Parachat Mishpatim
Rav Moshé Shapira
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
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La Torah est appelée « Rah’amana » miséricorde. Dans tous les endroits où les sages parlent de la Torah, le langage employé est « a dit la miséricorde ».
« Toute parole qu’a dite la miséricorde ». A priori d’où vient cette appellation ? Le Talmud explique que la Torah s’appelle « Din », la loi. Dans un autre endroit du Talmud, il est écrit: du fait que la Torah soit appelée vérité, elle ne peut agir au-delà du « din » de la loi. Cela veut dire que la Torah est entièrement loi.
« La Torah que Moshé nous a ordonnée », la valeur numérique du mot Torah est 611, les 611 Mitsvoth que Moshé a transmises aux enfants d’Israël car les deux premières « je suis D-ieu » et « tu n’auras point de dieux étrangers » ont été dites de la bouche de la « rigueur » « Mi pi Haguévoura » qui est une dénomination du Maître du monde. Donc la Torah est appelée par les sages et » clémence » et « rigueur ».
Lorsque Moshé est monté recevoir les Tables, les anges ont demandé: que fait-il ici? D-ieu leur a répondu qu’il est venu recevoir la Torah. Alors tous les anges se sont exclamés: comment cela est-il possible? Comment la Torah peut-elle descendre dans un endroit où il est possible de lui faire honte! Où il est possible de ne pas l’accomplir, de ne pas l’écouter! D-ieu demande alors à Moshé de répondre lui-même. Moshé dit alors: vous n’êtes pas descendus en Égypte, vous n’avez pas été asservis par Parho, alors la Torah n’est pas apte pour vous. Comme elle est écrite devant nous elle n’est pas compatible avec votre essence. Il était certain que l’intention des anges était dirigée sur la profondeur de la Torah et non sur sa forme extérieure, sur la perception la plus intime qui puisse être perçue. Toute la sagesse intérieure et supérieure qu’il y a dans la Torah. Ceci, ils voulaient pour eux-mêmes. Ils voulaient que cela reste en haut dans les mondes spirituels.
Quel est l’argument qui a fait que Moshé a pu vaincre les anges? Qu’est-ce qui a fait pencher la balance? Encore plus étrange! Lorsque Moshé est monté recevoir les Tables qui mesuraient 60 cm sur 60 cm, 20 cm dans les mains de Moshé et 20 cm dans les mains du créateur et les 20 cm intermédiaires représentant le chemin qui mène de la Torah de Moshé à la Torah du créateur. Au même moment où Israël a fait le veau d’or et que D-ieu a voulu reprendre les Tables, il est écrit: « et les mains de Moshé ont réussi à saisir les Tables ». Comment comprendre cet enseignement?
Le Maharal explique que lorsque Moshé a reçu la Torah, les anges ont voulu la garder pour eux. C’est-à-dire que pour eux, la Torah n’est pas une partie d’eux-mêmes. Elle ne touche pas leur réalité. Elle n’est qu’une sorte de science supplémentaire qui fait grandir leur perception du divin mais en aucun cas n’agit sur leur réalité. Elle ne sera qu’extérieure à eux. Alors que Moshé a besoin de la Torah pour exister. Moshé représentant les 600 000 âmes du peuple d’Israël car il est l’entité même du peuple d’Israël. Nous nous trouvons tous dans Moshé. Il est la forme, l’énergie spirituelle du peuple d’Israël.
