Parashat Houkat (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Houkat
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בס״ד
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PARASHAT HOUKAT
La paracha ‘houkat traite en premier lieu de la fameuse vache rousse, dont la fonction est de redonner la sainteté à une personne l’ayant perdue par contact avec un mort. Notre paracha raconte également la mort de Myriam, sœur de Moshé et Aaron, qui engendre la perte du puits qui permettait au peuple de boire quotidiennement. En effet, par le mérite de Myriam, un puits chargé d’eau accompagnait le peuple dans chacun de ses déplacements, assurant une ration permanente en eau pour tous. À la mort de Myriam, l’eau manque pour le peuple qui se rebelle contre Moshé et Aaron. Suite à cela, Hachem ordonne à Moshé de réunir le peuple, et de parler à la pierre afin qu’elle donne de quoi boire. Moshé s’exécute, à la seule différence qu’il frappe la pierre au lieu de simplement lui parler. Il s’en suit alors qu’Hachem punit Moshé et Aaron de ne jamais rentrer sur la terre d’Israël. Après cet événement, Moshé envoie des émissaires auprès du roi d’Édom afin de lui demander l’autorisation de traverser sa terre. Cette requête se solde par un échec et les bné-Israël sont forcés de contourner son pays. C’est au cours de ce détour qu’Éléazar succède à son père Aaron qui rejoint Hachem dans la montagne de Hor. Apprenant le décès d’Aaron qui engendre la disparition des nuées protectrices, Arad roi de Canaan attaque les bné-Israël et subit une défaite. C’est alors que les bné-Israël protestent contre le manque de nourriture. Cette nouvelle rébellion engendre une catastrophe. Les serpents et tous les animaux du désert s’en prennent aux bné-Israël qui subissent de lourdes pertes. Lorsque le peuple fait téchouva, Hachem ordonne à Moshé de fabriquer un serpent de cuivre. Dès lors, chaque homme regardant ce serpent se verrait guérir de sa morsure. La paracha se termine par le récit des différents voyages des bné-Israël, ainsi que par la victoire du peuple, contre Si’hone roi d’Émori et Og roi de Bachane.
Dans le chapitre 19 de Bamidbar, la Torah dit :
:א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר
1/ Hachem parla à Moshé et Aaron en disant.
ב/ זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ, עֹל׃
2/ Ceci est le décret de la Torah qu’Hachem a ordonné en disant : Parle aux bné-Israël, qu’ils prennent vers toi une vache parfaitement rousse qui n’a pas de défaut, sur laquelle n’est pas monté le joug.
:ג/ וּנְתַתֶּם אֹתָהּ, אֶל-אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן; וְהוֹצִיא אֹתָהּ אֶל-מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, וְשָׁחַט אֹתָהּ לְפָנָיו
3/ Vous la donnerez à Éléazar le prêtre ; il la fera sortir à l’extérieur du camp et on l’égorgera devant lui.
:ד/ וְלָקַח אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן, מִדָּמָהּ–בְּאֶצְבָּעוֹ; וְהִזָּה אֶל-נֹכַח פְּנֵי אֹהֶל-מוֹעֵד, מִדָּמָהּ–שֶׁבַע פְּעָמִים
4/ Éléazar le prêtre prendra de son sang avec son doigt et fera aspersion, vers la face de la tente d’assignation, de son sang sept fois.
:ה/ וְשָׂרַף אֶת-הַפָּרָה, לְעֵינָיו: אֶת-עֹרָהּ וְאֶת-בְּשָׂרָהּ וְאֶת-דָּמָהּ, עַל-פִּרְשָׁהּ יִשְׂרֹף
5/ On brûlera la vache devant ses yeux, sa peau, sa chair, son sang avec ses excréments, on brûlera.
