Parashat Massé (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
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PARACHAT MASSEI
La parachat Massei, qui clôture le livre de Bamidbar, énumère les quarante deux voyages accomplis par le peuple depuis la sortie d’Égypte. Elle définit ensuite les frontières du pays dont les bné-Israël allaient prendre possession et la manière dont le territoire devra être réparti.
Dans le chapitre 33 de Bamidbar, la torah dit :
א/ אֵלֶּה מַסְעֵי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, אֲשֶׁר יָצְאוּ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם–לְצִבְאֹתָם: בְּיַד-מֹשֶׁה, וְאַהֲרֹן׃
1/ ce sont les voyages des bné-Israël qui sortirent du pays d’Égypte selon leurs armées, sous l’autorité de Moshé et d’Aaron.
ב/ וַיִּכְתֹּב מֹשֶׁה אֶת-מוֹצָאֵיהֶם, לְמַסְעֵיהֶם–עַל-פִּי יְהוָה; וְאֵלֶּה מַסְעֵיהֶם, לְמוֹצָאֵיהֶם׃
2/ Moshé écrivit leurs départs selon leurs voyages d’après la paroles d’Hachem, et ce sont leurs voyages selon leurs départs.
ג/ וַיִּסְעוּ מֵרַעְמְסֵס בַּחֹדֶשׁ הָרִאשׁוֹן, בַּחֲמִשָּׁה עָשָׂר יוֹם לַחֹדֶשׁ הָרִאשׁוֹן: מִמָּחֳרַת הַפֶּסַח, יָצְאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל בְּיָד רָמָה–לְעֵינֵי, כָּל-מִצְרָיִם׃
3/ Ils voyagèrent depuis Ramsès le premier mois, au quinzième jour du premier mois ; au lendemain du sacrifice de Pessa’h les bné-Israël sortirent avec une main élevée aux yeux de tous les égyptiens.
Comme son titre l’indique, notre paracha parle des différents voyages que les bné-Israël ont fait durant leur quarante années dans le désert. La question fréquemment posée sur ce passage, consiste à se demander l’utilité d’une telle description. Jusqu’alors, chaque fois que la torah précisait le lieu d’arrêt des bné-Israël, c’était en corrélation avec un événement important. C’est pourquoi, seuls certains endroits sont cités dans les parachyot précédentes. Tandis que dans celle-ci, le détail intégral de l’itinéraire des bné-Israël nous est présenté. À priori, cela ne nous apprend strictement rien, dans la mesure où, nous n’avons connaissance d’aucun événement qui s’y serait produit. Du coup, quel est l’enseignement à tirer des différentes étapes du voyage des bné-Israël ?
Pour avoir une réponse, remontons plus haut dans l’histoire, à l’époque de Noa’h. Comme chacun le sait, Noa’h a eu trois fils : Chem, ‘Ham et Yaphet. Au lendemain du Maboul, lorsque Noa’h sort enfin de la téva, il s’engouffre dans l’ivresse du vin. Perdant le contrôle de lui-même, il se dénude et provoque les rires d’un de ses fils, ‘Ham. À l’opposé, les deux autres frères auront la noblesse d’esprit de couvrir pudiquement leur père. Face à l’attitude médiocre de ‘Ham, Noa’h le maudit. La torah précise que ‘Ham a eu quatre fils : Kouch, Mitsrayim, Poute et Canaan. Ces quatre personnages sont donc les héritiers de cette malédiction.
Sur ce passage, le Yalkout Réouvéni fait le commentaire suivant : les quatre enfants de ‘Ham correspondent aux quatre forces impures que Moshé rabbénou a tenté de réparer. La première est celle de Mitsrayim, qu’il a réussi à briser durant les quarante années qu’il a passé dans le pays d’Égypte (Mitsrayim). La seconde est celle de Kouch, qu’il a supprimée durant les quarante ans où il était roi de Kouch. La troisième est celle de Poute qui correspond à la réparation qu’a entrepris Moshé durant les quarante années d’errance dans le désert. La dernière est celle de Canaan, que Moshé voulait également éradiquer, mais cette mission a finalement été transmise à Yéhochoua Bine Noune.
Il s’avère donc que la terre de Canaan, celle-là même que les bné-Israël allaient hériter, représente la phase ultime des forces du mal qui ont été engendrées par la faute de ‘Ham. C’est sans doute pour cela que, lors de sa malédiction, Noa’h s’attarde particulièrement sur un des fils de ‘Ham, qui n’est autre que Canaan en disant : (Noa’h, chapitre 9, verset 25)
וַיֹּאמֶר, אָרוּר כְּנָעַן: עֶבֶד עֲבָדִים, יִהְיֶה לְאֶחָיו׃
Il dit : Maudit sois-tu Canaan ! Qu’il soit l’esclave de l’esclave de ses frères !
