Parashat Ekev – 5776 – Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Ekev
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme de ‘Hanna bat Esther.
La parachat ékev débute par le rappel de la responsabilité de nos actes. Le respect de la torah et de ses mitsvot sera la garantie pour le peuple hébreu d’être préservé des souffrances et de recevoir la bénédiction. À ce titre, Moshé souligne l’importance de ne pas craindre les autres nations en rappelant les miracles extraordinaires qu’ont vécus les hébreux depuis leur sortie d’Égypte. La paracha se poursuit en énumérant divers remarques sur les fautes que le peuple a commises dans le désert, avec en particulier la faute du veau d’or qui a conduit Moshé à détruire les premières tables de la loi. La paracha se conclut par le second passage du chéma ainsi que la promesse de vaincre tous nos opposants si nous respectons la torah par amour envers Dieu.
Dans le chapitre 7, de Dévarim, la torah dit :
יב/ וְהָיָה עֵקֶב תִּשְׁמְעוּן, אֵת הַמִּשְׁפָּטִים הָאֵלֶּה, וּשְׁמַרְתֶּם וַעֲשִׂיתֶם, אֹתָם–וְשָׁמַר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לְךָ, אֶת-הַבְּרִית וְאֶת-הַחֶסֶד, אֲשֶׁר נִשְׁבַּע, לַאֲבֹתֶיךָ׃
12/ Et ce sera lorsque vous écouterez ces lois et de votre fidélité à les accomplir, Hachem, votre Dieu, sera fidèle aussi à l’alliance de bienveillance qu’il a jurée à vos pères.
יג/ וַאֲהֵבְךָ, וּבֵרַכְךָ וְהִרְבֶּךָ; וּבֵרַךְ פְּרִי-בִטְנְךָ וּפְרִי-אַדְמָתֶךָ דְּגָנְךָ וְתִירֹשְׁךָ וְיִצְהָרֶךָ, שְׁגַר-אֲלָפֶיךָ וְעַשְׁתְּרֹת צֹאנֶךָ, עַל הָאֲדָמָה, אֲשֶׁר-נִשְׁבַּע לַאֲבֹתֶיךָ לָתֶת לָךְ׃
13/Il t’aimera, te bénira, te multipliera, il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, ton blé, ton vin et ton huile, les produits de ton gros et de ton menu bétail, dans le pays qu’il a juré à tes pères de te donner.
יד/ בָּרוּךְ תִּהְיֶה, מִכָּל-הָעַמִּים: לֹא-יִהְיֶה בְךָ עָקָר וַעֲקָרָה, וּבִבְהֶמְתֶּךָ׃
14/ Tu seras béni entre tous les peuples; parmi toi comme parmi tes bêtes, aucun sexe ne sera stérile.
Ce premier verset de la Paracha, cache une réalité plus profonde que son sens premier, et s’avère faire référence à Rabbi Akiva comme nous allons le voir. Mais pour comprendre cela, une introduction est de mise.
La question que nous allons poser peut sembler surprenante, mais dans le fond, elle est particulièrement lourde de conséquence : comment écrit-on le nom de Rabbi Akiva ? Est-ce עקיבא ou עקיבה ? Comme chacun le remarque, la différence se fait sur la dernière lettre de son nom, est-ce un »א aleph » ou un »ה hé ». À ce titre deux avis se dégagent. En premier lieu, celui du Arizal qui explique que Rabbi Akiva est insinué dans les mots »אביר יעקב le puissant de Yaakov » dont les lettres sont l’anagramme de »רבי עקיבא Rabbi Akiva » avec la lettre »א aleph ». Toutefois, le Or Zarou’a explique que lorsqu’il se posait la question de savoir comment devait être écrit le nom de Rabbi Akiva, il lui a été montré en rêve le verset suivant (téhilim 97, verset 11) : « אוֹר, זָרֻעַ לַצַּדִּיק; וּלְיִשְׁרֵי-לֵב שִׂמְחָה La lumière se répand sur les justes, et la joie sur les cœurs droits. » dont les dernières lettres forment l’acronyme » ר’ עקיבה Rabbi Akiva » avec un »ה hé ». C’est suite à ce rêve qu’il a choisi de nommer son ouvrage »אוֹר זָרֻעַ Or Zarou’a ».
Nous voyons donc que les deux opinions trouvent une source. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans le talmud de Babylone, le nom de Rabbi Akiva est présent avec un »א aleph », tandis que dans le talmud Yérouchalmi, il figure avec un »ה hé ». Bien plus qu’un simple problème d’orthographe, se cache ici, une grande réalisation de Rabbi Akiva.
Le Arizal (cf Likoutei Torah sur parachat vayé’hi) dévoile que l’âme de Rabbi Akiva contenait une étincelle de celle de Yaakov. Cela est corrélé par la vie respective des deux personnages. En effet, Yaakov et Rabbi Akiva étaient tout deux bergers de leur beau-père. Tout deux ont eu deux femmes, Ra’hel et Léa pour Yaakov et Ra’hel la fille de Calba Savoua ainsi que la femme de Tournousropous qui s’est convertie, pour Rabbi Akiva.