:ו/ וְלָקַח הַכֹּהֵן, עֵץ אֶרֶז וְאֵזוֹב–וּשְׁנִי תוֹלָעַת; וְהִשְׁלִיךְ, אֶל-תּוֹךְ שְׂרֵפַת הַפָּרָה
6/ Le prêtre prendra du bois de cèdre, de l’hysope et de la laine écarlate et jettera à l’intérieur du brasier de la vache.
Le sujet d’entame de notre paracha est classé par la Torah comme un ´hok, une loi dont l’explication échappe à la compréhension humaine, il s’agit d’un décret divin. Plus que tout autre décret, celui-ci est caractérisé par une profondeur totalement inaccessible au point que le midrach affirme que seul Moshé a mérité d’en comprendre le secret. Pour autant, nos sages ont largement commenté le sujet. Ils n’en ont certes pas dévoilé les profondeurs mais ont laissé quelques notions qui méritent d’être approfondies.
Le point de départ est mentionné dans Rachi qui détaille la corrélation entre la vache rousse et la faute du veau d’or. Pour reprendre ses termes la mère (la vache rousse) vient réparer la faute du petit (le veau d’or).
Tentons de développer cette notion. En quoi brûler cette vache et la mélanger à de l’eau apporte la sainteté? Pourquoi ce procédé est-il celui choisi par la Torah pour s’opposer à l’impureté conséquente à la mort?
Le Kli Yakar apporte un élément intriguant. La Torah relie l’ensemble des vaches rousses de l’histoire à Moshé rabbénou. D’après le Kli Yakar, cela s’explique par la dévotion dont a fait preuve Moshé lors de la faute du veau d’or, allant jusqu’à demander à Hachem de le supprimer de la Torah s’Il refusait de pardonner aux bné-Israël. S’en est suivie son intervention auprès du peuple. Ainsi, la Torah raconte qu’il a pris le veau d’or, l’a brulé, puis broyé jusqu’à en faire de la poussière qu’il a déversée dans l’eau que les bné-Israël ont eu à boire. À ce titre, puisque Moshé a entrepris la réparation de la faute du veau d’or commise par le peuple, il convient que la vache rousse, qui achève la démarche de Moshé, soit directement liée avec l’initiateur du tikoun.
L’explication du Kli Yakar nous amène à une question évidente. En quoi le fait de détruire le veau d’or, et d’en faire boire les cendres consiste t-il en une amorce de la réparation de la faute? Détruire le veau d’or était une obligation. Le laisser aurait entraîné la poursuite de la faute! Sa disparition relève donc plutôt de la nécessité que de la réparation.
De même, en quoi l’aspersion par les eaux mélangées à la vache rousse constitue l’achèvement de l’acte de Moshé? Pourquoi ces deux éléments sont-ils complémentaires?
Pour tenter de comprendre, référons-nous aux propos de Rachi (chémot, chapitre 32, verset 20). En effet, lors de la faute du veau d’or, la punition des fauteurs s’est faite sous trois aspects. Les personnes qui ont commis la faute face à des témoins qui les ont mis en garde de l’interdiction, sont mortes par l’épée. Les personnes qui ont agi devant des témoins mais n’ont pas été averties, sont mortes par l’épidémie qui s’est abattue sur le peuple. Et enfin, ceux qui ont fauté sans être repérés par des témoins ont subit une mort par hydropisie. À savoir que ces eaux mélangées aux cendres du veau d’or, ont agi de la même façon que les eaux bues par la femme sota, qui est suspectée d’avoir trompé son mari. Dans un tel cas, la Torah demande de faire ce fameux test des eaux au travers desquelles la femme peut prouver son innocence. De fait, si elle a en effet trompé son mari, alors ces eaux lui procureront la mort. Par contre, si elle est innocente, ces eaux sont sources de grandes bénédictions pour la femme. C’est donc ce système qui s’est appliqué aux bné-Israël afin que même ceux qui auraient fauté en secret soient jugés.
Le Sifté ‘Ha’hamim, précise un point fondamental. Pourquoi la règle de la femme sota s’applique à la faute du veau d’or ?
