Paracha Pékoudé (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
Paracha Pékoudé
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בס »ד
PARACHAT PEKOUDÉ
La paracha pékoudé clôture le deuxième livre de la torah. Dans cette section, Moshé poursuit le dénombrement, à la seule différence que ce ne sont plus les bné israel qui sont ici recensés, mais les offrandes qu’ils ont réunit pour la conception du michkan. Ainsi Moshé énumère le compte exacte des offrandes d’or, d’argent et de cuivre afin d’expliciter la façon dont Betsalel s’en est servit pour fabriquer le michkan et tous les ustensiles qui l’accompagne. Suite à quoi, Moshé décrit la fabrication des habits du cohen. Une fois le travail finit, Moshé érige lui-même le michkan, enfin prêt pour recevoir la présence divine qui se manifeste par une colonne de nuée recouvrant la tente d’assignation. Notre paracha décrit enfin l’étape finale de la fabrication du michkan. Une fois cela terminé, Moshé Rabbénou béni les bné-Israël en leur souhaitant que la présence divine puisse résider parmi eux.
Dans le chapitre 40 de Chémot, la torah dit :
לד/ וַיְכַס הֶעָנָן, אֶת-אֹהֶל מוֹעֵד; וּכְבוֹד יְהוָה, מָלֵא אֶת-הַמִּשְׁכָּן׃
34/ La nuée couvrit la tente d’assignation et la gloire d’Hachem emplit le tabernacle.
לה/ וְלֹא-יָכֹל מֹשֶׁה, לָבוֹא אֶל-אֹהֶל מוֹעֵד–כִּי-שָׁכַן עָלָיו, הֶעָנָן; וּכְבוֹד יְהוָה, מָלֵא אֶת-הַמִּשְׁכָּן׃
35/ Et Moshé ne put pas entrer dans la tente d’assignation car la nuée résidait sur elle et la gloire d’Hachem emplissait le tabernacle.
לו/ וּבְהֵעָלוֹת הֶעָנָן מֵעַל הַמִּשְׁכָּן, יִסְעוּ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, בְּכֹל, מַסְעֵיהֶם׃
36/ Et lorsque la nuée s’élevait de dessus le tabernacle, les bné-Israël voyageaient pour tous leurs voyages.
לז/ וְאִם-לֹא יֵעָלֶה, הֶעָנָן–וְלֹא יִסְעוּ, עַד-יוֹם הֵעָלֹתוֹ׃
37/ Et si la nuée ne s’élevait pas, ils ne voyageaient pas jusqu’au jour où elle s’élevait.
לח/ כִּי עֲנַן יְהוָה עַל-הַמִּשְׁכָּן, יוֹמָם, וְאֵשׁ, תִּהְיֶה לַיְלָה בּוֹ–לְעֵינֵי כָל-בֵּית-יִשְׂרָאֵל, בְּכָל-מַסְעֵיהֶם׃
38/ Car la nuée d’Hachem était sur le tabernacle pendant le jour, et un feu était sur lui pendant la nuit, aux yeux de toute la maison d’Israël dans tous leurs voyages.
De là, se pose une question. Un enseignement de nos sages stipule que « Hachem est l’endroit du monde, mais le monde n’est pas son endroit ». À savoir qu’Hachem n’est pas dans le monde, c’est plutôt, le monde qui est contenu dans Hachem. Cela paraît évident, dans la mesure où Hachem est infini. Dès lors apparaît un paradoxe. Hachem dit aux bné-Israël qu’il résidera parmi eux. Cela signifie finalement que le michkan « contient » Hakadoch Baroukh Hou. Cela semble paradoxale car nous en arrivons donc à comprendre qu’Hachem est dans le monde. Il ressort apparemment un point parfaitement incohérent : Hachem contient le monde et à son tour, le monde contient Dieu. Comment comprendre cela ?
Pour cela, nous allons nous référer à une analyse de Rav Akiva Tatz qui raisonne à plus large échelle. (cf, le masque du monde, chapitre 4).
À plusieurs reprises, la torah attribue des caractéristiques humaines à Hakadoch Baroukh Hou. En lisant la torah, nous entendons donc parler du doigt d’Hachem, de sa main, de son bras ou encore de ses yeux. Cela semble étrange et dur à concevoir lorsque depuis toujours, une des premières informations que nous avons sur Dieu, est qu’il ne possède pas de corps comme le notre. Il est même extrêmement grave de lui donner de telles attributions. De façon générale, nos sages solvent ce problème par un enseignement du Rambam, selon lequel, la torah parle dans des termes humains. L’objectif est de permettre à l’homme de comprendre ce qui est dit. C’est pourquoi la torah emplois des métaphores pour nous donner un point de repère.
