« Mishloa’h Manot » et « Matanot Laevionim » – Rav David Pitoun
Mishloa’h Manot Matanot Laevionim
Pour la réussite de Myriam Bat Rivka
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QUESTIONS
- A quoi correspondent « Mishloa’h Manot » et « Matanot Laevionim », ces 2 Mitsvot que l’on accomplie à Pourim ?
DECISIONS DE LA HALA’HA
Mishloa’h Manot :
- Offrir 2 mets différents, à au moins 1 personne.
- 2 aliments différents, ou un aliment et une boisson, comme une pâtisserie et une bouteille de vin. Cependant, de nos jours nous avons l’usage est d’envoyer des douceurs.
- Il faut s’identifier lorsqu’on envoi Mishloa’h Manot, car si le destinataire ne sait pas qui lui envoi, on n’est pas quitte de la Mitsva.
- Les femmes sont elles aussi soumises à la Mitsva de Mishloa’h Manot.
- Une femme mariée n’est pas quitte du Mishloa’h Manot que son mari offre. Elle doit en offrir un elle-même. Un homme ne doit pas envoyer à une femme, et inversement.
- On peut tout à fait s’acquitter de son devoir en apportant soi même le Mishloa’h Manot, et il n’est pas nécessaire de les confier à un intermédiaire.
- Il est permis d’envoyer un Mishloa’h Manot à base de sucrerie à une personne même si l’on sait qu’elle souffre de diabète.
Matanot Laevionim :
- Offrir au moins 1 cadeau (ou de l’argent) à au moins 2 nécessiteux.
- Matanot Laevionim a une plus grande importance que Mishloa’h Manot, ou le repas de Pourim.
- Il est possible de confier l’argent de Matanot Laevionim, à une personne responsable qui le distribuera le jour de Pourim aux personnes qu’elle considère être dans le besoin.
- Matanot Laevionim n’a pas de limite maximale.
- Il faut s’efforcer de donner au moins de quoi faire un repas.
- Ces 2 Mitsvot doivent être réalisées pendant la journée de Pourim, et non la veille au soir.
- Il est préférable d’accomplir ces 2 Mitsvot le matin de Pourim après la lecture de la Meguila.
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SOURCES ET DEVELOPPEMENT – Mishloa’h Manot Matanot Laevionim
Il est dit dans la Méguilat Esther (9 – 22) :
- « Faire de ces jours, des jours de festin et de joie, et d’échange de mets mutuels, ainsi que de cadeaux aux nécessiteux. »
Il est rapporté dans la Guémara Méguila (7a) :
- Echange de mets (Mishloa’h Manot) : 2 mets à au moins 1 personne.
- Cadeaux aux nécessiteux (Matanot Laevionim) : 2 cadeaux à au moins 2 personnes.
(En effet, le minimum de la forme pluriel du terme « mets » correspond à 2, un met et encore un met. Ce qui signifie 2 mets à une personne. Le minimum de la forme pluriel du terme « cadeaux » correspond à 2, un cadeau et encore un cadeau. De même, le minimum de la forme pluriel du terme « nécessiteux » correspond à 2. Ce qui signifie 1 cadeau à un nécessiteux et un autre cadeau à un autre nécessiteux)
Cette Hala’ha est tranchée par le RAMBAM (chap.2 des Hal. relative à la Méguila Hal.15), ainsi que par le TOUR et MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 695-4)
2 raisons sont données pour expliquer la Mitsva de Mishloa’h Manot :
- Selon l’auteur du Manot Ha-Levi (page 208a) (le Gaon Rabbi Shélomo AL KABETS Ha-Levy, compagnon d’étude de MARAN et auteur du célèbre poème liturgique « Le’ha Dodi » chanté le vendredi soir dans la prière de ‘Arvit), lorsqu’on envoie un présent à son ami, on lui exprime par ce geste tout l’amour qu’on lui porte, et ce geste implante aussi dans notre cœur toute l’estime que l’on a à l’égard de notre ami. Ceci dans le but de démentir les propos proférés par Haman devant le roi A’hashvérosh, lorsqu’il lui suggéra l’extermination du peuple d’Israël. En effet, Haman qualifia le peuple d’Israël de peuple dispersé et « désuni », c’est-à-dire : chacun n’exprime que de l’indifférence envers l’autre.En s’offrant mutuellement des présents, on démontre la médisance de ce Rasha’ !
