Parashat Houkat (5776)
Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Houkat
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בס״ד
PARASHAT HOUKAT
La paracha ‘houkat traite en premier lieu de la fameuse vache rousse, dont la fonction est de redonner la sainteté à une personne l’ayant perdue par contact avec un mort. Notre paracha raconte également la mort de Myriam, soeur de Moshé et Aaron, qui engendre la perte du puits qui permettait au peuple de boire quotidiennement. En effet, par le mérite de Myriam, un puits chargé d’eau accompagnait le peuple dans chacun de ses déplacements, assurant une ration permanente en eau pour tous. À la mort de Myriam, l’eau manque pour le peuple qui se rebelle contre Moshé et Aaron. Suite à cela, Hachem ordonne à Moshé de réunir le peuple, et de parler à la pierre afin qu’elle donne de quoi boire. Moshé s’exécute, à la seule différence qu’il frappe la pierre au lieu de simplement lui parler. Il s’en suit alors qu’Hachem punit Moshé et Aaron de ne jamais entrer en terre d’Israël. Après cet événement, Moshé envoie des émissaires auprès du roi d’Édom afin de lui demander l’autorisation de traverser sa terre. Cette requête se solde par un échec et les bné-Israël sont forcés de contourner son pays. C’est au cours de ce détour qu’Éléazar succède à son père Aaron qui rejoint Hachem dans la montagne de Hor. Apprenant le décès d’Aaron qui engendre la disparition des nuées protectrices, Arad roi de Canaan attaque les bné-Israël et subit une défaite. C’est alors que les bné-Israël protestent contre le manque de nourriture. Cette nouvelle rébellion engendre une catastrophe. Les serpents et tous les animaux du désert s’en prennent aux bné-Israël qui subissent de lourdes pertes. Lorsque le peuple fait téchouva, Hachem ordonne à Moshé de fabriquer un serpent de cuivre. Dès lors, chaque homme regardant ce serpent se verrait guérir de sa morsure. La paracha se termine par le récit des différents voyages des bné-Israël, ainsi que par la victoire du peuple, contre Si’hone roi d’Émori et Og roi de Bachane.
Dans le chapitre 21 de Bamidbar, la torah dit :
:יד/ עַל-כֵּן, יֵאָמַר, בְּסֵפֶר, מִלְחֲמֹת יְהוָה: אֶת-וָהֵב בְּסוּפָה, וְאֶת-הַנְּחָלִים אַרְנוֹן
14/ C’est pourquoi l’on cite, dans le livre des guerres d’Hachem, « Vahev en Soufa, et les affluents de l’Arnon
:טו/ וְאֶשֶׁד, הַנְּחָלִים, אֲשֶׁר נָטָה, לְשֶׁבֶת עָר; וְנִשְׁעַן, לִגְבוּל מוֹאָב
15/ Et encore le bassin des rivières, qui s’étend vers Chébeth-Ar et confine à la frontière de Moab… »
:טז/ וּמִשָּׁם, בְּאֵרָה: הִוא הַבְּאֵר, אֲשֶׁר אָמַר יְהוָה לְמֹשֶׁה, אֱסֹף אֶת-הָעָם, וְאֶתְּנָה לָהֶם מָיִם
16/ Puis, ils gagnèrent Beêr, ce puits à propos duquel Hachem dit à Moshé: « Assemble le peuple, je veux lui donner de l’eau. »
: יז/ אָז יָשִׁיר יִשְׂרָאֵל, אֶת-הַשִּׁירָה הַזֹּאת: עֲלִי בְאֵר, עֱנוּ-לָהּ
17/ C’est alors qu’Israël chanta ce cantique: « Jaillis, ô source! Acclamez-la!…
:יח/ בְּאֵר חֲפָרוּהָ שָׂרִים, כָּרוּהָ נְדִיבֵי הָעָם, בִּמְחֹקֵק, בְּמִשְׁעֲנֹתָם; וּמִמִּדְבָּר, מַתָּנָה
18/ Ce puits, des princes l’ont creusé, les plus grands du peuple l’ont ouvert, avec le sceptre, avec leurs bâtons!… » Et de Midbar ils allèrent à Mattana.
Ce passage est un chant entonné par les bné-Israël, dont le sens est souvent dur à comprendre et qui fait suite à des miracles.
