Parashiyot Béhar – Béhoukotay (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHIYOT BEHAR-BÉKHOUKOTAÏ
La paracha béhar traite de deux années particulières: l’année de chémita c’est-à-dire l’année durant laquelle la terre est mise en jachère, et l’année du Yovel (jubilé). La torah détaille donc les règles à suivre durant ces deux années, en passant par la libération des esclaves, les règles que doit suivre un propriétaire vis-à-vis de son esclave aussi bien hébreu qu’étranger, ou encore le retour des terrains vendus à leurs propriétaires d’origines..
La paracha de bé’houkotaï clôture le troisième livre de la torah, vayikra. Elle présente une liste de conséquences au respect et au non-respect des commandements de la torah, en citant dans un premier temps la bérakha que suscitera Hachem sur le peuple s’il respect les injonctions de la torah, puis en détaillant ensuite la malédiction qui risque de s’abattre dans le cas contraire.
Dans le chapitre 26 de Vayikra, la torah dit :
ג/ אִם-בְּחֻקֹּתַי, תֵּלֵכוּ; וְאֶת-מִצְוֹתַי תִּשְׁמְרוּ, וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם׃
3/ Si vous marchez dans mes décrets et que vous observez mes commandements, et que vous les accomplissez.
ד/ וְנָתַתִּי גִשְׁמֵיכֶם, בְּעִתָּם; וְנָתְנָה הָאָרֶץ יְבוּלָהּ, וְעֵץ הַשָּׂדֶה יִתֵּן פִּרְיוֹ׃
4/ Je donnerai mes pluies en leur temps, la terre donnera sa récolte et l’arbre du champ donnera son fruits.
Sur ces versets, Rav Friedman (shvilei Pin’has, bé’houkotaï, 5772) apporte un commentaire époustouflant. Rachi commente plusieurs points sur ce passage. En premier lieu, il explique que suivre les décrets d’Hachem consiste à se fatiguer pour l’étude de la torah. La garde des mitsvot se base sur l’intention d’étudier la torah dans le but d’en pratiquer et d’observer les commandements. Enfin, la pluie qui vient en son temps se réfère aux moments où les gens n’ont pas l’habitude de se trouver dehors, comme les nuits de chabbat.
Sur ce passage, deux questions se posent. La première se porte sur le lien entre la pluie et l’effort dans l’étude. Pourquoi Rachi précise t-il que l’effort de la torah est la condition que la torah impose pour que la bénédiction de la pluie de déverse sur la terre. Plus encore, nos sages dans le traité taanit (page 7b) affirment que la pluie n’est retenue qu’à cause du bitoul torah (manquer l’occasion d’étudier la torah) !! D’autant que le rapport entre la torah et la pluie doit être établie. Certes, il s’agit d’une récompense importante car elle se réfère à la parnassa. Toutefois, beaucoup d’autres choses pourraient nous être promises. Quelle est la spécificité de la pluie pour être la récompense de l’étude intensive dans l’objectif de pratiquer les mitsvot ?
Secondement, pourquoi Rachi place le temps idéal pour la tombée de la pluie durant les nuits de chabbat ? Dire qu’il s’agit uniquement des moments où les gens ne sont pas dehors est forcément incomplet dans la mesure où chaque nuit, nous pourrions trouver des horaires tardives où les gens ne sortent plus (du moins à l’époque). Quelle est la particularité des nuits de chabbat ?
En ce qui concerne la pluie elle-même, nos sages affirment deux choses surprenantes (traité taanit page 7 a et b) : « Le jour de la pluie est aussi grand que celui du don de la torah » et « Le jour de la pluie est aussi grand que celui de la création du monde ». Les comparaisons de nos sages ne sont pas de simples paraboles et il convient de tenter de comprendre l’essence de leurs propos.