- Selon l’auteur du Téroumat Ha-Déshen (le Gaon Rabbi Israël ISSERLEIN) (chap.118), il existe des gens qui vivent dans la plus grande précarité, et qui éprouvent de la honte à aller solliciter la générosité des autres pour pouvoir accomplir le repas de Pourim, et lorsqu’on envoie à son ami de façon très décente, un Mishloa’h Manot, il n’en éprouvera aucun honte, et accomplira le repas de Pourim dans la joie et la bonne humeur.
S’identifier lors du Mishloa’h Manot
Puisque selon la première explication citée, tout l’objectif de la Mitsva de Mishloa’h Manot est d’entretenir l’amour entre l’homme et son prochain, il faut impérativement que celui qui envoi es’identifie auprès du destinataire, car si le destinataire ne sait pas qui lui envoi ce Mishloa’h Manot, celui qui l’a envoyé n’est pas quitte de la Mitsva, car le fait d’envoyer anonymement n’entretient aucun amour ni aucune fraternité.
Telle est la conclusion de nombreux décisionnaires, comme entre autres le Gaon auteur du Shou’t Kétav Sofer (chap.141 note 2).
Le mot « Manot » signifie « mets ».
Autrement dit, 2 aliments différents, ou un aliment et une boisson, comme une pâtisserie et une bouteille de vin.
Cependant, certains décisionnaires rapportent que l’usage est d’envoyer des douceurs. (Shiyouré Kenesset Ha-Guédola (sur O.H chap.695 notes sur le Tour note 10)).
Le RAMA écrit (O.H 695) que la Mitsva de Mishloa’h Manot (comme les autres Mitsvot de Pourim) doit s’accomplir la journée et non le soir.
Le RAMA écrit (O.H 695-4) que les femmes sont elles aussi soumises à la Mitsva de Mishloa’h Manot, et elles doivent accomplir cette Mitsva avec leurs amies.
Une femme mariée n’est pas quitte du Mishloa’h Manot que son mari offre. Elle doit en offrir un elle-même.
Il est vrai que certains décisionnaires comme le Péri ‘Hadash et d’autres réfutent cette opinion, et selon ces décisionnaires une femme mariée est quitte par le Mishloa’h Manot de son mari.
Mais le Gaon auteur du Shévout Ya’akov (tome 1 chap.41) rétablit les propos du RAMA en disant que les femmes ont elles aussi bénéficié du miracle, et de ce fait, elles doivent aussi accomplir les Mitsvot qui commémorent ce Miracle.
De plus, le Gaon Ya’abets – dans son livre Shou’t Sheelat Ya’abets (tome 1 chap.102) – rappelle qu’il est écrit dans le verset « Ces jours sont commémorés et observés… » Or, puisque les femmes doivent commémorer Pourim (par la lecture de la Méguila), elles doivent aussi l’observer par l’accomplissement des ses Mitsvot.
Le RAMA ajoute qu’un homme ne doit pas envoyer de Mishloa’h Manot à une femme et inversement, de peur que ce Mishloa’h Manot soit peut être considéré comme « KIddoushin » (contraction de mariage).
Mais notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal écrit dans son livre ‘Hazon Ovadia – Pourim (page 142 fin de la note 29) dit qu’il s’agit d’une simple ‘Houmra (mesure de rigueur), et lorsqu’il s’agit d’une pauvre veuve en situation difficile, il est une Mitsva même pour un homme de lui envoyer un Mishloa’h Manot.
Apporter soi même le Mishloa’h manot ou l’envoyer par un intermédiaire
Le Mishna Béroura (695 note 18) cite l’interrogation du Gaon auteur du Shou’t Binyan Tsion sur le fait de s’acquitter en apportant soi même le Mishloa’h Manot à son ami, ou bien faut-il exclusivement lui faire parvenir par un intermédiaire (Shalia’h) puisqu’il s’agit d’un « Mishloa’h » (envoi) ?
Il est vrai que selon le ‘Hatam Sofer (dans ses commentaires sur Guittin 22b), il faut faire parvenir le Mishloa’h Manot exclusivement par un intermédiaire.