Pour nous la Torah n’est pas un rajout, une science qui réjouit l’esprit. C’est notre oxygène. Sans la Torah, notre vie n’est pas vie. Nous nous trouvons ici dans une vie qui est éloignée de la vie qui a été insufflée au moment de la création du monde. Notre vie de maintenant ne peut s’appeler vivre. Toute cette vie sans Torah, sans peur de D-ieu, ne s’appelle pas « vivre ». Il est dit sur une personne qui ne vit pas Torah: « celui qui n’a pas d’appréhension expérimentale de la Torah il est interdit de le prendre en pitié ». Une telle personne qui ressent que sa vie sans Torah est une vie qui vaut la peine d’être vécue, même d’avoir pitié de lui, il nous est interdit. C’est la Torah qui nous donne la vie. Elle nous donne un goût d’éternité dans cette vie de passage que nous devons traverser ici-bas. Cette Torah qui est le principe de la vie éternelle. Cette Torah qui fait revivre les morts. Tout celui qui utilise la lumière de la Torah, la Torah le fait vivre. C’est la « miséricorde » c’est-à-dire que la Torah que nous vivons est la concrétisation et la réalisation de l’immense clémence qui est insufflée en elle. Car sans elle, la vie n’est pas vie. Il a été décrété sur nous le décret de la mort et alors la vie nous a été enlevée. C’est ce décret de la mort qui a fait que notre vie est notre vie.
Nous allons à la mort. Chaque moment de vie meurt, va en disparaissant. C’est cela la vie, c’est une mort de chaque instant. Cette vie qui va en disparaissant, c’est la mort elle-même. C’est la vie qui passe sur nous et qui n’est déjà plus. Nos pensées sont la concrétisation de cette mort. Des influx électriques qui apparaissent et disparaissent. Une image qui apparaît dans la tête, une idée qui surgit dans l’esprit et qui disparaît comme elle est venue sans réalité propre car dénuée de vie qui est le propre de l’éternité. La Torah qui s’est diffusée en nous est la seule énergie qui peut transformer cette vie en vie. Notre possibilité de nous séparer de la mort est de nous relier à la Torah. C’est le principe qui est enseigné dans ces mots: « qui fait revivre les morts avec miséricorde« . Cette Torah appelée « miséricorde » transforme cette vie qui est « mort » en véritable vie, l’éternité.
« Qui nous a donné la Torah de vérité et a implanté en nous la vie éternelle« .
La Torah est entièrement « din », lois. Mais la possibilité de pouvoir être associé à elle, c’est cela la clémence, la miséricorde, qui est la qualité qui va faire que la Torah qui est loi va couler dans nos artères spirituelles, nous donner vie. Et donc la Torah est en même temps rigueur et clémence.
Dans les deuxième Tables qui sont édictées dans le dernier livre du pentateuque, le « Michné Torah », il est écrit: « garde le jour du Shabbat pour le sanctifier ». Le Ramban écrit sur ce verset: « nos sages expliquent que dans une même parole, simultanément, ont été dits les mots: « souviens-toi » et « garde le Shabbat ». Tout le monde connaît « souviens-toi » car il a été dit au mont Sinaï, mais lorsque Moshé a répété la Torah dans le dernier livre du pentateuque, dans le « Michné Torah », il a redit « souviens-toi du Shabbat » et a rajouté « garde le Shabbat ». C’est-à-dire que Moshé leur apprend que « garde le Shabbat » a été dit en même temps que « souviens-toi du Shabbat ». Et ainsi selon la réalité, ils ont été dits en une seule parole. Le Ramban continue et dit que dans tout le Michné Torah, notre maître Moshé, parle selon l’ordre de D-ieu, même s’il n’est pas écrit « D-ieu a dit » car il parle en son propre nom comme dans le verset: « et si vous écoutez mes commandements….et j’enverrai la pluie dans vos terres au moment propice ». Le Ramban demande: « comment Moshé peut-il promettre qu’il enverra la pluie? Il n’en est pas le maître! Cela veut dire que sa parole est en fait la parole même de D-ieu. C’est-à-dire que Moshé exprime les mots de sa propre bouche mais c’est la présence divine qui se matérialise dans sa voix ». Et le Ramban s’interroge sur le fait que Moshé ait pu dire « et je vous donnerai la pluie sur vos terre », comment peut-il donner la pluie? Seulement il est clair que D-ieu parlait par son intermédiaire ». Mais les mots « et se sera si vous écoutez mes commandements » ne sont pas étonnants dans la bouche de Moshé pour le Ramban car la Torah et Moshé ne font qu’un et donc il est logique que Moshé considère les Mitsvot comme ses propres Mitsvot car elles ne font qu’un avec lui.