À ce titre, le ‘Hidouché Harim (sur notre paracha) écrit que lors de sa naissance, Yaakov saisissait le »עקב talon » d’Essav. Cela mettait en scène la domination des descendants de Yaakov face à ceux d’Essav. Et Justement, pour parler des descendants d’Essav, la torah (à la fin de la parachat vayichla’h) emploie le mot »אלוף alouph » qui signifie les chefs. À ce titre, lorsque la torah énumère tous les »אלופים les chefs » d’Essav, Rachi (sur le premier verset de la parachat vayéchev) explique : « Yaakov a vu tous les chefs (descendants d’Essav) mentionnés au dessus (à la fin de la parachat vayichla’h) était surpris et a dit : »qui pourra s’opposer à tous ceux-là ? » Qu’est-il écrit ensuite ? »Voici les générations descendantes de Yaakov : Yossef ! » et il est écrit ailleurs (‘Ovadia, chapitre 18) »et ce sera que la maison de Yaakov sera du feu, la maison de Yossef sera une flamme, et la maison d’Essav sera comme de la paille ». Qu’une flamme sorte de Yossef et elle brûlera tout (de la maison d’Essav) ». Cela connote la domination de Yaakov face aux »אלופים les chefs » d’Essav. C’est pourquoi le ‘Hidouché Harim explique que la saisie de Yaakov sur le talon de son frère, symbolise cette domination, qui se matérialise par la capture du »א aleph » (dont la racine est la même »אלופים les chefs »)
Plus tard, ce »א aleph » figurera dans le nom de Rabbi Akiva qui est cette étincelle de l’âme de Yaakov. Ce »א aleph » est particulièrement marquant parce qu’il connote l’unité de par sa valeur numérique. Or, Essav duquel Yaakov a arraché cette lettre, va s’opposer à l’unité divine, et c’est peut-être ce que connote le titre que la torah confère à ses descendants »אלופים les chefs » qui tire sa base du »א aleph ». En effet, »אלופים les chefs », au lieu d’exprimer l’unité, suggère la multitude, car il fait référence aux milliers qui se disent en hébreu »אלף éléph ». En ce sens, Yaakov saisit cette lettre chez Essav, afin qu’il ne la bafouille pas au travers d’une opposition à l’unité d’Hachem, et par cela il évite qu’elle ne se manifeste au travers des »אלופים les chefs ».
C’est à juste titre que Rabbi Akiva a hérité de ce »א aleph » dans son nom, car sa fin de vie témoigne de ce combat entre l’unité divine dont témoignent les enfants de Yaakov, et la séparation, la multitude que représente Essav. En effet, le talmud (traité ména’hot, page 29b) raconte que lorsque Moshé Rabbénou est monté dans le ciel récupérer la torah, Hachem lui a montré la grandeur de Rabbi Akiva. Devant la splendeur des connaissances de cet homme, Moshé demande à Hachem comment finira-t-il. Hachem lui montre alors la mort de cet illustre personnage, torturé par les romains, descendants d’Essav, le dépeçant de sa peau avec des peignes de fer. Rabbi Akiva est mort en récitant avec joie les paroles du chéma. C’est alors qu’il prolongeait le dernier mot, le « אחד un », que sa néchama l’a quitté ! Or, comme nous l’avons mentionné, le »א aleph » a pour valeur numérique un. Par sa mort, Rabbi Akiva confronte sa représentation face à celle d’Édom, celle d’une lutte opposant l’unité d’Hachem à l’idolâtrie des descendants d’Essav.
Ce combat est tellement marqué dans la vie de Rabbi Akiva que son nom en comporte une trace explicite.
En effet, comme nous l’avons cité, c’est en tenant le »עקב talon » d’Essav, que Yaakov débute le combat dont nous parlons. Or, la torah, à la fin de la parachat Vayichla’h énumère tous les »אלופים les chefs » qui sont issus d’Essav. Il est remarquable d’en compter onze. Le combat que Yaakov marque en attrapant le »עקב talon » cible donc ces onze princes. Cela nous indique pourquoi, de tous les fils de Yaakov, seule la naissance de Yossef a rassuré le patriarche. Car rappelons le, Yossef est le onzième fils de Yaakov et préfigure l’opposition naturelle aux forces qu’incarnent les descendants d’Essav. Mais plus encore, cela explique que, l’homme qui incarnera par la suite ce combat, se nomme » עקיבא Akiva » qui peut se ré-écrire »עקב talon », puis »יא » dont la valeur numérique est onze !
