Lois de Chabbat X
Demander un service à son ami plus souple sur une Halakha
Cours hebdomadaire du Rishon Letsione Marane Rav Itshak Yossef Shalita du 16 Février 2019
Demander pendant Chabbat
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Chiour hebdomadaire (16 Février 2019) de Maran Harishon Létsion Hagaon Hagadol Rabbénou Itshak Yossef Chlita
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Lois de Chabbat : Demander le service de son ami plus souple sur une Halakha (suite)
Demander durant Chabbat à son ami plus souple – Verser de l’eau du Koumkoum dans la dafina (suite) – Qu’en est-il s’il a ajouté de l’eau du robinet dans la dafina ?- Réchauffer de l’eau qui a refroidi, durant Chabbat – Un plat majoritairement sec – Chauffer sur la plata – Lois de Mi’hzei Kémévachél
Parachat Ki Tissa
Rédaction réalisée par le Rav Yoel Hattab – Correction et relecture Mme Shirel Carceles
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Pour la reussite de Itshak Ben Hanna et Choulamite bat Yael
Pour la Guérison complète de Sarah Bat Gilbert
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Pour continuer sur les sujets que nous avons développés les semaines précédentes, pour rappel, le Choulhan Aroukh (Siman 263 Halakha 17) tranche qu’un homme ayant pris sur lui Chabbat plus tôt, aura le droit de demander à son ami n’ayant pas encore pris Chabbat, qu’il lui réalise un travail. Par exemple, dans le cas où la personne a omis de brancher la plata de Chabbat ou bien d’autres choses.
Nous avons rapporté deux raisons à cette autorisation, et la source de cette Halakha est rapportée par le Rashba. La raison principale est que même si cette personne a pris sur elle le Chabbat, et donc par extension il lui serait défendu de faire appel à quelqu’un pour réaliser ce travail, l’interdit de base est Amira LéGoy, demander à un non-juif un travail durant Chabbat. Mais, on ne peut trouver à aucun endroit, l’interdit de demander à un Juif.
Selon cela, le Maharikash (Rabbi Yaakov Kastro, qui vécut à la même époque que Maran HaChoulhan Aroukh), le Maharam Ben Haviv (second Grand Rabbin d’Israël il y a 350 ans), le Maharam Chik (l’élève du Hatam Soffer) et d’autres, tirent de cette Halakha que si une personne est d’avis plus strict sur un sujet, alors que son ami suit l’avis le plus souple, ce dernier pourra être appelé à réaliser pour son ami plus strict, cet acte en question.
Selon cela, nous avons dit dans le cours précédent, qu’étant donné qu’au sujet de la dafina qui brûle sur la plata, étant donné qu’un Sefarade est défendu d’ajouter de l’eau même directement du Koumkoum à l’intérieure, un Ashkenaze, suivant l’avis du Rama qui est plus souple à ce sujet, pourra réaliser cela pour son ami Sefarade[1].
Pas de l’eau du robinet !
Il est évident que même pour un Ashkenaze, il sera totalement défendu d’ajouter de l’eau du robinet, mais uniquement du Koumkoum.
Il y a environ 60 ans, alors que nous étions encore jeunes, nous habitions dans une petite maison dans laquelle nous étions obligés de dormir proche de l’entrée. Un Chabbat, vers 2h du matin, on entend frapper à la porte. On alla ouvrir. Deux Hassidim se tenaient devant la porte et demandèrent à parler à notre père, Maran Harav Zatsal. On s’aperçut qu’il ne dormait pas, encore assidu à son étude. Il nous demanda de les faire entrer. Les deux invités racontèrent alors leur désaccord. L’un d’entre eux, était chargé de s’occuper ce Chabbat même des repas. Le soir, il remarqua que la marmite contenant le repas du lendemain, manquait de brûler, à cause du manque d’eau. Il ajouta alors de l’eau du robinet à l’intérieur. Mais son ami, ici présent, vit ce qu’il venait de faire et lui dit alors que personne ne pourrait manger ce repas le lendemain ! Celui qui avait enfreint l’interdit, essaya d’apaiser les choses, disant que l’on se tiendra sur la majorité du plat et non pas sur la quantité d’eau minoritaire. Qu’en était-il de la Halakha ? D’un côté, nous avons une généralité importante rapportée dans le traité Beitsa[2] disant Davar Chéyéch Lo Matirine Afilou Bééléf Lo Batil, c’est-à-dire qu’une chose qui sera permise avec le temps, on ne pourra pas l’annuler même s’il y a 1000 fois la quantité. Dans notre cas, la Halakha nous enseigne que lorsqu’une personne cuit un aliment intentionnellement, l’aliment en question ne sera permis à la consommation qu’à la sortie de Chabbat pour les autres, en revanche il sera défendu de consommer cet aliment à jamais pour le cuisinier.
