L’intervention d’Amalek
PARACHAT Béshalla’h (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
L’intervention d’Amalek – PARACHAT Béshalla’h
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בס״ד
PARACHAT BECHALA’H
Au lendemain de leur libération d’Egypte, les bné-Israël poursuivent leur voyage guidés par Hachem. Pour les orienter, une colonne de nuée se dresse devant les hébreux le jour, et est remplacée par une colonne de feu la nuit afin de les éclairer en plus de les guider. Ainsi, après les avoir fait voyager, Hachem les fait revenir sur leurs pas et leur demande de camper devant Pi-Ha’hirot. L’Egypte, dévastée après les dix plaies qu’elle venait de subir, regrette le départ du peuple et décide de les poursuivre. C’est en les voyants arriver que les hébreux furent inquiets et se plaignirent de leur situation. Hachem leur demande alors d’avancer en direction de la mer, qui se fendit, permettant aux hébreux de la traverser. Les égyptiens les suivirent et virent les eaux de la mer se refermer sur eux ce qui causa leur mort. Suite à ce miracle, les bné-Israël entonnèrent une louange au maître du monde clamant sa puissance. Le prolongement de leur voyage dans le désert vida leur réserve d’eau et de nourriture ce qui mena les bné-Israël à se plaindre de nouveau. C’est alors qu’Hachem leur envoya la manne, ce met particulier qui nourrit les hébreux durant tout leur périple. La Paracha se conclut par l’évènement de la guerre contre Amalek, seul peuple contre lequel Hachem demande la mise à mort, car il fut le premier à se lever contre le peuple d’Israël souhaitant le détruire.
À la fin de la paracha, la torah dit dans le chapitre 17 :
יד/ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, כְּתֹב זֹאת זִכָּרוֹן בַּסֵּפֶר, וְשִׂים, בְּאָזְנֵי יְהוֹשֻׁעַ: כִּי-מָחֹה אֶמְחֶה אֶת-זֵכֶר עֲמָלֵק, מִתַּחַת הַשָּׁמָיִם׃
14/ Hachem dit à Moshé : Écris ceci en souvenir dans le livre et place aux oreilles de Yéhochoua ; que j’effacerai certainement le souvenir d’Amalek d’en-dessous des cieux.
טו/ וַיִּבֶן מֹשֶׁה, מִזְבֵּחַ; וַיִּקְרָא שְׁמוֹ, יְהוָה נִסִּי׃
15/ Moshé construisit un autel et appela son nom : « Hachem est mon miracle ».
טז/ וַיֹּאמֶר, כִּי-יָד עַל-כֵּס יָהּ, מִלְחָמָה לַיהוָה, בַּעֲמָלֵק–מִדֹּר, דֹּר׃
16/ IL dit : Car il y a une main sur le trône de Dieu. Dieu fait la guerre contre Amalek de génération en génération.
L’intervention d’Amalek dans cette paracha est subite et totalement inexpliquée. Les bné-Israël sortent de l’Égypte, et, sans raison apparente, un peuple, jusqu’alors inconnu, fait son apparition et souhaite notre mort. Pourquoi ? Quelles sont ses motivations ? La torah ne le mentionne pas ! Pire que cela, l’intervention de ce peuple est tellement grave, qu’Hachem affirme une chose extrêmement dur à concevoir : son nom, ainsi que son trône, ne seront plus complets, tant que ce peuple existera ! En effet, comme le note Rachi sur les mots « כִּי-יָד עַל-כֵּס יָהּ Car il y a une main sur le trône de Dieu », les mots כֵּס, trône, et יָהּ Dieu, sont incomplets. Intégralement, il aurait fallu écrire כסא et יהוה. LA suppression de ses lettres, témoignent d’une « scission » dans les sphères célestes. Il apparaît donc que l’attaque physique de ce peuple, a provoqué une conséquence métaphysique extrêmement grave. Pourquoi cette attaque est-elle si grave ? Ce n’est clairement pas la seule que les bné-Israël ont connu dans leur histoire, et pourtant, elle semble avoir les plus lourdes répercussions.
Tentons d’analyser plus en profondeur ce que recèle notre paracha afin de mieux comprendre ce qui se passe ici.
Pour cela, revenons à un événement antérieur, celui de la traversée de la mer rouge. Lorsque nous célébrons la fête de Pessa’h, nous lisons le fameux passage de « dayénou ». Ce passage contient un élément directement lié avec la traversée de la mer rouge. Ainsi dans une des étapes nous disons :
אִלוּ נָתַן לָנוּ אֶת מָמונָם וְלא קָרַע לָנוּ אֶת הַיָּם, דַּיֵינוּ
S’il nous avait cédé leurs biens, sans diviser la mer pour nous, cela nous aurait suffi.
Une question saute aux yeux lorsque nous abordons cette phrase. Comment pouvons-nous dire, que si Hachem n’avait pas ouvert la mer, cela nous aurait suffi ? Rappelons que les égyptiens étaient à notre poursuite, et que le passage par la mer est ce qui nous a sauvé. En clair, sans cette étape fondamentale, nous serions simplement morts !