Par cela, nous voyons à quel point Canaan concentre à lui seul, l’essentiel du mal causé par la faute de son père. Nous pouvons à présent commencer à aborder notre questionnement. La question que nous nous sommes posés consiste à comprendre l’intérêt de citer les différents voyages des bné-Israël. Nos sages recensent quarante deux étapes citées dans notre paracha. Bien évidement, ce nombre rappelle le chem haméforach, le nom le plus saint d’Hachem qui est composé de quarante deux lettres. À savoir, que les différents périples du peuple d’Israël ont contribué à éradiquer les forces du mal qui se trouvaient dans le désert. Ces quarante deux voyages ont permis d’insuffler la sainteté dans les différents refuges de l’impureté. Au point que, chaque étape de ce voyage, constitue un échelon, un tikoun, qui a permis d’annuler les forces d’un des enfants de ‘Ham (Poute en l’occurrence d’après le midrach que nous avons cité).
Cela nous amène à un enseignement du Sfat Émet (parachat masséi, תרלט). Ce dernier analyse le verset suivant : (Bamidbar, chapitre 34, verset 2)
צַו אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, כִּי-אַתֶּם בָּאִים, אֶל-הָאָרֶץ כְּנָעַן: זֹאת הָאָרֶץ, אֲשֶׁר תִּפֹּל לָכֶם בְּנַחֲלָה, אֶרֶץ כְּנַעַן, לִגְבֻלֹתֶיהָ׃
Ordonne aux bné-Israël et tu leur diras : Quand vous arriverez dans la terre de Canaan, ceci est la terre qui tombera pour vous par héritage, la terre de Canaan selon ses frontières.
Sans vouloir, trop interpréter les paroles du Sfat Émet, il semblerait que le mot surligné attire l’attention. Pourquoi la torah emploie un discours comme celui-ci pour parler de l’héritage des bné-Israël. Un héritage ne « tombe » pas, il s’acquiert. De quoi s’agit-il donc ?
Le Sfat Émet répond que les gens vivants dans le pays de Canaan n’ont jamais eu le mérite de concevoir la réalité de la terre d’Israël ! Car, lors de leur séjour dans cette terre, la terre d’Israël n’était pas encore celle qu’allaient hériter le peuple hébreu. En effet, il est écrit dans les téhilim (chapitre 122, verset 3) :
יְרוּשָׁלִַם הַבְּנוּיָה– כְּעִיר, שֶׁחֻבְּרָה-לָּהּ יַחְדָּו
Yérouchalayim reconstruite sera comme la ville qui lui est jointe.
Sur cela, le talmud dans le traité taanit (page 5a), pose la question de savoir quelle ville est jointe à Yérouchalyim. À cela, nos sages répondent qu’il existe deux Yérouchalayim, celle que nous connaissons et celle qui se trouve dans le palais céleste d’Hachem. De là, le Sfet Émet explique que cette correspondance ne se limite pas uniquement à la ville de Yérouchalayim, mais s’étend à l’ensemble de la terre d’Israël. Ainsi, il existe une terre d’Israël sur terre et dans le ciel. Sauf que, les deux doivent correspondre, ce qui n’est pas le cas pendant que les gens de Canaan y vivent. Ce n’est que lorsque les bné-Israël vont entrer dans la terre d’Israël, qu’elle va atteindre la réalité concrète qui la caractérise dans le ciel. Le niveau de sainteté, la lumière qui se dégage d’Israël entre alors en résonance avec celle du ciel pour atteindre un tout nouveau statut, une dimension complètement différente, au point de changer littéralement de structure. Un nouveau pays apparaît avec l’entrée des bné-Israël dans leur pays, une terre d’ordre spirituel voit le jour : le pays de Canaan laisse place au pays d’Israël ! C’est pourquoi, les bné-Israël vont traverser ces quarante deux étapes afin de réparer et supprimer les forces du mal présentes dans le désert, mais aussi et surtout pour se préparer à éradiquer le mal qui se trouve dans le pays de Canaan !