Ce qui est étonnant pour le Ramban c’est le fait de s’approprier le pouvoir de donner la pluie. Le salaire des Mitsvot ne peut provenir de lui. Alors à ce moment, on est obligé d’arriver à la conclusion que D-ieu parle à la place de Moshé. Ses paroles sont les paroles de D-ieu. Le Ramban conclue ainsi: dans la Torah, la parole a été transmise par « souviens-toi du Shabbat » et dans le dernier livre du pentateuque par « garde le Shabbat ». Pour cela, Moshé exprimera dans tout son livre « Hachem ton D-ieu » alors que dans la Torah elle-même, il n’est mentionné que le nom particulier « Havaya » à l’exception des « dix paroles », où il lui est associé le nom « Elokim ».
Ces paroles du Ramban ont besoin d’être expliquées: que veulent dire ces mots: les paroles de la Torah s’expriment par « souviens-toi du Shabbat » et les paroles du dernier livre du pentateuque par « garde le Shabbat »? Ici se trouve l’association de la qualité de la rigueur et de la qualité de la clémence. Cette même association qui sans elle, le monde ne peut exister et perdurer.
Explication: « souviens-toi du Shabbat » est appelé le dévoilement de la Torah elle-même. Nous rappelons, nous mentionnons et nous élevons la Torah depuis sa source, la racine de sa réalité. Les paroles elles-mêmes montent et se dévoilent. C’est ce qui est exprimé par le mot « souviens-toi du Shabbat« . L’explication du mot « garde le Shabbat » est que ces mêmes paroles qui se dévoilent, doivent se concrétiser, s’associer, être saisies, appréhendées. C’est cela qui s’appelle « garde« .
« Souviens-toi du Shabbat » est la racine de la parole comme tout souvenir qui toujours revient à la source de l’événement et le dévoile de nouveau. Mais le dévoilement de cette pensée doit trouver un espace où se réaliser afin qu’elle puisse être appréhendée. C’est ce qui s’appelle « garde le Shabbat ».
Il est enseigné dans notre paracha, les lois des quatre gardiens.
1/ le gardien bénévole. Celui-ci n’a pas le statut d’un gardien. La seule obligation qui lui est impartie est de ne pas faire de faute grossière dans sa garde mais il n’est pas responsable selon les lois des gardiens, il a un statut de « mazik », une personne qui endommage.
2/ le gardien rémunéré qui reçoit un salaire pour sa garde, il est responsable en tant que gardien sur le vol et la perte. Il est tenu responsable de sa non-garde. Il y a une notion de « gardien devenant le propriétaire de l’objet ». C’est-à-dire que le gardien prend la place du propriétaire par rapport à ses responsabilités. La définition même d’un propriétaire est que la perte de son objet est entièrement pour lui. Le gardien qui a pris sur lui de garder l’objet reçoit sur lui de remplacer le propriétaire au sujet des responsabilités. Il remplace le propriétaire c’est-à-dire que la perte de l’objet est sa propre perte. Et ainsi a été décrété un mode d’acquisition des gardiens. Au moment où il prend l’objet, il fait une sorte d’acquisition qui fait qu’il en devient le propriétaire au sujet de sa perte.
3/ l’emprunteur, il a les responsabilités d’un véritable propriétaire puisque » tous les profits sont pour lui » car il a le droit de l’utiliser au contraire du gardien rémunéré. Et donc toute perte est pour lui. Et même si l’objet se casse ou que la bête meurt d’une manière naturelle, il en est responsable comme un véritable propriétaire.