Mais il est à noter que le RAMA – dans Darké Moshé (note 7) – rapporte l’opinion de Rashi selon laquelle, le terme « Mishloa’h » (envoi) n’est pas à prendre au pied de la lettre.
De plus, selon de nombreux décisionnaires – comme le Gaon Méoré Or (« ‘Od La-Mo’ed » page 129a), le Gaon Rabbi Yéhouda ASSAD dans son livre Shou’t Yéhouda Ya’alé (sect. O.H chap.207), le Gaon de BOUTSHATSH dans son commentaire Eshel Avraham (sur O.H 695), le Gaon auteur du Shou’t Na’halat Binyamin (chap.136) – le terme « Mishloa’h » ne signifie pas forcément « envoi par intermédiaire », et de ce fait, on peut tout à fait s’acquitter de son devoir en apportant soi même le Mishloa’h Manot.
Le Gaon auteur du Ma’adané Shélomo (page 121) atteste que le Gaon ‘Hazon Ish apportait lui-même les Mishloa’h Manot, car il considérait que sur ce point, l’interrogation du Binyan Tsion n’est pas à prendre en considération.
Envoyer un Mishloa’h Manot sucré à une personne diabétique
Le Gaon auteur du livre Mikraé Kodesh (Pourim page 150) écrit qu’il y a lieu de s’interroger sur le fait d’envoyer des douceurs en guise de Mishloa’h Manot à une personne souffrant de diabète, car même si nous considérons que l’on s’acquitte de son devoir de Mishloa’h Manot avec de la viande crue (ceci fait l’objet d’une divergence d’opinion Hala’hique parmi les décisionnaires, mais notre maître le Rav Zatsal tranche que l’on s’acquitte avec de la viande crue), malgré tout, dans ce cas la viande est tout à fait acceptable par celui qui la reçoit, car il pourra – grâce à cette viande – préparer des plats pour le repas de Pourim. Mais en ce qui concerne des aliments à base de sucre, lorsqu’on sait que celui à qui ils sont destinés ne pourra pas en consommer pour des raisons de santé, même s’il s’agit d’aliments tout à fait valables pour le devoir de Mishloa’h Manot, malgré tout, on peut considérer que l’on ne peut s’acquitter de son devoir dans un tel cas.
Le Gaon auteur du livre Nishmat Adam rapporte (page 331) que telle est l’opinion du Gaon Rabbi Yehoshoua’ NOYVIRT Shalita (l’auteur du célèbre livre Shemirat Shabbat Ke-Hil’heta), que l’on ne peut s’acquitter de l’obligation de Mishloah’ Manot avec de tels aliments qui ne peuvent pas être consommés par le destinataire, car la raison essentielle de la Mitsva de Mishloa’h Manot consiste à réjouir les amis, qui pourront se réjouir pour le repas de Pourim avec les aliments reçus. Or, dans ce cas, le destinataire ne peut rien consommer.
Cependant, à la fin de ce même livre (page 354) il est rapporté que le Gaon Rabbi Shlomo Zalman OYERBACH z.ts.l avait approuvé les propos du Gaon Rabbi Its’hak ZILBERSHTEIN Shalita selon lesquels on peut s’acquitter avec un Mishloa’h Manot constitué de tels aliments.
Preuve en est, si l’on envoi l’après midi de Pourim un Mishloa’h Manot constitué d’aliments à base de lait, et que le destinataire a déjà consommé de la viande et ne pourra donc consommer ce Mishloa’h Manot qu’au soir, après Pourim, allons nous dire que celui qui a envoyé ce Mishloa’h Manot n’est pas quitte de son devoir pour autant ?!
Il n’y a aucun doute que l’on s’acquitte de son devoir de cette façon.
Nous pouvons donc en déduire que dès l’instant où l’on envoie des aliments consommables, il ne nous importe pas de savoir si le destinataire pourra les consommer ou pas, car puisqu’ils sont qualifiables d’aliments et qu’ils sont consommables pour la majeure partie des gens, on s’acquitte de son devoir en les offrant.