C’est ce qui se dégage d’une analyse fine des versets 52 et 53 du chapitre 33 :
נב/ וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת-כָּל-יֹשְׁבֵי הָאָרֶץ, מִפְּנֵיכֶם, וְאִבַּדְתֶּם, אֵת כָּל-מַשְׂכִּיֹּתָם; וְאֵת כָּל-צַלְמֵי מַסֵּכֹתָם תְּאַבֵּדוּ, וְאֵת כָּל-בָּמוֹתָם תַּשְׁמִידוּ׃
52/ Vous chasserez tous les habitants du pays de devant vous et vous détruirez tous leurs temples et toutes leurs formes fondues vous détruirez;et tous les hauts-lieux vous anéantirez
נג/ וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת-הָאָרֶץ, וִישַׁבְתֶּם-בָּהּ: כִּי לָכֶם נָתַתִּי אֶת-הָאָרֶץ, לָרֶשֶׁת אֹתָהּ׃
53/ Vous débarrasserez le pays et vous vous y installerez car c’est à vous que j’ai donné le pays pour le posséder.
En effet, le Hatam Sofer remarque que la torah commence par dire « וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת-כָּל-יֹשְׁבֵי הָאָרֶץ Vous chasserez tous les habitants du pays » puis dit « וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת-הָאָרֶץ Vous débarrasserez le pays », (littéralement, vous chasserez le pays). Il s’agit dans un premier temps de chasser le peuple qui réside sur la terre, mais ensuite de chasser la terre elle-même! À savoir que l’impureté de Canaan doit être supplantée par la sainteté d’Israel qui « tombera » des cieux! C’est ce qui se passera lorsque Yéhochoua et les bné-Israël entreront en terre de Canaan, et qu’ils supprimeront les forces impures que constitue Canaan, fils de ‘Ham. Dès cet instant, la terre d’Israël revêt l’ampleur du pays céleste dans lequel se trouve Hakadoch Baroukh Hou.
Cette notion est approuvée par le zohar (dans la parachat le’h lé’ha) qui explique qu’Avraham avinou s’est permis de sortir d’Israël pour aller en Égypte lors de la famine. En effet, la terre d’Israël n’avait pas encore reçu sa pleine puissance, car son tikoun n’était pas encore achevé !
Il est d’ailleurs intéressant de noter l’analyse que fait le Chla’h sur le mot Canaan. En effet, il a pour racine הכנעה la soumission. Par cela, nous distinguons les deux pôles de cette terre qui lui permettent de passer de la sainteté à l’impureté et réciproquement. À savoir que la caractéristique de cette terre est de nous enseigner la nécessité absolue de nous soumettre au maître du monde. Lorsque nous témoignons de notre soumission à Hachem, alors elle se présente comme une terre sainte, elle est la terre d’Israël. Par contre, lorsque nous refusons le joug d’Hakadoch Baroukh Hou, alors il nous en chasse pour envoyer ses esclaves qui sont les descendants que Canaan, lui-même maudit par son père d’être l’esclave des esclaves. Cela nous permet de comprendre, pourquoi, le nom Canaan, n’a jamais disparu de ce pays. Car il symbolise la condition de l’accès à la réalité la plus profonde de cette terre, cette réalité appelée Israël, ou, à l’opposé, de rester au stade de l’impureté des descendants de Canaan.
Le secret de notre terre est finalement simple, il se résume en un mot הכנעה la soumission. Lorsque cette condition est respectée, alors la véritable sainteté d’Israël se dégage. Or une terre sainte ne peut qu’accueillir un peuple saint. De sorte, qu’à la seconde où le peuple d’Israël exprimera une sainteté traduisant une réelle soumission à Hakadoch Baroukh Hou, alors il sera littéralement attiré et réclamé par la terre qui est la sienne. En ces temps d’inquiétude, ce rappel se présente comme l’unique solution pour résoudre nos problèmes. En tout temps, le peuple d’Israël ne s’est reposé que sur deux choses, la prière et le respect assidu de la torah. Il s’agit là des deux vecteurs témoignant notre attachement à Dieu. Comprendre qu’il est le seul sur qui nous pouvons compter permettra à notre terre d’exprimer le potentiel miraculeux qui est le sien. Dès lors, nous ne craindrons aucun missile car nous vivrons dans un monde entouré de sainteté et de la protection d’Hakadoch Baroukh Hou, comme la torah l’atteste (Dévarim, chapitre 11, verset 12) :
אֶרֶץ, אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ דֹּרֵשׁ אֹתָהּ: תָּמִיד, עֵינֵי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בָּהּ–מֵרֵשִׁית הַשָּׁנָה, וְעַד אַחֲרִית שָׁנָה׃
Un pays sur lequel veille Hachem, ton Dieu, et qui est constamment sous l’œil de Dieu, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin.
Yéhi ratsone qu’Hachem protège son peuple comme il l’a toujours fait et nous libère enfin de toutes nos souffrances, amen véamen !!!
Chabbat chalom.