Ainsi donc, étant donné que l’aliment est permis à la sortie de Chabbat, on le considérera comme étant Davar Chéyéch Lo Matirine Afilou Bééléf Lo Batil. Même si l’eau ajoutée est minime face à la grande marmite, l’eau ne s’annulera pas et le plat sera donc interdit à la consommation. En revanche, selon le Beit Yossef[3], la Halakha dira, que l’on met en application la règle citée (Davar Chéyéch Lo Matirine) uniquement lorsque l’aliment en question sera permis avec le temps pour tout le monde. Dans notre cas, la consommation de ce plat sera interdite au cuisinier à jamais. Ainsi, même pour les autres, cette règle n’est pas mise en application. Par ailleurs, on pourra dire que l’eau qui a été versée du robinet dans cette marmite s’annule dans la majorité du plat. Il sera donc permis à la consommation durant Chabbat. Selon cette logique, Maran Harav Zatsal répondit à leur interrogation. Même si le Magen Avraham[4] est plus strict à ce sujet, la Halakha dit que l’on pourra consommer ce plat.
Première interrogation
Comme nous l’avons déjà développé dans certains cours, selon Maran Harav Zatsal dans ses responsa Yehavei Daat[5] et Yabia Omer[6], il est permis durant Chabbat de faire chauffer un plat majoritairement sec, c’est-à-dire que l’on définira l’élément principal du plat. Par exemple, dans un plat de poisson, même s’il y a du jus, l’élément principal est en fin de compte le poisson. Ce qui n’est pas le cas pour une soupe de pâtes ou bien de légumes, car le plat est appelé « soupe ». Il trancha de cette manière selon ce que nous apprend le Beit Yossef[7], que nous devons juger selon la majorité du plat. D’ailleurs, dans le Choulhan Aroukh, il différencie bien la Halakha selon le cas où il y a de la « soupe » ou non. Et non pas s’il y a de la « sauce », définissant bien la différence de la Halakha. En effet, en général lorsque l’on parle d’une soupe, il s’agit d’une majorité liquide, alors qu’une sauce d’un plat est annulée face à l’aliment principal qui est sec.
Selon cela, interrogeons-nous : pour quelle raison interdire de verser de l’eau du Koumkoum dans une dafina qui brûle, alors que cette eau est minoritaire ? Donc, en fin de compte, même si l’eau va cuire à nouveau dans la marmite, n’est-ce pas l’aliment principal qui est important, en l’occurrence, le plat ?
Seconde interrogation
Introduisons. Nous pouvons nous interroger aussi sur un second point. Rabbénou Yona[8] enseigne que lorsqu’un aliment liquide se détériore par sa cuisson (Mistamék Véra lo), il n’y a plus de cuisson après cuisson (même sur un liquide). Dans le traité Chabbat[9] il est dit que l’eau, à partir de sa deuxième cuisson, prend juste le titre de Mistamék Véra lo, car elle s’évapore. Selon cela, suivant l’avis de Rabbénou Yona, une eau qui a déjà était cuite au préalable, même si elle a refroidi, on aura le droit de la mettre à nouveau sur la plata durant Chabbat. L’interdit de cuisson après cuisson sur un aliment liquide (Bichoul a’har Bichoul béla’h), restera pour une soupe et un plat liquide, car les chauffer à nouveau, ne fait qu’améliorer le plat (Mistamék véyafé lo).
Cependant, le Mishna Berroura[10] tranche la Halakha comme le Gaon miVilna[11] et le Tosséfeth Chabbat[12], même si le liquide en question prend le statut de Mistamék Véra lo, il sera défendu de le chauffer de nouveau durant Chabbat.
