Va pour toi Rabbi Yérou’ham Leïbovitch – Paracha Lekh Lékha
Va pour toi Rabbi Yérou’ham
Cours de Rabbi Yérou’ham Leïbovitch (Mashguia’h de la Yéshiva de Mir)
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
« ne sois jamais sûr de toi »
Lorsqu’Avraham notre patriarche rencontre le roi de Sédom, à la fin de la guerre contre les quatre rois, celui-ci a voulu le récompenser, alors Avraham a refusé et a dit : »je lève ma main vers le D-ieu supérieur ». Rashi explique cette expression est un langage de serment. Le Ramban fait remarquer:
- « c’est la manière de tous les justes de faire un serment pour contrer leur mauvais penchant. Même après tous les calculs que Avraham a fait pour ne pas succomber à la tentation de prendre la moindre chose de ce roi, il n’a pas eu confiance en lui si ce n’est par le moyen d’un serment« .
Le Talmud rapporte un récit », sur son lit de mort, Shimon le juste a dit que son fils H’oniav lui succèderait à la fonction de grand prêtre mais celui-ci a refusé car il avait un frère plus âgé de deux ans et demi ». Quel acte de pureté, aussi élevé que celui de Rahel notre matriarche qui a transmis les signes à sa sœur Léa au moment de son mariage avec Yaacov! Il ne voulait pas que l’honneur de son frère aîné soit atteint, pour cela, il lui a laissé la fonction de grand prêtre. Quel acte de pureté! La grande prêtrise est la fonction la plus haute dans les degrés du service divin. À l’époque de la fin du second temple, les gens payaient au gouverneur dominant Israël de fortes sommes pour devenir le grand prêtre, sachant pertinemment que celui qui n’a pas le degré spirituel adéquat mourait dans l’année car il avait le devoir le jour de Kippour de rentrer dans le saint des saints et ainsi atteindre des niveaux de perception divine incroyable! En abandonnant ce mérite extraordinaire, pour ne pas toucher son frère dans son honneur, il a atteint un niveau de réalité extrême. Et pourtant cela ne l’a pas protégé! Au moment de rentrer dans sa fonction, H’oniav a amené son grand frère devant l’autel, l’a habillé des huit vêtements du grand prêtre et a dit à tous les prêtres qui étaient devant lui: « regardez ce vœu saint que j’ai proféré et que j’ai accompli pour l’amour de mon grand frère, je l’ai habillé de « ma » tunique de « ma » ceinture de « ma » tiare. Entendant cela, les prêtres ont voulu le tuer!
Comment comprendre son comportement? Après un tel sacrifice pour l’honneur de son frère, il a pu faire le contraire et se moquer en public de lui? Le montrer devant tous les prêtres, habillé en grand prêtre et annoncer que ce sont de ses propres vêtements qu’il est vêtu! Il n’y a pas plus grande honte pour un homme!
Billam le mécréant voulait maudire le peuple d’Israël. Cependant, il avait reçu une prophétie qui lui interdisait d’aller chez Balak et de le maudire car ce peuple est béni. Il est évident qu’après cette prophétie et du fait que D-ieu lui ai dit que ce peuple était béni, Billam avait la certitude qu’il ne pouvait maudire ce peuple béni et qu’il ne pouvait pas aller à la rencontre de Balak! Comment pourrait-il en être autrement? Et pourtant, il y est allé? Et même après que D-ieu ai déversé sa colère sur lui, il a voulu maudire le peuple! Après que l’ange ait voulu l’empêcher en chemin d’arriver à destination et après tous les miracles qu’il a vu jusqu’à ce que son âne lui ai parlé, il veut toujours maudire le peuple! Ne changeant en aucune façon de ses intentions premières. Voulant de toutes ses forces maudire mais en fin de compte uniquement étant contraint et forcé, il n’a pu maudire le peuple d’Israël!
Comment comprendre cela?
Le principe enfouie dans tous ces enseignements est qu’il faut tuer le mauvais penchant, tuer cette volonté illusoire de désir jusqu’à ce qu’il n’y ai plus espoir de se relever, car sans arriver à ce niveau, rien ne pourra être sûr.