Une compréhension trop simpliste de cette enseignement nous mènerait à deux problèmes majeures. Le premier est celui de l’inexactitude des propos tenus. Effectivement, par définition, chaque mot que la torah utilise reflète la réalité absolue. Jamais la torah n’occulte ou ne diminue la réalité. En claire, si la torah parle des mains d’Hachem, pour nous donner une image, alors que dans les faits, Hachem n’a pas de mains, alors la torah n’est pas exacte !
Secondement, comme nous l’avons déjà mentionné, il est interdit de se faire une représentation d’Hachem, ni par la pensée, ni par la description. Et pourtant la torah le fait ! Comment la torah peut-elle interdire ce qu’elle-même nous montre en exemple ?
Nous voyons donc que les mots du Rambam nécessitent un approfondissement.
Toutes nos conclusions nous ont, jusque là, amenées à comprendre que les « membres » cités par la torah pour qualifier Hachem faisaient référence à un exemple comparatif. Cela nous aurait permis de « comprendre » Dieu en le comparant à nos attributs. Dans cette définition, la main de Dieu est une métaphore et notre main est la réalité à laquelle Dieu est comparé. Cela est toutefois faux comme nous l’avons démontré. La réalité est plutôt contraire à notre définition. Nous sommes la métaphore tandis qu’Hachem est la réalité ! Nos mains ne sont que des images, les siennes sont réelles ! Ce nous appelons main n’est pas vrai. La définition même d’une main ne renvoi absolument pas au membre qui se situe à l’extrémité de notre bras ! La main dans son sens absolu, telle qu’elle est dans la réalité, est celle d’Hachem. Ce que nous disposons n’est qu’une métaphore ! Il s’agit du reflet d’une réalité beaucoup plus profonde. Lorsque la torah considère la main ou les yeux d’Hakadoch Baroukh Hou, elle ne lui donne ni image, ni restriction ! Hachem dispose en effet d’une main ! Mais nous, n’avons que ce qui ressemble à une main !
De façon plus générale, tout ce que contient notre monde n’est que le reflet de ce que contiennent les sphères célestes. Il ne s’agit que d’une version atténuée de la réalité. Nous vivons dans l’illusion du réel, alors que nous ne nous en rendons même pas compte ! Ce que nous percevons n’est finalement qu’un voile qui cache la réalité. Il est d’ailleurs intéressant de noter que cela est souligné par les quatre premières lettres de l’alphabet. En effet, la première lettre est le א (aleph). Il a pour valeur numérique, un. Cela nous renvoi au divin, à l’unicité d’Hachem. Il est suivit des trois lettres ב (beth) ג (guimel) ד (dalet). C’est trois lettres se suivent pour former le mot בגד qui signifie « un habit ». Cela nous informe d’une notion particulièrement révélatrice. À savoir que, dès que nous nous éloignons du א (aleph), de l’unicité d’Hachem, alors nous entrons dans un בגד, un habit qui cache la réalité. En clair, dès que nous sortons du monde de la vérité, celui de Dieu, alors nous tombons dans le notre, celui qui n’est qu’un reflet, un habit derrière lequel se cache la vérité.
D’ailleurs, notre paracha fait un lien probant sur le sujet. Lors de la confection des habits du cohen, la torah emploi une formulation intrigante : (chémot, chapitre 39, verset 3)
וַיְרַקְּעוּ אֶת-פַּחֵי הַזָּהָב, וְקִצֵּץ פְּתִילִם, לַעֲשׂוֹת בְּתוֹךְ הַתְּכֵלֶת וּבְתוֹךְ הָאַרְגָּמָן, וּבְתוֹךְ תּוֹלַעַת הַשָּׁנִי וּבְתוֹךְ הַשֵּׁשׁ–מַעֲשֵׂה, חֹשֵׁב
Ils laminèrent les lames d’or et on y découpa des fils pour faire avec les fils d’azur, de pourpre, d’écarlate et de lin fin, œuvre d’artiste.
Le premier mot est וַיְרַקְּעוּ. Ce mot a pour racine רקיע qui signifie « le ciel ». La corrélation est troublante. La confection d’un habit est comparée à celle du ciel. Cela indique bien que les deux notions sont identiques, le ciel ne fait que cacher une réalité supérieure, de même que l’habit n’est que ce qui couvre notre corps.