Mais il y a une autre définition de la notion de gardien dans la Torah, comme au sujet de la réaction de Yaacov lorsqu’il a entendu le rêve de Yossef: « et son père a gardé la chose« . C’est-à-dire que Yaacov attendait et espérait quand allait se réaliser le rêve de Yossef. Devenir le conduit qui amènera la puissance divine sur tous ses frères.
Quel est le point commun entre cette définition du mot « gardien » et les lois des « gardiens » que l’on vient de mentionner? Pourquoi ces deux définitions sont incluses dans le mot « gardien »?
Le point commun est que celui qui veut être gardien dans sa véritable définition, doit diriger complètement ses pensées, se concentrer afin que cette chose reste, perdure. C’est l’obligation du gardien. Un gardien a l’obligation d’être en alerte, craintif sur l’objet. Il ne faut pas qu’il enlève son esprit, ses pensées de l’objet qui lui est confié. Dans les sujets où il est mentionné la notion de garde, tels que les prélèvements saints, les sacrifices saints, il est écrit que leur sainteté se dégrade par le simple fait de ne plus porter son attention sur eux. La garde oblige à être attentif, à diriger ses pensées dans ces choses. C’est le point commun avec le terme employé dans « et son père garda la chose » d’être attentif, de diriger ses pensées à la réalisation de ce rêve. Espérer voir comment le rêve va se réaliser, sans détourner son esprit une seconde. Ainsi doit être le « garde » qui va réaliser la Torah en nous, qui va réviser le « souviens-toi du Shabbat ». Cette Torah doit être en permanence dans notre esprit, devenir notre seule source de préoccupation, notre attention n’étant dirigé que vers elle, comme quelqu’un ayant du mal à respirer, et qui mettrait toute son énergie et son attention à capter la moindre particule d’oxygène.
Le Midrash rapporte que le Shabbat est venu se plaindre devant D-ieu car il n’avait pas dans ce monde un associé. Le premier jour est associé au deuxième jour et ainsi le troisième jour avec le quatrième, le cinquième jour avec le sixième mais le shabbat est resté seul. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de chose sur quoi puisse se matérialiser le Shabbat dans ce monde. Le Talmud dit que le salaire d’une Mitsva ne peut se donner dans ce monde car tout l’espace de ce monde ne suffirait pas, toute chose bonne dans ce monde que l’on pourrait associer depuis le début de la création et jusqu’à sa fin ne suffit pas pour payer le salaire d’une seule Mitsva dans ce monde. C’est-à-dire le salaire ne peut être limité pour être appréhendé dans ce monde. Ainsi il faut comprendre l’argument du Shabbat, dont son essence provient du monde futur. Car que manquait-il à la création? Le repos, la sérénité. Dévoilement un tant soit peu du monde futur, du monde de la récompense qui doit se révéler dans ce monde. Alors le Shabbat a argumenté en disant qu’il n’a pas sur quoi se réaliser dans ce monde. Comment puis-je me matérialiser dans ce monde? Je n’ai rien avec qui m’associer dans ce monde ! Alors D-ieu lui répondit: « l’assemblée d’Israël sera ta compagne« . Elle sera la maison où le Shabbat résidera. Le Shabbat se trouve dans le monde mais n’a pas de matérialisation dans ce monde et ne se réalise qu’à travers l’assemblée d’Israël. Sa forme physique dans ce monde est l’assemblée d’Israël « garde le Shabbat » et « souviens-toi du Shabbat » ont été dit en une seule parole.
Que veulent dire ces mots: « en une seule parole » ? Toute parole se concrétise par deux facteurs: l’expression de la parole elle-même et la faculté de percevoir cette parole. Sans écoute, il n’y a pas de parole de même que lorsque la parole ne s’exprime pas. La parole se dévoile grâce à celui qui l’écoute autant qu’à celui qui l’exprime. C’est le principe de nos sages: « celui qui entend est comme s’il répondait ». C’est-à-dire que celui qui écoute fait que la parole devienne parole autant que celui qui exprime cette même parole. Si les paroles étaient exprimées sans être entendues cela ne s’appellerait pas une parole mais une pensée. L’écoute est la matérialisation de la pensée dans ce monde. La parole est l’association de ces deux réalités. L’expression et l’appréhension ensemble font que la parole devient parole.
