Divré Torah sur Parachat Mattot – Par le Rav David A. PITOUN
Parachat Mattot
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4 Divré Torah sur Parachat Mattot
Résumé de Parachat Mattot
Moshé Rabbenou réunit les chefs de tribus (« Rashé Ha-Matot ») et leur enseigne les règles relatives aux Nédarim (les voeux) et aux Shévou’ot (les serments).
Hashem ordonne à Moshé Rabbenou de lever une armée contre Midian, afin de venger les 24 000 Béné Israël morts par la colère d’Hashem, provoquée par l’incitation à la débauche des filles de Midian. 1 000 personnes par tribu sont désignées pour livrer bataille contre Midian, soit 12 000 soldats au total.
Au retour de la guerre contre Midian, les Béné Israël rapportent un important butin constitué de vaisselles d’or, d’argent et d’autres métaux. Moshé Rabbenou enseigne aux Béné Israël les règles de Cashérisation d’ustensiles ayant cuits des aliments interdits.
Moshé Rabbenou autorise les tribus de Réouven, de Gad, ainsi que la moitié de la tribu de Menashé, à s’installer sur l’autre rive du Jourdain (rive Est), mais uniquement à la condition qu’ils participent à la conquête d’Erets Kéna’an, aux côtés de leurs frères.
1) Les voeux : Qui est autorisé à en faire ? Parachat Mattot
« Si un homme formule un voeu envers Hashem, ou prête serment afin de s’interdire une chose, il ne devra pas enfreindre sa parole, il devra accomplir tout ce qui sortira de sa bouche ». (Bamidbar 30 – 3 début de notre Parasha)
Midrash (Bamidbar Rabba 22,1)
Hakadosh Barou’h Hou dit : « Ne croyez pas qu’il vous soit permis de formuler des serments ou des voeux, même en Mon Nom ! Même au nom de la vérité, il ne t’est pas permis de formuler des serments ou des voeux en Mon Nom. Pour pouvoir le faire, il faut que tu possèdes les qualités suivantes : Tu devras craindre Hashem ton D., tu devras Le servir, tu t’attacheras à Lui, et tu jureras par Son Nom ».
Question
Pourquoi il n’est permis de formuler des serments et des voeux qu’à celui qui possède toutes ces qualités : craindre Hashem, servir Hashem, et être attacher à Lui ?
Réponse
Rabbi Yaakov KRANTZ (ou « le Maguid de DOUVNO » Russie 18ème siècle) explique cela comme à son habitude, par une image.
Il y avait 2 pauvres qui étaient voisins.
L’un était bûcheron, l’autre était voleur.
Ils avaient tous les deux des filles.
Lorsque le bûcheron voyait que l’une de ses filles arrivait en âge de se marier, il célébrait le mariage et fournissait à sa fille une très bonne dote.
Tandis que le voleur voyait ses filles prendre de l’âge sans pour autant se marier puisqu’il n’avait pas le moindre sou.
Un jour, le voleur vint trouver son voisin le bûcheron et lui dit :
« Explique moi de quelle façon réussis-tu à marier tes filles et à leur fournir une dote, n’es tu pas aussi pauvre que moi ?! »
Le bûcheron lui répondit :
« Voici mon habitude : lorsqu’un de mes enfants vient au monde, je fabrique une petite boite fermée avec un verrou, dans laquelle je mets quotidiennement une pièce. Lorsqu’arrive le moment de marier mon enfant, je trouve dans cette boite tout ce dont j’ai besoin pour célébrer le mariage. Toi aussi, suis mon conseil et fabrique toi une boite verrouillée, que tu remplieras chaque jour. »
Lorsque le voleur entendit cela, il éclata de rire et dit :
« Ce conseil n’est valable que pour quelqu’un comme toi, car lorsque tu places une pièce de monnaie dans cette boite, elle restera fermée jusqu’au jour du mariage, quoi qu’il puisse arriver, et cela, même si tu traverses des périodes difficiles. Mais moi qui suis habitué à forcer des portes que d’autres personnes ont verrouillé, en situation difficile, ne serai-je pas en mesure de forcer un verrou que j’aurai moi-même placé ?!! »
Quelqu’un qui observe la Torah et les Mitsvot, et devant qui, tous les « verrous » que la Torah a placé, restent fermés, il est certain qu’une telle personne est à même de formuler un serment ou un voeu et qu’elle le respectera.
Ce qui n’est pas le cas d’un Rasha’ (un impie).