Pour tenter de comprendre, arrêtons-nous sur une histoire très connue apportée par le talmud (traité taanit page 23a) :
« Nos sages enseignent : Il arriva une fois que la majeure partie du mois d’Adar était passée et que la pluie n’était toujours pas tombée de la saison. Ils envoyèrent un message à ‘Honi Hamé’aguel (‘Honi le traceur de cercle) : « Prie et la pluie tombera ». Il pria mais aucune pluie ne tomba. Il traça un cercle et se tint à l’intérieur de la même façon qu’avait agit le prophète ‘Habakouk comme il est dit : « Je me tiendrai à mon poste et je m’installerai à mon siège etc ». Il dit (‘Honi) : » Maître de l’univers ! Tes enfants ont tourné leur visage vers moi car je suis devant toi, comme un membre de la maison. Je jure par Ton grand Nom qu je ne bougerai pas d’ici jusqu’à ce que tu aies pitié de tes enfants ». La pluie commença alors à tomber goutte à goutte. Ses élèves lui dirent : « Notre maître, nous désirons te voir et ne pas mourrir, il nous semble que la pluie ne tombe que pour te délier de ton serment ». Il dit : » Ce n’est pas une telle pluie que j’ai demandée, mais une pluie abondante, apte à remplir les citernes, les canaux et les grottes ». Les pluies commencèrent alors à tomber avec furie au point que chaque goutte était de la taille de l’embouchure d’une cruche. Et les sages estimèrent qu’aucune goutte était inférieur à un Log (quantité comprise entre 345,6 et 600 cm3). Ses élèves lui dirent : « Notre maître, nous désirons te voir et ne pas mourrir, il nous semble que ces pluies ne tombent que pour détruire le monde ». Il dit : « Ce n’est pas une telle pluie que j’ai demandée, mais des pluies d’agrément, de bénédiction et de générosité ». Les pluies tombèrent alors de façon normale et continuèrent jusqu’à ce que tout le peuple soit contraint de gravir le mont du temple en raison des pluies. Ils lui dirent : « Notre maître, de même que tu as prié pour qu’il pleuve, prie aussi pour que cela s’arrête ». Il leur dit : « Voici la tradition que j’ai reçu de mes maîtres : on ne prie pas pour qu’une abondance de bien cesse. Néanmoins, apportez moi un taureau pour la confession des fautes ». Ils lui apportèrent et il appuya ses deux mains dessus et dit : « Maître de l’univers ! Ton peuple Israël, que tu as fait sortir d’Égypte, ils ne peuvent supporter ni une abondance de bien, ni une abondance d’infortune. Tu T’es emporté contre eux et ils ne peuvent le supporter. Tu as répandu sur eux une abondance de bien, et ils ne peuvent le supporter. Que Ta volonté soit que les pluies cessent et que le soulagement parvienne au monde ». Immédiatement, le vent se mit à souffler, les nuages se dispersèrent et le soleil apparut. Le peuple sortit dans les champs et ils ramenèrent pour eux des truffes et des champignons. Chimone Ben Chata’h lui envoya le message suivant : » Si tu n’étais pas ‘Honi, je prononcerais un bannissement contre toi. De plus, si ces années avaient été comparables aux années d’Élie le prophète, alors que les clefs de la pluie étaient entre ses mains, le Nom céleste n’aurait-il pas été profané à cause de toi ? Mais que puis-je te faire parce que tu fautes devant Hachem et il exauce ton souhait comme un fils qui faute envers son père et son père exauce son souhait. Le fils dit : « Père, emmène moi me baigner dans l’eau chaude et rince moi à l’eau froide ; donne moi des noix, des amendes, des pêches et des grenades : et son père les lui donne. Sur toi la torah déclare : « Puissent ton père et ta mère se réjouir, et puisse celle qui t’a enfanté être heureuse ».
Il convient de tenter de comprendre l’attitude de ce tsadik. Pourquoi dessiner un cercle et entrer dedans ? Pour jurer sur le nom de Dieu ? Pourquoi, est-ce spécifiquement vers lui que les gens se sont tournés ? Comment pouvait-il être aussi sûr de recevoir une réponse favorable ?
Le premier verset de la torah, nous permet d’aborder une idée particulièrement intéressante.
בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים, אֵת הַשָּׁמַיִם, וְאֵת הָאָרֶץ
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
Nos sages enseignent que le mot רֵאשִׁית (réchite) fait référence à la torah, car Dieu à contempler la torah pour créer le monde. Le verset doit donc être compris comme « avec la torah, Dieu créa le ciel et la terre ». Le Baal Hatourim précise que la première lettre, le ב (beth) a pour valeur numérique deux. Ainsi, la torah atteste que c’est par les deux torah, écrite et orale que le monde a été créé. L’auteur du Igra dékala (section béréchit) ajoute que la suite du verset insinue cela par la création du ciel qui renvoie à la torah écrite renvoie puis ensuite de la terre qui concerne la torah orale.