Mais la Halakha est tranchée, comme nous pouvons déduire des mots employé par le Choulhan Aroukh, explicitant bien qu’un plat avec de la sauce, qui s’améliore en le chauffant, on ne pourra pas le chauffer durant Chabbat, selon tout le monde. Fin de citation. Nous pouvons donc apprendre, que s’il s’agit d’un plat liquide qui se détériore en le chauffant, il sera permis durant Chabbat. De cette manière les A’haronim expliquèrent l’avis du Choulhan Aroukh. Tel est l’avis du Ta’z[13], du Min’hat Cohen, du responsa Zera Emeth, du Hida, du Peta’h Hadvir, et du Nahar Chalom. D’ailleurs le livre Chém ‘Hadash témoigne que l’habitude à Jérusalem à l’époque était de réchauffer le café durant Chabbat. En effet, même s’il y a Bichoul A’har Bichoul béla’h, ce liquide se détériore lors d’une seconde cuisson, et cela est donc permis.
Certains verront cela comme quelque chose d’étonnant, mais il faut savoir que selon ce développement, il en ressort une Halakha : une personne qui se lève le matin et se rend compte que la plata s’est arrêtée, et que l’eau qui se trouve dessus à totalement refroidi, il sera permis de faire passer cette marmite d’eau sur une autre plata. Celui qui veut être plus strict sera digne de louanges, mais selon la Halakha, c’est permis.
L’interrogation : Selon cela, pour quelle raison Maran Hachoulhan Aroukh interdit de verser de l’eau d’un Koumkoum dans la dafina ? Même si la Halakha est tenue que du fait de verser l’eau, la température diminue lors du versement, il s’agit d’eau, et comme nous l’avons dit, il n’y a pas de cuisson après une première cuisson pour de l’eau.
A chaque question il y a une réponse
Selon ces interrogations, certains qui n’ont pas connaissance des Poskim, se diront, qu’il s’agit d’une contradiction dans le Choulhan Aroukh. Mais l’Admour Missokhotchov rapporte dans son livre Iglei Tal une réponse. Il est vrai que l’eau prend le statut de Mistamék Véra lo, mais seulement lorsque l’eau uniquement est réchauffée. Mais lorsque l’eau est mélangée à un plat, l’eau y est mélangée, et prendra le statut de Mistamék Véyafé lo (s’améliore). Il existera donc l’interdit de Bichoul A’har Bichoul béla’h. Selon cette explication, la réponse est donnée aux deux interrogations : 1) on ne peut pas suivre la majorité du plat dans ce cas-là, car l’eau est un élément important, et la personne apporte donc de l’intérêt à ce que cette eau cuise. 2) l’eau prend, dans ce cas, le statut de Mistamék Véyafé lo, car l’eau fait partie intégrante du plat.
L’avis du Choulhan Aroukh
J’ajouterai une autre explication sur l’avis du Admour. Comme nous l’avons déjà rapporté, le Choulhan Aroukh est d’avis qu’il est défendu de réchauffer un aliment liquide sur la plata durant Chabbat. Il suit l’avis de Rachi, des Tossafot et du Rosh. Le Magen Avraham rajoute, qu’il s’agit d’un interdit de la Torah. Certains Rabbanim de notre générations questionnent : pour quelle raison le Choulhan Aroukh se tient sur leur avis, alors que le Rambam, le Rashba, le Rambane, le Rane et le Ritva, qui sont Sefarades, pensent, eux, qu’il n’y a pas de cuisson après cuisson même pour un aliment liquide ? De plus, Maran Ha’haviv dans son livre Knesset Hagdola[14] écrit qu’en général le Choulhan Aroukh est basé sur le Rambam. Maran HaChoulhan Aroukh lui-même écrit dans son responsa Avkat Rokhél[15], que le Rambam est considéré comme étant le Mara Déatra[16]. De même le Rashba, décrit dans Yoré Dé’a[17] par le Beit Yossef lui-même comme étant « la lumière du monde » !