Que l’importe un voeu ou un serment ?! S’il n’a déjà aucune difficulté à forcer les « gros verrous » que la Torah a elle-même posé, aura-t-il la moindre difficulté à forcer un voeu ou un serment qu’il s’est lui-même imposé ?!!!
La Torah n’a jamais demandé à l’individu de faire des Nédarim, mais elle exige de les honorer.
2) La vengeance contre Midian et la reconnaissance
« Réalise la vengeance des Béné Israël contre Midian, ensuite tu rejoindras tes pères. » (Bamidbar 32-2)
Sifré
Cela indique que la mort de Moshé est retardée par la guerre contre Midian, et malgré cela, Moshé va et agit avec joie.
Quelle pureté de cœur de la part de Moshé Rabbenou !!
Hashem vient d’informer Moshé Rabbenou que sa mort « dépend » de la réalisation de son ultime mission : mener une guerre punitive contre Midian, et en d’autres termes, tant qu’il n’aura pas rempli cette mission, il ne meurt pas. C’est d’ailleurs pour cela que le texte affirme que le peuple a fourni à contre cœur les soldats pour mener cette bataille, sachant pertinemment que la mort de leur maître – Moshé Rabbenou – dépendait de la réalisation de cette tâche.
Mais Moshé Rabbenou quand à lui, ne tient compte d’aucun paramètre et se hâte de faire partir le peuple à la bataille ordonnée par Hashem.
Qu’est ce qui motive Moshé Rabbenou à agir de la sorte ?
La réponse à cette question se trouve dans le verset suivant :
« Moshé parla au peuple en ces termes : fournissez des hommes pour l’armée, afin qu’ils partent en campagne contre Midian, afin de réaliser la vengeance d’Hashem contre Midian. » (Bamidbar 32-3)
Le Midrash souligne la modification que l’on trouve dans les propos de Moshé Rabbenou : « la vengeance d’Hashem » alors que dans le verset précédent, nous constatons qu’Hashem lui ordonne de réaliser « la vengeance des Béné Israël ».
Moshé Rabbenou vit dans l’ordre de mener une guerre punitive contre Midian, un moyen de venger la honte et le blasphème du Nom d’Hashem que Midian a causé en incitant les Béné Israël à la débauche, beaucoup plus que les dramatiques conséquences sur le peuple, à savoir la mort de 24 000 personnes du fait de la colère d’Hashem.
Vue d’une telle façon, il n’était donc pas question pour Moshé Rabbenou de retarder la réalisation de cet ordre, même si cela doit activer le moment de sa mort. Il s’est donc empressé d’accomplir – dans la joie – la volonté de son Créateur.
Ces propos nous amènent à un étonnement supplémentaire :
Si la réalisation de cet ordre était si importante aux yeux de Moshé Rabbenou, comment se fait-il qu’il délègue Piné’hass et El’azar pour diriger la bataille, alors que l’ordre d’Hashem était explicite : « Réalise la vengeance des Béné Israël contre Midian… » ce qui signifie « Réalise par toi-même ». ?
Cette question a déjà été abordée par les Sages du Midrash Rabba et Tan’houma.
En effet, sur le verset « Moshé les envoya… » nos Sages demandent :
Hashem demande à Moshé de réaliser la vengeance par lui-même, et il délègue d’autres personnes pour le faire ?!
En réalité, Moshé Rabbenou a grandit à Midian.
Il se dit : Il n’est pas « légal » que je frappe moi-même celui qui m’a prodigué du bien.
Le proverbe dit : « Ne jette pas la pierre dans le puits duquel tu as bu. »
Nous pouvons apprendre d’ici combien est précieuse la qualité de la reconnaissance.
Comment Moshé Rabbenou peut à la fois exprimer autant d’empressement à accomplir un ordre Divin, même si l’accomplissement de cet ordre signifie pour lui la fin de sa mission sur terre, et simultanément, il se retient d’accomplir cet ordre par lui-même – bien que l’ordre était explicite « Réalise la vengeance des Bené Israël contre Midian… ». Tout ceci pourquoi ? Par reconnaissance.
De plus, qu’est ce que peuvent représenter les habitants de Midian, et quel est le sens du bien qu’ils ont prodigué à Moshé Rabbenou, face au fait qu’ils ont incité Israël à la débauche et provoqué la mort de 24 000 Béné Israël par la colère d’Hashem ? Ce crime n’est-il pas dramatique face à la « bonté » qu’ils ont prodiguée à Moshé Rabbenou ?!
