Parachat Pin’has (5777)
Yéhouda Moshé Charbit
Parachat Pin’has
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בס »ד
PARACHAT PIN’HAS
Notre parachat fait suite au zèle dont a fait preuve Pin’has lors de la faute commise par les bné-israël avec les femmes de Moav. En effet la paracha précédente se conclut en racontant que suite aux fautes de relations interdites et d’idolâtrie, une épidémie frappe le peuple, qui perd 24000 des siens. En effet, Zimri, chef de la tribu de Chimone, prend publiquement une femme midianite pour commettre une faute avec elle. Devant une telle effronterie, Pin’has transperce Zimri et la midianite d’un javelot pendant qu’ils commettaient encore la faute. Devant le courage sans faille de Pin’has, Hachem lui accorde une alliance particulière : bien que non qualifié à la prêtrise des enfants d’Aaron, Dieu déroge à la règle et lui octroie le titre de Cohen. Au terme de l’épidemie, Hachem demande à Moshé de recenser à nouveau les bné-Israël. À l’approche de l’entrée du peuple en terre promise, les filles de Tsélofrad, mort sans laisser d’héritier, s’inquiètent de la perte potentielle de l’héritage de leur père. À ce titre, elles demandent à Moshé de leur dire ce qu’il allait advenir de la part de leur défunt père dans la répartition du pays. C’est suite à leur intervention qu’Hachem enseigne à Moshé les lois de l’héritage. Notre paracha se conclut par les différents sacrifices que la torah réclame au cours des jours de fête et du reste de l’année.
Dans le chapitre 28 de Bamidbar, la torah dit :
:טו/ וּשְׂעִיר עִזִּים אֶחָד לְחַטָּאת, לַיהוָה, עַל–עֹלַת הַתָּמִיד יֵעָשֶׂה, וְנִסְכּוֹ
15/ De plus, un bouc pour expiatoire, en l’honneur de l’Éternel, à offrir indépendamment de l’holocauste perpétuel et de sa libation.
La guémara rapporte (traité ‘houline, page 60b) : « Rabbi Chim’one Ben pazi a opposé deux versets : il est écrit : »et Hachem a fait les deux grands luminaires ». Ce verset suppose que les deux astres, la lune et le soleil, sont aussi grands l’un que l’autre puisqu’ils sont mis sur le même pied d’égalité dans ce verset. Mais il est écrit ensuite : » Le grand luminaire pour régner le jour, et le petit luminaire pour régner la nuit ». Ce deuxième verset distingue clairement la taille du soleil par rapport à celle de la lune. C’est pourquoi nos sages expliquent ce qu’il s’est passé. La lune a dit devant Hakadoch Baroukh Hou : Maître du monde ! Est-il possible pour deux rois de se servir de la même couronne ? Il lui a répondu : Va ! Et diminue toi ! Elle a alors repris : Parce que j’ai dit un argument convenable et acceptable, je devrais me diminuer ? Hachem suggère alors : Eclaire le jour et la nuit. La lune argumente encore : Quel est l’intérêt à cela ? La lumière de la lune est inutile le jour. Hachem continue de la réconforter : Va ! Et dorénavant, les tsadikim seront appelés par ton nom : Yaakov hakatane, Chmouël Hakatane, David Hakatane. (le mot katane signifiant »petit » comme référence à la lune). En voyant qu’elle ne s’apaisait pas, Hakadoch Baroukh Hou dit : »Apportez pour moi une kapara (une rédemption) parce que J’ai réduit la lune ! » Cela correspond à l’enseignement de Rech Lakich : En quoi le Bouc de Roch ‘Hodech est-il différent des autres sacrifices pour que la torah dise »pour Hachem » ? (cf le verset que nous avons cité) Hakadoch Baroukh Hou a dit : Ce bouc sera une réparation parce que j’ai réduit la lune ! » »
Ce texte bien connu nous laisse songeur et amène beaucoup de questions. En premier lieu, il convient de préciser que le débat rapporté par la guémara est en réalité le débat entre Hachem et l’ange chargé se s’occuper de la lune. Sous cet angle, nous ne comprenons pas comment un tel débat peut avoir lieu, dans la mesure où, les anges sont dénués de libre-arbitre et ne peuvent absolument pas commettre de faute. Dès lors, comment concevoir que l’ange de la lune puisse critiquer l’égalité avec le soleil et désirer s’emparer de la grandeur, quand nous s’avons qu’il s’agit d’une démarche négative. Cette attitude est celle d’un homme motivé par son mauvais penchant qui nourrit son orgueil. L’ange ne devrait donc pas être concerné par ce genre de réflexion ?
Plus encore, la lune s’étonne de sa sanction et rétorque à Hachem « Parce que j’ai dit un argument convenable et acceptable, je devrais me diminuer ? » En quoi son argument est-il correct ? Voyant qu’elle subit une sanction, elle devrait se rendre compte de son erreur et pourtant elle persiste. Pourquoi maintient-elle son raisonnement qui se veut, à l’évidence, nourrit de yetser hara et donc mauvais ?
C’est passé ce cape, que les choses deviennent encore plus surprenantes. Hachem au lieu d’infirmer ses dires et lui démontrer qu’elle se trompe, semble aller dans son sens et lui accorde des récompenses pour la consoler. C’est invraisemblable ! Si son argument est réellement bon, alors pourquoi la punir ?
Enfin, Hachem semble tellement s’en vouloir, qu’Il nous réclame une offrande pour réparer l’erreur ! De deux choses l’une : s’il s’agit bien d’une erreur pourquoi serait-ce aux bné-Israël d’apporter un sacrifice pour la réparer ? Et plus encore, la notion d’erreur ne devrait-elle pas être inexistante auprès d’Hachem ?
