Parachat « ki tissa »
Rav Moshé Shapira
Traduction et adaptation par Rav Michael Smadja
« Lorsque tu porteras les têtes des enfants d’Israël selon leur compte et chacun donnera la réparation de son âme et il n’y aura pas de plaie en les comptant«
Dans le traité [Talmudique] Méguila, nos sages enseignent: Haman a voulu donner le poids de dix mille lingots d’argent au roi pour avoir le droit d’exterminer les juifs. Ce poids équivalait aux six cent mille demi-chéquel que les enfants d’Israël donnaient chaque année pour leur dénombrement. Il voulait donner l’équivalent de ce qu’Israël donnait afin d’éteindre leurs mérites. Et D-ieu lui dit: « mécréant, les chéquels des enfants d’Israël ont devancé tes chéquels ». Il faut que nos chéquels devancent les chéquels de Haman. C’est-à-dire que lorsque Haman a voulu donner les dix mille lingots d’argent, il a voulu influencer l’histoire. Par le fait de donner cet argent, il y a une matérialisation de quelque chose qu’il faut inverser. Comment? En faisant devancer nos chéquels. Et c’est ce qui est enseigné dans la Michna: « Le 1er Adar on proclame le don des chéquels » Que veut dire exactement que ״nos chéquels contrecarrent ses chéquels »?
De plus puisque le prélèvement se faisait tout le mois de Adar, quelle est la signification de la proclamation de ce prélèvement avant le mois de Adar qui a fait annuler le décret de Haman? Et comment cette proclamation peut-elle contrecarrer son terrible décret? Car Haman a réellement amené les chéquels.
Dans le verset, il est écrit: « ceci vous donnerez » le mot « ceci » indique que D-ieu a montré du doigt le demi-chéquel. Cela aurait suffi de donner le montant?
Le Midrash explique que Moshé avait du mal à comprendre non pas quel était son poids où que représente le demi-sicle mais comment est-il possible qu’avec une pièce comme celle-ci, nous pouvons réparer nos fautes et purifier nos âmes? Alors D-ieu lui montra une pièce de feu qu’il sortit de dessous son trône d’honneur.
Tout d’abord essayons de comprendre que représente une « pièce de feu »? Car ce groupe de mots est composé de deux mots qui se contredisent l’un l’autre. « Pièce de feu ». Quel lien y a-t-il entre une pièce et du feu ? Dans Michlé [Les Proverbes], il est dit que le feu ne peut conserver la richesse. Car il brûle toute possession. Le feu est l’opposé de la richesse. Celle-ci ne peut résister au feu. Une pièce est déjà une valeur et le feu brûle toute valeur dans ce monde. La pièce est le moyen de mesure de toute valeur dans ce monde. Que font les pièces sous le trône d’honneur ? La notion d’argent est une notion de valeur. La valeur de chaque chose s’évalue en argent. La pièce est une création spéciale que les gens ont inventée et créée. L’homme fabrique des objets pour ses besoins: chaise-table-armoire. Les hommes ont alors inventé l’argent pour pouvoir vivre en communauté. La valeur des choses étant fixée par le marché. Plus la quantité est grande plus la valeur baisse. Plus la quantité se raréfie, plus la valeur augmente. La pièce est quelque chose qui porte en elle une valeur fixe pour toute chose. « Pièce » veut dire « qui mesure la valeur ». La pièce qui a été créée par l’homme a été acceptée par la Torah. Notre patriarche Avraham a fabriqué des pièces. Une autorisation a été donné à tous les peuples de fabriquer des pièces. Les pièces fabriquées par Avraham étaient acceptées par tout le monde. Une pièce n’est qu’une valeur, rien d’autre. Tout objet dans le monde a une utilité particulière. Une pièce n’a aucune utilité. Il existe une valeur qui annule toutes les autres valeurs comme le feu qui annule toute autre réalité que la sienne. Tout ce qui rentre dans le feu devient feu et se consume. La pièce de feu est une pièce qui fait que toutes les valeurs des autres pièces s’annulent, n’ont aucune importance. C’est une valeur qui détruit toutes les valeurs que le monde se crée. Et tout ce qui est saisi par cette pièce se transforme et devient la valeur de cette pièce elle-même. C’est cela « pièce de feu ».
