Parashat Béhoukotay (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT Béhoukotaï :
La paracha de békhoukotaï clôture le troisième livre de la torah, vayikra. Elle présente une liste de conséquences au respect et au non-respect des commandements de la torah. Ainsi, Hachem cite dans un premier temps, une liste de sept bénédictions qu’il suscitera sur le peuple s’il respect les injonctions de la torah. Suite à cela, ces une série de quarante-neuf malédictions qui risque de s’abattre contre les bné-Israël s’ils se refusent à suivre la torah et les mitsvot.
Dans le chapitre 26 de Vayikra, la torah dit :
ג/ אִם-בְּחֻקֹּתַי, תֵּלֵכוּ; וְאֶת-מִצְוֹתַי תִּשְׁמְרוּ, וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם׃
3/ Si vous marchez dans mes décrets et que vous observez mes commandements, et que vous les accomplissez.
ד/ וְנָתַתִּי גִשְׁמֵיכֶם, בְּעִתָּם; וְנָתְנָה הָאָרֶץ יְבוּלָהּ, וְעֵץ הַשָּׂדֶה יִתֵּן פִּרְיוֹ׃
4/ Je donnerai mes pluies en leur temps, la terre donnera sa récolte et l’arbre du champ donnera son fruits.
ה/ וְהִשִּׂיג לָכֶם דַּיִשׁ אֶת-בָּצִיר, וּבָצִיר יַשִּׂיג אֶת-זָרַע; וַאֲכַלְתֶּם לַחְמְכֶם לָשֹׂבַע, וִישַׁבְתֶּם לָבֶטַח בְּאַרְצְכֶם׃
5/ Et le battage atteindra pour vous la vendange ; et la vendange atteindra l’ensemencement ; vous mangerez votre pain à satiété et résiderez en sécurité dans votre pays .
ו/ וְנָתַתִּי שָׁלוֹם בָּאָרֶץ, וּשְׁכַבְתֶּם וְאֵין מַחֲרִיד; וְהִשְׁבַּתִּי חַיָּה רָעָה, מִן-הָאָרֶץ, וְחֶרֶב, לֹא-תַעֲבֹר בְּאַרְצְכֶם׃
6/ Je donnerai la paix dans le pays ; vous vous étendrez et rien ne vous effraie ; j’éliminerai les animaux sauvages du pays ; et l’épée ne passera pas dans votre pays.
ז/ וּרְדַפְתֶּם, אֶת-אֹיְבֵיכֶם; וְנָפְלוּ לִפְנֵיכֶם, לֶחָרֶב׃
7/ Vous poursuivrez vos ennemis et ils tomberont devant vous par l’épée.
ח/ וְרָדְפוּ מִכֶּם חֲמִשָּׁה מֵאָה, וּמֵאָה מִכֶּם רְבָבָה יִרְדֹּפוּ; וְנָפְלוּ אֹיְבֵיכֶם לִפְנֵיכֶם, לֶחָרֶב׃
8/ Et cinq d’entre vous poursuivront cent, et cent parmi vous poursuivront dix mille ; vos ennemis tomberont devant vous par l’épée.
La paracha poursuit ensuite la liste des bénédictions qui attendent les bné-Israël s’ils respectent la torah. Sur le verset 4, Rachi apporte un commentaire intrigant. Lorsque la torah bénit les bné-Israël en promettant que l’arbre donne son fruit, elle parle des arbres stériles. À savoir, qu’à l’époque de machia’h, les arbres non-fruitiers, se mettront à produire de nouveaux fruits. Cette bénédiction semble aussi extraordinaire qu’improbable. Il s’agit de faire apparaître une nouveauté dans la création, car ces arbres, qui jusqu’alors ne produisaient rien, se mettront subitement à germer pour faire apparaître un fruit qui n’existe actuellement pas. Ceci semble difficile à comprendre en vertu d’un principe enseigné dans Kohélet (chapitre 1, verset 9) : « מַה-שֶּׁהָיָה, הוּא שֶׁיִּהְיֶה, וּמַה-שֶּׁנַּעֲשָׂה, הוּא שֶׁיֵּעָשֶׂה; וְאֵין כָּל-חָדָשׁ, תַּחַת הַשָּׁמֶשׁ Ce qui a été c’est ce qui sera; ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera: il n’y a rien de nouveau sous le soleil! ». De là, nous apprenons que depuis la création du monde, tous les éléments qui le compose sont définis. Du coup, aucune nouvelle création ne peut voir le jour. L’ensemble des minéraux, des végétaux, des animaux est fixé depuis Béréchit, et cet ensemble est parfaitement immuable ! D’où la difficulté posée par l’enseignement de Rachi qui affirme, qu’à l’époque messianique, de nouveaux fruits pousseront des arbres non-fruitiers !?
