Parashat Noah 5775 – Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Noah
בס״ד
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PARASHAT NOAH
La paracha de Noa’h raconte comment, 1656 ans après la création du monde, l’homme s’est perverti et adonné à la faute, au point d’amener sur lui la destruction complète par le maboule (déluge). Ainsi, Noa’h seul juste de sa génération, ne méritant pas de subir un tel sort, se voit chargé par Hachem de construire une arche destinée à l’abriter lui et sa famille, ainsi qu’un couple de chaque espèce animale peuplant la Terre. Après le déferlement des eaux aboutissant à la destruction de toute vie sur Terre, Hachem ordonne à Noa’h de sortir de l’arche et de repeupler la Terre. Cependant, par la suite, de nouveau les hommes se rebellent contre le maître du monde en se réunissant afin d’ériger la fameuse tour de Babel. Au terme de cet épisode, Hakadosh Baroukh Hou confond tous les langages et éparpille les hommes.
Dans le chapitre 8 de Béréchit, la torah dit :
ו/ וַיְהִי, מִקֵּץ אַרְבָּעִים יוֹם; וַיִּפְתַּח נֹחַ, אֶת-חַלּוֹן הַתֵּבָה אֲשֶׁר עָשָׂה׃
6/ Ce fut à la fin des quarante jours et Noa’h ouvrit la fenêtre de l’arche qu’il avait faite.
ז/ וַיְשַׁלַּח, אֶת-הָעֹרֵב; וַיֵּצֵא יָצוֹא וָשׁוֹב, עַד-יְבֹשֶׁת הַמַּיִם מֵעַל הָאָרֶץ׃
7/ Il envoya le corbeau et il sortit, allant et revenant, jusqu’à l’assèchement des eaux de dessus la terre.
ח/ וַיְשַׁלַּח אֶת-הַיּוֹנָה, מֵאִתּוֹ–לִרְאוֹת הֲקַלּוּ הַמַּיִם, מֵעַל פְּנֵי הָאֲדָמָה׃
8/ Il envoya la colombe loin de lui, pour voir si les eaux avaient baissé de la surface de la terre.
ט/ וְלֹא-מָצְאָה הַיּוֹנָה מָנוֹחַ לְכַף-רַגְלָהּ, וַתָּשָׁב אֵלָיו אֶל-הַתֵּבָה–כִּי-מַיִם, עַל-פְּנֵי כָל-הָאָרֶץ; וַיִּשְׁלַח יָדוֹ וַיִּקָּחֶהָ, וַיָּבֵא אֹתָהּ אֵלָיו אֶל-הַתֵּבָה׃
9/ Et la colombe ne trouva point d’appui pour la plante de sa patte ; elle retourna vers lui, vers l’arche, car les eaux étaient à la surface de toute la terre ; il étendit sa main, il la prit et l’amena vers lui, vers l’arche.
י/ וַיָּחֶל עוֹד, שִׁבְעַת יָמִים אֲחֵרִים; וַיֹּסֶף שַׁלַּח אֶת-הַיּוֹנָה, מִן-הַתֵּבָה׃
10/ Il attendit encore sept autres jours et renvoya encore la colombe de l’arche.
יא/ וַתָּבֹא אֵלָיו הַיּוֹנָה לְעֵת עֶרֶב, וְהִנֵּה עֲלֵה-זַיִת טָרָף בְּפִיהָ; וַיֵּדַע נֹחַ, כִּי-קַלּוּ הַמַּיִם מֵעַל הָאָרֶץ׃
11/ La colombe vint vers lui au moment du soir, et voici une feuille d’olivier arrachée dans son bec ; et Noa’h sut que les eaux avaient baissé de sur la terre.
Le premier choix de Noa’h se porte sur le corbeau, le second sur la colombe. En effet, devant l’échec de son premier émissaire qui refusait d’accomplir sa mission comme en témoigne le verset, Noa’h change et opte pour un second envoyé. Il est intéressant de souligner une différence entre le verset qui évoque le corbeau et celui qui traite de la colombe. Lors du premier envoi, la torah ne précise pas l’objectif ni la mission du corbeau. Par contre, lors du second, cette fois le but est clair, il s’agit de vérifier l’assèchement des eaux. Puisque cet objectif n’est précisé que pour la colombe, cela sous-entend que tel n’était pas le but de l’envoi du corbeau. En effet, il aurait fallu préciser la mission dès le premier envoi et non au second si toutes deux étaient identiques. Il ressort donc que le but visé par Noa’h avec le corbeau n’est pas le même que celui de la colombe. Que cherche donc réellement Noa’h en sortant le corbeau ?