Peut-être pouvons-nous comprendre cela par le fait que la torah écrite a été transmise du ciel par Hachem lui-même. De fait, il n’y a rien à y ajouter. Par contre, la torah orale est l’apanage des sages chargés de l’étudier et de la travailler, c’est pourquoi elle est symbolisée par la terre.
Ainsi, nous pouvons définir le lien profond qui uni l’étude de la torah et la bénédiction de la pluie. Rachi expliquait qu’à la condition que nous fassions des efforts dans l’étude de la torah nous aurons la pluie. L’étude intensive de la torah se fait par la compréhension de la torah orale et qui nous permet d’éclaircir les secrets de la torah écrite. Cela a pour conséquence l’union la plus parfaite de ces deux versions de la torah qui sont finalement dépendantes l’une de l’autre. En unissant la torah écrite avec son explication, la torah orale, alors nous unions ce qu’elles représentent : le ciel et la terre ! Dès lors nous méritons la pluie qui est le symbole de cette union : elle tombe du ciel et nourrit la terre !
Nous comprenons par là, ce qu’affirment nos sages : « Le jour de la pluie est aussi grand que celui du don de la torah ». Car, en effet, la pluie correspond à l’union du ciel et de la terre qui résulte du mérite des bné-Israël qui unissent torah orale et écrite ! De même : « Le jour de la pluie est aussi grand que celui de la création du monde », car le ciel et la terre ne sont maintenus que par le mérite de l’étude de la torah. Or la pluie constitue l’expression de cette étude au travers de l’union !
Nous pouvons également envisager d’expliquer l’attitude de ‘Honi Hamé’aguel dont le talmud (taanit, page 23a) atteste qu’il était capable de fournir les réponses à chacune des questions des sages de son époque. Il était l’incarnation du labeur de l’étude de la torah. Qui mieux que lui était donc apte à faire tomber la pluie ? C’est d’ailleurs ce qui a voulu signaler par le cercle qu’il a tracé. Le cercle correspond à la lettre ס (samé’h) qui vaut soixante. Or il existe soixante traité de talmud (cf, midrach rabba sur chir hachirim chapitre 6, verset 8). À ce titre, lorsqu’il prie pour la pluie qui témoigne de l’union du ciel et de la terre résultant du mariage des deux torah, ‘Honi dessine cette lettre en forme de cercle et y pénètre, afin d’attester qu’il existe soixante traités de torah orale et que toute sa vie il s’est trouvé à l’intérieur de par son étude intensive.
Enfin, le choix de Rachi ciblant les soirées de chabbat comme propices pour la tombée de la pluie se comprend parfaitement au vu des propos du Tour (Ora’h ‘Haïm, simane 290) : « La torah a dit devant Hakadoch Baroukh Hou : » Maître de l’univers, quand les bné-Israël entreront en terre d’Israël, celui-ci courra pour sa vigne, celui-là pour son champs, qu’en sera t-il de moi ? « » Il lui a répondu : » J’ai un conjoint avec lequel t’unir, il s’agit du chabbat durant lequel, il cesseront leur travaux et pourront s’occuper de toi » ».
Une fois de plus nous voyons l’impact de la torah dans notre monde. Comme nous l’avions rappelé plus haut, la pluie n’est retenue que par le bitoul torah. Cela signifie que lorsque notre attitude ne permet plus l’union de la torah et de son explication, alors les conséquences se font ressentir dans notre monde, qui se voit privé de l’eau qui est à la source de la vie. Nos sages nous enjoignent en permanence à redoubler d’efforts quant à notre étude quotidienne. Notre commentaire met en relief ce que nos sages affirment pat ailleurs dans le midrach : Dieu est prêt à pardonner, le meurtre, l’idolâtrie et l’adultère, mais Il ne pardonne pas le bitoul torah. Il est clair que l’étude de la torah constitue la base de l’élaboration du judaïsme car sans étude, pas de pratique. De fait, la émouna ne peut se développer que par une étude assidue qui sera garante d’une bonne pratique des mitsvot ! Yéhi ratsone que chaque juif comprenne l’importance de cette mitsvah essentiel et se focalise vers le développement de ses connaissances et de son rapprochement vers Hachem, amen véamen !
Chabbat chalom.