Rabbénou Yérouham: l’ordre de l’habitude
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Nos sages expliquent ainsi: au moment où les enfants d’Israël ont fait précéder « faisons » au « écoutons » a été prédit sur eux: « les puissants de force qui exécutent sa parole pour écouter la voix de sa parole ». Au départ ils exécutent puis ils écoutent.
Nous avons l’habitude de considérer que cet enseignement s’applique sur l’âme, mais ce n’est pas le cas. Cette qualité de puissance s’applique aussi au corps matériel car nous n’avons aucune idée de ce que peut développer le corps comme puissance psychique et cela est traduit par le roi David dans le verset: « L’homme dans le luxe et il ne comprend pas » c’est-à-dire lorsque D-ieu dévoile Sa puissance, l’homme est déjà dans le luxe car il est créé avec l’image divine en lui, c’est-à-dire la puissance divine et cette puissance se diffusant jusque dans ses pulsions physiques implantées depuis la naissance en son sein car l’homme est créé parfait et le but de l’homme dans son service est de développer ses forces et de les faire passer de la puissance à l’action. Ses forces spirituelles étant évidemment prêtes à cela, il suffit juste de les matérialiser dans le monde physique mais la réalité est que même les forces développées par le corps, pures énergies matérielles sans aucune réalité spirituelle si elles sont maîtrisées peuvent se transformer en énergies spirituelles au service des forces de l’âme sans se désolidariser de celle-ci car elles sont elles aussi insufflées en l’homme pour que l’âme les domine. Et lorsque les forces matérielles diffusées dans le corps par la matérialisation des pulsions organiques se mettent au service de l’âme, alors ce corps peut casser toutes les barrières qui se dressent entre l’âme et son créateur sans aucune fatigue. L’homme peut alors vaincre la fatigue le sommeil la paresse la faim et la soif et se servir au contraire de ses énergies bassement matérielles pour les sublimer et les transcender.
Quels sont les chemins et les moyens pour faire sortir ces pulsions développées par le corps et les faire se transcender pour devenir complètement spirituelles? Comment arriver à étudier la Torah avec une telle concentration qu’aucune pensée matérielle ne vienne polluer son étude et cela dans un laps de temps sans limite où la faim la soif et la fatigue sont absents? Par l’habitude et l’entraînement. De ceci nous pouvons percevoir la force qui se cache dans l’habitude et l’entraînement car par ce travail régulier et continuel les forces du corps peuvent se transformer pour se matérialiser. S’habituer à ne pas manger à ne pas dormir à se concentrer, raffermi les forces du corps et les développe.
Arriver à ce niveau de domination ne se fait pas par la sagesse mais par un entraînement physique. Car lorsque se réveillent en l’homme les désirs, pulsions organiques, aucune sagesse ne peut se tenir devant cet ouragan d’énergies matérielles. Nous voyons qu’Avraham, après la guerre contre les quatre rois, a refusé de prendre quoi que ce soit du roi de Sodome. Qui peut ressentir la force développée par le corps dans cette épreuve? Et comment Avraham a-t-il pu surmonter cet ouragan de pulsions qui s’est développé à ce moment précis? Du fait de sa force mentale car les patriarches connaissaient parfaitement les principes enfouis dans le corps et la puissance de l’entraînement. Comment un homme peut-il arriver à courir le marathon de 42km en 2h10, à plus de 20km/h ?! Si ce n’est pas un entraînement assidu de longue haleine. Ces forces enfouies dans le corps qui par l’entraînement peuvent se matérialiser. Faire que le cœur arrive à transformer d’une manière intensive l’air qui lui arrive en oxygène sans fatigue. Faire que les muscles soient bien oxygénés. Que le cerveau soit bien irrigué. Le corps devenant une machine fonctionnant à plein régime.
Alors que Bilham le mécréant qui était un prophète du même niveau que Moshé, n’avait pas la force de se tenir contre ses pulsions matérielles car il était trop tendre. C’est cette force que le peuple d’Israël avait développée par rapport aux autres peuples du monde et pour cela, ils ont pu se tenir et dominer les pulsions de leurs corps pour arriver à ce niveau extrême de « nous ferons et nous écouterons ». Et ainsi le roi David est arrivé à ce niveau de « puissants de force » en disant: » je pensais mes chemins et mes pieds me ramenaient vers tes témoignages ». C’est-à-dire que la force de l’habitude prenait le contrôle de mon corps et le dirigeait vers les endroits de Torah. Bien que mon esprit décidait une direction, mon corps prenait le contrôle et ressentait ce que D-ieu désirait de moi.
L’étude de la Torah ne doit pas être perçue comme une simple sagesse qui reste au niveau de l’intellect mais doit être une sagesse du corps qui prenne le contrôle de tout le corps afin que celui-ci transpire cette Torah. Et ceci ne peut se faire que par la puissance de l’entraînement et de l’habitude. Un combat de tout instant, comme un athlète qui s’entraîne tous les jours pour raffermir et transformer son corps. Ainsi l’homme doit étudier la Torah jour et nuit, ne penser qu’à elle afin de dominer son corps car sans ce travail incessant de l’esprit sur le corps, les pulsions du corps vont envahir son esprit empêchant la Torah de se diffuser dans le corps.