PARACHAT Béshalla’h (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT BECHALA’H
Au lendemain de leur libération d’Egypte, les bné-Israël poursuivent leur voyage, guidés par Hachem. Pour les orienter, une colonne de nuée se dresse devant les hébreux le jour, et est remplacée par une colonne de feu la nuit afin de les éclairer en plus de les guider. Ainsi, après les avoir fait voyager, Hachem les fait revenir sur leurs pas et leur demande de camper devant Pi-Ha’hirot. L’Egypte, dévastée après les dix plaies qu’elle venait de subir, regrette le départ du peuple et décide de les poursuivre. C’est en les voyant arriver que les hébreux furent inquiets et se plaignirent de leur situation. Hachem leur demande alors d’avancer en direction de la mer, qui se fendit, permettant aux hébreux de la traverser. Les égyptiens les suivirent et virent les eaux de la mer se refermer sur eux ce qui causa leur mort. Suite à ce miracle, les bné-Israël entonnèrent une louange au maître du monde clamant sa puissance. Le prolongement de leur voyage dans le désert vida leur réserve d’eau et de nourriture ce qui mena les bné-Israël à se plaindre de nouveau. C’est alors qu’Hachem leur envoya la manne, ce mets particulier qui nourrit les hébreux durant tout leur périple. La Paracha se conclut par l’évènement de la guerre contre Amalek, seul peuple contre lequel Hachem demande la mise à mort, car il fut le premier à se lever contre le peuple d’Israël souhaitant le détruire.
Dans le chapitre 16, de Chémot, la torah dit :
:יא/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
11/ Hachem parla à Moshé en disant :
יב/ שָׁמַעְתִּי, אֶת-תְּלוּנֹּת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל–דַּבֵּר אֲלֵהֶם לֵאמֹר בֵּין הָעַרְבַּיִם תֹּאכְלוּ בָשָׂר, וּבַבֹּקֶר תִּשְׂבְּעוּ-לָחֶם; וִידַעְתֶּם, כִּי אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם׃
12/ J’ai entendu les plaintes des bné-Israël : Parle leur en disant : Entre les soirs vous mangerez de la viande et le matin vous serez rassasiés de pain, et vous saurez que Je suis Hachem votre Dieu.
:יג/ וַיְהִי בָעֶרֶב–וַתַּעַל הַשְּׂלָו, וַתְּכַס אֶת-הַמַּחֲנֶה; וּבַבֹּקֶר, הָיְתָה שִׁכְבַת הַטַּל, סָבִיב, לַמַּחֲנֶה
13/ Ce fut le soir, la caille monta, recouvrit le camp ; et au matin, il y avait une couche de rosée autour du camp.
:יד/ וַתַּעַל, שִׁכְבַת הַטָּל; וְהִנֵּה עַל-פְּנֵי הַמִּדְבָּר, דַּק מְחֻסְפָּס–דַּק כַּכְּפֹר, עַל-הָאָרֶץ
14/ La couche de rosée monta et voici, sur la surface du désert quelque chose de fin, exposé, fin comme le givre sur la terre.
טו/ וַיִּרְאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-אָחִיו מָן הוּא–כִּי לֹא יָדְעוּ, מַה-הוּא; וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, אֲלֵהֶם, הוּא הַלֶּחֶם, אֲשֶׁר נָתַן יְהוָה
לָכֶם לְאָכְלָה׃
15/ Les bné-Israël virent et dirent l’un à son frère : « C’est de la manne », car ils ne savaient pas ce que c’était. Moshé leur dit : « C’est cela le pain qu’Hachem vous a donné pour nourriture ».
Lors de notre traversée du désert, Hakadoch Baroukh Hou a assuré notre alimentation au travers de la manne, cette fameuse pâte tombée du ciel. Le midrach enseigne que ce mérite vient en réponse à l’attitude exceptionnelle d’Avraham Avinou, qui durant les souffrances de la circoncision, a fait l’effort d’accueillir les trois anges venus lui rendre visite et leur a servi du pain. Lors de cet événement avec les anges, Rachi (Béréchit, chapitre 18, verset 8) explique comment les anges peuvent se nourrir bien qu’étant d’origine spirituelle. Un principe de nos sages veut qu’en fonction de l’endroit où nous nous trouvons, il faut adopter la manière locale de se comporter. En clair, les anges se trouvant sur terre doit être vus comme des humains et à ce titre, comme eux, ils doivent manger. Cela est vérifiable lorsqu’à l’inverse c’est un homme qui est monté dans le ciel. En effet, Moshé pour obtenir la torah, est resté quarante jours auprès de Dieu et la torah atteste qu’il n’a ni mangé ni bu ! Ceci est physiquement impossible… sur terre ! Toutefois, Moshé se trouve à ce moment dans un monde parfaitement spirituel, un monde peuplé de d’êtres ne souffrant pas de la faim ! En ce lieu, Moshé également adopte le comportement d’usage et ne ressent plus le besoin de manger et boire. Plus précisément, la nourriture locale n’est plus matérielle mais spirituelle!