Rachi (chapitre 21, verset 15) apporte le commentaire suivant : « le déversement des vallées : car là-bas s’était déversé le sang des Émoréens qui s’y étaient cachés parce qu’il y avait de hautes montagnes ; la vallée était profonde et étroite et les montagnes étaient proches l’une de l’autre, à tel point que si un homme se tient sur la montagne d’un côté, il peut parler à son ami qui se tient sur la montagne de l’autre côté. Le chemin des bné-Israël passait au milieu de la vallée. Les Émoréens dirent : quand Israël entrera à l’intérieur de la vallée pour passer, nous sortirons des cavernes dans les montagnes qui sont au dessus d’eux et nous les tuerons avec des flèches et des pierres de catapultes. Et ces creux étaient dans la montagne du côté de Moav et sur la montagne du côté des Émoréens. Il y avait en face des creux, comme des sortes de cornes et de seins jaillissant vers l’extérieur. Alors que les bné-Israël marchaient pour passer, la montagne se mit à trembler du côté de la terre d’Israël comme une servante qui sort accueillir sa maîtresse et la montagne s’avança du côté de celle de Moav et ses seins entrèrent à l’intérieur de ses creux et tuèrent les Émoréens. C’est l’explication des mots : »Quand il s’est détourné pour résider à ‘Ar, c’est-à-dire que la montagne se détourna de sa place et s’approcha du côté de Moav et s’y incrusta, cela est l’explication de la phrase : ‘ Et s’est appuyé contre la frontière de Moav’ ». Une autre explication : les bné-Israël passaient par les montagnes et n’auraient pas été conscients de ces miracles si ce n’est par le puits qui y entra. »
Le Alchikh (sur notre section) détaille avec minutie le sens des versets qui composent ce chant et évoque l’idée suivante. L’origine des tremblements qui se sont produits sur les montagnes provient du passage du Aron Hakodech qui devançait les bné-Israël. C’est pourquoi le verset dit « עַל-כֵּן, יֵאָמַר, בְּסֵפֶר, מִלְחֲמֹת יְהוָה C’est pourquoi l’on cite, dans le livre des guerres d’Hachem ». Cette phrase fait littéralement référence aux rouleaux de la torah contenus dans le Aron. Ceci vient nous apprendre une chose fondamentale, les guerres sont livrées par le biais de la torah et de son étude, qui sont la source du succès des bné-Israël. Toutefois, ce miracle de mise à mort des Émoréens par la torah qui les devançait, n’aurait jamais été connu, comme l’explique Rachi, si ce n’est par l’intervention du puits, qui l’a dévoilé au grand jour. Le puits est donc ce qui permet de dévoiler l’action du Aron et se place de facto, sous l’égide de la torah orale. En effet, si le Aron fait allusion à la torah écrite par le fait qu’il contienne les rouleaux manuscrits de la loi ; le puits lui, est ce qui vient permettre de comprendre l’action du Aron : sans le puits le miracle n’aurait jamais été découvert, de même que sans la torah orale, la torah écrite reste incomprise, son explication est cachée et doit être mise en évidence. C’est pourquoi la torah parle en terme de conflit, de guerre, car la compréhension de la torah écrite requiert une guerre réelle, un combat intellectuel pour pénétrer le sens caché du texte.
C’est le sens des coups que Moshé a assénés sur le rocher qui n’est autre que le puits de Myriam qu’il fallait »réactiver ». Moshé voulait montrer que ce puits tire sa source dans la torah orale, dont l’étude permet d’extraire l’essence de la torah écrite. Ainsi, Moshé frappe à deux reprises, afin de faire référence à l’union nécessaire de la torah orale avec la torah écrite pour faire sortir le contenu réel. Ces deux versions de la torah sont ce qui encadre sa substance réelle et permettent la compréhension de son message. De même, Moshé va frapper deux fois, pour montrer que ce qui se trouve à l’intérieur du rocher, ne peut être extirpé que par le biais de ces deux formes d’étude. Et justement, le Béér Mayim ‘Haïm (chapitre 20, verset 11) remarque que le mot »סלע rocher » contient trois lettres qui, elles-mêmes ont une version longue. À savoir que la première lettre, le »ס samekh » s’écrit en version intégrale : »סמך », la seconde lettre le »ל lamed » s’écrit »למד », tandis que la dernière lettre, le »ע ‘ayin » s’écrit »עין ». Nous nous apercevons qu’au centre de ces lettres se trouvent les lettres qui forment le mot »מים l’eau » pour exprimer l’idée suivante : il fallait deux coups pour faire annuler les deux lettres qui encadrent le rocher (celle d’avant et celle d’après) afin de faire sortir ce que contenait le rocher, de même qu’il faut les deux versions de la torah pour en récupérer le contenu.
Au vu de ce que nous venons de dire, et au sens du ‘Hidouché Harim (sur notre paracha) la faute de Moshé semble dur à cerner. Qu’a-t-il fait de mal ? Où se trouve sa transgression ? Plus encore, le ‘Hidouché Harim explique que l’acte de Moshé était un véritable don de soi, de la messirout nefech ?! Comment comprendre alors qu’il ait été puni de ne pas entrer en terre d’Israël ?
Le Cha’ar Bat Rabbim (sur notre section) enseigne au nom du Chakh que la faute de Moshé est d’avoir amoindri le miracle, dans le sens où, son intervention au travers du bâton insinue que la simple parole n’aurait pas suffit. Dans les faits, si les eaux avaient jailli par une simple demande de la part de Moshé, le miracle aurait été plus spectaculaire, et aurait marqué les esprits de façon plus intense. Le fait que Moshé frappe le rocher, atténue la portée du miracle. C’est justement pour cette raison que Moshé est sanctionné et ne peut entrer en Israël.
