Le travail des Midot – Paracha Tsav – Réouven Carceles
Paracha Tsav
Leilouy nichmat Zhari bat Shoulika et Ruth bat Sarah
Dans la Paracha de la semaine, Tsav, la Torah nous dit : « Voici la loi de l’offrande d’élévation, c’est l’offrande d’élévation… Le pontife revêtira sa tunique de lin, et des caleçons de lin il revêtira sur sa chair, il prélèvera la cendre le feu qui consommera l’holocauste sur l’autel, il la mettra à côté de l’autel » (6, 2/3).
Dans le premier verset de notre Paracha, il est écrit « hou » au masculin, et nous le lisons « hi » au féminin. Le Ben Ich Hai remarque cela, et explique que « Ola, l’offrande d’élévation » fait allusion à la Torah, et que « hou » désigne la Torah écrite, qui est le principe fécondant de la Torah orale représentée par « hi ». Plus bas dans le verset 3, il est écrit : « Le Cohen revêtira son habit (middo) de lin ». Rachi pose la question pourquoi est-il écrit middo (sa mesure) ? Le Rav Dessler (vol 4, p.39) explique que Middo exprime l’idée que le vêtement du Cohen doit être middato, à ses mesures. Il rapporte au nom du Gaon de Vilna, que les middot, c’est-à-dire les traits de caractère de l’homme, tout comme son vêtement, doivent être taillés sur mesure. Il y a lieu de se poser la question, du rapport qu’il y a entre l’offrande d’élévation (la Torah), les habits du Cohen et ses traits de caractère ?
Il est possible de répondre selon ce qu’enseigne le Rav ‘Haim Vital, célèbre élève du Arizal, à savoir que D. créa l’homme à partir des quatre éléments de base : le feu, l’eau, l’air et la terre. Or, le dosage de ces quatre éléments entraîne automatiquement une influence décisive sur nos différents traits de caractère, dont les plus mauvais correspondent aux éléments naturels : le feu (l’orgueil, la colère), l’eau (plaisirs matériels), l’air (médisance, mensonge, flatterie, etc), la terre (paresse, tristesse). Nous possédons donc ces quatre éléments, mais le plus souvent, un seul se révèle dominant et détermine notre qualité et notre défaut. Le but étant de le surmonter, car étant ancré au plus profond de notre personnalité, l’enjeu est de l’orienter vers le bien, c’est-à-dire l’utiliser pour l’honneur de la Torah par exemple.
Il est important de comprendre que les Middot sont essentielles et priment sur les Mitsvot, c’est-à-dire que les traits de caractère d’une personne sont le fondement et la racine dont vont dépendre toutes les 613 Mitsvot de la Torah. C’est peut-être de cela dont parle le Rav ‘Haïm Vittal dans son livre Chaarei Kedousha quand il pose la question : « Pourquoi la Torah n’interdit-elle pas explicitement d’avoir des mauvaises Middot ? Pourquoi n’y a-t-il aucun commandement négatif ordonnant : ne te met pas en colère, ne sois pas orgueilleux ? ». De répondre que le peaufinage des middot est une condition préliminaire pour la Torah et ne peut donc y être inclus. Cet enseignement est fondamental, un homme peut apprendre toute la Torah, tout ce qu’il va acquérir dans la vie, comme l’accomplissement des Mitsvot, ou encore la Tefila ne peut se construire que sur la base des traits de caractère de celui-ci, c’est pour cela qu’un homme qui est mis à l’épreuve, sa réussite ou son échec ne dépendront que de ses middot, plus que de ses Mitsvot. Sans cela l’homme est voué à l’échec, son étude restera au niveau de l’intellect, les middot constituent donc la base et la personnalité (enfouis dans son cœur).
A ce titre, il est bon de rappeler, au sujet du petit aleph à la fin du mot Vayikra dans la Paracha de la semaine dernière, que les commentateurs dans les livres saints expliquent en allusion que la Torah ne reste que chez l’homme qui se fait petit et se conduit avec humilité. « Aleph » qui veut dire étude ne se maintient que chez le petit, celui qui ne se considère comme rien à l’instar de Moché, qui selon Le Rabbi Bounim de Pichis’ha, n’était pas impressionné par les sommets spirituels qu’il avait atteints. Il resta humble, comme un homme simple, il considérait cela comme un don du divin.
En parallèle, pourtant, le Maharal explique que les Bné Israel possèdent un niveau supérieur dû au fait qu’ils sont séparés de la matérialité par essence, même s’ils fautent l’acte reste extérieur et peut être réparé. C’est-à-dire que c’est comme une tâche sur un vêtement, il suffit de la nettoyer. C’est en ce sens qu’il y avait l’holocauste, Rabbénou Béhayé explique qu’il avait justement pour but d’expier les mauvaises pensées et d’effacer les fautes dues aux mauvaises middots, le Sforno de rajouter, que ce que l’homme offrait en réalité, c’est sa soumission à D. et son cœur brisé. Tel était le vrai sacrifice, le repentir, la soumission.
De là, nous pouvons essayer de comprendre l’importance que la Torah accorde aussi au vêtement. La Guemara (Chabbat 114a) nous dit que le véritable sage est celui qui a soin de porter son vêtement du bon côté. Comment comprendre cet enseignement ? La réponse est que le vêtement extérieur enseigne ce qu’est le vêtement intérieur de l’homme, c’est-à-dire que le vêtement symbolise la spiritualité et l’intériorité de l’homme.
Ceci est une grande leçon, car de même que le prix du vêtement témoigne de sa beauté, alors il faut aussi faire un vêtement spirituel à l’âme qui dépendra de la beauté et la perfection des Mitsvot et des bonnes actions de l’homme. Comment ? En travaillant sur ce qui est caché, enfoui dans le cœur, sur les traits de caractère tels que mentionnés plus haut, ceci est peut-être la réponse à nos questions quand la Torah nous dit que le Cohen revêtira son habit (middo) de lin à ses mesures précises. Autrement dit, le Cohen doit façonner ses middot et les sanctifier. C’est aussi le travail de tout un chacun.
Le Rav Dessler nous dit qu’en chaque être humain se trouve une source de sainteté que chacun doit exploiter pour moduler ses middot et les diriger vers le bien, alors chacun pourra devenir un réceptacle pour accueillir la présence divine, c’est-à-dire la Torah. Ainsi, l’intérêt de chacun se portera uniquement vers la Torah, au point que nos mauvais traits de caractère n’auront plus aucune influence sur notre extériorité et Rien d’autre ne vaut la peine qu’on s’emporte, seule la Torah attire, comme nous le dit la Michna (fin du chapitre 5) : « tourne la et retourne-la encore, elle contient tout, vieillis en son sein et ne la laisse pas, car il n’y a pas de meilleure midda que la sienne ».
Shabbat shalom