En réalité, il existe une différence fondamentale entre le miracle de l’ouverture de la mer et les plaies qui ont frappé l’Égypte. En effet, nos sages enseignent que le bâton avec lequel Moshé Rabbénou a frappé l’Égypte, a été créé, juste avant le chabbat de la création du monde, au crépuscule. Il s’agit donc du moment où, Hachem avait fini la création du monde. Ce bâton vient donc faire suite à la création des lois de la nature, car son fonctionnement outrepasse clairement les simples règles qui gèrent notre monde. Nos sages enseignent que sur le bâton étaient gravées le nom des dix plaies. Cela vient mettre en avant l’idée selon laquelle, Hakadoch Baroukh Hou avait déjà mis en place l’outil de la futur sortie d’Égypte.
De même, le midrach enseigne, qu’Hachem a placé un condition à la création de la mer. Celle-ci devra s’ouvrir lors de la sortie d’Égypte, afin de se laisser traverser par les bné-Israël. Toutefois, un second midrach indique un élément intrigant : lors de notre arrivée, la mer a refusé de s’ouvrir ! Pourquoi et surtout comment la mer peut-elle refuser de respecter l’ordre d’Hachem ?
Il s’agit ici de comprendre que l’ange chargé de la mer, estime que le moment d’ouvrir le passage n’est pas encore venu. En effet, la durée de l’esclavage devait être de 400 ans. Et comme chacun le sait, il n’a finalement duré que 210 ans. Il s’avère donc qu’à juste titre, l’ange n’avait pas à ouvrir la mer ! D’où toute la splendeur de ce miracle. Contrairement aux plaies d’Égypte, il est le seul qui dépend d’un moment particulier. Les plaies, elles, sont initiées par le bâton, et ne dépendent pas d’un moment précis dans le temps. Il suffit qu’Hakadoch Baroukh Hou donne l’ordre à Moshé de se saisir du bâton, pour que les plaies apparaissent, comme cela a été prévu lors de la création du monde. Par contre, au moment de notre sortie, il est trop tôt pour que la mise en place du miracle de la mer ne s’active. Il manque encore 190 avant que l’évènement soit apte à s’accomplir ! D’où le refus de l’ange. Mais malgré tout, les bné-Israël vont traverser la mer. Ce qui signifie que plus que ceux qui ont précédé, le miracle de l’ouverture de la mer est extraordinaire. Car il ne s’inscrit plus dans le pré-établi, mais dans la nouveauté ! Pour tous les autres miracles, Hachem avait déjà créé les bases permettant leurs accomplissements. Mais pour l’ouverture de la mer, la base initialement mise en place lors de la création ne suffit plus. Il faut une intervention particulière d’Hachem et cette intervention n’entre plus dans le cadre des lois de Béréchit !
Et c’est cela que nous affirmons dans le passage de dayénou à Pessa’h. En somme, nous témoignons d’une intervention divine particulière et disons : « si tu nous avait libéré des égyptiens par un miracle pré-établi, qui entre dans le cadre de la création du monde, cela nous aurait suffit ! Mais tu es allé jusqu’à outrepasser toutes les règles pour nous sauver ! »
Un point ressort de cette analyse : la traversée de la mer a value aux bné-Israël de constater visuellement l’intervention du maître du monde ! Ils ont vu Hakadoch Baroukh Hou. C’est ce que nos sages disent dans le midrach : « Lors de la traversée de la mer rouge, la servante a vu, ce que Yékhezkel le prophète n’a pas pu voir ! ». Le dévoilement était total de par l’intervention spécifique du maître du monde. Ainsi, à cet instant précis, les bné-Israël sont conscients de l’existence de Dieu. Ils ne croient pas, ils ne doutent pas, ils savent ! L’adhésion avec Hakadoch Baroukh Hou est parfaite et totale ! Et c’est justement cela qui nous explique l’intervention d’Amalek à cet instant précis.
Lorsque les bné-Israël atteignent un tel niveau de conscience de la présence divine, ils remettent littéralement l’existence d’Amalek en cause. Effectivement, nos sages soulignes que la valeur numérique du mot Amalek est la même que celle du mot « safek » qui signifie le doute ! L’essence de ce peuple provient d’une perte de connaissance et de proximité entre les hommes et Hachem. Cette distanciation est issue de la faute d’Adam Harichone. Effectivement, le premier homme avait la chance de côtoyer Hachem visuellement. Suite à sa faute, Adam chute et crée un écart entre les hommes et leur créateur. Le doute apparaît et prend sa place dans le monde : Amalek est né ! La racine, la source et la vitalité de ce peuple provient de l’apparition du doute dans le monde. Plus les hommes doutent de l’existence d’Hachem, plus Amalek devient important. Au contraire, plus la présence du maitre du monde est affirmée, plus il s’affaiblit.