Il est écrit dans Chir Hachirim lorsque l’assemblée d’Israël priait au maître du monde: « place-moi en tant que cachet sur ton cœur et en tant que cachet sur ton bras ». Le cœur est l’organe de tous les désirs: l’amour la haine la pensée l’honneur le dénigrement. L’assemblée d’Israël demande au créateur d’être la signature le tampon sur son cœur où toutes les envies se créent. Lorsqu’un homme donne de la valeur à quelque chose, alors tout ce qui l’entoure va être mesuré par cet objet sans prix. Toutes les pensées vont être tournées vers cet objet. Toutes les autres choses n’auront de valeur qu’en fonction de cet objet. C’est cela le « cachet ». Le cachet qui fixe la véracité de la chose. Le cachet fixe que la chose est authentique. Et toutes les autres choses vont être évaluées et prises en considération par rapport à cette chose qui a été authentifiée. « Place-moi en tant que cachet ». C’est-à-dire que je sois (moi D-ieu) le cachet qui va être la valeur-étalon de toutes les autres valeurs. Que toutes les créations soient évaluées par rapport à ma valeur. « Comme un cachet sur ton bras ». Le bras fait référence à sa conduite qui se matérialise car même dans sa conduite, il y a un cachet, quelque chose qui est le principe authentique. Et toutes les autres actions sont dirigées, évaluées par rapport à ce principe.
La suite du verset: « car l’amour est plus forte que la mort, les eaux tumultueuses ne pourront éteindre cet amour ». L’amour qu’il y a entre l’assemblée d’Israël et le maître du monde, les eaux tumultueuses que sont les peuples du monde ne peuvent l’éteindre.
« Si un homme met dans la balance toute sa richesse contre cet amour, rejeté il sera rejeté ». De ce verset nous apprenons qu’il y a une seule et unique valeur authentique et tout le reste n’est rien. La valeur de cet amour rend caduque toute autre réalité dans le monde. S’affairer à acquérir cet amour, ne peut se faire qu’avec une pièce de feu. Dans cet amour, se trouve une valeur qui annule, brûle transforme consume en cendre toutes les autres valeurs de ce monde.
La Mitsva du « demi-sicle » commence par ces mots « ceci vous donnerez ». Ce n’est pas le simple fait de prendre une pièce d’une bourse mais faire en sorte qu’elle devienne une pièce de feu. C’est cela qu’il faut donner.
Lorsque la Mishna enseigne: « on déclare le prélèvement du demi-sicle » pourquoi spécialement sur la Mitsva du demi-sicle, faut-il proclamer et non sur une autre Mitsva? Pourquoi y-a-t-il un besoin de proclamer la Mitsva du demi-sicle? Quel besoin y-a-t-il que tout le monde sache en même temps le moment du prélèvement du demi-sicle? Le but est de réveiller en nous ce besoin de donner le le demi-sicle non pas de notre porte-monnaie uniquement, mais une pièce comme celle-ci « ceci vous donnerez », une pièce de feu, ainsi la Mitsva se réalise. Si la Mitsva n’était que de donner une pièce de la valeur d’un demi-chéquel, il n’y aurait pas eu besoin de proclamer cette Mitsva plus que toutes les autres Mitsva. Chaque juif connaît ses Mitsvot. Mais dans une situation où il est possible de se tromper, il faut avertir les gens, les rendre plus conscient de la valeur de la Mitsva.
Lorsque nous devançons nos chéquels, ils s’annulent complètement, n’ont plus aucune valeur, se brûlent par la pièce de feu à tel point que la proclamation fait partie intégrante de la Mitsva. Lorsque nous proclamons la Mitsva, nous devons nous souvenir où doit se porter notre faculté d’évaluation. Où mettre de la valeur dans ce monde. Nous sommes là pour exécuter cette Mitsva ainsi « comme ceci ils donneront ».