A priori, une fois que l’homme reçoit la perception prophétique ou bien après avoir donné la grande prêtrise par amour pour son frère afin de ne pas que son honneur soit atteint, il semblerait que le mauvais penchant soit réellement détruit! En vérité, malgré toutes ces hauteurs d’esprit, le mauvais penchant est toujours aussi vivant! Pouvant à tout moment renverser tout cet édifice de sagesse que l’homme peut construire! Il est impossible de tuer le serpent et même si tu le découpes en dix morceaux, il est toujours en vie! Et même s’il est vaincu une fois, deux fois et même cent, il n’est jamais mort et il réapparaîtra sur la même action jusqu’à ce que nos sages enseignent: » ne sois jamais sûr de toi« . Comme nous le voyons à propos du premier homme qui après la faute, s’est tenu cent trente années en jeûne, s’étend séparé de sa femme. À priori, il a tué son mauvais penchant pour la luxure! Et pourtant, il est écrit après: » et il a de nouveau connu sa femme » c’est-à-dire, qu’il lui est venu de nouveau une envie, résurrection de son mauvais penchant!
C’est ce que nous enseignent nos sages: « l’habitude des justes est de jurer contre leur mauvais penchant » car du fait de leur compréhension juste de la réalité du mauvais penchant, qu’il est impossible d’éradiquer complètement. Bien que Avraham notre patriarche avait de toute évidence tué son mauvais penchant car si déjà le roi David a dit: » et mon cœur est vide en moi », Rashi expliquant que le roi David avait tué son penchant, il est évident que Avraham lui aussi l’a tué et pourtant il s’est levé pour jurer de peur que son penchant ne soit réactivé! Par le serment, le mauvais est complètement éteint sans espoir de se réactiver.
Il ressort de ces observations qu’un homme est capable d’actes héroïques d’un point de vue spirituel où le penchant est complètement annihilé, où la volonté matérielle n’existe plus mais s’il n’y a pas le serment en fin de travail, il n’est pas sûr de pouvoir continuer le chemin qu’il a pris. Un homme peut se trouver au sommet d »une montagne de bons sentiments, d’élévation d’esprit extrême et l’instant d’après se retrouver au plus bas de l’échelle qu’il s’est construit! Étant une autre personne ou plutôt étant le dévoilement d’une autre partie de sa personnalité illusoire. Par le serment, l’homme fait que d’une situation précaire où sa personnalité prédomine, il s’élève dans un état de stabilité extrême où aucune perturbation ne peut l’atteindre! Dans un état où même le mauvais penchant n’a pas de réalité.
« Un cœur intègre »
les actions de l’homme se subdivisent selon leurs natures. Tout homme peut ressentir cela. Lorsqu’il fait une bonne action, de suite, il ressent sa tête s’alourdir, devenir pesante, ressentant être rattaché à quelque chose d’imperceptible, ne se sentant pas « planer » dans l’air au gré du vent. Et le contraire, lorsque cet homme fait une action dont la source est le mauvais côté, de suite, il perd sa stabilité, sans aucun point de repère et ressent au plus profond de lui qu’il est suspendu en l’air au gré du vent.
« Ils iront après la vanité et ils deviendront eux-mêmes vanité, néant« . Le principe du mal étant l’inconsistance, sans stabilité ni construction. L’envie, le désir n’ont aucune construction, ils ne sont basés sur aucun plan ni au début ni à la fin sur aucune réflexion. Ces pulsions surgissent d’un coup et disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues! Aucune continuité dans leurs matérialisations, elles ne surgissent que pour être assouvies (ou pas) puis disparaissent. Aucune consistance, aucun lien entre une première pulsion et celle qui la suit, comme un brin de paille balloté au gré du vent! Ainsi est le principe des actes mauvais, les actions elles-mêmes étant sans construction, leur seul but est d’être assouvies! L’homme étant soumis a leurs dominations ne trouve aucune stabilité psychologique, avec cette impression étrange que le sol se dérobe sous ses pieds. Chaque moindre petit souffle, chaque moindre petite volonté le déstabilise, réveillant la confusion dans son esprit, le laissant sans attache ni point de repère!
« Heureux est l’homme qui ne va pas derrière les conseils des mécréants….mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’éternel…il sera comme un arbre planté auprès des cours d’eau… » (Téhilim 1)
C’est le principe d’un implant, lorsqu’un homme accompli de bonnes actions, il devient comme implanté dans la terre, relié à sa source divine, il a le mérite d’atteindre une stabilité où aucun souffle ne peut le faire bouger, où aucune tempête ne peut le déraciner. Il ne devient pas le contraire de ce qu’il était le moment d’avant. D’aucune manière, il ne peut être déraciné de son endroit.