Nos sages décrivent la manne comme étant la nourriture des anges ! Cette information est d’une importance capitale dans le cheminement que vivent les bné-Israël. En effet, cette nourriture atteste d’un changement, d’un état qui n’est pas en adéquation avec le monde naturel. Comme nous venons de l’évoquer, sur terre il convient de se comporter « humainement » tandis que dans le ciel une attitude spirituelle est de mise. Dès lors, que signifie le fait de trouver une nourriture spirituelle, celle des anges, dans le monde des hommes ? Bien que provenant du mérite d’Avraham, la manne ne trouve pas sa place dans notre monde ! Un simple pain devrait convenir, pourquoi Hachem leur procure un repas qui ne correspond pas à l’environnement des hébreux, un environnement matériel ?
Le Sfat Émet (sur notre paracha, année 641) apporte un développement qui nous permet d’entrevoir la réponse. La manne n’est pas qu’un simple moyen de nourrir les bné-Israël, parce qu’en effet, si là se trouvait le but de Dieu, du simple pain aurait parfaitement suffi. La manne cache un objectif beaucoup plus raffiné. Il s’agit de préparer le peuple juif à recevoir la torah au mont Sinaï. Nos sages font une allusion à cela dans pirké avot (chapitre 3, michna 17) lorsqu’ils disent : « S’il n’y a pas de farine (pour se nourrir), il n’y a pas de torah ; et s’il n’y a pas de torah, il n’y a pas de farine ». Ceci est une allusion à l’ordre des événements qui se sont produits dans l’histoire des hébreux. À savoir que pour obtenir la torah, il a fallu avoir au préalable du pain. Ce pain est en réalité celui qui a précédé le don de la torah à savoir la manne. Par contre une fois la torah donnée, alors il y a à nouveau du pain qui en découle, à la différence cette fois, qu’il s’agit du pain produit sur terre, celui là même que nous devons manger en Israël lorsque la torah dit (Dévarim, chapitre 8, verset 10) :
וְאָכַלְתָּ וְשָׂבָעְתָּ וּבֵרַכְתָּ אֶת ה’ אֱלֹהֶיךָ עַל הָאָרֶץ הַטֹּבָה אֲשֶׁר נָתַן לָךְ
Tu mangeras, tu seras rassasiés et tu béniras Hachem ton Dieu sur la bonne terre qu’il t’a donnée.
Il existe une grande différence entre recevoir la torah et la transmettre. Recevoir la torah consiste à obtenir une puissance parfaitement spirituelle, chose extrêmement difficile à accomplir lorsque nous ne sommes que des hommes. Il s’agit d’« humaniser » le trésor de Dieu. Par contre, transmettre la torah est une tâche considérablement plus simple dans la mesure où elle est déjà donnée à l’homme. Transmettre une donnée humaine à un autre homme relève de la capacité de chacun, transformer le divin et le rendre accessible à l’homme requiert un tout autre niveau. C’est pourquoi intervient la nécessité d’accorder aux bné-Israël le moyen de réussir un tel exploit et de recevoir la torah de la bouche de Dieu. À ce titre, la manne intervient comme le moyen de les préparer à ce travail. Cette dernière permet aux bné-Israël de vivre une vie spirituelle dans des corps d’homme. Comme les anges, ils se nourrissent d’une alimentation divine. Ils parviennent à s’extraire du défaut humain, de ses limites et peuvent maintenant entrevoir et canaliser la torah ! Cette mission permettra ensuite aux autres générations de pouvoir obtenir une torah à leur portée et la conséquence sera qu’ils vivront en Israël et n’auront plus besoin de consommer la manne, le pain normal leur suffira !
À ce titre, un verset de notre paracha attire notre attention et le Sfat Émet (année 642) nous en révèle le sens. Dans le chapitre 15, le 27ème verset dit :
וַיָּבֹאוּ אֵילִמָה–וְשָׁם שְׁתֵּים עֶשְׂרֵה עֵינֹת מַיִם, וְשִׁבְעִים תְּמָרִים; וַיַּחֲנוּ-שָׁם, עַל-הַמָּיִם׃
Ils arrivèrent à Élim, et là-bas il y avais douze sources d’eau et soixante-dix dattiers ; ils campèrent là-bas près de l’eau.