Pour répondre, il faut savoir que ceux qui sont d’avis que réchauffer un plat liquide est interdit, pensent qu’il s’agit d’un interdit de la Torah. Pour eux, un plat liquide est difficilement mangeable lorsqu’il est froid. Ainsi, le fait de le réchauffer, va apporter beaucoup au plat. Alors qu’un aliment sec, comme des boulettes de viande par exemple, est facilement mangeable sans être réchauffé. Il se peut que le Beit Yossef comprit comme cela la différence entre ces deux aliments. Il suit alors la règle de Safék Déoraïta La’houmra[18]. En effet, le Choulhan Aroukh se vit d’être plus rigoureux, car il est face à une discussion entre deux parmi les trois piliers de la Halakha, le Rambam plus souple, face au Rosh plus rigoureux. Le Rif, troisième pilier, ne donna pas son avis à ce sujet.
Mais lorsqu’il s’agit d’un plat majoritairement sec, lorsque la personne chauffe ce plat, son intention primaire est sur l’élément sec, car il s’agit de l’élément principal du plat. Il ne veut juste pas se fatiguer à retirer la sauce. On considérera donc l’action de réchauffer ce plat comme étant un Psik Réché[19].
Expliquons. Les Tossafot[20] nous enseignent que lorsqu’une personne réalise un Psi Réché mais que l’interdit qui en découle n’apporte pas d’intérêt à la personne (Lo Ni’ha Lé[21]), si l’interdit qui en découle est un interdit de la Torah, il descend d’un niveau, est devient un interdit Rabbinique. D’ailleurs, l’Encyclopédie Talmudique[22] apporta que tel est l’avis de beaucoup de Poskim.
Dans notre cas, on peut donc dire, que si la personne n’a pas d’intérêt pour la sauce, lorsqu’elle chauffe son plat (majoritairement sec), elle rentre dans le principe de Psik Réché délo Ni’ha lé.
Selon notre développement, rappelons que le Beit Yossef a été plus rigoureux, par le fait qu’il s’agit d’un Safék Déoraïta. Mais, dans notre cas, étant donné que l’interdit est descendu à un niveau d’interdit Rabbinique, on pourra suivre le principe de Safék Dérabanane Lakoula[23]. Voici donc, une autre explication selon laquelle, on suivra la majorité du plat.
La source du principe selon lequel on suivra la majorité
Plusieurs Rabbanim contemporains pensent que le plat doit être totalement sec pour pouvoir le réchauffer. Comme le Gaon Harav Messass Zatsa’l, dans son responsa Chéméch Ou Maguéne[24] et le Rav Ben Tsion Aba Chaoul dans le Or Létsion[25] et d’autres encore. Ils se tinrent sur cela en pensant que tous les A’haronim qui autorisèrent la cuisson lorsque la sauce est minoritaire, eurent une lecture erronée du Rabbénou Yérou’ham, venant d’une mauvaise édition. Expliquons.
Le Beth Yossef[26] rapporte l’avis de Rabbénou Yérou’ham au nom de Rabbénou Yona[27], que lorsque l’aliment est dans sa majorité liquide, la loi de cuisson après cuisson existe. Il sera donc défendu de le faire chauffer. On déduit de ces termes qu’a contrario, lorsque l’aliment est majoritairement sec, comme du poisson avec de la sauce, il sera permis de le faire chauffer sur la plata. De même pour la dafina, qui est composée de pommes de terre, d’haricots blancs, de viande, etc…, on se tiendra sur l’élément majoritaire.
Paradoxalement, le Beth Yossef plus loin[28] rapporte à nouveau l’avis de Rabbénou Yérou’ham, sans pour autant citer le terme « majoritaire », mais écrit : « tout aliment qui a du liquide, il sera interdit de le réchauffer. Et pour tout aliment qui n’a pas de liquide, ce sera permis ». Il ne met pas l’accent sur le point de distinction « majoritaire ou non ». De même, dans le Choulhan Aroukh[29], il n’existe aucune trace de cette distinction.
Selon ces Rabbanim, on peut donc comprendre que même dans le cas où il y a très peu de liquide, il sera défendu de le mettre à chauffer sur la plata.