Il n’en est pas ainsi des mécréants, ils ont traversé la ligne et se trouvent de l’autre côté où c’est tout le contraire, son principe étant la déstabilisation, où son affect est déraciné, planant dans les airs au gré de ses pulsions « comme de la paille qui est balayée par le vent ». La moindre petite perturbation psychique, le désempare, le rend vulnérable: « les mécréants comme la mer, ils sont chassés ». C’est la représentation spirituelle du mécréant, comme une mer déchaînée, sans aucune stabilité, sans racine, déraciné de sa racine, suspendu dans les airs.
Cette notion de stabilité est le principe même de nos saints patriarches. Ce sont des racines implantées en profondeur. Toutes leurs actions avaient pour but d’enraciner au plus profond de leur âme des racines fortes. Un arbre dont ses racines ne sont pas implantées profondément, est un arbre qui peut à chaque instant, bouger trembler au moindre coup de vent alors qu’une racine, il est impossible de la bouger et il est impossible de la déraciner de son endroit de n’importe qu’elle manière. C’est ce que prophétise Bilham le mécréant: » car du sommet des montagnes, je les vois
et des vallées je les observe ». Rashi expliquant ce verset ainsi: » je regarde ses ancêtres et le début de ses racines et je les vois bien implantés et forts comme des montagnes et des vallées ». Il est impossible de déstabiliser le peuple d’Israël de son endroit spirituel car ses racines ne peuvent être déracinées. C’est la remontrance qui a été faite à Moshé notre maître: » et mon nom de quatre lettres je ne leur ai pas fait connaître ». Rashi explique: » les patriarches n’ont pas murmuré sur mes qualités que je développe dans ce monde ». D-ieu promet à Avraham que de Itshak, il aurait une descendance puis il lui demande de sacrifier son fils Itshak! Et Avraham s’est exécuté sans se demander quoi que ce soit car ses racines ne peuvent à jamais être bougées! C’est cela qu’exprime ce verset: » et tu as trouvé son cœur intègre devant toi« . Car le principe de l’intégrité, de la confiance אמונה qui vient du verset: » un pieu en tant qu’intégrité » qu’il est impossible de bouger, que rien ne peut atteindre.
Nous pouvons maintenant comprendre la faute de Moshé notre maître à propos des eaux de la rébellion où il lui est reproché alors qu’il a frappé le rocher au lieu de lui parler « car vous n’avez pas été intègres avec moi » alors que selon nos sages, le reproche fait à Moshé a été le fait de s’être mis en colère! Il lui est reproché en fait cette infime instabilité qui est apparue en lui! Et c’est ce reproche qui lui est fait « du fait que tu n’as pas été intègre avec moi« ! Car dans une situation de « et tu as trouvé son cœur intègre » dans une situation de stabilité extrême, il est impossible le moindre changement, la moindre pulsion qui pourrait le déstabiliser. Pour cela, cet infime soubresaut lui est réclamé à Moshé en disant « car vous n’avez pas été intègres avec moi ».
Nous pouvons avoir une petite impression de ce que peut être une véritable volonté générée par nos pulsions, véritable tremblement de terre qui arrive à nous déstabiliser comme une tour qui pourrait être complètement détruite, détruisant toutes les fondations de cette tour!
Nous pouvons maintenant comprendre l’importance essentielle de ce que peut nous apporter la sérénité. C’est le principe du monde futur, sans aucune perturbation, unité totale avec le divin. Et ainsi nous pouvons interpréter ces paroles de nos sages: » tout celui qui répond « amen » de toutes ses forces, lui sont ouvertes les portes du jardin d’Eden ». Car dans le mot « amen » est contenue toute la force stabilisante de l’intégrité qui amène l’homme à une stabilité éternelle où rien ne peut l’atteindre. Ceci étant la préparation parfaite pour atteindre le monde futur. Les portes du jardin d’Eden lui sont ouvertes.
Il se trouve donc que tout le travail de l’homme est de prêter attention à tous ses gestes, à toutes ses pensées, à toutes ces paroles, à toutes ses actions et de les rattacher au divin d’une manière forte où aucune ne pourra les bouger. Et lorsqu’un homme ressent que la moindre petite contrariété le perturbe, il doit se soucier de savoir s’il ne s’est pas déconnecté de sa source divine. Car combien il est difficile de se rattacher à cette source génératrice qu’est la vie éternelle.
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