Malgré tout, le sentiment de « ne pas jeter la pierre dans le puits duquel il a bu » prend le dessus sur tous les calculs et ne laisse pas Moshé Rabbenou sortir lui-même en guerre contre ses bienfaiteurs.
L’empressement à accomplir les Mitsvot d’Hashem ne doit pas faire d’ombre aux règles du savoir vivre !!
3) La Cashérisation d’un ustensile et l’étude de la Torah
« El’azar Ha-Cohen dit aux gens de l’armée, de retours de la guerre : Voici la ‘Houka (la loi irrationnelle) de la Torah, qu’Hashem ordonne à Moshé.
En vérité, l’or et l’argent, le cuivre, le fer, l’étain et le plomb, tout ce qui supporte le feu, vous le passerez par le feu et il sera pur, après toutefois avoir été purifié par l’eau lustrale; et tout ce qui ne va pas au feu, vous le passerez par l’eau. » (Bamidbar 31-21,22)
Au retour de la guerre contre Midian, les Béné Israël rapportent un important butin constitué de vaisselles d’or, d’argent et d’autres métaux. Moshé Rabbenou enseigne aux Béné Israël les règles de Cashérisation d’ustensiles ayant cuit des aliments interdits.
Question
Le ‘Hafets ‘Haïm demande (introduction du Likouté Hala’hot)
Le procédé de Cashérisation d’un ustensile qui a absorbé un aliment interdit, est une chose que l’intellect humain peut facilement intégrer.
En effet, il est logique qu’un ustensile ayant absorbé un goût alimentaire par cuisson au moyen d’eau chaude (ou autre liquide), rejette ce goût par le même procédé, c’est-à-dire en immergeant l’ustensile dans de l’eau bouillante (Hag’ala). De même, si l’absorption s’est produite par une cuisson par le feu uniquement (la grillade), il est également logique que le rejet se fasse en passant l’ustensile à la flamme (Liboun).
Puisque ces procédés relèvent d’une logique que l’homme peut assimiler, pourquoi qualifier cette loi de la Cashérisation par le terme « ‘Houka » qui signifie « loi irrationnelle » ?
Réponse
La Torah est qualifiée de « Feu », comme le verset nous l’indique : « Ma parole n’est-elle pas comme le feu ? »
Le Pirké Avot (chap.6) nous enseigne également que la Torah « rend la personne apte à être un Tsaddik ». La Mishna emploi ici le terme « Ma’hshérato » (« le rend apte ») de la racine « Casher ».
Ce qui signifie qu’au même titre que le feu a la capacité d’extirper le goût alimentaire d’un aliment interdit absorbé dans un ustensile, et rend l’ustensile « Casher », de la même façon l’étude de la Torah extirpe toute l’impureté absorbée dans l’âme de l’individu et conséquente à ses fautes, et rend l’individu « Casher ».
C’est justement ce point supplémentaire que la Torah désire nous enseigner dans cette Parasha de la Cashérisation.
La Cashérisation dont il est question ici n’est pas seulement celle que l’on réalise sur des ustensiles, mais également celle que l’individu peut réaliser sur sa propre personne, dans le but d’extirper – au moyen de l’étude de la Torah qui est comparée au feu – toutes les forces de l’impureté contenues en lui.
Comme le Midrash Tan’houma le dit :
Si l’homme a commis des fautes et s’est rendu condamnable à mort vis-à-vis d’Hashem, que doit-il faire afin de vivre ?
S’il a l’habitude d’étudier un chapitre, il en étudiera deux ; s’il a l’habitude d’étudier une page, il en étudiera deux…
(Ceci ne concerne que celui qui a pris conscience de sa faute et qui s’en est écarté, car s’il ne s’en est pas encore écarté et qu’il cherche déjà un moyen d’expiation, il est comparable à celui qui se trempe dans un Mikvé avec dans la main, un reptile mort (source principale de l’impureté selon la Torah), ou bien à l’ustensile que l’on Cashérise sans avoir au préalable retirer l’interdit alimentaire en surface.
C’est pour cela que lorsqu’ El’azar Ha Cohen s’apprête à transmettre aux Béné Israël les lois de la Cashérisation des ustensiles, il les introduit par les termes « Voici la ‘Houka (la loi irrationnelle) de la Torah… ». Comme pour dire que toute cette Parasha de la Cashérisation vient indiquer – par allusion – une toute autre sorte de Cashérisation :
La Cashérisation de la personnalité au moyen du feu de l’étude de la Torah.
4) La Parnassa ou les enfants ?
