Divré Torah Parashat Nasso – 5776
Yehouda Moshé Charbit
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ד״סב
PARACHAT NASSO
La paracha de Nasso poursuit le dénombrement, en recensant maintenant les fils de Guerchone et de Mérari, et en leur assignant leur part de la tente d’assignation à transporter durant les voyages des bné-Israël. Le camp des bné-Israël étant maintenant organisé, Hachem ordonne de renvoyer toute personne impure de l’enceinte du camp, afin de séparer l’impureté du lieu de résidence de la chekhina. La torah définit ensuite les règles de la femme sotah ainsi que tout le processus que le cohen devra lui faire suivre. Viennent ensuite les règles concernant le nazir, ainsi que les interdits particuliers qui s’ajoutent à sa condition. La paracha se termine par les offrandes qu’apportèrent les Nassi, le lendemain de l’inauguration du michkan durant douze jours consécutifs.
Dans le chapitre 6 de Bamidbar, la torah dit :
:א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
1/ Hachem parla à Moshé en disant :
:ב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם: אִישׁ אוֹ-אִשָּׁה, כִּי יַפְלִא לִנְדֹּר נֶדֶר נָזִיר–לְהַזִּיר, לַיהוָה
2/ « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur: Si un homme ou une femme fait expressément vœu d’être abstème, voulant s’abstenir en l’honneur de l’Éternel
:ג/ מִיַּיִן וְשֵׁכָר יַזִּיר, חֹמֶץ יַיִן וְחֹמֶץ שֵׁכָר לֹא יִשְׁתֶּה; וְכָל-מִשְׁרַת עֲנָבִים לֹא יִשְׁתֶּה, וַעֲנָבִים לַחִים וִיבֵשִׁים לֹא יֹאכֵל
3/ il s’abstiendra de vin et de boisson enivrante, ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de liqueur, ni une infusion quelconque de raisins, et ne mangera point de raisins frais ni secs.
:ד/ כֹּל, יְמֵי נִזְרוֹ: מִכֹּל אֲשֶׁר יֵעָשֶׂה מִגֶּפֶן הַיַּיִן, מֵחַרְצַנִּים וְעַד-זָג–לֹא יֹאכֵל
4/ Tout le temps de son abstinence, il ne mangera d’aucun produit de la vigne, depuis les pépins jusqu’à l’enveloppe.
…
:ח/ כֹּל, יְמֵי נִזְרוֹ, קָדֹשׁ הוּא, לַיהוָה
8/ Tant qu’il portera cette auréole, il est consacré au Seigneur.
Notre paracha parle de ce fameux cas du nazir, qui fait le vœu de s’interdir toute consommation de vin, ne peut se couper les cheveux et doit se préserver des contacts avec les morts. La torah lui attribue un titre de sainteté particulier qui le rend à plusieurs égards, comparable au cohen gadol. Ce qui intrigue dans cette démarche de sanctification qu’opère le nazir, c’est sa conclusion. Lorsque se terminent les jours de son vœu, le nazir doit apporter un sacrifice expiatoire. Comme le souligne Rabbénou Bé’hayé (bamidbar, chapitre 6, verset 13), il s’agit du seul cas où la torah réclame une expiation sans que la personne n’ait fait de faute. Plus encore, sa démarche est noble, il s’agit de s’éloigner de la faute et de l’impureté pour s’approcher de la sainteté, comment comprendre la critique implicite qu’insinue ce sacrifice ?
Il s’agit là d’un sujet passionnant qui mérite développement, ce que nous fournit Rav Friedman.
À ce titre, il apporte un commentaire du Pardess Rimonim (Chaar 17, chapitre 4) qui remarque que la torah emploie un langage royal pour parler du nazir : « כִּי נֵזֶר אֱלֹהָיו, עַל-רֹאשׁוֹ Car la couronne de son Dieu est sur sa tête ». Cela s’explique par le fait que le monde est régi par la nature, qui se dit »הטבע hatéva’ ». De façon très cohérente, il s’avère que ce mot a la même valeur numérique que »אלהים élohim » qui fait référence à Dieu, afin de montrer qu’Il est le Maître. Or, le nazir, est celui qui prend sur lui la maîtrise parfaite de ses désirs, au point de s’interdire certains aliments. À ce titre, il devient lui aussi maître de la nature, et Hachem le couronne et lui accorde l’ascendant sur le monde. C’est pourquoi la torah précise « כִּי נֵזֶר אֱלֹהָיו, עַל-רֹאשׁוֹ Car la couronne de son Dieu est sur sa tête », car il devient littéralement un roi couronné par le Maître du monde.
