Parashat Piné’has (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
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PARACHAT Piné’has
Notre parachat fait suite au zèle dont a fait preuve Pin’has lors de la faute commise par les bné-israël avec les femmes de Moav. En effet la paracha précédente se conclue en racontant que suite aux fautes de relations interdites et d’idolâtrie, une épidémie frappe le peuple, qui perd 24000 des siens. En effet, Zimri, chef de la tribu de Chimone, prend publiquement une femme midianite pour commettre une faute avec elle. Devant une telle effronterie, Pin’has transperce Zimri et la midianite d’un javelot pendant qu’ils commettaient encore la faute. Devant le courage sans faille de Pin’has, Hachem lui accorde une alliance particulière : bien que non qualifié à la prêtrise des enfants d’Aaron, Dieu déroge à la règle et lui octroie le titre de Cohen. Au terme de l’épidemie, Hachem demande à Moshé de recenser à nouveau les bné-Israël. À l’approche de l’entrée du peuple en terre promise, les filles de Tsélofrad, mort sans laisser d’héritier, s’inquiètent de la perte potentiel de l’héritage de leur père. À ce titre, elles demandent à Moshé de leur dire ce qu’il allait advenir de la part de leur défunt père dans la répartition du pays. C’est suite à leur intervention qu’Hachem enseigne à Moshé les lois de l’héritage. Notre paracha se conclue par les différents sacrifices que la torah réclame au cours des jours de fête et du reste de l’année.
Dans le chapitre 25 de Bamidbar, la torah dit :
:י/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
10/ Hachem parla à Moshé en disant :
יא/ פִּינְחָס בֶּן-אֶלְעָזָר בֶּן-אַהֲרֹן הַכֹּהֵן, הֵשִׁיב אֶת-חֲמָתִי מֵעַל בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקַנְאוֹ אֶת-קִנְאָתִי, בְּתוֹכָם; וְלֹא-כִלִּיתִי אֶת-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקִנְאָתִי׃
11/ Pin’has fils d’Éléazar fils d’Aaron le cohen retira Ma colère contre les bné-Israël en prenant Ma vengeance de parmi eux et Je n’ai pas détruit les bné-Israël dans Ma vengeance.
:יב/ לָכֵן, אֱמֹר: הִנְנִי נֹתֵן לוֹ אֶת-בְּרִיתִי, שָׁלוֹם
12/ C’est pourquoi, dis : Voici, Je lui donne Mon alliance de paix.
Comme de nombreux commentateurs le soulignent, le ו du mot ,שלום est coupé dans le sefer torah. Le Baal Hatourim y voit une allusion à Éliyahou hanavi. En effet, nos sages enseignent de façon étonnante que Pin’has n’est autre qu’Éliyahou le prophète ! Or le midrach enseigne qu’à cinq reprises dans la torah, le nom אליהו Éliyahou, est écrit sans la lettre ו , formant le mot Élie. À contrario, à cinq reprises le nom de יעקב Yaakov, s’est vu ajouté un ו et être écrit יעקוב. Nos sages expliquent ainsi qu’Éliyahou étant destiné à venir annoncer la délivrance des bné-Israël à la fin des temps, Yaakov lui a prit la lettre ו de son nom en gage et ne la lui rendra que lorsqu’il aura accomplit sa mission. C’est alors que son nom sera complet. C’est pour cela que le mot שלום de notre verset est écrit avec un ו brisé, afin d’inciter à lire cette lettre comme un י. Le mot devient alors שלים qui signifie « être complet ».
D’ailleurs, le Targoum Yéhonathan explique notre verset en étroite corrélation avec ce que nous venons de dire : « Et j’en ai fait un ange vivant, qui vivra à jamais afin d’annoncer la délivrance à la fin des temps. » Cela met l’accent sur la fin de l’histoire d’Éliyahou qui est monté vivant dans le ciel et n’est donc jamais mort et qui est celui qui viendra annoncer la délivrance à la fin des temps.
Tentons d’aller plus en avant dans le lien qui relie l’action de Pin’has dans notre paracha et sa mission en tant qu’Éliyahou hanavi.
Le Pirké Dérabbi Éliézer (chapitre 31) enseigne que lors de la akédat Yitshak, le bélier qui a servit de substitut à Yitshak a été intégralement utilisé au cours de l’histoire. Le midrach énumère ainsi comment chaque membre a servi ou servira à un événement clef de l’histoire juive. Entre autre, la peau du bélier sera la base du manteau qu’Éliyahou portait sur ses épaules. Le Rama’ Mipano (mentionné dans le commentaire du Radal sur ce midrach) précise une chose extraordinaire. La raison pour laquelle Éliyahou hanavi a hérité de la peau du bélier provient du fait que c’est lui-même qui l’a conduit à Avraham ! Or, Éliyahou étant cohen, a droit à la peau du sacrifice comme le précisent les lois sur le sujet !