Cependant, la plupart des Poskim depuis 400 ans, pensent que l’on suivra la majorité du plat. Tels que le Minhath Cohen[30], le responsa Zera Emeth[31], le Hida[32], le Peta’h Hadvir[33], le Nahar Chalom, le Maharsham[34] et d’autres encore. Ainsi, si la majorité du plat est sèche, même s’il y a de la sauce, c’est permis. Selon le Minhath Cohen[35], le Beth Yossef connaissait et savait que l’édition sans la précision « majorité » était la bonne, mais de lui-même il ajouta cette précision. Il est impossible d’être sûr qu’un aliment est totalement sec. On ne peut être précis à 100%. Même une pomme de terre est humide. De même que la viande. Mis à part cette raison, certains dirent que la minorité liquide prend le statut de Mistamék Véra Lo. Et, comme nous l’avons précisé plus haut, même un liquide, à partir du moment où il a ce statut[36], il sera permis de le réchauffer.
De plus, le Rav Frank dans son responsa Har Tsvi[37] rapporte une autre raison. Il est dit dans la Halakha, qu’il est défendu durant Chabbat de déplacer un défunt. Le lit qui a été utilisé devient aussi Mouksé. En revanche, on aura le droit de déplacer avec ce même lit, une personne (vivante), car le lit même s’il est Mouksé, est moins important que l’homme qui est dessus. Ainsi, il s’annulera. Il en est ainsi de même pour le liquide qui est minoritaire, on aura le droit de faire chauffer un plat sec, même s’il y a à l’intérieur de la sauce, car celle-ci est moins importante que l’aliment principal.
Qu’appelle-t-on « la majorité » ?
Certains se demandent quelle est la définition de « majoritairement sec ». Ce n’est pas comme un vote au parlement, mais bien l’élément principal du plat. Dans la dafina, par exemple, les aliments majoritaires qui nous importent sont les aliments secs. De même pour le poisson, l’aliment principal c’est le poisson. Et ce, même si la sauce flotte. Mais comme nous l’avons assez développé dans les paragraphes précédents, il est interdit de verset dans le plat de l’eau chaude même directement du Koumkoum, car il importe à la personne que cette eau chauffe.
Conclusion : une eau qui a déjà été bouillie (minimum, qui est déjà arrivée à une température de Yad Solédéth Bo), et a refroidi, il sera permis de prendre cette eau et de la poser sur une autre plata, afin qu’elle se réchauffe. Il sera de même permis de prendre un plat majoritairement solide du frigidaire et de le chauffer sur la plata.
Chauffer sur la Plata
En effet, il faut savoir que durant Chabbat nous avons le droit de poser un plat déjà cuit, majoritairement solide sur la plata. Expliquons. Il faut savoir que durant Chabbat nous avons un interdit de chauffer d’une manière où en général l’aliment est cuit de la même façon, même si en fin de compte on ne transgresse pas d’interdit de cuire. On appelle cela, mi’hzé kémévachél. Pour ce qui est de la plata, étant donné qu’elle n’est pas utilisée en tant que support de cuisson, mais uniquement pour chauffer, ce sera permis[38].
En revanche, dans le livre Or Létsion[39] il est écrit qu’il y a un problème de mi’hzé kémévachél sur une plata. Il sera donc, selon lui, défendu de chauffer un plat sur une plata le Chabbat. J’ai pris connaissance avec un Kollelman qui était présent lors du cours donné par le Gaon Harav Ben Tsion Aba Chaoul au sujet de la plata. Au début, le Rav disait qu’il n’y a pas d’interdit, jusqu’au moment où un élève se leva et dit que dans la salle de réception Eikhal David (à Jérusalem), ils cuisent même en semaine sur la plata. Un autre aussi témoigna qu’il faisait de même à l’hôtel Ramada. Selon ces deux témoignages, le Rav Ben Tsion dit que dans ce cas-là, l’interdit de mi’hzé kémévachél existe pour la plata.
Mais avec tout mon respect, on ne tranche pas une Halakha selon l’action d’une personne ou d’un hôtel. On suit l’ensemble. On voit bien que ni les Anglais, ni les Français, ni les Chinois, ni les Japonais, ni les Israéliens n’utilise une plata pour cuire.
Conclusion : il n’y a pas d’interdit de mi’hzé kémévachél sur une plata de Chabbat.
