Les préparatifs pour l’exil. Paracha Vaygach. Réouven Carceles

Les préparatifs pour l’exil. Paracha Vaygach. Réouven Carceles

Les préparatifs pour l’exil

La dernière partie de la Paracha traite de la situation économique en Egypte durant les années de famine. Après avoir décrit la sévérité de la famine, la Torah nous dit : « Yossef recueillit tout l’argent qui se trouvait dans le pays d’Egypte et dans celui de Canaan, en échange du blé qu’ils achetaient et il fit entrer cet argent dans la maison de Pharaon » (chap. 47/14).

Le déroulement de ces événements paraît obscur. En effet, il semble que d’abord tout l’argent fut amassé par Yossef et qu’ensuite il fut déposé dans la trésorerie de Pharaon. Il aurait certainement été plus habituel et même plus pratique d’avoir mis l’argent dans la trésorerie de Pharaon au moment où la population le donnait, plutôt que d’attendre que tout soit remis avant de le faire passer à la trésorerie. Quel était l’intérêt de la manœuvre ? Quelle était l’intention de Yossef ?

Le Chem Michmouel explique au nom de son père que Yossef rassembla toute la richesse du monde, afin que le Klal Israel puisse l’emporter avec lui au moment de l’exode, plusieurs siècles plus tard. Ce concept dépasse en fait de très loin celui de l’argent purement matériel. Il existe, comme toujours, un parallèle spirituel aux événements matériels. Le Maître explique que la signification fondamentale du terme Kessef, « l’argent », provient des mots désir ou nostalgie. En fait le parallèle de l’argent matériel, c’est l’aspiration spirituelle et c’est ce sentiment-là que Yossef recueillait, si l’on peut dire, dans son rôle de vice-roi d’Egypte. Yossef rassembla chaque part de désir et d’étincelle pour la sainteté présente dans le monde à cette époque, et prête à être utilisée par le Klal Israel au moment approprié. Et en termes réels et spirituels, c’est avec cette grande richesse qu’Israël quitta l’Egypte, et c’est aussi au moment où ils atteignirent un stade de développement suffisant dans leur exil qu’ils furent en mesure d’apprécier et d’utiliser toutes ces « étincelles » et de quitter l’Egypte pour se préparer à la sainteté et au Matan Torah (don de la Torah). L’argent matériel que Yossef recueillit n’était donc qu’une façade pour cet objectif. Ce n’était qu’un vêtement extérieur couvrant le but réel que devait atteindre Yossef.

 Les préparatifs pour l’exil

Il est possible de comprendre maintenant pourquoi celui-ci rendit l’argent à ses frères lorsqu’ils vinrent acheter du blé en Egypte. L’argent, c’est-à-dire dans notre contexte, le désir, et les étincelles de spiritualité, appartenaient déjà à Ya’akov et sa famille, et n’avaient pas besoin d’être recueillis par Yossef. En réalité, ce niveau de désir pour le spirituel, était déjà en leur possession, avant même que débute l’exil. Cette part de sainteté resta entre les mains des fils de Ya’akov, afin de constituer la base pour l’avenir.

Ce concept peut nous aider à répondre à la question de départ, à savoir pourquoi Yossef recueillit d’abord tout l’argent, avant de le remettre à Pharaon ? Nous savons que Yossef était un grand Tsadik (juste), le Sifté Cohen nous explique que la joie immense de ses retrouvailles avec son père Ya’akov éleva celui-ci (Yaacov) à un niveau le rendant capable de prédire la « fin des temps », c’est-à-dire la rédemption finale, et lui a donc permis de voir la grandeur de Yossef. C’est ce que Ya’akov annonça à Yossef lors de leur rencontre : « tu es un saint » et je sais que tu vis au sens le plus élevé du terme. Il était le modèle même de la sainteté, à ce titre nous avions déjà évoqué (voir Dvar Torah Paracha Vayechev) que Yossef avait hérité des mêmes kelim (outils) que Ya’akov, au nombre desquels il faut compter les traits du visage. Et le Maharal de Prague d’expliquer au nom des Sages que cette beauté était du même ordre que celle d’Adam au Gan Eden… Sur cela, nous avions dévoilé au nom du Gour Arié qu’il s’agissait d’un héritage physique mais aussi spirituel du niveau d’Adam avant la faute. Cela signifie donc que Yossef avait le pouvoir d’utiliser et d’améliorer tous les désirs spirituels qui passaient entre ses mains. Ces désirs (l’argent ou ses aspirations spirituelles), pouvaient être mal employés, et auraient facilement pu être mal investis dans l’immoralité et le matérialisme. Les Egyptiens étaient extrêmement fiers de leur science et de leur sagesse. Ils regardaient avec mépris toutes les autres nations. Le Rav Dessler nous explique que ce fut la principale difficulté de l’exil d’Israël dans leurs pays. L’Egypte était connue sous le nom de guehinom de l’esprit, et représentait le dernier degré de la dégradation morale. C’est pourquoi, il fallait que « l’argent » passe entre les mains compétentes de Yossef afin de s’assurer qu’il reste pur et saint car l’Egypte était un endroit dangereux. Et nous savons qu’une fois que ces désirs, attachés à la vie égyptienne, seraient arrivés dans la trésorerie de Pharaon, ils n’auraient jamais pu être utilisés par le Klal Israël pour la Kédoucha (sainteté).

Le Rabbi de Zhiditchov explique au nom du Midrach qu’une idole était gravée aussi sur leur pièce de monnaie. Pour cette raison, Yossef les rassembla d’abord, pour les affiner et les développer, avant de les laisser véritablement rentrer en Egypte. Ainsi, lorsque Ya’akov et ses fils arrivèrent en Egypte pour commencer la période d’exil, tout était en place, ils avaient apporté leur propre « argent », c’est-à-dire comme nous l’avons expliqué, leur niveau présent d’aspiration spirituelle et les moyens pour que leurs descendants dans l’avenir puissent acquérir les mêmes sentiments, c’est-à-dire « l’argent » de l’ancien monde qu’avait amassé Yossef.

Chabbat Chalom

Fin de l’article « Les préparatifs de l’exil »

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