Parashat Pin’has (5776) Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme ‘Hanna bat Esther.
Notre paracha fait suite au zèle dont a fait preuve Pin’has lors de la faute commise par les bné-Israël avec les femmes de Moav.
En effet la paracha précédente se conclut en racontant que suite aux fautes de relations interdites et d’idolâtrie, une épidémie frappe le peuple, qui perd 24000 des siens.
En effet, Zimri, chef de la tribu de Chimone, prend publiquement une femme midianite pour commettre une faute avec elle.
Devant une telle effronterie, Pin’has transperce Zimri et la midianite d’un javelot pendant qu’ils commettaient encore la faute.
Devant le courage sans faille de Pin’has, Hachem lui accorde une alliance particulière : bien que non qualifié à la prêtrise des enfants d’Aaron, Dieu déroge à la règle et lui octroie le titre de Cohen.
Au terme de l’épidemie, Hachem demande à Moshé de recenser à nouveau les bné-Israël.
À l’approche de l’entrée du peuple en terre promise, les filles de Tsélofrad, mort sans laisser d’héritier, s’inquiètent de la perte potentielle de l’héritage de leur père.
À ce titre, elles demandent à Moshé de leur dire ce qu’il allait advenir de la part de leur défunt père dans la répartition du pays.
C’est suite à leur intervention qu’Hachem enseigne à Moshé les lois de l’héritage.
Notre paracha se conclut par les différents sacrifices que la torah réclame au cours des jours de fête et du reste de l’année.
Dans le chapitre 25 de Bamidbar, la torah dit :
:י/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
10/ Hachem parla à Moshé en disant :
יא/ פִּינְחָס בֶּן-אֶלְעָזָר בֶּן-אַהֲרֹן הַכֹּהֵן, הֵשִׁיב אֶת-חֲמָתִי מֵעַל בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקַנְאוֹ אֶת-קִנְאָתִי, בְּתוֹכָם; וְלֹא-כִלִּיתִי אֶת-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקִנְאָתִי׃
11/ Pin’has fils d’Éléazar fils d’Aaron le cohen retira Ma colère contre les bné-Israël en prenant Ma vengeance de parmi eux et Je n’ai pas détruit les bné-Israël dans Ma vengeance.
:יב/ לָכֵן, אֱמֹר: הִנְנִי נֹתֵן לוֹ אֶת-בְּרִיתִי, שָׁלוֹם
12/ C’est pourquoi, dis : Voici, Je lui donne Mon alliance de paix.
Comme nous l’avons vu l’année dernière, Pin’has n’est autre que le prophète Éliyahou. D’ailleurs, le Targoum Yéhonathan explique notre verset de la façon suivante :
« Et j’en ai fait un ange vivant, qui vivra à jamais afin d’annoncer la délivrance à la fin des temps. »
Cela met l’accent sur la fin de l’histoire d’Éliyahou qui est monté vivant dans le ciel et n’est donc jamais mort et qui est celui qui viendra annoncer la délivrance à la fin des temps.
Nous avions expliqué l’année dernière, comment Pin’has est parvenu à s’affranchir de la mort au travers de la messirout nefech, don de soi, dont il a fait preuve lorsque le peuple s’est adonné à la débauche.
La question que nous allons aborder maintenant est celle du comment.
Pourquoi le don de soi absolu de Pin’has est-il vecteur de ce changement d’état ? Plus encore, l’état d’Éliyahou hanavi est tout-à-fait particulier, il ne s’agit pas simplement d’un homme ayant accédé à l’éternité, il s’agit d’une personne capable de traverser les mondes, que ce soit le nôtre ou celui d’en haut, qui n’est pas fait de matière.
Comment un être humain peut-il exister dans un monde parfaitement spirituel et qui ne tolère aucun aspect de matériel ?
Le Gaon de Vilna (divré Éliyahou sur notre paracha) enseigne une notion intéressante sur ce qu’a vécu Pin’has.
Une des mitsvot que la torah nous demande d’accomplir est celle du » מחצית השקל ma’hatsit hachekel », ce demi sicle que chaque juif devait donner au temple une fois par an.
Dans son essence, cette mitsva est de la tsédaka, c’est pourquoi le mot » מחצית ma’hatsit » contient la lettre »צ tsadik » qui insinue la »צדקה tsédaka ».
Or nos sages enseignent que la tsédaka a le pouvoir de sauver de la mort.
À ce titre, nous trouvons que les deux lettres qui entourent le »צ tsadik » sont les lettres qui forment le mot »חי la vie » tandis que celles qui sont le plus éloignées constituent le mot »מת la mort ».
Cela explique que la tsédaka approche la vie et éloigne la mort.
En ce sens, les mots du verset 11 prennent un sens plus profond. Lorsque Zimri et les bné-Israël ont fauté, ils ont mis Hachem en »colère », si l’on peut s’exprimer ainsi.