L’interrogation du Gaon Hakham Chalom Cohen
Le Gaon Hakham Chalom Cohen s’interroge à notre sujet : pour quelle raison Maran Harav Ovadia Yossef interdit de verser de l’eau chaude du Koumkoum dans sa marmite de dafina ? On peut utiliser la règle de Safék Sfeika[40] ?
Maran Harav Zatsal utilise à plusieurs reprises ce principe. Par exemple en ce qui concerne la discussion opposant le Choulhan Aroukh et le Rama au sujet de l’interdit de la cuisson d’un non-juif. Selon le Raavane, Rabbénou Peretz, le Kol bo, le Agour, et le Mordekhi, il est permis de laisser un non-juif poser la marmite sur un feu allumé par un juif. Tel est l’avis du Rama. Alors que selon le Rashba, le Rane et le Ribash au nom de tous les Poskim, il est défendu de procéder de la sorte : le juif doit allumer et poser la marmite[41]. De cette manière tranche le Choulhan Aroukh. Le Livre Kol Eliahou et le Pri Hadash écrivent qu’il est très grave d’aller à l’encontre du Choulhan Aroukh à ce sujet[42].
Mais quand bien même, Maran Harav Zatsal trancha en étant plus souple, dans le cas par exemple où une personne arrive à un mariage affamée. Il associe deux doutes Halakhique : il se peut que la Halakha soit tenue comme le Rama (plus souple) et même si ce n’est pas le cas, il est possible que l’on tienne la Halakha comme le Raavad disant que l’interdit de Bichoul Goy, c’et uniquement lorsque le Juif va manger son repas chez le non-juif. Il y a plus de communication et de rapprochement. Ce qui n’est pas le cas, dans la propriété du Juif. De plus, on pourra associer aussi l’avis du Rambane, disant que pour des femmes non-juives travaillant chez le Juif, il n’y a pas d’interdit de Bichoul Goy. Sur cela, le Rashba lui-même rapporte au nom de l’un de ses maîtres (le Rambane lui-même) qu’on ne tient pas comme cela la Halakha. Tel est l’avis aussi du Choulhan Aroukh, qu’il n’y a pas de différence entre chez le non-juif ou chez le Juif.
Mais Maran Harav Zatsal rapporta selon chacune des discussion, que l’on peut être plus souple pour cette personne dans un mariage Bédi’avad. Alors pour quelle raison ne pas utiliser ce même principe de Sfek Sfeika pour la dafina ?
Expliquons : Nous venons de rapporter que selon Rabbénou Yona le fait de verser de l’eau est interdit. Mais le Rane contredit cet avis. Même si nous tenons la Halakha comme Rabbénou Yona, le fait est qu’il y a une discussion à ce sujet (1er Safék).
De plus, il existe une discussion dans les Rishonim s’il y a cuisson après une première cuisson, sur un aliment liquide. Selon le Rambam, le Rashba, le Rane le Rambane, et le Meiri : il n’y a pas de cuisson après une première cuisson même sur un aliment liquide. Alors que selon Rachi, Tossafot, Rosh et Rabbénou Yona, il y a une cuisson qui se fait même après que ce liquide a déjà cuit. Contrairement à un aliment sec. Tel est l’avis du Choulhan Aroukh[43] (2ème Safék).
Pourquoi ne pas dire Safék Sfeika et autoriser de verser de l’eau chaude du Koumkoum dans sa marmite de dafina ?
C’est une question très forte. Mais après plusieurs années lorsque j’écrivis le Choulhan Aroukh j’appris que ce n’était pas une question. En effet, nous avons une règle qu’on ne dit pas Safék Sfeika lorsque le Choulhan Aroukh est explicite. Et cela, même si on peut trouver 10 Sfeikot.