La réponse est évidente. L’alliance avec Hakadoch Baroukh Hou et son peuple n’est pas un simple pacte ou un contrat, il s’agit littéralement d’un mariage. De sorte que, pratiquer l’idolâtrie, est en tout point identique à l’adultère dans la mesure où, il s’agit d’adorer un autre « dieu » au détriment du seul vrai Dieu. En ce sens, le test des eaux de la sota s’applique parfaitement au cas du veau d’or et ceux qui ont trompé Hachem en sont évidemment morts.
Toutefois, ce commentaire de nos sages semble omettre un détail qui a toute son importance. Comme nous l’avons dit, la femme qui se voit accusée d’avoir trompé son mari doit boire ces eaux afin de prouver son innocence et c’est seulement en cas de faute de sa part qu’en effet, elle se verra infliger la peine capitale. Toutefois, son innocence est pour elle la garantie d’une grande bénédiction. Dès lors, dans le cas du veau d’or, quelle a été la bénédiction reçue par ceux qui ont fait preuve de fidélité envers Hachem, ceux qui n’ont pas fauté ? Le test parle de la sanction mais pas de la bénédiction ! Qu’en est-il donc de la contrepartie méritée par les plus justes ?
Le Chem Michmouël (année 672) apporte une remarque intéressante pour distinguer les sacrifices standard et celui de la vache rousse. Comme nous le savons, la plupart des sacrifices ont pour vertu de faire pardonner le peuple de ses transgressions. L’enseignement de nos sages sur ce sujet est très clair : à la place de la bête ce doit être l’homme qui subit le sacrifice. Seulement, Hachem accorde aux êtres humains le moyen d’expier la faute et leur propose ce sacrifice en tant que substitut. De façon générale, il faut faire brûler la bête et deux états sont conséquents de cette combustion. Une partie devient fumée, l’autre devient cendre. La fumée fait ainsi référence à la vitalité spirituelle de la personne qui se détache des forces du mal engendrées par la faute et qui sont représentées par les cendres. Ainsi, l’aspect le plus volatile monte directement vers le ciel afin de témoigner de son côté divin, tandis que l’expression la plus matérielle, ces cendres, sont expulsées à l’extérieur afin de retirer toute vitalité au mal.
Toutefois, le cas de la vache rousse s’oppose à ce système dans son fonctionnement. En effet, la vache rousse est sacrifiée à l’extérieur du beth hamikdach, de sorte que l’air éparpille la fumée. Plus encore, les cendres ne sont pas expulsées mais au contraire, restent et représentent même tout l’intérêt du sacrifice dans la mesure où elles servent à l’aspersion des gens impurs. Pourquoi ce sacrifice diffère t-il à ce point des autres ? Pourquoi est-ce au contraire, la partie négative, les cendres, qui sont mises en avant ?
Cette dernière question est en réalité la solution de la précédente. En effet, tout membre du peuple qui n’a pas fauté devait recevoir une bénédiction comme le veut la loi de la sota. À ce titre, nos sages enseignent que l’impureté de la mort est causée par la présence de l’ange de la mort. Lorsque par exemple, Moshé est mort, ce n’est pas ce dernier qui s’est chargé de lui retirer son âme, mais Dieu Lui-même qui a aspiré sa néchama, ne provoquant ainsi aucune trace d’impureté. La mort, sous son coté impur, n’existe qu’à cause de cet ange. Or, rappelons que lors du don de la Torah, les bné -Israël, se sont affranchis de cet ange, ce n’est que suite à la faute qu’ils sont retombés entre ses mains. Il ressort donc que le veau d’or est responsable de l’existence de l’impureté dans le monde !