C’est pourquoi, le verset dit » הֵשִׁיב אֶת-חֲמָתִי retira Ma colère ».
Le mot en gras, contrairement à ce que nous venons d’évoquer, contient en son centre les lettres »מת la mort » et aux extrémités »חי la vie », car l’attitude des bné-Israël a engendré la mort.
L’acte de Pin’has, qui est un acte de tsédaka parfaite, car il a agi pour sauver le peuple sans rien attendre en retour et au péril de sa vie, a eu pour conséquence de rétablir les choses, c’est pourquoi Hachem dit qu’il a retiré Sa colère, car il a remis la mort aux extrémités et la vie au centre !
Ayant été le vecteur de cela, Hachem lui accorde la source de la vie et il accède à l’éternité.
Le Agra dékala (sur parachat béha’alotékha, dibour hamatril ‘assé lékha’) écrit que l’âme est divisée en deux parties : une première qui descend sur terre et qui investit le corps et une seconde, qui reste à l’extérieur et ne descend pas dans notre monde. Ces deux parties se complètent, la partie terrestre, par ses actions, donne à sa jumelle le moyen de recevoir une flux divin qu’elle peut ensuite déverser à son tour sur sa moitié.
À ce titre, Rabbi Avraham Azoulay, le ‘Hida (‘Hessed léavraham, mayane 4, naar 7) dit :
« Lors de la création du monde, Adam se trouvait dans le Jardin d’Eden, toutefois, le reste du monde n’a pas été créé pour rien. En réalité, Adam sortait du Jardin pour tous ses besoins corporels. Le Jardin était pour lui comme le Beth Hamikdach, comme une synagogue pour prier, comme une beth hamidrach pour étudier la torah et prophétiser avec Hachem. Le reste du monde lui servait pour sa vie matérielle. »
Nous voyons par là une chose remarquable.
Le Jardin d’Éden constituait le lieu de sainteté et de connexion avec Dieu, tandis que le reste du monde servait pour le reste de ses activités. Suite à sa faute, Adam est expulsé de ce lieu de liaison avec Hachem, et n’a plus le droit d’y retourner.
La question qui se pose est de savoir quelle a été la perte concrète d’Adam suite à cette expulsion. Comme nous le savons, une des premières conséquences se manifeste sur le corps d’Adam qui passe de la lumière à la matière. Mais plus encore le Or Ha’haïm (sur béréchit, chapitre 3 verset 14, et plus détaillé au début de la parachat bé’houkotaï, sur une des 42 explication qu’il apporte, ofen 20) écrit :
« Lorsqu’Hachem a créé Adam Harichone dans ce monde, Il ne l’a pas créé afin qu’il s’assied dans ce monde éternellement sans fauter, car se serait pour lui une chute et une humiliation, dans la mesure où le vrai objectif se trouve être le monde futur où il recueille le fruit de ce qu’il a planté ici. En réalité, la véritable intention était de lui accorder la possibilité de monter dans le ciel, dans le trésor, la source de la vie, chaque fois qu’il le voulait, et être comme une personne qui habite dans une maison à deux étages. Ainsi, lorsqu’il le veut il monte, comme nous le trouvons pour Éliyahou qui est monté dans le ciel. Cependant, à cause de sa faute, Adam est maintenant contraint de se séparer de son corps et de le laisser dans ce monde. »
Nous voyons que la vie dans laquelle Adam devait évoluer consiste à pouvoir vivre la jonction entre ce monde-ci et celui d’en haut à sa guise.
De pouvoir se connecter à l’âme qui reste dans les sphères célestes lorsqu’il le souhaite, et c’est la faute qui empêche maintenant cette transition naturelle qui ne peut maintenant être atteinte qu’à travers la mort.
En ce sens, Éliyahou, comme le cite le Or Ha’Haïm est parvenu a rétablir ce lien et à monter rejoindre la partie de son âme qui restait en haut.
Cela nous apporte une idée très claire de l’état d’Éliyahou, qui va nous permettre d’aborder un commentaire du ‘Hatam Sofer (chout ‘Hatam Sofer, tome 6, simane, 98) qui pose une question importante concernant la loi juive.
Nos sages ont établi que depuis que Moshé est allé récupérer la torah dans le ciel, la loi ne peut être tranchée que par l’homme.
Même les anges n’ont pas le pouvoir d’intervenir dans les décisions des sages qui sont seuls garants de la volonté d’Hachem. Cependant, nous trouvons à plusieurs reprises dans le talmud, qu’Éliyahou hanavi est intervenu pour apporter des enseignements à nos sages et qu’ils l’ont pris en compte.
