Le roi dans les hauteurs, seul – Rabbi Yérou’ham
Le roi dans les hauteurs
המלך המרומם לבדו
Rabbi Yérou’ham Leïbovitch Zatsal était Mashguia’h de la Yéshiva de Mir
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Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Le Midrash rapporte une discussion entre Adam et D-ieu: » D-ieu demande à Adam: quel est mon nom? Il lui répond « א״דני » « Ado-naï ». Pour quelle raison m’appelles-tu ainsi ? demande D-ieu ? Car Tu es le Maître, le Roi de toutes les créatures. C’est ce qui est écrit: »אני השם הוא שמי » » je suis D-ieu [Ado-naï] et c’est mon nom ». C’est le nom que m’a donné Adam, c’est le nom que j’ai placé entre moi et mon « essence », c’est le nom que j’ai placé entre moi et mes créatures ».
« Entre moi et mon essence » c’est-à-dire c’est-à-dire au niveau d’avant la création, sans création, sans les créatures. Comment est-il possible qu’à ce niveau de vérité, de réalité, D-ieu puisse être appelé au nom de « א״דני » ? Sur quoi peut-il être le roi s’il n’y a pas dans cette dimension, des créatures? Comment peut-il être appelé roi et maître dans cette dimension où les créatures n’existent pas?
En fait le principe fondamental, l’essence même qui est contenue dans ces lettres que forment le mot « royauté » « מלכות » est différente de la définition que nous connaissons. Pour nous, la royauté représente, définit la domination que quelqu’un sur autrui. Ceci n’est que la définition conventionnelle et superficielle, un langage copié, לשון מושאל, pour établir un lien, une relation entre les êtres.
Mais la véritable réalité de ce mot (car le mot est la nature même de ce qu’il désigne, il donne vie à la chose vu que D-ieu a créé la création par des mots, des lettres), la véritable réalité d’un roi, d’un maître est d’être unique. Non pas seulement d’être seul mais d’être d’une unité parfaite et unique et qu’il n’y a rien d’autre que son unité. Une « unitude » qui dépasse la perception de ce que nous pouvons ressentir de son unicité, de sa royauté, « אין סוף לאחדותו » « il n’y a pas de limite à son unitude », car s’il y avait une fin cela voudrait dire qu’il est limité et donc créé! C’est cela מלכות, royauté, être roi cela est « être sans distorsion possible », sans altération possible dans son unité sans limite sans début et sans fin. C’est ce que Adam avait perçu de la divinité, son unité totale, lui-même n’étant qu’une partie de son unité.
La nature de la royauté dans ce monde, règne du multiple, étant de faire réintégrer, d’unifier, de faire revenir le règne de « l’unitude ». La royauté ne se dévoilant qu’en réintégrant la réalité de son « unitude ». Lorsque l’homme accomplit l’ordre divin, il doit devenir « un » avec l’ordre comme l’ange qui n’a pas de nom spécifique car il n’est que la mission elle-même, la mission finie, il réintègre « l’unitude ».
Nous disons dans la prière de Roch Hachana: « המלך המרומם לבדו » « le roi dans les hauteurs, seul« . C’est le principe de notre croyance, de notre « אמונה » « émouna » (« foi »), revenir au divin. Recevoir la royauté c’est réintégrer le monde de l’unité, l’unitude. Revenir à la dimension de la vérité d’avant la faute de Adam Harichon, ayant l’illusion d’avoir choisi « volontairement » le monde de la duplicité afin de revenir à la perception de l’unité. Comme il est écrit: « כי אני הוא עד שלא נברא העולם ואני הוא משנברא העולם » « car je suis celui qui est avant que le monde ne soit créé et je suis le même après avoir créé le monde« . C’est-à-dire que cette « unitude » est sous-jacente à ce monde où règne le multiple où à tout moment, l’homme en recevant sur lui la royauté peut se transporter dans cette dimension de la réalité vraie qu’est la perception où plutôt la non-perception de la création telle qu’elle est réellement. C’est la véritable réalité de ce qu’est un roi et sa royauté.
L’homme a la faculté d’appréhender toute chose. Ce simple fait prouve que la chose appréhendée est une création, puisque accessible à l’entendement humain et à ses facultés sensitives et cognitives. Il est impossible d’accéder à une chose qui n’a pas de lien avec nous-même. Le fait d’être créé est une connexion très forte entre moi et le monde. Prenons l’exemple de la perception visuelle, il est connu que le principe moteur de la vue est dans le fait que l’œil s’attache et s’unit à l’objet qui entre dans son champ de vision. Mais si ce lien ne se crée pas entre l’œil et l’objet, il est impossible de le voir. [Ce lien est en fait le désir de posséder. Celui qui réveille ce désir, crée en lui automatiquement le lien qui l’unit à l’objet désiré car en fait c’est par ce désir (de donner) que D-ieu a créé les créatures qui chez l’homme se transforme, se déforme pour devenir une envie de posséder car le premier acte de Adam, le premier homme, a été de désirer le fruit de la connaissance du bien et du mal pour se l’approprier].
Qu’est-ce que l’homme ne peut percevoir dans la création? La divinité qu’il y a dans toutes les créatures. Pourquoi ? Car cela n’est pas de l’ordre de la création, c’est de l’ordre de l’incréé, de la non-perception. Celui qui veut s’unir au divin doit au préalable annuler sa particularité, sa spécificité d’être une créature, en occultant justement cette faculté de percevoir soit de manière sensitive ou bien même de manière cognitive. Comment ? En n’étant qu’un canal parfait où l’énergie divine pourra se diffuser sans altération aucune. Donner comme D-ieu donne sans espérer autre chose que de donner, sans espérer quelque chose en retour. S’annuler totalement, ne pas essayer de percevoir quoi que ce soit. Ne pas essayer de s’interposer, de s’imposer entre la lumière divine et la création, ne pas essayer même d’être l’interface entre Lui et les créatures. Toute volonté propre aussi pure soit-elle, n’est qu’une déformation de cette lumière divine qui va faire écran et qui va donner la possibilité à la création d’être perçue et automatiquement la dichotomie de ce monde va se révéler.
C’est ce que le verset exprime par ces mots: « et tu diras dans ton cœur, c’est ma force et la puissance de ma main qui a fait cette guerre et alors tu te rappelleras que seul D-ieu donne la force de faire la guerre«
Qu’est-ce qui fait que tu ressentes que c’est toi qui fait la guerre? Le fait de s’accaparer cette guerre. Qu’est-ce qui fait que tu ressentes cette force qui se diffuse en toi? N’est-ce pas le fait même de penser et de ressentir cette vitalité divine et par cela, se matérialise toutes ces forces en une multiplicité où justement le divin se cache et de ce fait, apparaît ce désir d’exister et de créer. Pour cela, la seule solution est de « se souvenir que seul D-ieu donne la force » c’est-à-dire arriver à l’inconcevable, à l’incréé, et par cela, la puissance de D-ieu se révélera, elle jaillira d’elle-même comme une source qui jaillit de nulle part ou plutôt de partout car elle est « unitude ».
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