Nous vivons donc dans une réalité qui n’en n’est pas une. Toute ce que nous vivons, tout ce que nous percevons, n’est qu’un reflet, un échantillon de ce qui est à venir. Cette illusion que nous côtoyons constamment provient d’une source supérieure qui, elle est réelle. La question est de savoir comment en être sûr ? Comment concevoir que tout ce que nous vivons, tout ce que nous connaissons n’est pas la vraie réalité, n’est qu’une parcelle, une vision qui se projette sur notre monde. En clair, comment comprendre que notre monde n’est pas réel quand nous vivons dans ce dernier et n’avons aucun élément nous indiquant cela ?
Deux éléments peuvent être suggérés. Le premier est le rêve. En effet, quiconque a déjà vécu l’expérience de rêver, a connu la sensation de l’illusion complète. Le corps, la pensée, le rythme cardiaque, sont tous liés durant le rêve et nous poussent dans une illusion parfaite ! Quoi que nous ressentions durant cet expérience, jamais nous ne doutons qu’il s’agisse d’un mensonge. Nous transpirons lors du cauchemar de la même manière que nous transpirons lorsque nous sommes en alerte. Nous nous emballons dans le joli rêve de la même façon que cela nous arrive lors de moment de joie. En clair, nous vivons, durant ce cours instant que dure le rêve, dans une réalité complètement irréelle ! Mais ce n’est qu’à notre réveil que nous réalisons le mensonge, que cet infâme cauchemar n’est qu’une fausse alerte, que ce magnifique rêve n’est qu’une fausse joie !
Mais d’où provenait ce rêve ? Quel était sa source ?
La guémara explique que nos rêves ne sont qu’une projection aléatoire de ce que nous avons vu dans la journée ! En clair, l’illusion que nous connaissons en dormant, tire sa source du monde que nous côtoyons lorsque nous sommes éveillés. Parallèlement, le monde dans lequel nous vivons n’est qu’une réalité mensongère dont ne pouvons sortir, tant que nous y vivons. Il émane d’une source plus intense, plus profonde. Tant que nous vivons dans ce monde, jamais nous n’aurons la conscience absolue de sa source. Ce n’est qu’au moment de retourner auprès d’Hachem, que notre âme constate avec effroi, que tout cela n’était qu’une grand rêve !
Le second moyen de se rendre compte de l’illusion de ce monde est finalement le michkan ! Durant une période, les bné-Israël ont eu une chance phénoménale ! Ils ont put constater la source de l’illusion, dans l’illusion elle-même. Notre monde émane d’un monde supérieur, mais de ce monde illusoire, a immergé une réalité. La source absolue s’est manifestée dans un endroit palpable. Par cela, une brèche s’est immiscée dans le rêve et nous avons pu ouvrir les yeux ! Les bné-Israël, bien que vivant, se trouvaient « à moitié éveillés ». Bien que plongés dans ce monde-ci, ils concevaient qu’il n’était autre qu’une projection de la réalité suprême ! C’est là la réponse à notre question. Il n’y a pas de paradoxe ni d’incohérence. Le monde est bien contenu dans Hachem et pas l’inverse. Seulement, dans ce même monde, Hakadoch Baroukh Hou a brisé la vision erronée, le mensonge. Il a mis en évidence une réalité supérieure, la sienne, au travers du michkan.
Cela nous permet de comprendre pourquoi la notion du chabbat est systématiquement liée avec celle du michkan. Toutes les lois du chabbat, les trente neuf travaux interdits sont déduis du michkan ! Car le michkan est la preuve d’une réalité suprême, de laquelle notre monde tire sa source. De même, nos sages enseignent que le chabbat représente un soixantième du monde futur. Il n’est qu’une représentation amoindrie de notre future récompense, un avant-goût !
Encore une fois, nous apprécions la grandeur du cadeau que nous avons perdu avec la destruction du michkan. La possibilité de nous extraire du mensonge qui nous entoure. La possibilité de vivre et d’envisager une réalité plus intense. Tel est le cadeau de l’installation de Dieu parmi son peuple et c’est pourquoi Moshé a tant insisté pour que se soit Hachem et pas un ange qui nous accompagne dans le désert. Aujourd’hui il ne nous reste plus que le rêve comme preuve du mensonge de notre réalité. Mais la différence entre le rêve et le michkan est très grande. Le rêve nous prouve le mensonge, mais ne nous ramène pas à la réalité. Le michkan lui, nous faisait ressentir cette réalité ! C’est pourquoi il faut prier pour que la bénédiction que Moshé prononce aux bné-Israël puisse se ré-appliquer très vite : « יְ »ר שֶׁתִּשְׁרֶה שְׁכִינָה בְּמַעֲשֶׂה יְדֵיכֶם Que ce soit la volonté de Dieu, que la présence divine repose sur l’oeuvre de vos mains » amen véamen.
Chabbat Chalom.
בס״
Publié le 16 mars 2015. Mis à jour le 3 mars 2019