Donner le « demi-sicle, nous n’avons plus la possibilité mais recaler notre faculté d’évaluation vers le « il n’y a pas de valeur autre que la tienne mon D-ieu » cela nous pouvons le faire. Vers la « pièce de feu », nous avons l’obligation de diriger nos valeurs. Et par cela, s’annulent toutes les valeurs qu’il y a dans le monde qui détruisent le peuple d’Israël. Si nous ne faisons pas devancer nos chéquels, alors les chéquels de Haman auront de la valeur. Et ainsi nous vivrons dans une conduite matérielle qui n’est pas la conduite issue de la pièce de feu. Et alors tous les peuples mettront leurs forces à vouloir nous détruire. Et si nous, nous vivons dans ce même système de valeurs, nous nous perdrons. Mais si nous mettons notre système de valeurs au niveau de la pièce de feu, alors tout autre système de valeur sera détruit, sans aucune valeur. C’est-à-dire que nous ne pouvons acquérir aucune chose par ce système de valeur. Le fait de réaliser qu’il n’y a rien de valeur à l’exception de D-ieu, nous fait réaliser que ce monde est illusoire et donc n’a aucune prise sur nous. Et donc aucune domination ne peut nous atteindre.
Le compte qui recense les enfants d’Israël oblige chacun d’eux au demi-sicle. Dans cette Paracha, il n’y a pas de mention à l’obligation de prendre les chékalim pour le temple Saint.
Sur ce qui est écrit: « le premier du mois de Adar, on proclame le prélèvement des chékalim », Il n’y a pas d’allusion qu’il faut donner le demi-sicle au moment où on est compté. Nous donnons le demi-sicle par la force du compte. Pour la construction du temple, tout le monde a donné selon ce que son cœur désirait donner. Il n’y a eu que deux comptes qui ont engendré le demi-sicle: un avant la construction du Mishkan et un juste après qui est mentionné dans le quatrième livre de la Torah: »bamidbar ». Le demi-sicle que nous donnons, c’est pour les sacrifices communautaires, après la construction du Mishkan. Mais avant la construction du Mishkan, il n’y avait pas cette raison et donc il n’y avait pas de raison à ce demi-sicle. Ils en ont fait les socles qui soutenaient les poteaux du Mishkan qui sont les bases du Mishkan. Et ceci est venu par le premier compte dans la Paracha « ki tissa ». Dans le « bamidbar », où il est mentionné le deuxième compte, les demi-sicles servaient à l’acquisition des sacrifices communautaires. Tout ceci est écrit dans Rashi mais dans la Paracha elle-même, il n’est écrit qu’une seule chose: le compte oblige le demi-sicle. Ce n’est pas très compréhensible car nous voyons d’autres comptes dans la Torah qui n’entraînent pas le demi-sicle.
Le roi David et roi Shlomo ont compté le peuple et ont donné autre chose. Ce compte de Moshé uniquement a obligé le demi-sicle. Il faut comprendre comment cette Mitsva du demi-sicle que l’on accomplit maintenant est née du compte de Moshé? Et que de ce compte, est venue l’obligation du demi-sicle? La Mitsva de demi-sicle est une Mitsva qui grâce à elle, chaque individu s’associe à ce qui est appelé: « communauté ». La communauté d’Israël vit dans deux chemins différents.
1/ dans une conduite naturelle où tous les peuples vivent en communautés en tant qu’individus regroupés pour former des associations, des ethnies, des pays.
2/ une autre conduite spécifique réservée à la communauté d’Israël. Cette réalité n’existe pas chez les autres peuples.