Pour tenter d’apporter un élément de réponse, il convient de revenir brièvement sur un développement que nous avons déjà fait concernant la paracha de Béréchit. Suite à sa faute, Adam Harichone, se voit punit par Dieu. Cependant, l’homme n’est pas le seul à subir une sanction à cet instant. La terre, également est pénalisée. Sur place, Rachi nous explique la cause de cette sanction. Lorsque Dieu a ordonné à la terre de faire pousser des arbres produisant des fruits qui seront du même goût que l’arbre, la terre a « désobéit ». Elle s’est contentée de produire des arbres fruitiers, cependant, l’arbre lui-même est dépourvu de goût. Devant le non-respect de l’ordre d’Hachem, la terre reçoit un châtiment en même temps que l’homme. De ce commentaire apparaît une interrogation évidente. Seul l’homme est pourvu du libre-arbitre. Il est le seul capable de faire ses propres choix et nulle autre créature ne peut se revendiquer d’un tel privilège. Comment concevoir alors que la terre puisse se dérober à l’ordre d’Hakadoch Baroukh Hou ?
Sans trop entrer dans les détails que nous avions alors abordé, nous allons nous borner à une simple idée. La terre n’a absolument pas désobéit à Hachem, c’est même le contraire. Comme chacun le sait, Hachem a créé l’homme à son image. Dans cette mesure, puisque lui-même est le créateur, il attend de l’homme qu’il participe à sa création, en la complétant. Par définition, s’il existe une chose à compléter c’est bien que la création en question est incomplète. D’où la nécessité de définir le cadre de ce qui est parfait, et de le créer dans un état imparfait. La perfection telle que souhaitée par Hachem est formulée dans l’ordre qu’il donne à la terre : faire pousser des arbres produisant des fruits du goût de l’arbre. Toutefois, si les choses avaient été créées telles quelles, alors l’homme ne pourrait pas agir et les compléter. D’où le besoin de créer un manque, une carence que l’homme sera chargé de combler. C’est pourquoi, la terre se limite à produire des arbres fruitiers qui n’ont eux-mêmes pas de goût. Par cela, le rôle de l’homme prend toute son ampleur, car il peut dorénavant parfaire la création de Dieu !
De là apparaît une notion basique. Lors de la création du monde, Hakadoch Baroukh Hou a définit un potentiel au monde. Ce potentiel n’est pas atteint lors de la création, c’est à l’homme de le révéler de par son action.
La question qui se pose est la suivante : comment l’action de l’homme peut-elle avoir un lien avec l’expression totale du potentiel de la terre ? Pourquoi l’intervention de l’homme a t-elle un impact si grand sur le monde ?
Pour comprendre cela, il faut insérer un notion de Hazal. Ces derniers nous apprennent que l’homme est le microcosme de l’univers ! Dans un aspect métaphysique, l’homme résume toute la création à lui seul. De façon plus précise, la sphère universelle se condense par couche pour aboutir à la formation de l’homme. Mais le point clef du raisonnement est qu’en plus d’être en tout point similaire au monde, l’homme est issu du monde ! Comme la torah l’enseigne, c’est à partir de la terre que le premier homme est formé ! D’où le nom choisit : Adam, qui provient du mot Adama (la terre). L’objectif de l’utilisation de la terre comme matériel de base de notre création est finalement évident. Car de la sorte, lorsque l’être humain agit, il use des composants de sa constitution. En clair, lorsque l’homme agit, c’est la terre ou plus précisément, l’univers qui agit à travers lui. Ainsi, lorsque l’homme s’élève, qu’il exprime tout son potentiel, il répercute son élévation sur toute la création qui progresse avec lui. Par cela, il parvient à s’associer avec Hachem et à compléter sa création !
Au vu de ce que nous venons d’expliquer, un commentaire du Sfat Émet (sur békhoukotaï, année 644) va nous apporter un éclaircissement phénoménal sur notre questionnement initial. Le Sfat Émet explique qu’en tant que miniature de la création du monde, l’homme en comporte nécessairement tous les éléments. Ainsi, de même que dans le monde il existe des arbres produisants des fruits et des arbres qui n’en produisent pas, il doit donc exister dans l’action de l’homme, une notion similaire. Or comme chacun le sait, il existe trois types de commandements qu’Hachem a demandé à l’homme d’accomplir. La première catégorie est celle des Édout, les témoignages. Cela se réfère aux mitsvot telles que le chabbat qui témoigne que Dieu est le créateur, ou encore les fêtes, qui attestent de son action dans le monde. Viennent ensuite les michpatim. Il s’agit des lois compréhensibles, tel que ne pas tuer, ne pas voler… . Et enfin, les ‘houkim, ces lois dont le sens nous échappe complètement, comme l’interdiction de mélanger le lait et la viande.