Les enfants de Réouven et ceux de Gad possédaient de nombreux troupeaux, très considérables. Lorsqu’ils virent le pays de Y’azer et celui de GuiI’ad, ils trouvèrent cette contrée avantageuse pour le bétail. Les enfants de Gad et ceux de Réouven vinrent donc et parlèrent à Moshé, à El’azar Ha-Cohen et aux anciens de la communauté, en ces termes: « ‘Atarot, Dibon, Y’azer, Nimra, ‘Héshbon et El’alé; Sébam, Névo et Be’on, ce pays, qu’Hashem a fait succomber devant les Béné Israël, est un pays propice au bétail; or, tes serviteurs ont du bétail. » Ils dirent encore : « Si nous avons trouvé faveur à tes yeux, que ce pays soit donné en propriété à tes serviteurs; ne nous fais point passer le Jourdain. » Moshé répondit aux enfants de Gad et à ceux de Réouven : « Quoi ! Vos frères iraient au combat, et vous demeureriez ici ?! Pourquoi voulez-vous décourager les Béné Israël de marcher vers le pays que leur a donné Hashem ?! »
Alors ils s’approchèrent de Moïse et dirent: « Nous voulons construire ici des parcs à brebis pour notre bétail, et des villes pour nos familles. Mais nous, nous irons en armes, résolument, à la tête des Béné Israël, jusqu’à ce que nous les ayons amenés à leur destination, tandis que nos familles demeureront dans les villes fortes, à cause des habitants du pays. Nous ne rentrerons pas dans nos foyers, tant que les Béné Israël n’aient pris possession chacun de son héritage. Nous ne prétendons point posséder avec eux de l’autre côté du Jourdain, puisque c’est en deçà du Jourdain, à l’orient, que notre possession nous sera échue ».
Moshé leur répondit : « Si vous tenez cette conduite, si vous marchez devant Hashem, équipés pour la guerre; si tous vos guerriers passent le Jourdain pour combattre devant Hashem, jusqu’à ce qu’il ait dépossédé ses ennemis, et si, le pays une fois subjugué devant Hashem, alors seulement vous vous retirez, vous serez quittés envers Hashem et envers Israël, et cette contrée vous sera légitimement acquise devant Hashem. Mais si vous agissez autrement, vous êtes coupables envers Hashem, et sachez que votre faute ne serait pas impunie ! Construisez donc des villes pour vos familles et des parcs pour vos brebis, et soyez fidèles à votre parole. » (Bamidbar 32)
Question
Le Gaon Rabbi Yéhouda TSADKA z.ts.l demande – dans son livre KOL YEHOUDA (page 230) : Lorsque Moshé accepte finalement la requête des enfants de Réouven et de Gad, pourquoi leur répète-t-il leurs propres propos : « Construisez donc des villes pour vos familles et des parcs pour vos brebis, et soyez fidèles à votre parole. » N’était-il pas suffisant de les avertir de respecter leur parole en leur disant simplement : « soyez fidèles à votre parole. » ?
Réponse
En réalité, il y a avait un grand débat entre Moshé Rabbenou et les enfants de Réouven et de Gad.
En effet, si nous portons attention aux propos des enfants de Réouven et de Gad, nous pouvons remarquer qu’ils placent l’intérêt matériel en premier plan et celui des enfants et de leurs familles en second plan, comme le texte le dit : « Nous voulons construire ici des parcs à brebis pour notre bétail, et des villes pour nos familles. » Alors que Moshé Rabbenou ne pouvait concevoir de faire passer les intérêts matériels en priorité sur l’intérêt des enfants. C’est pourquoi Moshé prend la peine de revenir sur les propos des enfants de Gad et de Réouven en les inversant, afin de leur montrer que la priorité doit être octroyée à l’intérêt des enfants et non aux intérêts matériels.
Ce débat se poursuit même de notre époque où nous pouvons constater comment des gens se « tuent » littéralement dans leur travail en recherchant constamment le bénéfice financier et en laissant l’éducation et l’équilibre de leurs enfants en second plan. Mais ce qui est le plus déplorable, c’est que généralement ces gens sont ceux qui manquent le moins d’argent !!
Shabbat Shalom
Rédigé et adapté par Rav David A. PITOUN France 5774 [email protected]
Pour retrouver tous les cours de Rav David Pitoun sur notre site
Article de l’auteur, Rav David Pitoun, initialement publié sur son blog http://ravdavidpitoun.blogspot.com/
Article publié le 16 juillet 2014 et mis à jour le 8 juillet 2021
2 Comments
david
Superbe !! Merci beaucoup
Dan Halakha
Merci à vous