Dans le Talmud, il est écrit: « Yaacov n’est pas mort ». S’il n’est pas mort, l’embaumement les éloges funèbres et l’enterrement décrits dans la Torah, c’était quoi? En fait cet enseignement est la déduction d’un verset: « Et toi Yaacov mon serviteur n’aie pas peur, parole d’Hachem et ne tremble pas Israël car je te sauverai de loin, toi et ta descendance de la terre je te ramènerai » et on fait un lien entre Yaacov et sa descendance. Ce que sa descendance est vivante lui aussi est vivant. C’est-à-dire que tout celui qui a une descendance s’appelle « vivant ». Il y a une réalité dans la réalité d’Israël qui s’appelle « la dimension de la communauté ». L’existence du peuple d’Israël en tant que communauté. Une communauté est différente dans son essence à un individu sur plusieurs points. Sur la communauté, il n’y a pas le décret de la mort. Le Talmud dit: « la communauté ne meurt pas » il n’y a pas la malédiction du premier homme sur la communauté. Le Talmud dit aussi « la communauté n’est pas pauvre ». Toutes les bénédictions se matérialisent sur la communauté. Il vit, il est riche, il n’est jamais repoussé. D-ieu n’est jamais dégoûté de lui. Sa prière est toujours agréée.
« Yaacov n’est pas mort » veut dire qu’il vit et qu’il existe par l’intermédiaire de la Torah de la communauté, du peuple d’Israël. Cette même forme de vie de sa descendance, la Torah de vie éternelle, spéciale où sa descendance est une communauté. Cette dimension n’est réservée qu’au peuple d’Israël. « Et qui est un grand peuple que D-ieu a rapproché vers lui? »
Lorsque le peuple d’Israël est une communauté, il est toujours répondu. Lorsqu’il est en tant qu’individu, il n’est répondu que s’il est proche. Une communauté qui est comme un groupe est tout le temps écouté et répondu. Il est écrit dans la Torah sur cette dimension d’Israël: « et qui est un grand peuple? ». Que veut dire « grand »? C’est la transformation d’une réalité vers une autre réalité. L’individu se transformant. Cela s’appelle la perfection. Au contraire du mot « beaucoup » qui sous-entend une notion de multitude où l’individu reste le même. Une association de nombreux individus où il y a des lois pour les individus afin qu’ils puissent vivre en société mais en aucun cas afin d’échapper à leur destin individuel.
La communauté devient une entité qui transforme les individus par l’intermédiaire de la Torah de cette communauté. C’est une existence indépendante. La communauté a des mérites et des obligations comme par exemple: il est obligé d’apporter des sacrifices communautaires. Le demi-sicle, tout individu a l’obligation de le donner mais ce prélèvement au moment où il est donné, transforme l’individu et le rend partie intégrante de la communauté. Grâce à tous les demi-sicles que les individus donnent, alors il est possible d’acheter les sacrifices communautaires. Le simple fait qu’un groupe d’homme décide d’apporter un sacrifice en commun ne transforme pas celui-ci en sacrifice communautaire. C’est un sacrifice associatif mais non d’une communauté.
Une association d’individus se transforme en communauté uniquement par l’intermédiaire du prélèvement des demi-sicles. Lorsque Moshé compte le peuple d’Israël, il compte des individus. C’est un compte qui s’applique sur des individus comme tous les comptes que l’on compte. Nous comptons des individus que nous associons à un chiffre total en général. Le nombre n’est là que pour regrouper les individus. Lorsque Moshé compte les enfants d’Israël par l’intermédiaire du demi-sicle, il fait plus que réunir des individus, il les transforme en communauté. Cette notion de communauté n’existe qu’à la période où le temple existe. Alors nous existons en même temps en tant que communauté d’une manière tangible et immuable. C’est-à-dire que nous sommes à tout moment une communauté. Chaque jour, nous approchons le sacrifice perpétuel et tout le temps où le sacrifice se consume sur le bûcher jusqu’à ce qu’il devienne de la cendre, la communauté est communauté. Quand les encens se consumaient et lorsque le candélabre était allumé, nous sommes communauté. Une réalité, une dimension du peuple d’Israël, éternelle, où la malédiction du premier homme ne pouvait se matérialiser. Et lorsque le temple a été détruit à cause de nos fautes, s’est coupé de nous, s’est annulé de nous le nom de communauté. Nous nous sommes arrêtés d’être une communauté et nous sommes redevenus des individualités. Nous ne vivons plus cette dimension, cette réalité qu’est la communauté. C’est l’exil. Pour cela l’exil est appelé éparpillement, dispersion. « il y a un peuple dispersé et séparé parmi les peuples » dit Haman à Ah’achvéroch. Plus rien n’existe pour nous unir et redevenir une communauté.