Ceci va dans le sens des propos du Halchikh (sur notre passage). Ce dernier, justifie la présence de cette loi comme une réponse à l’existence d’une caste particulière du peuple juif, celle des cohanim et des léviim, qui accèdent à leur titre à la naissance. Ainsi, Hachem veut montrer aux bné-Israël que la grandeur et la sainteté, ne sont pas l’apanage des cohanim mais bien celle de tout le peuple, au point d’aligner la grandeur du nazir à celle du cohen gadol. N’importe qui peut accéder à la sainteté ultime.
Cela nous permet de répondre à notre question avant d’aller plus en avant sur la grandeur et la sainteté du nazir. En effet, Rabbénou Ba’hayé (chapitre 6, verset 13) explique que la raison pour laquelle un sacrifice expiatoire est nécessaire se trouve justement être la fin du vœu. Durant tout ce temps où le nazir s’éloigne de son désir, il atteint une sainteté hors-norme qui dépasse le cadre de l’humain standard. Il parvient à se hisser à la plus haute des sphères spirituelles et devient aussi saint que le cohen gadol, seul homme habilité à pénétrer dans le kodech hakodachim. Le fait que cet état prenne fin, constitue un détachement, un éloignement de la divinité et cela se témoigne par un sacrifice qui vient excuser le recul pris par la personne en question. Pour reprendre les paroles du Ramban (sur le verset 14) : « il aurait été convenable pour lui d’être nazir pour toujours ! »
Nous voyons donc comment, l’état de préservation imposé par les lois du nazir, engendre une sainteté extraordinaire. À tel point que le Chem Michémouël (année 645) explique que l’interdiction de consommer les raisins tire sa source de cet état si particulier du nazir, comme nous allons le voir.
Lorsque les bné-Israël ont envoyé des explorateurs pour visiter le pays, la torah dit (bamidbar, chapitre 13, verset 20) : « הַיָּמִים–יְמֵי, בִּכּוּרֵי עֲנָבִים C’était alors la saison des premiers raisins ». Il s’agit de la période qui précède la conquête d’Israël, alors que les descendants d’Essav dominaient encore le pays. Sur cela Rav Chimchon Méostropolaï apporte une remarque époustouflante qui nécessite d’être expliquée. Nous sommes à la veille de l’éventuelle conquête du pays, en clair, ce qui bourgeonne et que le verset cite, c’est le peuple d’Israël, qui vient de sortir d’Égypte et va maintenant s’emparer de son pays. Cela signifie que cet instant marque la fin d’une ère de domination pour faire place à la suivante qui est qualifiée ici par le terme » עֲנָבִים raisins ». Pour déceler les forces qui gouvernaient jusqu’alors, il faut donc prendre la notion qui précède. Pour obtenir cela, le rav explique que les lettres détiennent le secret. En effet, écrit de façon basique, les raisins se disent » עֲנָבִם raisins ». Si nous prenons la lettre qui précède chacune des lettres de ce mot, nous obtenons (ne pas prononcer) »ס-מ-א-ל » qui n’est autre que l’ange d’Essav, l’ange du mal, qui dominait avant que les bné-Israël entament la réparation des fautes du monde. Ainsi, le nazir, qui devient roi en s’éloignant de toute forme de désir, doit être celui qui domine la nature et se doit de dépasser les notions du mal, car il dispose de la couronne qu’Hachem a déposée sur sa tête. Puisque, les raisins sont mis en avant pour traiter de la période où Essav était encore aux rênes, leur consommation n’est pas compatible avec le nazir, qui représente la royauté d’Israël !
Le nazir n’est donc pas un simple titre royal, il est un vrai roi avec lequel aucun écart n’est toléré. Mais plus encore, son statut dépasse ce que l’homme peut envisager, il est un état qui ne devrait plus exister aujourd’hui, comme il ressort des propos du Chlah Hakadoch (parachat nasso, torah or, ot 11). Dans son développement, il souligne qu’avant sa faute, Adam ne souffrait pas des désirs humains. Ceci se justifiait par l’état de son corps, qui était une tunique lumineuse pour reprendre les mots de Rabbi Méir. C’est suite à sa transgression qu’une tunique de peau cette fois, l’a recouvert, et que de facto, les envies du corps ont commencé à l’atteindre. La conséquence de cette transformation est de l’avoir rendu étranger et incompatible avec le jardin d’Éden ! Son état initial lui permettait de vivre dans ce cadre idyllique, mais ce n’est pas le cas d’un homme recouvert d’un corps. La première réhabilitation du corps a été accomplie par Aaron, qui lorsqu’il est devenu cohen gadol s’est vu oint par l’huile sainte et a pu se hisser dans un cadre où le divin n’était plus antonyme du mortel. Dorénavant, un homme peut pénétrer dans le saint des saints, lieu de dévoilement absolu d’Hakadoch Baroukh Hou !