Plus encore, lorsque la guémara n’est pas à même de fournir la réponse à une question, elle conclut souvent son étude par le terme »תיקו ils se sont tus ».
Ce terme, bien que soulignant l’absence de réponse connote un espoir pour l’avenir, car il est l’acronyme de mot dont la traduction est « Tichbi (Éliyahou) répondra à toutes les difficultés et aux problèmes » en ce sens où nous comptons sur lui, pour venir à la fin des temps nous apporter les réponses aux questions laissées en suspend.
Au vu du principe comme quoi la loi est une affaire d’homme, il paraît dur de comprendre l’intervention d’Éliyahou dans la loi ?
À cela, le ‘Hatam Sofer apporte l’idée suivante : Éliyahou évolue dans deux états.
Parfois il apparaît en tant qu’ange ce qui explique par exemple, que lors des brit milot, bien que présent, personne ne puisse le voir, et plus encore cela nous permet de comprendre comment il pourrait être dans plusieurs brit milot simultanément.
Cependant, il arrive qu’il se manifeste sous forme terrestre, dans son propre corps et à ce titre, il a toutes les caractéristiques d’un homme normal, fait de chair et de sang.
Dès lors, lorsqu’il se dévoile sous une forme spirituelle, alors il y a lieu de ne pas tenir compte de ses enseignements pour trancher la loi.
Par contre, lorsque son intervention se veut physique, alors il est considéré comme un être humain et à ce titre a le poids d’un décisionnaire, et sans doute un des plus grands, dont l’opinion est plus qu’importante et doit être suivie !
Nous comprenons donc parfaitement ce qu’a vécu Pin’has, lorsqu’Hachem lui accorde la vie éternelle.
Il ne s’agit pas tant de ne jamais mourir, mais plutôt de pouvoir exprimer une jonction entre notre monde et celui d’en haut, de pouvoir accéder à l’étage du dessus pour reprendre l’expression du Or Ha’haïm !
À ce titre, nous pouvons peut-être trouver une allusion à cela dans le verset 12.
Une remarque classique sur ce verset concerne le mot »שָׁלוֹם paix » dont l’avant dernière lettre, le »ו vav » est brisée au centre, laissant une partie supérieure et une autre en bas. Beaucoup d’encre a coulé sur cette lettre.
Grâce aux explications et avec l’aide d’Hachem, nous pouvons peut-être ajouter une nouvelle remarque.
À savoir qu’après avoir retiré la colère d’Hachem et avoir rétabli la vie et éloigner la mort comme l’avait expliqué le Gaon de Vilna, Pin’has est parvenu à repousser la mort qui atteint l’homme.
À ce titre, il est devenu complet dans le sens où le mot »שלום paix » écrit avec le »ו vav » brisé nous incite à lire שלים complet ! Et justement, quelle est la définition de cet état, celui où l’homme est complet ? Au vu de ce que nous venons de développer les choses paraissent claires : il s’agit de la capacité à accéder aux sphères célestes sans passer par la mort, et ainsi d’être capable d’atteindre la partie de notre âme qui reste en hauteur. À ce titre, nous trouvons que le »ו vav » est brisé, laissant une partie haute et une partie basse ! Par cela, la torah fait sans doute référence aux deux âmes de l’homme qui sont séparées à la naissance, et que dorénavant, Pin’has peut rejoindre car devenu complet !
Nous comprenons maintenant comment Éliyahou, bien qu’étant vivant et donc humain, peut accéder au monde céleste. Ayant rejoint la partie de son âme que l’homme quitte à la naissance, Éliyahou manifeste en lui les deux critères d’Adam, celui d’un corps fait de lumière et celui d’un corps fait de chair et d’os. Il peut donc pénétrer le royaume d’Hachem en s’exprimant complètement de façon spirituelle, ou apparaître sur terre en tant qu’un maître de la torah, venu enseigner à ses élèves.
Il est impressionnant de voir l’évolution qu’a vécu Pin’has au travers de son acte héroïque. Ceci a constitué pour lui le moyen de déjouer l’ange de la mort et de s’en affranchir, pour se positionner dans le cadre de vie d’Adam avant qu’il ne commette sa faute. Cela nous apporte un enseignement concret. À savoir que la dévotion, le messirout nefech, est la clef pour repousser le mal et le vaincre définitivement. Il s’agit d’agir pour Hachem sans se poser de question, sans craindre les conséquences,
en clair, d’être un vrai serviteur du Maître du monde. C’est en ce sens que la délivrance deviendra concrète, lorsqu’enfin tous les enfants d’Hachem comprendront que Sa volonté est totale et qu’il y a lieu de la respecter de la plus scrupuleuse des façons. Avec cet état d’esprit, la venue du Machia’h ne sera plus une longue attente mais bien un accomplissement immédiat.
Chabbat chalom.
Y.M. Charbit