L’acte de Noa’h semble anodin mais l’enjeu qui se dissimule derrière est loin de l’être. Reprenons les choses à leur début. Nos sages expliquent que Noa’h est le premier homme depuis Adam qui a trouvé grâce aux yeux d’Hachem. En effet, Adam est l’instigateur de la première faute de l’humanité. Depuis, beaucoup de conséquences négatives se sont manifestées dans le monde. À ce titre, l’homme et la terre sont maudits. Initialement, les humains ne devaient pas avoir à fournir le moindre effort pour obtenir leur alimentation, tandis qu’au lendemain de la faute, ils doivent travailler à la sueur de leur front. De même, la terre est maudite dans la mesure où elle fait pousser des ronces et des épines, provoquant une difficulté supplémentaire à l’obtention de nourriture par l’homme. Nos sages vont encore plus loin et situent la faute d’Adam comme la raison profonde de la mitsvah de la brit mila. La nécessité de séparer le jeune nourrisson d’un morceau de chair provient de l’altération du corps humain qu’a provoqué la faute d’Adam. Lorsqu’il a ingéré le fruit, il a fait pénétrer le mal en lui dont une des manifestations directes est le prépuce de l’homme. C’est la raison pour laquelle il faut le retirer.
De là, apparaît chez Noa’h une réflexion évidente. Toutes ces malédictions sont le résultat de la faute du premier homme. Du coup, leur expression témoigne de la sanction divine sur le monde. Toutefois, nous pouvons à juste titre supposer que l’arrêt de ces malédictions symboliserait la fin de la sanction, dans le sens où, à l’évidence, viendra un jour où Hachem jugera qu’il est temps de pardonner et de faire revenir les choses à l’état où elles étaient sensées être. C’est d’ailleurs ce que nous espérons en attendant le Machia’h.
C’est pourquoi, il convient de rappeler certains détails qui peuvent nous éclairer sur ce que vise Noa’h dans les événements du déluge. Le premier est que nos sages nous enseignent que Noa’h est né circoncis. À ce titre, il ne disposait pas du défaut qui découle de la faute d’Adam Harichone. Secondement, nos maîtres ajoutent une précision de poids. : נח, Noa’h, a la même racine que le mot מנוחה, ménou’ha, qui signifie le repos. De même, נח, Noa’h, se lit à l’envers חן, ‘hen, qui se traduit par la grâce. De là nous apprenons que Noa’h est celui qui, de par la grâce qu’il a trouvé auprès d’Hachem est parvenu à apporter le repos dans le monde ! En effet, c’est lui qui a permis l’arrêt de la malédiction de la terre. En sa présence, les ronces et les épines ont cessé de faire leur apparition. Il apparaît donc que le monde a trouvé un apaisement, de par la diminution de la malédiction de Dieu, que provoque l’arrivée de Noa’h. D’autant que le travail de Noa’h durant tout le temps qu’il a passé dans l’arche consistait à s’occuper exclusivement des animaux ! Noa’h doit faire preuve de bonté, de ‘hessed, durant tout le temps où les compteurs du monde sont remis à zéro. Il doit ressembler à Hachem qui a créé le monde par le ‘hessed ! Par cela, il redeviendra un être créé à l’image de Dieu ! Durant le déluge, le monde semble donc se diriger vers sa rédemption, peut-être Noa’h est-il celui qui verra la réparation de la faute d’Adam et qui orientera le monde dans son étape décisive.
À ce titre, une chose intéressante est précisée dans le midrach téhilim (cf section 146) : « tous les animaux impures (et interdits à la consommation) dans ce monde, seront purifiés dans le monde futur… et dans le monde à venir, Il (Dieu) autorisera tout ce qu’il a interdit ».
Arrêtons-nous un instant sur le sens profond qui nous empêche de manger certains animaux.
Au sens de ‘Hazal, le danger apparenté à la consommation de la viande est l’acquisition du caractère de l’animal. Ainsi, Hachem fait le choix de nous interdire de manger les animaux qui font preuve de violence, ou de défaut de comportement. Par contre, il permet aux hommes les animaux qui ne sont pas sanguinaires et qui ne présentent pas les défauts des animaux impures. Ainsi, nous pouvons supposer qu’à la fin des temps, lorsqu’Hachem autorisera la consommation de ces animaux, alors leurs défauts initiaux auront disparu, le mal qui les qualifiait sera supprimé !