Mais cette notion ne se termine pas à cela. Car, une fois que Rabbi Akiva quitte ce monde, il parvient à affirmer, face à Essav, l’unité d’Hachem. Or, dans son essence la plus profonde, le mal que représente Essav est incarné par un de ses descendants, il s’agit du peuple d’Amalek, ennemi juré d’Israël ! Comme nous l’avons remarqué à plusieurs reprises, ce nom, a pour valeur numérique 240, qui se trouve également être la valeur du mot »ספק le doute ». Le doute est ce qui vient se loger dans le cœur des bné-Israël et entame l’unité d’Hachem. Lorsque Rabbi Akiva récite le chéma face à ses opposants, il réduit et affaiblit ce peuple et ce qu’il représente.
En effet, comme le note Rachi (béchala’h, chapitre 17, verset 16) sur les mots qui font suite à la guerre contre Amalek : « ׁכִׁי-יָד עַל-כֵׁס יָה Car il y a une main sur le trône de Dieu », les mots »כֵׁס trône » et »ׁיָה Dieu », sont incomplets. Intégralement, il aurait fallu écrire כסא et יהוה . La suppression de ces lettres témoigne d’une « scission » dans les sphères célestes. Il apparaît donc que l’attaque physique de ce peuple, a provoqué une conséquence métaphysique extrêmement grave.
La première lettre qui disparaît lors du combat contre ce peuple est le »א aleph », car justement, il cherche à faire disparaître l’unité d’Hachem. Plus encore, les lettres qui sont ensuite supprimées sont le »וה », dont la valeur est onze ! Car justement, Amalek canalise les forces des onze chefs d’Essav et s’oppose au »וה ». Mais Yaakov avait devancé les choses et l’avait prise en gage pour la conférer à Rabbi Akiva qui va parvenir à annuler la tentative d’Amalek. C’est ensuite, une fois cela accompli, à la fin de sa vie, que Rabbi Akiva va vivre une transformation extraordinaire. Puisqu’il est mort pour l’unité du nom d’Hachem, pour contrer la séparation de son nom engendré par Amalek, alors Hachem change son nom et de »רבי עקיבא Rabbi Akiva », il devient » רבי עקיבה Rabbi Akiva », mais cette fois avec un »ה hé » !
Pourquoi le »ה hé » vient-il se substituer au »א aleph » ?
C’est là que le premier verset de notre paracha prend un sens extraordinaire : « וְהָיָה עֵקֶב תִּשְׁמְעוּן, אֵת הַמִּשְׁפָּטִים הָאֵלֶּה Et ce sera lorsque vous écouterez ces lois… ». Le premier mot « וְהָיָה Et ce sera » est en réalité un anagramme du nom d’Hachem »יהוה ». Sur cela, le ‘Hidouché Harim écrit que le texte en question fait référence à Rabbi Akiva. Car, au terme de sa confrontation avec les descendants d’Essav, Rabbi Akiva contribue à restituer le nom de Dieu, rendant les deux dernières lettres disparues lors du combat contre Amalek. À ce titre, de toutes les forces présentes dans Essav, il ne reste plus rien, puisque tout a été repris. Dans cette optique, nous trouvons d’une part le « וְהָיָה Et ce sera » qui contient les lettres intégrales du nom d’Hachem, et d’autre part le »עקב talon » duquel Yaakov a tout pris !
Dorénavant, par le mérite de son intervention, Hachem accorde à Rabbi Akiva le droit de posséder dans son nom, les deux lettres du nom divin qui étaient restées effectives, le »יה », afin que son nom connote parfaitement le travail dont il a été l’ouvrier : du »עקב talon » d’Essav, il est parvenu à restituer les lettres manquantes au »יה », et le »וה » reprend sa place. Par contre, le »וה » disparaît de chez Rabbi Akiva, c’est pourquoi le »יא » dont la valeur est identique est supprimé, ne laissant plus que »עקב talon ». C’est alors qu’en échange, en récompense, Hachem les remplace par le »יה », afin de symboliser son mérite. Dès lors, ces lettres incorporent son nom pour donner » רבי עקיבה Rabbi Akiva » !
Ainsi, les trois premiers mots de notre paracha expriment l’idée suivante : « וְהָיָה Et ce sera » dans le sens où Hachem s’exprime avec toutes ses lettres ; « עֵקֶב lorsque » qui fait référence à Rabbi Akiva qui est à l’origine de la réalisation du rétablissement du nom d’Hachem, « תִּשְׁמְעוּן vous écouterez » qui fait référence au chéma qui a été le vecteur de la réussite de Rabbi Akiva !
Nous voyons comment Rabbi Akiva, à lui seul, est parvenu à un haut niveau de réparation des conséquences désastreuses de l’existence de ce peuple. Yéhi ratsone, que chaque membre du peuple juif, puisse lui aussi repousser le doute présent dans son cœur, afin d’abolir définitivement ce mal qui ronge le monde. C’est alors que, les bénédictions qui suivent le premier verset que nous avons cité, pourront rapidement entrer en vigueur amen véamen.
Chabbat chalom.
Y.M. Charbit