Tentons d’approfondir pour mieux comprendre la démarche de Moshé. Pourquoi agit-il de la sorte ? N’a-t-il pas compris que la requête d’Hachem n’était pas celle-ci ? Plus encore, s’il s’agit d’une faute, il n’a qu’à faire téchouva et Hachem lui aurait pardonné. Et pourtant, la fin de la torah nous montre qu’après maintes supplications, Hachem refuse de laisser Moshé accéder à la terre sainte. Pourquoi ?
En réalité, il se peut fortement que Moshé ait estimé, au vu de sa colère du moment à l’égard des hébreux, que ces derniers ne méritaient pas un miracle et ait préféré atténuer ce dernier pour transmettre aux hébreux, le message sur l’importance de la torah. Moshé désirait que le peuple soit lui-même la source du miracle et qu’il ne profite pas d’un miracle issu d’un mérite externe. En ce sens, il a marqué son intervention avec son bâton pour exprimer le lien intense entre les eaux cachées dans le puits et l’étude de la torah. Moshé adopte ainsi un comportement très strict avec le peuple et réclame de lui une attitude irréprochable. Au lieu de vivre, par la bonté qu’Hachem leur octroyait, Moshé les astreint à vivre au travers de leur propre mérite, de leurs efforts personnels. Certes, ce niveau est de loin
supérieur à celui dont les bné-Israël allait jouir si les eaux étaient sorties par la parole, seulement, il est extrêmement dur à mettre en application. C’est en ce sens que, Moshé, bien qu’il n’ait commis aucune transgression va se voir privé de l’entrée en Israël.
En effet, puisqu’il impose cet état au peuple, Hachem va agir en fonction. Ceci est confirmé par un commentaire intrigant de nos sages. D’une part, Rachi (chémot, chapitre 15, verset 1) apporte le texte de la guémara (sanhédrin, page 91b) : « Rabbi Méïr a dit : d’où avons-nous dans la torah une preuve de la résurrection des morts ? Car, concernant la chira (que nous chantons tous les jours) il est dit : »Ainsi chantera Moshé ainsi que les bné-Israël, ce chant pour Hachem » Il n’est pas dit »ainsi a chanté Moshé » mais »ainsi chantera », de là nous prouvons la résurrection des morts depuis la torah. » La même remarque peut d’ailleurs s’appliquer sur notre paracha, concernant le verset 17, qui bien que traduit au passé est en réalité un futur connotant qu’ « ainsi chantera Israël… ».
Sur cela, Rabbénou Bé’hayé (sur le début de la parachat massé) écrit que la délivrance finale sera semblable à celle d’Égypte et de facto, les bné-Israël auront à repasser par le désert pour y reproduire le voyage qu’ont connu nos ancêtres. Plus encore le midrach (cf, midrach rabba sur bamidbar, chapitre 19, alinéa 13, ainsi que sur dévarim, chapitre 9, alinéa 9) écrit qu’Hachem a dit à Moshé qu’il accompagnera de nouveau les bné-Israël dans le désert, lorsqu’enfin ils auront le mérite requis pour qu’enfin Moshé puisse achever le voyage en les faisant définitivement entrer en Israël.
Nous pouvons maintenant comprendre la punition que Moshé reçoit. À savoir que, puisqu’il a basé son attitude sur le mérite du peuple, alors Hachem le punit de devoir attendre qu’enfin, le peuple ait le mérite nécessaire pour pouvoir entrer en terre sainte. Ce comportement de Moshé à l’égard des hébreux est finalement ce qui justifie que lui aussi doive patienter. En somme, Hachem lui dit : « Puisque tu veux que le peuple soit méritant, et que tu le lui imposes en frappant le rocher, alors,
tu devras toi-même faire en sorte que le peuple évolue dans cette sphère ! » La conséquence est donc évidente, puisque depuis la faute des explorateurs, la génération de Moshé est condamnée à mourir dans le désert, cela signifie que de leur vivant, jamais ils n’atteindront le mérite suffisant pour bénéficier du don de la terre. Ainsi, Moshé devra attendre qu’à la fin des temps, cette même génération revienne, et soit enfin à même de vivre uniquement de son mérite. C’est pourquoi, Moshé se voit privé de l’entrée en Israël et contraint d’attendre la résurrection des bné-Israël. C’est sans doute une des raisons qui explique le commentaire du ‘Hidouché Harim comme quoi l’acte de Moshé était un véritable don de soi, de la messirout nefech !
Yéhi ratsone qu’Hachem accomplisse rapidement cette résurrection, afin que Moshé, ainsi que tous les bné-Israël puissent enfin chanter à l’unisson la chira, qui sonnera l’amorce de notre retour chez nous, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.
Y.M. Charbit