« « Garde » et « souviens-toi » ont été dit en une seule parole » le ‘souviens toi’ ne peut être appréhendé sans le ‘garde le Shabbat’ et le ‘garde le Shabbat’ sans ‘souviens toi du Shabbat’, est comme un récipient vide. Les deux, ensemble, forment la parole qui s’exprime et qui s’entend.
Le Ramban écrit que le dernier livre du pentateuque exprime les paroles elles-mêmes de la Torah, c’est la répétition de la Torah elle-même. C’est-à-dire ces mêmes paroles qui sont exprimées et entendues. L’expression et l’appréhension, le « Michné Torah » est la finalisation de la parole. C’est ce qui fait que la Torah est Torah dans ce monde. Le « Michné Torah » nous enseigne comment la Torah peut être saisie toute entière: par le « garde le Shabbat ». La Torah dans sa forme spirituelle est « souviens-toi du Shabbat » et dans sa forme matérielle est « garde le Shabbat ». L’idée qui devient parole. Le Shabbat s’exprime « souviens-toi du Shabbat » mais se réalise « garde le Shabbat ». Le Ramban dit que le Shabbat se réalise ainsi en nous de même que la Torah se réalise en nous. Grâce au Michné Torah, la Torah peut s’appréhender, se matérialiser. C’est le principe de « garde le Shabbat » c’est d’être en adéquation avec la réalisation de la chose, avec toutes les conditions de garde sans déconcentration, sans enlever son esprit de la chose. Uniquement de cette manière, les choses peuvent être saisies. Aucune autre conduite pour pouvoir saisir des notions hautement spirituelles qui sont largement au-dessus de notre entendement. « Souviens-toi du Shabbat » est le dévoilement de la source divine, l’effusion de la providence divine et le « garde le Shabbat » est la concrétisation de cette spiritualité en nous. La condition pour que cette profusion divine se concrétise en « garde le Shabbat » est contenue dans le mot « chamor » lui-même, c’est-à-dire, ne pas enlever son esprit de cette bénédiction divine qu’est la Torah. Tout mon être doit être dirigé, tendu vers la réalisation de la Torah. « et son père garda la chose »
Toutes les lois édictées pour se préparer à la réception du Shabbat, sont là pour nous montrer quelle attitude adopter pour concrétiser le « garde le Shabbat ». Aller à la rencontre du Roi. Une grande règle est enfouie dans toute chose qui tire directement sa source des mondes supérieurs: réveiller le désir profond et puissant d’accéder à cette source. Si nous ne le demandons pas, il ne peut se réaliser. Si nous ne montrons pas combien cela nous manque, alors la chose ne peut se dévoiler en nous. Cette qualité s’applique dans chaque chose de la vie qui est au-dessus de notre perception intellectuelle, de notre nature, qui se trouve au-delà de la conduite naturelle dans laquelle nous sommes imbriqués. Nous parlons de la Torah, du Shabbat, de la délivrance de toutes ces valeurs qui tirent leur source directement des mondes supérieurs. Des valeurs qui doivent absolument venir et se réaliser en nous et qui sont en dehors de notre nature. Ces trésors spirituels ne peuvent s’associer et s’imbriquer en nous qu’uniquement par l’intermédiaire du « garde le Shabbat ». Tout « souviens-toi du Shabbat » qui est la source même de la divinité, est la Torah elle-même, est le Shabbat lui-même. Lorsqu’un homme à 120 ans vient se faire juger, une des questions qu’on lui pose est: « as-tu espéré la délivrance? » Espérer la délivrance est un principe vital. Il est impossible de donner à un homme si ce n’est qu’il s’ouvre à ce don. Il est impossible de prodiguer plus que ce que l’homme peut recevoir, peut espérer. Une personne dont la volonté est limitée et qui se suffit de peu, ne peut recevoir, n’a pas la possibilité d’atteindre des perceptions hautement spirituelles. Sans les désirer, sans se mettre dans un état de manque il ne peut s’ouvrir aux délices de cette source divine qu’est la Torah.
