Parashat Mattot (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
Mattot
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בס״ד
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PARACHAT MATOT
La parachat matot débute en définissant les lois qui régissent les voeux volontaires et les serments, qu’un homme ou une femme, s’engagerait à tenir. Elle relate ensuite, la bataille qu’ont livré les bné-Israël aux gens de Midiane, en représailles pour les fautes que ces derniers ont fait commettre au peuple. Une fois vaincus, Moshé, sur ordre d’Hachem, réparti le butin en fonction de chaque personnes. Suite à cela, les tribus de Réouven et de Gad, ainsi que la moitié de celle de Ménaché demandent la permission de s’installer dans les villes se trouvant avant le Jourdain et de les prendre à la place de leur héritage sur la terre d’Israël.
Dans le 32 chapitre de Bamidbar, la torah dit :
א/ וּמִקְנֶה רַב, הָיָה לִבְנֵי רְאוּבֵן וְלִבְנֵי-גָד–עָצוּם מְאֹד; וַיִּרְאוּ אֶת-אֶרֶץ יַעְזֵר, וְאֶת-אֶרֶץ גִּלְעָד, וְהִנֵּה הַמָּקוֹם, מְקוֹם מִקְנֶה׃
1/ Un nombreux troupeau appartenait aux enfants de Réouven et aux enfants de Gad, un très grand troupeau. Ils virent la terre de Yazère et la terre de Guiléad et voici : l’endroit était un endroit pour le troupeau.
ב/ וַיָּבֹאוּ בְנֵי-גָד, וּבְנֵי רְאוּבֵן; וַיֹּאמְרוּ אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן, וְאֶל-נְשִׂיאֵי הָעֵדָה לֵאמֹר׃
2/ Les enfants de Gad et les enfants de Réouven vinrent et dirent à Moshé, Éleazar le cohen et les princes de l’assemblée en disant :
ג/ עֲטָרוֹת וְדִיבֹן וְיַעְזֵר וְנִמְרָה, וְחֶשְׁבּוֹן וְאֶלְעָלֵה, וּשְׂבָם וּנְבוֹ, וּבְעֹן׃
3/ Ataroth, Divone, Yazère, Nimrah, ‘Héchbone, Élaleh, Sévame, Névo et Véone.
ד/ הָאָרֶץ, אֲשֶׁר הִכָּה יְהוָה לִפְנֵי עֲדַת יִשְׂרָאֵל–אֶרֶץ מִקְנֶה, הִוא; וְלַעֲבָדֶיךָ, מִקְנֶה׃
4/ La terre qu’Hachem a frappée devant l’assemblée d’Israël, c’est un endroit pour le troupeau ; tes serviteurs ont un troupeau.
ה/ וַיֹּאמְרוּ, אִם-מָצָאנוּ חֵן בְּעֵינֶיךָ–יֻתַּן אֶת-הָאָרֶץ הַזֹּאת לַעֲבָדֶיךָ, לַאֲחֻזָּה: אַל-תַּעֲבִרֵנוּ, אֶת-הַיַּרְדֵּן׃
5/ Ils dirent : si nous avons trouvé grâce à tes yeux, que cette terre soit donnée à tes serviteurs comme possession ; ne nous fais pas traverser le Jourdain.
Bien que la question puisse paraître évidente, il convient de s’interroger sur l’attitude des tribus de Réouven, Gad et la moitié de la tribu de Ménaché. Effectivement, après la conquête des terres de Sihone le roi d’Émori et de Og le roi de Bachane, ces tribus demandent à Moshé de leur accorder ces terrains à la place des terrains qu’ils auraient hérité en Israël. Cette attitude peut surprendre à plusieurs égards. Comme chacun le sait, ces terres se trouvent de l’autre côté du Jourdain, c’est-à-dire en dehors de la terre d’Israël. Le choix de ces tribus de s’y installer plutôt que de prendre possession d’une part en Israël semble donc revenir à affirmer qu’à leurs yeux, ces terres sont meilleures que la terre d’Israël. Comment ces tribus ont-elles pu faire ce choix ? Bien sûr, Moshé Rabbénou proteste lors de cette demande, pensant que ces derniers craignaient de devoir combattre pour la conquête de la terre d’Israël. Toutefois, après explication de la véritable intention de ces tribus, Moshé ne voit plus aucun inconvénient ! Comment comprendre ce passage qui semble indiquer un rejet d’erets Israël de la part des ces tribus ?