Ainsi, le Sfat Émet établi une corrélation intéressante. Les michpatim, ces lois logiques, sont les actions auxquelles l’homme trouve un sens, un goût. (il est remarquable de noter qu’en hébreu, le mot « goût » et le mot « sens » se disent « taam ».) Elles sont comparables aux arbres fruitiers. En effet, l’arbre fruitier exprime intégralement son potentiel, il produit des fruits. Parallèlement, lorsqu’un homme accomplie une mitsvah qui entre dans la catégorie des michpatim, il en saisit le sens et atteint le potentiel de la mitsvah. Par contre, les mitsvot qui sont incompréhensible, les ‘houkim, ne peuvent être perçues dans leur profondeur par celui qui les pratique. L’être humain n’en saisit pas le concept, il n’exprime aucun sens ni but à cette action (si ce n’est d’obéir à Hachem). La réalisation du potentiel de ces mitsvot semble inaccessible. À ce titre, ce type de commandement correspond aux arbres stériles, ceux-là même qui n’expriment pas leur potentiel de produire des fruits ! De fait, lorsque l’homme s’investit de ces mitsvot, qu’il les réalise bien qu’il ne les comprenne pas, il permet la réalisation et la conceptualisation de ces dernières. Il crée par cela une réalité dans laquelle ce qui n’a pas de goût parvient quand-même à s’exprimer. Les répercutions deviennent alors palpables et apparaissent sur terre. De même que l’homme, en tant que microcosme, dévoile le potentiel de ce qui n’a pas de sens ni de goût à ses yeux ; de même, dans le monde, ce qui n’exprimait pas son potentiel, ce qui n’avait pas la capacité de produire un goût, devient alors capable de le faire. L’arbre stérile peut dans cette mesure, exprimer son potentiel refoulé et produire des fruits.
Mais c’est là que se fait toute la différence. Il ne s’agit pas de produire des fruits nouveaux ! Comme nous l’expliquions au début, ceci est impossible. Il s’agit de comprendre que ces fruits sont déjà inscrit dans le potentiel génétique de l’arbre. Seulement, ce dernier ne dispose pas de la vitalité requise pour les produire. Ce n’est que l’action de l’homme, qui peut lui fournir la puissance requise ! C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle la paracha débute par les mots « אִם-בְּחֻקֹּתַי Si mes décrets». Il s’agit bien de respecter les ‘houkim, ses lois qui sont en corrélation avec les arbres stériles.
Lorsque nous nous penchons réellement sur la question, nous voyons que l’ensemble de la paracha suit cette ligne directrice. À savoir, celle de l’action de l’homme destinée à parachever le monde. Car comme nos sages l’enseignent, lorsque ce dernier sera complété, alors il s’agira de l’époque messianique. Or notre paracha commence par sept bénédictions. Ces dernières sont dépendantes du respects des mitsvot. Ainsi, lorsque les bné-Israël suivront le chemin de la torah alors en premier lieu, les arbres donneront leurs fruits. Cela fait référence au parachèvement de la création comme nous l’avons expliqué. Ensuite, la torah atteste que les hommes mangeront à satiété. Par cela, nous entendons l’absence des problèmes liés à la parnassa. L’homme pourra alors cesser de se consacrer à trouver de quoi manger. Suite à cela, la torah garantie la paix. Cela nous laisse entrevoir la possibilité de nous débarrasser de tous les soucis qui nous empêchent de nous consacrer à la torah. Après cela, Hachem promet de supprimer nos ennemis. Évidement cela peut être interprété comme la suppression du yester hara, qui nous retient de faire le bien. Apparaît ensuite la bénédiction dans le domaine de l’enfantement, ce qui permettra de répandre les bné-Israël et la torah. Le retour du beth hamikdach sera la conséquence logique de tous ces évènements, comme nous l’assure la torah immédiatement après. Et enfin, Hachem déclare pour conclure les bénédictions, « Je marcherai parmi vous, et je serais pour vous un Dieu et vous serez pour moi un peuple ». Cela correspond à la dernière étape, celle où notre rapprochement vers Hachem sera parfait, et sa connaissance sera répandue dans le monde. Ce moment que nous attendons depuis des siècles et qui, si nous respectons enfin la volonté d’Hakadoch Baroukh Hou, sera bientôt à notre porté, Amen ken yéhi rastone.
Chabbat Chalom.