Notre grand maître le Rav Zatsal écrit – dans son livre Hazon Ovadia – Pourim (page 150 note 40) – qu’il faut différencier les cas, car concernant des aliments à base de lait, le destinataire pourra finalement les consommer au bout de 6 heures, il en éprouve donc une joie dans son cœur en les recevant, et ce cadeau augmente l’amour mutuel. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’on envoi un Mishloa’h Manot constitué de choses que le destinataire ne pourra jamais consommer, il n’y pas là de joie particulière.
Cependant, notre maître le Rav Zatsal conclut que puisque l’envoi de tels aliments exprime de l’amour et de l’affection, étant donné que les autres membres du foyer pourront en consommer, et puisque l’usage est répandu d’envoyer des douceurs en guise de Mishloa’h Manot – comme en atteste notre maître le ‘HYDA dans son livre Na’hal Eshkol (sur Esther 9-22) – afin d’exprimer de l’affection et de l’amour, par conséquent, même dans notre cas, il y a lieu de dire que l’on peut s’acquitter par cela de notre devoir, même si le destinataire lui-même ne peut pas en goûter.
Malgré tout, il faut veiller à ne pas causer de peine au destinataire en lui envoyant de tels aliments, par exemple lorsqu’on envoi ces aliments à une jeune personne qui souffre du diabète et qui ne peut donc pas consommer d’aliments à base de sucre, l’envoi pourrai lui provoquer de la tristesse, car il va de nouveau prendre conscience de son état de santé, dans un tel cas, il faut absolument éviter d’envoyer de tels aliments. Il faudra envoyer uniquement des aliments particuliers pouvant être consommés par le destinataire, afin de réjouir son cœur par la joie de Pourim.
Matanot la-Evyonim
Le RAMBAM écrit (Hala’hot Méguila chap.2) :
- On est aussi tenu de distribuer de l’argent ou de la nourriture aux nécessiteux le jour de Pourim, pas moins de 2 nécessiteux, en leur donnant à chacun 1 cadeau, comme il est dit : « …ainsi que de cadeaux aux nécessiteux ». Il est préférable d’augmenter les cadeaux aux nécessiteux que d’augmenter le contenu du repas de Pourim ou le Mishloa’h Manot. En effet, il n’y a pas de joie aussi grande et aussi prestigieuse que de réjouir le cœur des nécessiteux, des orphelins, et des veuves, car lorsqu’on réjouit le cœur de ces opprimés, on prend exemple sur le comportement de la Shekhina, comme il est dit : « Afin de redonner vie à l’esprit de ceux qui sont rabaissés, et faire revivre l’âme de ceux qui sont oppressés ».
Celui qui possède la Ir’at Shamaïm (la Crainte du Ciel) donnera Matanot Laevionim avec générosité et avec un visage souriant. Sa récompense et son geste le devanceront au ‘Olam Haba.
Il n’y a pas de somme fixe à la Mitsva de Matanot Laevionim, car selon le Din, il est suffisant de donner une Perouta, ce qui correspond à la plus petite pièce de monnaie en vigueur dans le pays (En Israël, une pièce de 5 Agourot. En France, une pièce de 1 centime d’Euros).
Cependant, comme nous l’avons déjà précisé, il est préférable d’augmenter les Matanot Laevionim plutôt que d’augmenter le contenu du repas de Pourim ou du Mishloa’h Manot (Dans tous les cas, il faut au moins veiller à ce que le nécessiteux puisse accomplir le repas de Pourim avec ce qu’on lui donne).
On peut aussi donner l’argent de Matanot Laevionim à un personne responsable de distribuer l’argent aux nécessiteux le jour de Pourim, car le délégué d’un homme équivaut à l’homme lui-même (Shelou’ho Shel Adam Kemoto). C’est d’ailleurs ainsi qu’agissent de nombreuses personnes aujourd’hui, elles donnent leur argent à une personne responsable et fiable, qui va le distribuer le jour de Pourim à des nécessiteux. Il vaut mieux agir ainsi, plutôt que de donner nous même cette argent à des nécessiteux, car il n’est pas toujours facile de savoir avec certitude que la personne est réellement dans le besoin.
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Article de l’auteur, Rav David Pitoun, initialement publié sur son blog http://ravdavidpitoun.blogspot.com/