Pour avoir une approche nous permettant de comprendre ce qui se passe réellement dans ce passage, il convient de reprendre chaque passage développé dans notre paracha. Par cela, nous allons comprendre que tous ces évènements sont les déclencheurs qui ont mené cette partie du peuple à agir de la sorte.
Le premier passage dont traite notre paracha est celui des vœux et des serments que l’homme prononce. La torah nous enseigne l’importance capitale de respecter nos engagements. Cette loi nécessite développement. Comment concevoir cet ordre d’Hachem de respecter un vœu au point d’en faire une mitsvah ? Pourquoi les mots qu’un homme prononce revêtent-ils la même importance que ceux prononcés par Hakadoch Baroukh Hou lorsqu’il nous ordonne d’accomplir une mitsvah ? Le Imreï Émet ajoute une remarque extrêmement importante. La torah comporte 613 mitsvot. Ces dernières correspondent aux 248 membres et 365 nerfs qui constituent l’homme aussi bien dans sa structure corporelle que dans la structure de sa néchama. Ainsi, lorsqu’Hachem a créé l’homme, il l’a fait en fonction de ces 613 mitsvot afin de lier les deux notions. L’accomplissement d’une mitsvah a un impact direct sur la vitalité de la néchama ! De là, ressort une forte incompréhension face à cette loi concernant les vœux, car il apparaît qu’ils n’ont aucun rapport avec la constitution de notre néchama. Comment l’homme peut-il créer de « nouvelles » mitsvot ?
Pour aller plus loin, ajoutons un enseignement du talmud (traité nédarim p9a) qui nous apprend qu’il vaut mieux ne pas faire de vœux ! Il ressort de cet enseignement que cette attitude est dangereuse et donc mauvaise puisque critiquée par nos sages. Cela met en relief notre question. Comment la torah peut-elle faire une mitsvah de ce qui semble mauvais ?!
Le Imreï Émet ainsi que le Hidoucheï Harim explique sur ce point, une notion particulièrement importante. Hachem a choisi spécifiquement d’écrire cette loi concernant les vœux juste avant la fin de la torah et pas avant. (rappelons que la torah a proprement parlé, s’arrête à la fin du quatrième livre. Le livre de dévarim étant rédigé par Moshé rabbénou). Par cela, Hachem nous apprend la chose suivante : les 613 mitsvot qui précèdent celle des vœux, sont une préparation et non un objectif à part entière! Les mitsvot ont pour but de transformer et d’élever l’homme pour qu’il puisse devenir צלם אלהים, à l’image de Dieu! Une fois cette phase atteinte, une fois que nous avons respecté toutes les mitsvot de la torah et que nous ressemblons au maître du monde, alors notre parole devient sainte et créatrice! Chaque mot, chaque engagement que nous prononçons, engendre une réalité dans laquelle ils sont des mitsvot !
Et justement, Moshé enseigne cette loi aux bné-Israël juste avant de conclure l’écriture de la torah, afin de prouver combien cet enseignement est vrai ! En effet, comme nous l’avons remarqué, l’auteur du cinquième de la torah n’est autre que Moshé Rabbénou ! Nos sages enseignent que lors de la rédaction de ce dernier, Moshé ouvrait sa bouche et la voix d’Hakadoch Baroukh Hou sortait du fond de sa gorge ! Car Moshé est le prototype du tsadik qui a scrupuleusement respecté les mitsvot de la torah ! À ce stade, il est fin prêt pour transformer sa parole en torah ! Ainsi, biensûr les vœux constituent une mitsvah mais il faut prendre soin de les formuler lorsqu’au préalable nous avons les épaules pour les assumer. Dans le cas contraire, nos sages critiquent cette attitude.