Le Ramban explique que dans le Michné Torah c’est en son nom que parle Moshé. Cela veut dire que ces paroles de Torah sont devenues ses propres paroles et donc Moshé de lui-même répète la Torah. Toutes les paroles dans la Torah sont dans la dimension de « souviens-toi du Shabbat », c’est-à-dire qu’elles sont dites depuis leur source, le monde spirituel. Moshé dans le Michné Torah de lui-même, les a dites car elles sont devenues ses paroles. Elles se sont imbriquées en lui et sont devenues son essence, sa réalité jusqu’au point qu’elles sont devenues sa vitalité, son oxygène qui se répandent dans ses artères. Mais lorsque les paroles ne sont pas les siennes, « souviens-toi du Shabbat » sans « garde le Shabbat », elles ne peuvent être appréhendées. Elles restent dans le monde spirituel inaccessible. Plus il y a « garde le Shabbat » plus le lien avec « souviens-toi du Shabbat » est fort. Ainsi en est-il dans Torah, dans Shabbat et dans l’espérance de la délivrance. Tout celui qui n’aspire pas à tout cela, tout celui qui ne les garde pas, qui ne les vit pas alors il n’est pas dans cette dimension et celui qui ne dirige pas ses pensées ses aspirations vers ce but, alors il n’est pas vivant.
Le fait que les mains de Moshé gagnèrent alors que selon la loi pure, il n’aurait pas dû recevoir la Torah à cause de la faute du veau d’or, est incompréhensible. Comment a-t-il pu vaincre D-ieu? Comment comprendre cet enseignement? Ici est dévoilé le principe » D-ieu a vu que le monde ne pouvait tenir sur uniquement le jugement et lui a donc associé la clémence ». Cela veut dire qu’une personne en elle-même ne peut rester vivante continuer à vivre par son seul mérite. Si la conduite divine ne se dévoile que par la loi, il lui serait impossible de continuer d’exister. Alors à ce moment, se dévoile la qualité de la clémence, et l’assure de la clémence. Si l’on peut dire, il est monté à l’esprit de D-ieu de créer son monde par la qualité de la rigueur mais il a vu que le monde ne pouvait [ tenir] se matérialiser, alors à ce moment, la qualité de la clémence s’est dévoilée et a fait en sorte que la création se matérialise. Cette qualité de clémence ne peut se matérialiser que sur un homme qui est dans le principe de « garde le Shabbat ». Une véritable attention sans perte de concentration, qui va transformer la nature même de l’homme. Tout son être étant dans cette direction ne devenant qu’un avec cette aspiration vers le divin et par cela, la qualité de la miséricorde, la clémence va se dévoiler pour matérialiser le monde divin. Seule la clémence a pu faire en sorte que Moshé reçoive la Torah qui sans elle, la vie n’est pas une vie.
Celui qui reçoit le « garde le Shabbat » peut recevoir le Shabbat. De même la délivrance ne peut être perçue par celui qui ne l’espère pas. C’est la manière comment les choses se matérialisent. Par le « garde » se matérialise la qualité de la clémence. (le ramh’al rapporte les paroles de rabbi Pinhas ben Yaïr quit que « la Torah amène à l’attention (la garde) qui amène à l’empressement (la clémence) où le temps n’existe plus.
Le Maharal dévoile pourquoi la matrice de la femme s’appelle « Réh’em »? Car là-bas se trouve le futur. Elle porte le futur. La « rah’amim », la clémence porte en elle le futur. Le prolongement de l’existence de la semence. Sans rah’amim, sans clémence, l’existence ne peut perdurer. La pensée ne peut arriver à la matérialisation sans la qualité de la clémence.