Le Talmud enseigne: tout celui qui étudie, qui prodigue le bien autour de lui et qui prie avec la communauté, D-ieu dit sur lui: « je le considère comme s’il m’avait racheté moi et mes enfants de parmi les peuples ». Le Maharal explique comment le rachat de la présence divine et de ses enfants de l’exil peut se faire. L’exil se matérialise par le fait de devenir des individus en annulant en nous cette dimension de communauté. Lorsqu’un homme prie avec la communauté, il redevient une partie de la communauté comme celui qui étudie et qui fait le bien. Il rentre dans cette réalité qu’est la communauté, il recrée cette réalité qu’est la communauté dans le peuple d’Israël. C’est le rachat de l’exil. L’exile s’appelle dispersion. « Celui qui réunit les repoussés de son peuple et rapproche les dispersés ». De même que la communauté ne meurt pas ainsi il n’y a pas l’exil sur la communauté car la notion d’exil est l’antinomie de la notion de communauté. Alors tout le temps que nous sommes communauté, nous ne sommes pas en exil, Car une communauté n’est jamais repoussée. Elle est toujours agréée. Celui qui s’unit, crée cette réalité qui s’appelle communauté. C’est cette union qui nous sort de l’exil. Mais lorsque le temple existait, le nom de communauté était sur nous sans aucune fatigue, fixe et réel. Nous étions communauté continuellement. Toutes les Mitsvoth liées au temple sont issues des obligations de la communauté car ce sont elles qui matérialisent la communauté. Depuis que le temple est détruit, nous devons recréer une réalité de communauté. Et cela, uniquement par l’intermédiaire de la synagogue et par la prière communautaire. Lorsque nous prions en communauté, le nom « communauté » se créé à ce moment et de ce fait, se matérialise alors la vie de Yaacov car nous sommes appelés Yéchouroun-Yaacov-Israël, les noms par lesquels D-ieu a appelé Yaacov.
« Lorsque tu compteras » « ki tissa » veut dire « élever »: c’est-à-dire que la tête des enfants d’Israël arrive à une limite spécifique. Par la force de Moshé, la tête des enfants peut s’élever encore plus haut. La tête s’associant à une conduite encore plus élevée.
Le Talmud dit que dans un compte, il n’y a pas de bénédiction. La bénédiction ne se trouve que dans quelque chose qui est cachée de l’œil. Car dans une chose qui n’est pas perceptible, dans quelque chose qui n’est pas clair, là-bas se trouve la bénédiction. Le mot « nakouv » qui veut dire « désigner » est un mot de malédiction. La Torah utilise ce mot pour la matérialisation de la malédiction. C’est-à-dire rendre une chose limitée, visible. « nakba skhara »: fixer un salaire, le contraire de la bénédiction. Et seul Moshé peut faire cette chose: pouvoir compter le peuple d’Israël. Et ce compte lui-même est l’élévation des enfants d’Israël. Nos sages enseignent que le mot « מצרים », « Egypte » a la même valeur numérique 380 que « מספר », un compte. « מצרים » « mitsraïm » « Egypte » est la contraction de deux mots מצר ים, « metser yam » » la limite de la mer ». C’est-à-dire un endroit serré, limité. La bénédiction est une réalité qui s’étend, s’élargit et va en grandissant. מצרים, l’Egypte est le contraire, elle rétrécit, elle raccourcit. C’est une chose qui matérialise la réalité dans d’étroites limites. De la même manière qu’il est dit sur Avraham « et tu seras la bénédiction ». L’Égypte, מצרים est de la descendance de kénaan et kénaan est maudit. מצרים l’Egypte est le côté obscur de la bénédiction. Il transforme toute chose en quelque chose de compté, de limité, sans bénédiction.