Le second passage dont traite notre paracha est celui de la guerre contre le peuple de Midiane. Suite à la défaite de Bilaam, Balak (ayant réuni sous son autorité les nations de Moav et de Midiane) a décidé de faire fauter les bné-Israël en envoyant des femmes les séduire. En atteignant cet objectif, ces dernières sont parvenues à faire sombrer le peuple dans l’idolâtrie provoquant la colère d’Hachem. Cette faute est immédiatement sanctionnée par une lourde épidémie causant la mort de millier de personnes. C’est pourquoi, dans notre paracha, Hakadoch Baroukh Hou va demander aux bné-Israël d’engager le combat contre Midiane.
Le Chem Michmouël dévoile que le peuple de Moav correspond aux forces du mal opposées au premier beth hamikdach, tandis que le peuple de Midiane représente l’antithèse du second temple. C’est pour cela, que le premier temple sera construit par Chlomo Hamelekh descendant de Routh la moavite, car il disposait des armes pour annuler les forces impures de Moav. Tandis que le second temple est construit par le mérite de l’assemblée d’Israël. Or cette dernière s’oppose diamétralement au peuple de Midiane qui constitue le querelle et la dispute (le mot מדין, Midiane, vient du mot מדון, madone, signifiant la dispute). Il est d’ailleurs intéressant de soulever les paroles de nos sages qui nous enseignent que le second temple a été détruit à cause de la haine gratuite et donc des querelles incessantes du peuple. La guerre contre Midiane s’inscrit donc dans le cadre d’une lutte contre les forces qui risquent d’anéantir le second temple. Le peuple de Moav, lui, est épargné dans la mesure où, Routh, devra y voir le jour pour engendrer ensuite la lignée royale.
Les deux premiers sujets nous amènent à un constat extraordinaire. D’une part Moshé prouve au peuple à quel point il est habité de la sainteté, au point d’incarner les paroles de la torah. D’autre part, à la veille de l’entrée en terre d’Israël, il parvient à lutter contre les forces qui s’opposent au beth hamikdach. Comme nous le savons, Moshé est privé d’entrer en Israël depuis sa faute contre le rocher. Toutefois, devant la victoire des bné-Israël contre un peuple qui incarne la destruction du beth hamikdach, les tribus de Gad et de Réouven, se posent une question légitime. Si, les bné-Israël viennent d’anéantir ce qui caractérise l’antithèse du beth hamikdach, peut-être est-ce parce que justement, Hachem compte ne pas le détruire. Peut-être pourrions-nous supposer que l’objectif de cette guerre contre le mal est l’avènement du bien, celui où le beth hamikdach serait éternel. Or, pour que cela soit possible, la construction de ce dernier ne peut se faire que par un être qui incarne parfaitement la spiritualité. Et qui d’autre que l’homme capable de transformer ses paroles en commandements, de dicter un livre entier de la torah de son propre chef !? En claire, les membres de ces deux tribus entrevoient en Moshé ce que Hazal diront plus tard à son égard. À savoir que si Moshé Rabbénou était entré en erets Israël et avait construit le temple, jamais ce dernier n’aurait été détruit !