En effet, ce verset surgit dans la paracha sans que nous n’en comprenions vraiment le sens. Le Sfat Émet explique qu’il vient faire une allusion et elle se trouve être en rapport avec notre développement. Le niveau des néchamot se décline en plusieurs étapes. Le départ débute avec une néchama, celle d’Adam Harichone qui va aboutir aux trois patriarches qui donneront douze tribus. Ces dernières créeront la base des soixante-dix âmes qui constitueront la famille de Yaakov. Celle-ci se développera durant son passage en Égypte en un peuple de 600000 âmes. Le verset dont nous parlons traite de ces nombres pour attester d’un progression proche de l’état d’origine, celui d’une famille de soixante-dix âmes issues de douze tribus. Les bné-Israël à leur sortie d’Égypte se perfectionnent, se sanctifient et retrouvent un niveau similaire à leurs ancêtres !
Cette progression intervient par la manne comme nous l’avons expliqué. La consommation de la manne permet de créer un état intermédiaire rapprochant le peuple de la sainteté requise pour le don de la torah !
Cela va dans le sens du dévoilement qui s’est produit durant la traversée de la mer. En effet, comme chacun le sait, le texte de la chira est écrit d’une façon particulière dans tous les sifré torah. Le texte est très large et très espacé. Cela s’oppose au texte de la paracha vayé’hi qui débute sans espace avec la paracha précédente. En temps normal un écart distingue deux parachyot ce qui n’est pas le cas pour la dernière paracha du livre de Béréchit, celle-là même qui entame l’exil d’Égypte. Rachi (Béréchit, chapitre 47, verset 28) enseigne que la raison de la « fermeture » de cette paracha se trouve dans le fait que l’exil débutant, la vision prophétique de Yaakov s’en trouve atteinte et ce dernier voulant dévoiler la fin des temps à ses enfants a été privé de sa capacité à voir le futur ! À l’inverse le Sfat Émet (année 664) enseigne que la chira se positionne à l’opposé de la fermeture de la prophétie ! Nos sages disent qu’en traversant la mer, même la plus petite des servantes a accédé à un dévoilement prophétique supérieur à ceux qu’ont connu les prophètes de l’histoire ! La chira se place donc dans l’expression ultime de la capacité prophétique et, contrairement à la paracha de vayé’hi qui débute sans espace, le passage de la chira est extrêmement étiré, écarté, afin d’insister sur le retour à la prophétie !
Ainsi le cheminement de notre paracha prépare le peuple d’Israël au don de la torah. Cela débute par un retour à la connaissance de Dieu par le passage dans la mer, puis à l’amélioration des bné-Israël par la consommation de la manne, donnant au peuple la possibilité de recevoir et de canaliser humainement la torah. Mais plus encore, tout ceci fait même allusion à la fin des temps. En effet, la différence entre la manière d’écrire la paracha de vayé’hi et la paracha de la Chira nous renseigne également sur ce sujet. Comme sus-mentionné, dans la paracha de vayé’hi, la prophétie de Yaakov a cessé alors qu’il voulait dévoiler la fin des temps. À contrario, Rachi (Chémot, chapitre 15, verset 1) remarque que le début de la chira est écrit au futur et non au passé. De là nos sages tirent la preuve que la résurrection des morts est mentionnée dans la torah. Puisque la torah parle au futur cela témoigne que l’événement dont elle traite est amené à se renouveler. En clair, les bné-Israël sont destinés à chanter la louange d’Hachem pour une délivrance prochaine.
Cela nous amène à la conclusion suivante. La sortie d’Égypte a conduit au don de la torah au travers d’une aide divine exceptionnelle nous permettant d’atteindre un niveau spirituel sans précédent. Toutefois l’objectif absolu du maître du monde n’est pas atteint durant cette période dans la mesure où le machia’h n’est toujours pas dévoilé. Cela nous laisse un espoir extraordinaire ! Celui de penser que l’intervention divine sera supérieure pour l’arrivée du machia’h. Cela laisse rêveur dans la mesure où il paraît extrêmement dur d’envisager des miracles supérieurs à ceux de la sortie d’Égypte ! Et pourtant c’est ce qui attend le peuple juif lors de l’arrivée du machia’h. Il convient donc à chacun de redoubler d’impatience et de se préparer d’avantage au dévoilement divin qui surviendra en ces temps qui sont de plus en plus proches !
Yéhi ratsone qu’Hakadoch Baroukh Hou nous accorde ce dévoilement rapidement et que tous les bné-Israël bénéficie d’une progression fulgurante dans leur proximité avec le créateur du monde amen véamen !!!
Chabbat chalom