Lorsque nous sortons d’Egypte, la première chose que nous faisons, le lendemain de la sortie d’Égypte, nous commençons à compter. Ce n’est pas un hasard. Lorsque nous finissons le séder de Pessah, nous commençons à chanter une chanson qui commence par « un, qui connaît? ». Quel rapport avec la sortie d’Égypte? Quel lien avec le récit de la sortie d’Égypte? Nous apprenons de ce chant que lorsque nous sortons d’Égypte, nous traversons et nous passons d’une conduite de compte à une autre conduite de compte. C’est la fin de la sortie d’Égypte. L’Egypte est un compte. De ce compte nous sortons et passons dans un autre compte, dans une autre forme de compte. Nous ne comptons plus comme l’Egypte. Nous comptons dans un autre compte. Le point de différence est « un ». Car ‘un’ ne fait pas parti d’un compte. Un compte est l’association de deux nombres au minimum. Lorsque je compte au commencement ‘un’, je ne compte rien à ce moment bien que tout compte commence par « un » obligatoirement. Un est en dehors du compte. Le compte commence à partir du nombre qui est en dehors du compte. «‘Un’ qui connaît? ‘Un’, je connais, un est notre D-ieu dans les cieux et sur la terre ». Un qui est le début du compte, est en dehors de tout ordre de compte. Il n’est pas dans la réalité des ordres de compte. Le compte ne peut saisir ce chiffre. « Un » ne peut en aucun cas s’unir à un ordre de compte. « Un » est le début du compte c’est-à-dire nous commençons à compter à partir d’un non-compte. Ce compte commence par quelque chose qui est largement au-dessus du compte. Là où le compte ne peut arriver. De là-bas, il commence. Lorsqu’un homme compte ‘un’ puis ‘deux’ puis ‘trois’, lorsqu’il compte ‘deux’ cela veut dire qu’il est le deuxième après le ‘un’. Et lorsque je compte avec le ‘un’, je l’associe au ‘un’. Le ‘trois’ est le troisième du premier et je l’associe au ‘un’. C’est un compte d’une autre forme. Il ne sert pas à arriver au multiple. Les comptes grandissent toujours pour arriver à la multitude. Notre compte n’est pas un compte pour arriver à la multitude mais c’est un compte pour arriver au ‘un’. La nuit du Séder nous arrivons jusqu’à treize « qui connaît » qui est la valeur numérique de ‘un’ « אחד ». Jusque-là je compte. C’est-à-dire que je compte depuis un pour arriver à un. J’arrive à un compte qui s’associe pour être « un » « אחד ».
Lorsque nous sortons d’Egypte, nous sortons du compte de l’Egypte. Ce compte est un compte avec des limites. Ce compte est le compte de « maudit soit kénaan ». La bénédiction ne se diffuse pas dans une chose comptée. Mais celui qui sait réellement compter alors le cheminement est exactement le contraire. Ce cheminement qui réunit toute cette multitude vers une réalité au-dessus du compte. Toutes les multiplicités s’associent pour arriver à ce ‘un’ qui est en dehors du compte, au-delà du compte c’est le ‘un’. Tout le reste s’associe vers ce ‘un’ et ainsi nous comptons « un- un en haut et sept en bas ». Tous les sept qui sont en bas doivent être associés pour aller au ‘un’ qui est en haut. Tout s’unit vers un nombre unique. C’est le nombre, la forme du compte qui s’est dévoilé, qui s’est inventé à la sortie d’Égypte. A la sortie d’Égypte, nous sommes sortis du compte de l’Égypte. Et lorsque nous comptons, nous essayons d’arriver, d’atteindre ce qui est au-dessus de ce compte, vers quelque chose qui n’a pas de compte. Quelque chose de plus grand que le nombre. C’est le but du compte. Aller au-delà du compte. Pas tout le monde sait compter. Pas tout le monde est sorti cent pour cent d’Égypte. Moshé est le seul et unique homme à être sorti complètement de ce compte.