Toutes ces questions nous poussent donc à tenter de comprendre plus en profondeur cet échange rapporté par nos sages.
Comme nous l’avons mentionné, il semble difficile de comprendre que le débat entamé par la lune soit motivé par le mauvais penchant, dans la mesure où les anges n’en sont pas munis. Cela nous conduit donc à supposer le contraire et à comprendre que l’intention de la lune est forcément bonne et noble. Elle cherche le bien et n’agit pas par orgueil. C’est pourquoi, le Maharam Chif comprend que l’objectif de cette dernière n’est pas d’être supérieure au soleil, au contraire, elle demande à Hachem de le grandir ! Ceci nous permet de comprendre sa réaction quant à la décision d’Hachem qui lui demande de rapetisser ! Elle rétorque : « Parce que j’ai dit un argument convenable et acceptable, je devrais me diminuer ? » En clair, elle ne comprend pas la décision du Maître du monde à qui elle propose d’amplifier la puissance du soleil pour qu’il soit le seul à régner, et qui lui impose au final de vivre une rétraction de son potentiel personnel.
Sur cette base, le Lev Arié pousse le raisonnement plus loin. La lune base sa réflexion sur un détail important. Nos sages enseignent, concernant le début de la création, que la lumière originelle, la première à avoir éclairé notre monde était particulièrement raffinée au point de s’inscrire dans une manifestation ostensible du spirituel. Cependant, cette dernière n’a éclairé que durant trente six heures, au terme desquelles Hachem fait le choix de la cacher, pour la réserver aux tsadikim et en priver les mécréants.
Le Maharal de Prague (gour arié sur notre passage) explique au nom de nos sages, qu’Hachem n’a pas caché cette lumière au point de la rendre invisible, Il a simplement diminué son intensité. En clair, il s’agit de la même source qui nous illumine aujourd’hui encore, seulement nous ne pouvons plus constater son aspect spirituel dans la mesure où il n’est plus aussi manifeste que lors de la création. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que lorsque pour la première fois la torah emploie le mot luminaire, elle écrit »מארת méhorot – luminaires », tandis que la deuxième fois elle écrit »מארות méhorot – luminaires » avec un »ו vav » supplémentaire. Cette lettre insinue peut-être la suite des propos du Maharal de Prague qui ajoute que la diminution de l’intensité lumineuse qui s’est produite en cachant cette fameuse lumière originelle est de l’ordre d’un septième ! En clair, Hachem abaisse de six niveaux la puissance du soleil, d’où la lettre »ו vav » dont la valeur numérique est de six !
Cela nous permet de comprendre pourquoi la torah écrit qu’à la fin des temps (Yichayahou, chapitre 30, verset 26) : « וְהָיָה אוֹר–הַלְּבָנָה, כְּאוֹר הַחַמָּה, וְאוֹר הַחַמָּה יִהְיֶה שִׁבְעָתַיִם, כְּאוֹר שִׁבְעַת הַיָּמִים—בְּיוֹם La lune, alors, brillera du même éclat que le soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus vive, comme la lumière des sept jours ». Au vu de ce que nous venons de développer nous comprenons parfaitement le sens de cette phrase. Dans la mesure où, à la fin des temps, l’argument consistant à priver les mauvaises personnes des bienfaits de cette lumière cachée n’existera plus, alors évidemment, celle-ci s’exprimera à nouveau dans le monde. De facto, la lune aussi retrouvera son statut originel. Comme nous l’avons vu, le soleil a divisé par sept sa puissance, et est devenu alors égal à la lune et celle-ci s’est vue rétrécir. Cela nous explique pourquoi le verset nous dit que, lorsqu’à la fin des temps tous deux retrouverons leur aspect, le soleil éclairera avec sept fois plus d’intensité !
C’est donc suite à cette première diminution que le soleil est devenu l’égal de la lune. D’où la réaction de la lune cherchant à rétablir les choses lorsqu’elle s’adresse à Hachem et lui demande « Maître du monde ! Est-il possible pour deux rois de se servir de la même couronne ? ». Suite à quoi elle se voit diminuer par défaut, car en effet, le choix d’Hachem de diminuer les rayons du soleil se justifie par le refus de voir les mécréants profiter d’une lumière si douce et si sainte. De facto, la seule solution envisageable est de réduire la lune plutôt que de rendre au soleil sa grandeur. D’où l’expression de la lune qui affirme présenter au Maître du monde un argument fondé et valable et qui ne comprend pas pourquoi elle souffre de sa cohérence.
Dans de telles conditions, seul un argument peut apaiser la lune. En effet, la lune comprend que la raison de cette baisse n’est finalement autre que la faiblesse humaine. L’homme est responsable puisque c’est à cause de lui que la lumière originelle ne peut s’exprimer dans le monde. Les fautes que l’humain va commettre empêchent l’expression de ce flux divin. C’est pourquoi Hachem s’écrit »Apportez pour moi une kapara (une rédemption) parce que J’ai réduit la lune ! » , car c’est à l’homme d’arranger le problème et de renforcer ses faiblesses. En ce sens, la lune apprend une nouvelle qui la réjouit : pour elle, un sacrifice réparateur sera apporté ! Grâce à son désir de voir le soleil exprimer la lumière divine, elle crée un moyen de réparer, celui-là même qui est proposé aux bné-Israël lors du sacrifice de Roch Hachana ! C’est en ce sens qu’elle trouve un réconfort car elle se voit glorifiée de garantir le retour à la normal, à l’objectif initial.
Yéhi ratsone que cet état des choses soit vite atteint et que tous les bné-Israël puissent profiter de l’éclat de la lumière réservée aux tsadikim, amen véamen.
Chabbat chalom.