Au vu de ce que nous venons d’expliquer sur le miracle de la mer, nous pouvons maintenant comprendre les tenants et aboutissants de l’attaque d’Amalek. Nous ne comprenions pas la raison de cette attaque. Elle est maintenant claire. Suite au dévoilement sans précédent qu’ont connu les bné-Israël à la traversée de la mer, la croyance en Hachem devient totale ! Plus aucun hébreu ne doute. La racine d’Amalek perd toute consistance : il est sur le point d’être annihilé ! Si les bné-Israël parviennent à recevoir la torah, dans un tel état de connaissance de Dieu, alors la faute d’Adam Harichone est réparée ! De facto, Amalek et le doute qui l’accompagne sont éradiqués du monde ! C’est pourquoi, Amalek, menacé comme jamais, tente une attaque suicide ! Il se frotte au peuple qu’Hachem protège ! Ses chances de victoire sont nulles, mais là n’est pas son objectif ! Ce que cherche réellement Amalek n’est pas la victoire, mais simplement d’amenuiser cette foi totale. Rachi compare l’attaque d’Amalek à l’allusion suivante : en sortant d’Égypte, les bné-Israël étaient comparable à une marmite d’eau bouillante. Amalek s’est jeté dans la marmite et l’a refroidie !
Voilà donc pourquoi ce peuple s’en est prit aux bné-Israël à cet instant précis. Cela explique également pourquoi le nom ainsi que le trône d’Hachem ne seront pas complet tant que ce peuple existera. Effectivement, le trône du maître du monde symbolise sa royauté sur le monde, tandis que son nom est le symbole de l’éternité[1]. Ce sont donc deux notions qui caractérisent Hakadoch Baroukh Hou. Or, tant que le doute que symbolise Amalek existe, la royauté d’Hachem n’est pas complète puisque remise en cause. C’est pourquoi tant que ce peuple vivra, tant qu’un écart persistera entre nous et Hachem, sa gloire, sa royauté seront incomplètes.
Cela va dans le sens de ce que le Chaar Bat Rabim apporte au nom du Alchikh. Ce dernier remarque une sorte de répétition dans le verset 14 : « כִּי-מָחֹה אֶמְחֶה אֶת-זֵכֶר עֲמָלֵק que j’effacerai certainement le souvenir d’Amalek». Les mots en gras sont les mêmes, sauf qu’ils ne sont conjugués ni au même temps ni à la même personne. Le Alchikh explique cela en fonction d’un enseignement de nos sages. La guémara annonce que la venue du Machia’h peut survenir de deux façons: soit les bné-Israël sont méritants et la provoquent de façon précoce ; soit ils ne le sont pas, et elle viendra au temps fixé par Hachem. Ainsi, nous pouvons comprendre les mots en gras de la façon suivante. La venue du Machia’h dépend de l’état dans lequel se trouve Amalek. Tant que le doute persiste, la gloire d’Hachem, son trône, ne sont pas complet, et le dévoilement du Machia’h ne peut survenir. C’est pourquoi, Hachem dit à Moshé : מָחֹהאֶת-זֵכֶר עֲמָלֵק efface le souvenir d’Amalek ! À savoir que, si les bné-Israël sont méritants et arrivent d’eux-même à supprimer le doute que constitue Amalek, alors la venue du Machia’h sera avancée. Mais dans le cas contraire, אֶמְחֶה אֶת-זֵכֶר עֲמָלֵק J’effacerai (moi, Hachem) le souvenir d’Amalek ! C’est-à-dire que si les bné-Israël ne parviennent pas d’eux-même à détruire le doute, alors Hachem devra s’en charger lui-même afin de permettre la venue du Machia’h au moment prévu.
Nous comprenons pourquoi l’évènement concernant Amalek est si capital. Il est ce qui définit la délivrance que nous attendons. Il est la racine du doute, l’essence du mal, la raison même de notre éloignement d’Hakadoch Baroukh Hou ! Tant qu’il persiste, la nom d’Hachem est incomplet, et sa gloire ne peut s’installer intégralement dans le monde. Cela a pour conséquence d’empêcher la venue du Machia’h et de la délivrance. Par contre, si nous parvenons à nous reconnecter de façon totale à Hachem, alors nous serons à même de résorber l’écart qui nous éloigne de lui. Par cela, nous détruirons littéralement Amalek à sa racine, ce qui aura pour conséquence immédiate de faire venir Machia’h. La torah et les mitsvot sont la clef du système. Plus nous les étudierons et les pratiquerons, plus nous serons proches d’Hakadoch Baroukh Hou. Ainsi nous serons en mesure de nous lier parfaitement à lui, au point de faire disparaitre le doute à jamais. Par cela nous concrétiserons nous-même la venue de Machia’h biméra béyaménou, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat Chalom.
[1] Le nom י-ה-ו-ה est la contraction des trois temps, היה (passé), הוה (présent) et יהיה (futur).