Cet enseignement nous amène à tenter de comprendre l’intérêt de la manœuvre. Pourquoi Éliyahou, bien avant sa naissance, a t-il apporté ce bélier ? Pourquoi est-il présent au moment de la akéda ? Il est d’ailleurs remarquable de souligner que le mot האיל le bélier constitue l’anagramme du nom אליה Élie, à savoir Éliyahou privé de la lettre ו. Quel lien unie ces éléments ?
Peut-être pouvons-nous entrevoir un éclaircissement dans les propos du Maharal de Prague (cf gour arié, Vayikra, chapitre 26, verset 42). Ce dernier explique le midrach concernant la lettre ו que Yaakov a prit à Éliyahou. D’après ses propos, Éliyahou n’a été créé que pour libérer Israël. Puisqu’il n’existe que pour cela, et que cette mission n’est pas encore accomplie, alors une lettre de son nom est prise et gardée en gage par Yaakov, pour dire que son nom est incomplet (Élie au lieu de Éliyahou), car toute son existence ne se justifie que pour libérer Israël, les enfants de Yaakov. À ce titre, c’est Yaakov qui garde une de ses lettres car en tant que père d’Israël, il est celui qui crée la réalité dans laquelle la mission d’Éliyahou peut être accomplie !
De là, ressort une notion fondamentale que nous appliquons ici à Éliyahou, mais qui est finalement vraie pour tout homme. Le potentiel d’Éliyahou ne s’exprime pas pleinement de façon naturelle. C’est à lui d’atteindre l’état parfait de son être. C’est pas l’accomplissement de la mission qui lui est assigné, qu’il sera réellement Éliyahou. Entre temps, il n’est qu’Élie ! Cela dénote l’idée du progrès au cours de la vie. Celui qui permettra à Éliyahou de parachever son être et d’être capable d’annoncer la délivrance au peuple juif à la fin des temps. Dans cet objectif, Éliyahou hanavi doit obtenir une chose évidente : l’éternité ! En effet, pour annoncer la venue du machia’h, il faut absolument qu’il soit vivant et doit donc échapper des griffes de l’ange de la mort. Comment y parvenir ?
Le secret réside dans la notion de messirout néfech, le don total de soi. Lorsqu’Éliyahou parviendra à une messirout néfech totale, alors il entrera dans une dimension éternelle. Reprenons depuis le début. Nous nous étions demandés pourquoi Éliyahou, ou du moins son âme, est-elle présente au moment de la akéda ? Simplement parce qu’il s’agit d’un des actes qui est chargé de la plus grande dévotion de l’histoire. Avraham est prêt à perdre le fils qu’il a tant désiré et Yitshak s’engage à donner sa vie au Maître du monde ! Quelle attitude saurait-elle être plus dévouée que celle-ci !? La présence d’Éliyahou est donc requise à cet instant, non pas comme acteur mais comme spectateur ! Éliyahou vient apprendre une leçon, celle qui lui permettra de s’accomplir pleinement ! Au point d’en garder le signe toute sa vie. Ce manteau issu du bélier l’accompagne partout pour lui maintenir cette notion à l’esprit. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les lettres du mots האיל le bélier constitue l’anagramme du nom אליה Élie, privé duו. Justement parce qu’à cet instant, Éliyahou n’a pas atteint la perfection qui incombe à sa tâche, et le bélier est ce qui vient l’éduquer à cet objectif à atteindre !
C’est dans cette mesure que notre paracha joue un rôle clef dans cette progression ! Le ‘Hidouché Harim explique une notion splendide ! Notre paracha énumère l’ensemble des sacrifices. La raison profonde réside dans l’enseignement du midrach selon lequel Nadav et Avihou, les deux fils d’Aaron brulés par les flammes d’Hachem lors de l’inauguration du michkan, se sont associés à Pin’has lors de son acte ! Leur néchamot se sont littéralement infiltrées en Pin’has pour le soutenir. En tant que sacrifice humain, ces deux personnages ayant accompagné Pin’has représentent toute la notion du sacrifice, d’où le développement de ce sujet dans notre paracha. Là encore, ce qui entoure Pin’has est cette notion du don total de soi : deux hommes qui ont connu une telle proximité avec Dieu qu’ils ont été choisi pour être eux-même ce qui inaugurera le michkan ! Leur intervention en Pin’has prouvent la dévotion totale dont il a fait preuve.
Tentons d’aller plus loin.