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[1] Pour rappel (voir le cours précédent et celui de Lekh Lekha) : il existe une discussion dans la Halakha en ce qui concerne une cuisson après cuisson sur un aliment liquide. Selon le Choulhan Aroukh, il est défendu de chauffer à nouveau un aliment liquide, même s’il a déjà été cuit une première fois. Si, en se levant le matin, la personne se rend compte que la dafina commence à brûler, car il manque de l’eau, peut-elle verser de l’eau du Koumkoum dans la marmite ? Le Rane rapporte au nom de Rabbénou Yona, ainsi que le Nemoukei Yossef : certains trébuchent dans la faute, sur le fait de verser de l’eau chaude dans la dafina le Chabbat. Fin de citation. Rabbénou Yona rapporte deux raisons pour expliquer la problématique :
1ère raison : il est possible que l’une des deux substances (l’eau ou la dafina) ne soit pas à une température de Yad Solédéth bo. Donc, en versant l’eau, l’une des deux substances va cuire. De cette première raison, nous pouvons logiquement nous dire que la problématique est dans le cas où l’une des substances (l’eau par exemple) est tiède. Mais dans le cas où les deux sont à une température élevée, il n’y aurait pas de problème de verser.
2ème raison : même si les deux substances sont bouillantes, à une température supérieure à Yad Solédéth bo, l’eau va se refroidir lorsqu’elle va s’écouler, et va à nouveau cuire en arrivant dans la dafina. En effet, on pourra considérer le fait de verser comme étant un Kli Chéni, qui va se retrouver à nouveau dans un Kli Richone (la marmite de dafina). Tel est l’avis du Yérouchalmi : Irouy aré hou Kli Chéni, le fait de verser, rend l’eau sous le statut de Kli Chéni. Et comme nous l’avons précisé, on considère une cuisson après une première cuisson pour un aliment liquide. Tel est l’avis de Rachi (Chabbat 34b), des Tossafot (Yéshénim 37b), du Rosh (Traité Chabbat Chap.3 Siman 10), de Rabbénou Yérou’ham (Nétive 12 Vol.3), et du Tour (Siman 318). Selon cette seconde raison, même dans le cas où l’eau qui se trouve dans le Koumkoum est très chaude, l’interdit restera. Le Rane contredit Rabbénou Yona et pense qu’il n’y a pas de cuisson après cuisson même sur un aliment liquide, en l’occurrence de l’eau. Sur ce, le Choulhan Aroukh tranche la Halakha comme Rabbénou Yona. Alors que le Rama (Siman 318 Halakha 15) suivant l’avis du Rane (Chabbat 40b), est plus souple, tant que l’eau n’a pas totalement refroidi, il serait permis de l’ajouter à la marmite. En effet, selon lui, il n’y a pas de cuisson après cuisson pour un aliment liquide. Tel est l’avis du Rambam (Lois de Chabbat Chap.9 Halakha 3 Et Chap.22 Halakha 8), du Rambane, du Rashba et du Meiri (traité Chabbat 40b).
[2] 2b
[3] Yoré Dé’a fin du Siman 102
[4] Siman 318 alinéa 2
[5] Vol.2 Siman 45
[6] Vol.7 Orah Haim Siman 42 alinéa 6
[7] Siman 253
[8] Rapporté par le Rabbénou Yérou’ham Nétiv 12 vol.3 p.69a. Il vécut il y a de cela 850 ans, à la même époque que le Rambam. A cette époque, certains allèrent à l’encontre du Rambam et à leur tête, Rabbénou Yona. Ils l’accusèrent de manger des doigts d’humains, et d’une bête sans abattage rituel. En réalité, les « doigts d’humains » étaient une sorte d’herbe. Et la viande sans abattage, était une bête se trouvant dans le ventre de la vache lors de son abattage, plus communément appelée Ben Pékou’a. Cette bête pouvait être consommée sans abattage. 50 ans après le décès du Rambam, ils prirent tous ses livres, les mirent sur son caveau et les brûlèrent ! Mais avant son décès, Rabbénou Yona se rendit compte de son erreur, car il sut que parmi ceux qui parlaient à l’encontre du Rambam, il y avait des colporteurs et que les propos tenus à son encontre n’étaient pas fondés. Il voulut alors demander pardon au Rambam. Il prit le chemin depuis Gérone (Espagne, en Catalogne) vers l’Egypte (où était le Rambam). Il accomplit par cela la Mitsva de demander pardon à son ami, car les interdits concernant l’homme envers son ami, ne sont pardonnés à accomplir que par le consentement de pardon, de son ami. Comme il est dit dans le traité Yoma (85b). Mais sur le chemin, il apprit que le Rambam décéda. Pour se faire pardonner alors, il écrit son livre « Chaaré Tchouva ».