Dès lors apparaît une idée lumineuse. Les personnes qui ont bu les cendres du veau d’or et qui n’ont pas fauté ne voient pas ces cendres comme une sanction mais au contraire comme une bénédiction. Les cendres ne sont pas négatives dans ce cas puisqu’elles prouvent l’innocence des protagonistes. À ce titre, ces personnes acquièrent un mérite qui leur permettra de supprimer une conséquence négative du veau d’or dans le monde. L’impureté liée à l’ange de la mort affecte dorénavant toute personne en contact de la source de l’impureté. Il s’agit comme nous l’avons exposé de la conséquence négative de cette faute dans le monde. C’est pourquoi, en cadeau, en récompense, les membres du peuple qui n’ont pas fauté et ont donc survécu au veau d’or, sont gratifiés de la vache rousse, qui leur permet de supprimer l’impureté inhérente au contact avec la mort ! Par cela nous comprenons bien pourquoi, contrairement aux autres sacrifices, les cendres sont cette fois mises à l’honneur. Si elles sont le signe de la faute en temps normal, il s’avère qu’en ce qui concerne la pureté, lors de l’aspersion par les cendres de la vache, ces dernières deviennent la preuve de la pureté du peuple !
Nous comprenons d’ailleurs en quoi les cendres du veau et de la vache sont complémentaires. Moshé a brûlé le veau et l’a fait boire au peuple pour déterminer les innocents en complément de quoi, le peuple fera entrer les cendres de la mère (la vache rousse) en résonance avec l’innocence du peuple !
Tentons d’approfondir encore un peu.
Le Cha’h explique une chose intéressante concernant la combustion du veau d’or. À son arrivée sur terre, lorsque Moshé a vu le veau d’or, il a alors dit à l’or qui le compose : « Est-ce donc pour cela qu’Hakadoch Baroukh Hou t’as créé et élevé au dessus de tous les matériaux ? Afin de faire de l’idolâtrie ? » Immédiatement, l’or s’est transformé en bois et le feu a pu prendre sur lui.
Ainsi, avant d’obtenir les cendres du veau, Moshé a fait passer ce dernier de la noblesse de l’or, à la simplicité du bois. C’est alors qu’il a pu en faire boire le peuple. De même, concernant la vache rousse, la Torah demande à ce que soient brûlés avec elle du bois de cèdre, de l’hysope et du fil écarlate. Rachi précise que ces trois végétaux correspondent aux trois milles hommes qui sont tombés lors de la faute du veau d’or. De plus, le cèdre est le plus haut des arbres, tandis que l’hysope est le plus bas pour signaler pour celui qui est haut et qui s’est enorgueilli et a donc fauté, qu’il doit se rabaisser comme l’hysope et l’écarlate pour faire expiation de sa faute.
Là encore, il y a une corrélation entre les deux types de cendres qui s’avèrent de nouveau complémentaires. Les premières ont pu exister par l’or qui a admis avoir défaussé la grandeur qui lui a été accordée et qui, pour se faire, s’est rabaissée au stade du bois afin de brûler. Les secondes sont le témoignage de cet aspect et de l’attitude requise pour obtenir le pardon sous peine de quoi, nous serions comme les trois milles morts du veau d’or (has véchalom).
Le message qui nous est délivré est sans équivoque. Il y a une nécessité absolue de reconnaître l’état dans lequel nous évoluons. Sommes-nous méritants ? Méritons-nous la bénédiction ? Il s’agit de question que beaucoup de gens se posent, seulement le manque d’objectivité dont ils font preuve les empêche de faire une réelle ascension, un réel progrès. C’est en faisant preuve d’un minimum d’objectivité que nous aussi serons capables de rabaisser notre égo afin de permettre et de comprendre nos erreurs et mériter ainsi la réparation de nos faute et l’accès rapide à la sainteté que nous avons perdue. Yéhi ratsone qu’Hachem nous envoie rapidement la dernière vache rousse afin de compléter cette réparation entamée par Moshé, et de rétablir la sainteté du peuple élu de Dieu amen véamen.
Chabbat chalom.
Y.M. Charbit