Le Talmud (traité sanhédrin, page 82b) précise jusqu’où Pin’has est allé pour sauver le peuple : « (lorsque Pin’has a vu l’ange venu détruire le peuple) il la fait tomber au sol et s’est adressé devant Lui (Hachem) : Maître du monde ! Est-il nécessaire de faire tomber 24000 membres du peuple d’Israël ?! Comme la torah en atteste : » Et ce fut les morts durant l’épidémie étaient de 24000 « . Et c’est ce qu’atteste le verset (Téhilim, chapitre 106, verset 30) : » Pin’has s’est tenu pour faire justice… « . Le employé pour faire justice est ויפלל. Il n’est donc pas écrit qu’il a prié mais qu’il s’est littéralement quereller avec son Maître ! Au point que les anges ont voulu s’en prendre à lui. Mais Hachem leur a dit : » Laissez-le ! C’est un jaloux fils de jaloux, c’est un apaisant fils d’apaisant « . »
Pin’has est donc allé si loin dans la défense du peuple qu’il a mis sa vie en péril et a « lutter » contre Dieu dans le débat sans se soucier des conséquences ! Il a fait preuve de la plus grande des dévotions au point d’entrer en résonance avec l’acte de Nadav et Avihou qui sont entrés en lui pour l’accompagner ! C’est lors de cet acte qu’Hachem dit « et Je lui donnerai mon alliance de paix. » Le mot שלום paix écrit avec le ו brisé pour inciter à lire שלים complet ! Comme nous l’avons dit plus haut au nom du Targoum Yéhonathan, Pin’has s’est, à cet instant affranchie de la mort, il a compléter sa capacité à accomplir sa mission qui se produira à la fin des temps et peut dorénavant vivre assez longtemps pour annoncer la délivrance !
Il convient d’apporter une précision extraordinaire sur le texte de la guémara que nous avons cité. Hachem dit aux anges que Pin’has est un jaloux fils de jaloux. Cela fait référence à son ancêtre, Lévi qui, lorsque sa sœur Dina s’est faite enlevée et violée, a prit les armes et a livré bataille contre la ville de Ch’hem. Ainsi, Pin’has et son ancêtre ont la même réaction face à un acte de débauche : ils vengent la gloire d’Hachem au péril de leurs vies ! Seulement, il est important de souligner un point fondamental. Lévi n’a pas combattu seul, il était accompagné de son frère Chimone et à eux deux, ils ont décimé 24000 personnes pour venger leur sœur. Ainsi, même à deux contre toute un village, ces deux tsadikim n’ont pas hésité un instant à risquer leur vie pour l’honneur d’Hachem. Seulement, nous constatons de la guémara que seul Pin’has, descendant de Lévi est appelé jaloux fils de jaloux. Car en effet, il a hérité du courage de son ancêtre et s’en est servi à bonne escient. Toutefois, à l’opposé se trouve Zimri Ben Salou, l’homme que Pin’has tue, qui lui se trouve être de la tribue de Chimone. Or Rachi (chapitre 26, verset 13) démontre que l’ensemble des victimes de l’épidémie est issue de la tribut de Chimone ! Chimone et Lévi qui ont fait preuve de messirout néfech et ont abattu 24000 fauteurs ont transmit à leur successeur leur ce don absolue de soi. Pin’has a su reprendre le flambeau de son ancêtre mais ce ne fut pas le cas de Zimri qui au contraire n’a pas eu la bonne réaction. Ainsi, il hérite de la responsabilité énorme du zèle de Chimone. Le message est le suivant : l’ancêtre de Zimri a tué 24000 mécréants par hantise de la débauche, Zimri qui n’a pas marché sur ses pas est responsable de la chute de 24000 des siens ! Cela fait apparaître la tâche d’autant plus difficile de Pin’has qui contrairement à ses prédécesseurs Chimone et Lévi, n’a personne pour le soutenir, il doit agir seul et c’est justement ce qui lui vaut d’être béni de Dieu et de parachever son potentiel !
Nous voyons donc combien le chemin de la vie d’Éliyahou le conduit à atteindre l’accomplissement de sa mission. Il est initié avant même de venir en ce monde au travers de sa présence à la akédat Yitshak, il hérite de la messirout néfech de son ancêtre Lévi, il se donne corps et âme lors de la faute de Zimri et attire la puissance de Nadav et Avihou, afin de profiler son action de la fin des temps. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de noter qu’Éliyahou est l’ange de l’alliance de la brit mila, car cette mitsvah est douloureuse et se pratique donc avec la messirout néfech !
Comme pour chacun d’entre nous, Hakadoch Baroukh Hou conduit Éliyahou à réussir la tâche qui est la sienne. Au fil du temps, Il lui accorde les outils de la réussite de l’entreprise de ce prophète. Nous pouvons nous en douter, si Dieu prend tant de patience à placer les éléments requit à son dévoilement ultime, c’est bien que cela est d’une importance capitale à ses yeux. Yéhi ratsone que son but soit bientôt atteint, et qu’Éliyahou vienne très très rapidement nous annoncer la venue du machia’h !!! amen véamen.