[9] 38a. En Hébreu Laméd ‘Héth, initial du mot La’h (liquide)
[10] Siman 318 alinéa 25 et 62)
[11] Siman 318 Halakha 4
[12] Siman 318 alinéa 18 et 32
[13] Alinéa 4, 6
[14] Sur les lois de Pessah Siman 495 alinéa 5
[15] Siman 10 et 32
[16] Rav du pays que l’on doit suivre au niveau Halakhique.
[17] Siman 105
[18] En cas de doute sur une loi de la Torah on sera plus rigoureux
[19] Pour rappel (voir dans les cours précédents), le principe de Psik Réché, est un interdit qui va découler obligatoirement d’une autre action. Dans notre cas, la personne veut chauffer son aliment sec, et obligatoirement la sauce va être chauffée aussi.
[20] Traité Chabbat 103a et Ketoubot 6a
[21] Ou Lo Eikhpat lé, c’est la même chose.
[22] Davar Chééne Mitkaveine
[23] Dans un cas de doute sur un interdit Rabbinique, on sera plus souple.
[24] Vol.1 Orah Haim, Siman 26 alinéa 1
[25] Vol.2 Chap.30 alinéa 123
[26] Siman 253
[27] Il vécut il y a environ 800 ans
[28] Siman 318
[29] Siman 318 Halakhot 4, 7, 8, 15
[30] Chaar 3 Chap.3 dans les notes
[31] Orah Haim Siman 39
[32] Birkei Yossef Siman 318 alinéa 5
[33] Siman 318 seconde alinéa 6
[34] Daat Torah Siman 318 alinéa 15
[35] Il y a de cela près de 400 ans.
[36] Comme l’eau déjà cuite au préalable
[37] Orah Haim Vol.1 p.163
[38] Un jour un Kollelman Américain vint voir le Rav Eliashiv pour lui faire montrer ce qu’on avait écrit dans le Yalkout Yossef à ce sujet. L’avis du Rav Eliashiv étant d’interdire de réchauffer sur la plata le Chabbat, il commença à lire les deux pages écrites à ce sujet, rapportant l’avis du Maharsha (Chabbat 40b), du Maharil (lois de Chabbat alinéa 16) et du Gaon miVilna (Siman 253 alinéa 5) qu’il n’y a pas de mi’hzé kémévachél sur une plata. Après sa lecture il dit juste que ce n’était pas son avis. Cette manière de répondre pour un Rav Ashkenaze est rare. En général, leur réponse est plus dure. Ils n’hésitent à fermer le livre si le sujet qui est lu ne leur plait pas. D’ailleurs je me souviens, lorsque j’étais élève de Yeshiva, le Rav Chakh venaient nous donner cours. Une fois, après le cours je vins le voir pour lui faire part d’une question que je me posais sur un Rishone. Il me secoua faisant comprendre qu’il n’était pas d’accord avec ce que je disais.
[39] Vol. Chap.30 alinéa 13
[40] Il existe une généralité disant que dans le cas où sur un même point Halakhique il existe deux doutes, comme par le fait que ce sujet est discuté sur deux points différents, on pourra être plus souple.
[41] A la rigueur, dans le cas où la marmite est assez lourde, on pourra laisser le non-juif poser la marmite sur un gaz éteint et par la suite le juif allume
[42] Le Hida rapporte d’ailleurs que celui qui est plus souple comme le Rama à l’encontre du Choulhan Aroukh, il faut procéder à des supplications lors de Kippour. D’ailleurs, le Mahari Fradji, chef du tribunal Rabbinique à Alexandrie il y a 250 ans, écrit lui aussi au sujet du Rambam, que celui qui est plus souple à l’encontre du Rambam, dénigre ses maîtres. On dira de même en ce qui concerne Maran HaChoulhan Aroukh. Ainsi, celui qui veut être plus strict, qui le soit pour lui-même, chez lui (qu’il ferme les volets), mais qu’il n’enseigne en aucun cas comme cela aux autres.
[43] Siman 318 Halakha 4, 7-8