Rabbi était en train de faire une Dracha et la communauté somnolait. Il a voulu la réveiller au milieu de la Dracha. Alors il raconta: « et une femme enfanta en Égypte six cent mille enfants en une seule fois ». Alors tous demandèrent: comment est-ce possible? Il répondit que Moshé équivaut aux six cent mille enfants d’Israël. La forme de l’homme qui englobe les six cent mille âmes. Il y avait six cent mille âmes qui ont reçues la Torah. Si des enfants d’Israël, il manquait un seul homme, alors la Torah n’aurait pas été donnée. Chacun des six cent mille enfants d’Israël a en lui une forme de Torah. Sa forme de compréhension spécifique. Le Talmud enseigne que celui qui voit en même temps six cent mille enfants d’Israël doit faire la bénédiction: « que soit béni celui donne la sagesse ». Car dans le cœur des six cent mille Israël, se trouvent toutes les compréhensions en potentiel de la Torah. Le « shla hakadoch » écrit que les lettres du nom ישראל « Israël » forment la phrase « יש ששים ריבא אותיות לתורה » « il y a six cent mille lettres dans la Torah ». Car même toutes les façons de prononcer les mots avec des voyelles différentes sont prises en compte. C’est-à-dire en fait il y a six cent mille interprétations. Moshé les a reçues toutes. Il englobe en lui toutes les visions, les faces de toutes ces six cent mille interprétations. Il se trouve donc que Moshé a en lui les six cent mille enfants d’Israël qui ont reçu la Torah. Son unité porte en lui six cent mille et donc lorsqu’il compte les enfants d’Israël il les unit au ‘un’. C’est ce qui s’appelle « lorsque tu porteras le nombre ». Élève les tous jusqu’à ce point qui est le ‘un’, qui contient tous les enfants d’Israël. Lorsque Moshé compte les enfants d’Israël, il en fait une communauté. La communauté est exactement ce ‘un’ qui contient tout le monde. C’est une réalité unique, différente. Un tout, une entité unique. Lorsque le peuple d’Israël est devenu communauté, ainsi est sa loi. Lorsque le temple existait, nous étions une communauté. La communauté a l’obligation de donner le demi-sicle une fois l’an. Au moment où le Mshkan commençait à être érigé, la communauté ne pouvait se faire qu’avec un nombre. Pour cela, il a fallu compter le peuple d’Israël au moment de la construction du Mishkan. Ce compte que Moshé a compté à ce moment a fait de nous une communauté. Lorsque nous sommes une communauté par la force du Mishkan, alors nous vivons réellement comme une communauté. Nous approchons tout le temps les sacrifices communautaires, nous déposons les pains de proposition sur la table de proposition. La communauté a l’obligation d’exécuter tous ces ordres. Cette obligation s’est matérialisée à partir du moment où Moshé nous a comptés. Ceci a fait de nous une communauté, le fait d’amener le demi-sicle. La valeur numérique du mot שקל, ‘chéquel’ est 330 la même que נפש, néfech, âme. Pour cela, le chéquel répare l’âme, « pour expier sur vos âmes ».
Donner le demi-sicle veut dire que chacun de nous doit se sentir une moitié. Un homme qui ressent être une création complète, parfaite, jamais ne pourra sortir de lui une véritable communauté. Il ne pourra jamais être un élément qui s’associera à la communauté. Celui qui peut s’associer à la communauté est celui qui peut faire une place à l’autre. Il introduit en lui dans la moitié de lui-même, qu’il n’est pas une part de lui mais une part des autres. Ressentir qu’il n’est pas que lui mais aussi qu’il laisse une place aux autres, ressentir leurs besoins. Et ainsi nous pouvons nous associer ensemble. La notion de compte est une réalité complète, comptée, égale. Le demi-sicle fait que le compte devient une autre réalité. Celui-ci crée la communauté. Il est impossible de partager en deux notre âme mais ce chéquel qui vient réparer l’âme est sa correspondance. Il n’y a pas de différence entre un riche et un pauvre. Toute forme que peut prendre une individualité, s’annule dans la communauté. Pour être communauté, il faut s’élever encore et encore plus haut. Il faut percevoir cette élévation afin de se fondre dans la communauté.