« au départ est née la pensée qui à la fin, se concrétise« . « Souviens-toi du Shabbat » est la pensée originelle et « garde le Shabbat » est la matérialisation de cette pensée en acte. Cette association de « souviens-toi » avec « garde » est le cheminement qui se déroule et se réalise depuis le début de la pensée jusqu’à la fin de sa matérialisation. Tout ce qui se trouve dans la conduite naturelle du monde est créé sans intervention de l’homme. Mais les choses qui ne se matérialisent pas par la conduite naturelle et qui se matérialisent malgré tout dans le monde se dévoilent par le principe de « souviens-toi » avec « garde ». Ces choses entraînent l’obligation d’une véritable garde, attention, que rien que par cette garde, les choses véritables peuvent se dévoiler. Sans une concentration totale, cette spiritualité ne peut se matérialiser, se dévoiler en nous, ne peut être notre nature. Si nous ne dirigeons pas nos pensées vers ces notions entièrement au-delà de la conduite naturelle, elles ne peuvent d’elles-mêmes se diriger vers nous car la qualité de la rigueur se réveille.
Le chant que nous chantons en l’honneur de Shabbat, le vendredi soir exprime la reconnaissance de l’assemblée d’Israël d’être la compagne du Shabbat, d’être partie intégrante de la réalisation de l’unité divine qui se trouve dans le Shabbat et qui se matérialise dans le monde. La majorité de ce chant n’a aucun lien avec le Shabbat. Il parle dans sa grande majorité de la reconstruction du temple. Aucun lien avec le Shabbat. En fait le principe est le même, la soif du dévoilement de la délivrance. Nous devons recevoir le Shabbat avec les mêmes qualités que nous espérons le Messie. Si nous n’espérons pas le Messie, alors nous ne pouvons espérer le Shabbat et vice-versa. Par la même faculté d’espérer la délivrance nous pouvons atteindre le Shabbat. Par cette « garde du Shabbat », par cette attention, par cette concentration, nous pouvons atteindre l’essence du Shabbat, le « souviens-toi du Shabbat ».
La petitesse de l’intelligence, l’étroitesse d’esprit ce manque de volonté ce manque d’ambition, ce manque d’attention, cette restriction ne nous laisse pas la possibilité de percevoir la moindre notion de spiritualité. Sans développer notre soif du divin, nous ne pourrons jamais arriver a aucun « souviens-toi du Shabbat » qui soit au-delà de la qualité de « garde le Shabbat » que j’ai déjà acquis. Les deux expressions ont été dites en même temps. Comme l’intensité du « garde le Shabbat » est comme l’intensité du « souviens-toi du Shabbat » se dévoile.
Il faut toujours se souvenir que nous venons d’une autre réalité et que nous sommes descendus dans ce monde, que nous nous sommes matérialisés dans ce monde. Nous ne sommes que la matérialisation de la clémence divine. Nous sommes des entités spirituelles qui sont tombées des hauteurs de l’au-delà de notre perception matérielle des choses. Nous sommes descendus et nous avons oublié tout cela. Du monde de la création des âmes nous sommes passés par le monde de la formation (des pensées, du potentiel) pour arriver au monde de l’action le monde des corps, de la matière et de l’action.
Tout celui qui arrive à saisir, à atteindre, à comprendre jusqu’où les choses peuvent aller, jusqu’à combien l’homme reçoit la clémence divine et peut encore plus la recevoir alors il aura l’espoir de mériter d’écouter un tant soit peu » et la clémence a dit ».
Comment la Torah, la clémence peuvent nous atteindre si nous ne les espérons pas? Toutes ces qualités spirituelles se tiennent devant D-ieu et proclament « je n’ai pas de compagnon, de maison où je peux me matérialiser où la qualité de la miséricorde ne peut se réaliser ».