En partant de là, Rav David Cohen (dans son livre maassé avot simane labanim, tome 4) avance l’idée selon laquelle, l’envoi du corbeau par Noa’h ne visait pas à vérifier la fin du déluge, mais plutôt à vérifier la fin définitive de la malédiction d’Adam. En effet, nos sages enseignent que la corbeau est particulièrement mauvais, il n’a pas pitié de ses propres enfants ! Pour aller encore plus loin, en hébreu le corbeau se dit עורב, ‘orev. Comme le note un élève du Baal Chem Tov, les lettres de ce mot peuvent former l’acronyme » בו רע » qui pourrait se traduire par « le mal à lui ». Le corbeau caractérise donc parfaitement un animal dont l’essence négative nous interdit la consommation. Le test de Noa’h consiste donc à envoyer ce corbeau, dont le caractère est mauvais, et voir par cela, si son défaut est réparé, si le mal qui le ronge est supprimé. En effet, si le corbeau, de nature mauvaise accepte la mission que lui confit Noa’h alors se sera la preuve que le monde arrive à sa rédemption et que le défaut animal n’existe plus !
Toutefois, cette tentative se solde par un échec puisque le corbeau ne réalise pas la demande de Noa’h, comme l’indique le verset. Sur cela, Rachi précise que cet animal était destiné à une autre mission, celle de nourrir Éliyahou Hanavi, plus tard lorsque ce dernier bloquera la pluie pour punir le roi. À ce moment, le corbeau accepte de réaliser la mission qui lui est confiée dans la mesure où Éliyahou Hanavi est celui qui sera chargé d’annoncer la fin des temps et l’arrivée du Machia’h. Il représente donc le critère de l’époque messianique et face à lui, le corbeau ne peut exprimer le défaut qui le caractérise.
Pour aller un peu plus loin, Noa’h voyant que le monde n’avait pas encore réparé la faute d’Adam, fait une dernière tentative. Puisque la réparation ne venait pas d’elle-même, peut-être fallait-il la provoquer. C’est en ce sens qu’il plante une vigne et boit du vin. Car d’après nos sages, le fruit qu’Adam a consommé était la vigne ! De même, certains estiment que l’arbre planté par Noa’h est issu d’une branche de l’arbre de la connaissance ! L’objectif de Noa’h est donc de se soumettre au même vice qu’a connu Adam et de le vaincre dans le but de réparer enfin l’erreur commise par le premier homme ! Mais, comme nous le savons Noa’h échoue et sombre dans l’ivresse !
Peut-être le défaut de Noa’h (si l’on peut s’exprimer ainsi) se situe dans ce que nos sages soulignent : il n’a pas prié pour sauver sa génération. Malgré tout le ‘hessed dont il a fait preuve, il n’a pas poussé cela au point d’obtenir le pardon pour ses compères. C’est pourquoi Avraham est celui qui sera l’instigateur du dévoilement de Dieu à la place de Noa’h. Car, en plus de se dévouer au service divin, il passera son temps à prouver au monde l’existence de Dieu, à ramener les gens. Il ne fera pas que survivre, il sauvera le plus de monde possible !
Ce développement souligne à quel point l’action humaine a un impact direct sur le monde. Tant que la faute d’Adam Harichone ne sera pas réparée alors le mal persistera. Par contre, le signe tangible de notre pardon, de nos efforts pour effacer le mal que nous avons crée, sera la suppression du mal, même l’espace environnant en sera affecté de par les animaux qui ne feront plus preuve de la bestialité ou des mauvais caractères dont ils souffraient. Ainsi, au sens propre du terme, l’homme agit sur le monde en tant qu’agent directement capable d’influencer l’état naturel des choses. Telle est notre responsabilité et il convient à chacun de prendre sa tâche au sérieux. C’est en sachant que nous avons abîmé le monde que nous concevrons qu’il doit être réparé. Ce n’est pas à Dieu de rétablir les choses comme le pensait initialement Noa’h lors du déluge. C’est bien aux hommes de réparer leur erreur ! Comprendre cela, signifie commencer par amorcer le retour vers Dieu qui constituera la réparation de la faute initiale. Ensuite, nous n’aurons plus qu’à porter le monde à son apogée, le parfaire au point de le rendre digne d’accueillir la présence divine en son sein !
Yéhi ratsone que rapidement ce rêve devienne une réalité !
Chabbat Chalom.
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