiliation publique ! C’est ce repentir total, cette domination absolue du mauvais penchant qui vaudra à sa descendance de monter sur le trône. Yéhouda est le prototype parfait du juif : il faute et repousse toutes les frontières pour se repentir ! Il est un exemple à suivre pour le peuple.
Cela met en relief les propos du Sfat Émet (section choftim, année 664) sur la question que nous avions posée quant à savoir si la nomination d’un souverain est une mitsvah ou pas. Normalement, l’existence d’un roi ne devrait pas être justifiée, Hachem est le seul Roi. Cependant, tout dépend de l’état dans lequel se trouve le peuple. Si le peuple parvient à atteindre la crainte d’Hachem de par lui-même, alors la présence d’un roi est superflue et représente une transgression, il s’agirait alors de vivre de la même façon que le faisaient les goyims. Toutefois, si les bné-Israël sont incapables de ressentir la crainte du ciel de façon naturelle alors il leur faudra un exemple qu’il leur montrera cette crainte de façon humaine afin de les conduire à la crainte céleste. Dans une telle configuration, nommer un roi revêt un objectif d’élévation et il s’agit bel et bien d’une mitsvah.
D’ailleurs, le pirké déRabbi Éliézer (chapitre 11) énumère les dix rois qui ont dominé le monde. Le premier était évidemment Hachem en tant que créateur. Lui ont suivi Nimrod, Yossef, Chlomo, A’hav, Nébou’hanétsar, Korech et Alexandre. Enfin, à la fin des temps, Machia’h règnera sur le monde avant qu’Hachem récupère la royauté qui était sienne. Une chose surprenante apparaît dans ce midrach : Hachem a « perdu » sa royauté au profit d’un homme ! Qu’est-ce que cela signifie ?
La réponse se trouve dans la présence du yetser hara ; Hachem est naturellement le Maître du monde, toutefois le mal devenant de plus en plus présent, tend à nous faire oublier la toute puissance divine. Un homme, qui plus est, un racha, s’empare alors de cette royauté. Le roi en question est l’expression même du yetser hara. De façon plus profonde il convient de préciser que le monde dans lequel nous sommes est un monde de mensonges, le mal y règne en maître. Si l’on peut s’exprimer ainsi, le satan est le roi de ce monde car il est celui qui inspire le mensonge, et de façon générale l’homme suit plus souvent ce que lui dicte son mauvais penchant au détriment de la bonne conduite imposée par la torah. Ainsi, nous comprenons parfaitement ce que le midrach que nous avons cité dit : dominer son yetser hara permet l’accession à la royauté car nous nous plaçons au dessus de celui qui « règne ».
Toutefois, il est évident que cela ne constitue pas un état optimal, il ne peut exister d’autre roi que Dieu. C’est pourquoi le midrach se conclut par le retour de la royauté divine et ce en deux étapes qui sont nécessaires. La première est l’avènement du machia’h qui a pour mission de ramener le peuple au service d’Hachem. La hausse progressive de la prise de conscience du peuple au travers de l’exemple que constituera le machia’h, mènera le peuple à (re)devenir capable de ressentir la crainte céleste sans roi et littéralement la royauté ne pourra alors s’exprimer qu’au travers du roi véritable : Hakadoch Baroukh Hou.
Yéhi ratsone que cette prise de conscience se produise prochainement, et que le peuple puisse enfin retourner au service du véritable Maître qui nous apportera la délivrance que nous attendons tant amen véamen.
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