Ces deux tribus interprètent donc les évènements qu’elles viennent de vivre comme un signe pour favoriser l’entrée de Moshé en Israël. Dès cet instant, elles pensent à un stratagème plus qu’ingénieux. Comme l’enseigne le Hidoucheï Harim leur objectif est d’acquérir les terres qui sont avant le Jourdain. Et ce, sans attendre la conquête du reste du pays. Par cela, si Moshé leur attribue ce territoire comme héritage, il s’avère qu’automatiquement ce terrain deviendra partie intégrante d’Israël ! De sorte, Moshé se trouvant déjà dans ce territoire, rétroactivement il apparaitra qu’il se trouve en Israël ! Le décret l’empêchant d’entrer serait donc briser et le plus grand prophète de l’histoire pourrait aller jusqu’au bout de ses capacités en construisant un beth Hamikdach éternel ! Telle était l’intention de ces deux tribus ! Jamais elles n’ont cherché à dénigrer Israël, bien au contraire, elles respectaient au plus haut point la terre promise. Seulement, elles ne voulaient absolument pas se séparer de leur maître ! C’est d’ailleurs ce qu’insinue une analyse méticuleuse du texte. La torah exprime la cause de la demande des deux tribus par les mots « וּמִקְנֶה רַב un grand troupeau » dont les terres qui sont l’objet de la demande pourraient satisfaire les besoins. Le mot וּמִקְנֶה (mikné) est de la même racine que le mot קנין (kiniane) qui signifie une acquisition. De même le mot רַב peut également se traduire par « maître ». Ainsi, le texte sous entend que la raison qui pousse ces tribus à agir de la sorte est bien de garder Moshé Rabbénou en tant que maître et ne pas le laisser en dehors de la terre d’Israël !
Un point reste tout de même à éclaircir. Pourquoi est-ce seulement une partie du peuple qui agit de la sorte ? Pourquoi le reste des bné-Israël ne s’associe pas à la démarche de ces tribus ? Ne voulaient-ils pas de Moshé has véchalom ?
Un commentateur explique que justement la réponse se trouve dans ces mêmes mots que nous venons d’analyser, cette fois d’après leur sens simple. La torah précise que ces tribus disposaient d’un grand bétail. Or pourquoi leur bétail était-il supérieur à celui des autres, au point de les pousser à se distinguer ? Il faut bien avoir à l’esprit que si leur motivation repose sur la taille de leur troupeau c’est qu’il devait être particulièrement conséquent. Que leur a valu une telle expansion ?!
La réponse est extraordinaire ! Contrairement aux autres tribus, la tribu de Gad et celle de Réouven se sont privées de consommer la viande pour se focaliser sur la manne. Le reste des bné-Israël a suivit son désir de nourriture et s’est alimenté par les animaux en plus de la manne. Leur nutrition s’est faite par un aspect plus naturel renforçant ainsi leur côté matériel. Par contre, Réouven et Gad n’ont eu aucun régime de cet ordre. Leur seul repas leur tombait du ciel et ils ne s’alimentaient que de la nourriture des anges ! À ce titre, leurs entrailles se développaient n’ont plus de façon matérielle mais bien de façon spirituelle ! Au point de se distinguer des autres et de voir ce que les autres ne voyaient pas : la lumière et l’aura particulière qui se dégageait de Moshé Rabbénou ! Eux pouvaient comprendre qu’une construction faite de la main de Moshé s’inscrivaient dans l’éternité ! C’est pourquoi, eux et pas les autres, vont tout tenter pour forcer l’entrer de Moshé en Israël !
Cependant, leur plan va échouer, car malheureusement pour eux, la sainteté des territoires qui précèdent le Jourdain est dépendante de la conquête d’Israël ! Ce n’est que lorsque la terre sainte sera entre les mains des bné-Israël, que les autres territoires pourront baigner dans la sainteté. Du coup quand bien même, Moshé leur accordent ces terres, elles n’ont pas encore le titre de terre d’Israël ! Le plan si brillamment mis en place pour s’assurer de l’éternité du beth Hamikdach n’a malheureusement pas fonctionner et aujourd’hui encore, nous commémorons la période de sa destruction. Peut-être l’objectif d’Hachem n’était pas que le beth Hamikdach soit naturellement indestructible. Peut-être désire t-il faire dépendre sa présence de notre comportement. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, dans la période des jours tristes que nous traversons, nous devons avoir à l’esprit que seul notre téchouva pourra ramener le beth Hamikdach ! Nous ne pouvons pas compter sur autre chose que nos efforts individuels pour revoir la maison du maître du monde. Yéhi ratsone que ces jours de deuil qui séparent le 17 Tamouz du 9 av se transforment rapidement en jours de fête dans lesquels nous célébrerons la venue du Machia’h et la reconstruction du troisième beth Hamikdach amen véamen.
Chabbat Chalom.