Mais ce privilège de proximité avec Hachem n’est pas exclusif au cohen comme nous l’avons déjà dit. Le nazir, lui aussi, suit une démarche similaire : en s’éloignant des plaisirs terrestres et en se les interdisant, il opte pour un état identique à Adam avant qu’il ne soit frappé par les conséquences de la faute. C’est pourquoi nous trouvons une corrélation troublante entre Adam et le Nazir. Au lendemain de sa faute, lorsqu’Adam est chassé du gan Éden, il offre un sacrifice, qui témoigne de son état distant de la présence divine. C’est pour cette même raison, que le nazir, au terme de son vœu, offre une offrande expiatoire, parce qu’après s’être approché de la perfection, il s’en éloigne, et subit le même procédé qu’Adam lors de sa chute !
Il reste toutefois une question à poser. Du point de vue de notre raisonnement, la torah nous démontre qu’idéalement, il faudrait rester dans l’état de nazir. Il s’agit toutefois d’un vœu, car il serait dur d’imposer cela à tout le monde. Toutefois, une personne qui entrerait dans cette catégorie de gens qui adopte la vie d’un nazir, devrait, d’après ce que nous venons d’évoquer, le rester à vie ! Pourquoi alors la torah parle-t-elle d’une fin de vœu ? Puisque c’est mal, la torah devrait enjoindre à le rester éternellement, sans y mettre fin ?
La réponse est finalement simple et elle caractérise la vraie grandeur. Il ne s’agit pas tant de s’éloigner à jamais des plaisirs de ce monde car si tel devait être la norme, alors la torah nous l’aurait ordonné. Dans les faits, c’est plutôt l’inverse qui est de mise, la torah n’interdit pas de manger, elle ne demande pas de mortifications ou autre chose semblable. Il existe même des bénédictions sur les aliments pour louer Hachem de nous les avoir donnés. Plus encore, la nourriture ne devait pas nécessairement être mauvaise dans le gan éden, ce qui signifie qu’il n’y avait rien de mal à goûter des choses agréables.
Cela met en avant la réalité requise par la torah, il s’agit de vivre dans le monde tout en étant capable de ne pas succomber au désir. Et c’est parfaitement ce que demande la torah dans le cas du nazir. À savoir que durant un temps, certes, il peut et il est même bon pour lui, de s’éloigner des plaisirs. Toutefois, cet état ne doit pas être permanent, il ne sert que de sevrage. Une fois en mesure de supporter le monde, il faudra y vivre et mesurer nos actions : manger, mais pour servir Hachem, se reposer, mais pour récupérer les forces requises pour étudier la torah et accomplir les mitsvot …
Il est remarquable de noter un conseil que j’ai entendu au nom du Gaon de Vilna. Comme chacun le sait, les fautes doivent être réparées et parfois, en fonction de la gravité de la transgression, il est de mise de faire certains jeûnes. Le Gaon de Vilna suggère une solution beaucoup plus puissante que la privation de nourriture : manger, mais s’arrêter au milieu de notre envie, au moment où justement, nous voulons encore plus nous rassasier, où nos papilles savourent le plus le repas. L’arrêt subite démontre ici ce que nous évoquons, à savoir manger, mais pas par plaisir, seulement par nécessité pour accomplir la volonté d’Hachem ! Cet état d’équilibre est l’expression parfaite du nazir.
Les processus est donc le suivant : un éloignement absolu de la faute, afin de pouvoir ensuite vivre confronté au mauvais penchant et faire le bien. Certes, immédiatement après l’arrêt du vœu, l’individu chute inexorablement. Sauf que maintenant, il connaît le chemin à suivre, il sait quel objectif viser. C’est dans cette optique, que la sainteté momentanée qu’il a acquise s’installera sur le long terme, au point d’égaler durablement celle du cohen gadol.
Yéhi ratsone qu’Hachem nous aide dans notre démarche de perfectionnement et que nous puissions tous atteindre un niveau d’excellence afin d’accueillir la venue du machia’h biméra béyaménou.
Chabbat chalom.