Le renouvellement de l’homme Paracha Chémot 5779
Le renouvellement de l’homme
*
Dévar Torah Léilouy Nishmat mon beau-père Aharon Ben Mbarka Z’’L
*
Référence : Haparacha Hama’hkima (Tome Chémot, pages 33-38) du Rav Chilo Ben David.
*
Pour télécharger le fichier PDF correspondant : Télécharger “Le renouvellement de l'homme - Paracha Chémot” Chémot-5779-VF.pdf – Téléchargé 209 fois – 353,89 Ko
*
Question sur le renouvellement de l’homme:
Est-il possible de pouvoir considérer un homme comme quelqu’un de totalement nouveau bien qu’il existait déjà auparavant[1]
*
*
Dans notre Paracha de Chémot (Exode Ch. 1 v. 8) nous avons le verset :
וַיָּקָם מֶלֶךְ-חָדָשׁ, עַל-מִצְרָיִם, אֲשֶׁר לֹא-יָדַע, אֶת-יוֹסֵף.
Un roi nouveau s’éleva sur l’Égypte, lequel n’avait point connu Yossef.
Rachi nous explique à propos de ce verset, en se basant sur le Talmud (Sotta 11a) : Il se leva un roi nouveau : Rav et Chemouel sont en désaccord. L’un dit qu’il faut prendre le mot : « nouveau » au sens littéral, l’autre qu’il a changé ses décrets[2] .
Nous voyons de là que y compris pour un même individu, lorsqu’il renouvelle ses décrets (sa nature) il est possible de dire « un roi nouveau », car celui qui change sa nature[3] est considéré comme un homme nouveau, comme nos Sages nous l’ont expliqué d’ailleurs à propos du verset des Psaumes (Téhilim Ch. 119 v. 98) « מֵאֹיְבַי, תְּחַכְּמֵנִי » « par mes ennemis, rend moi plus sage », c’est-à-dire qu’on peut apprendre et être plus sage (plus intelligent) du fait de nos ennemis. Et de même nous pouvons, par nous-même, également évoluer et nous renouveler en nous bonifiant.
Par la Téchouva nous devenons une autre personne.
Nous voyons[4], dans le même ordre d’idée, que par le fait de faire Téchouva (repentir, revenir à D.ieu) le fauteur se transforme en un autre homme, comme l’exprime Rabbénou Yona (Cha’aré Téchouva 2, début §10) : « et cet homme, en un court instant, sort de l’obscurité à la grande lumière ….il a réussi à faire Téchouva et il est devenu un autre homme» [et à un autre endroit, au début de la partie « Fondement de la Téchouva », il écrit à propos de celui qui a fait Téchouva, qu’il doit « se considérer comme s’il était né ce jour-là, et qu’il n’a entre les mains ni mérite, ni faute à se faire pardonner, et ce jour est le début de ses actions », et de là nous voyons que celui qui fait Téchouva est considéré comme un enfant qui vient de naitre].
Cela ressemble à ce qu’a écrit le Rambam (Lois sur la Téchouva Ch. 2 §4) :
- Voici certains sentiers qui mènent à la Téchouva : invoquer D.ieu constamment en pleurs et supplications, pratiquer la bienfaisance selon ses moyens, s’éloigner totalement de l’objet de son délit, changer son nom, c’est-à-dire je suis un autre et je ne suis plus la même personne qui a commis de telles actions, et changer toutes ses actions dans le bon sens et dans le droit chemin et s’exiler de son lieu de résidence, car l’exil expie le péché en provoquant un sentiment de soumission qui pousse à devenir humble et modeste.
Par cela les commentateurs répondent à la question fort connue : « après qu’un homme a fauté, et qu’une punition a été décrétée contre lui (par D.ieu), comment la Téchouva va-t-elle réussir à le sauver de la faute (et de la conséquence qu’est la punition)[5] ? » D’autant plus que nous voyons dans le Talmud (Bava Kama fin de la page 50a) que : « toute personne qui affirme que le Saint béni soit-Il est indulgent (renonce à appliquer la peine même si la personne n’a pas fait Téchouva), alors il peut renonce à la vie (et il meurt)[6] ». La réponse des commentateurs est que du fait que la punition a été décrétée sur le fauteur, c’est-à-dire uniquement à telle personne, en conséquence, après qu’il a fait Téchouva et est devenu un autre homme, de ce fait on ne peut plus le punir sur cette action [7].
Cela ressemble à ce que nous trouvons dans le « Séfer Haikarim » (du Rav Yossef Albo – Espagne 15ème siècle) : « et de là, le bénéfice qu’apporte la Téchouva à l’impie, est que par la Téchouva, c’est comme s’il s’était transformé en un autre homme pour lequel ce décret n’a pas été décrété…et ce qui a fait que cette peine a été décrétée sur l’impie, c’était lorsqu’il était dans cet état de fauteur ; et lorsqu’il sort de cet état de fauteur par la Téchouva, c’est comme s’il s’était transformé en un autre homme sur lequel n’a pas été décrétée cette peine.
Le Or Ha’haïm s’exprime dans la même direction (Vaykra (Lévitique) Ch. 9 v. 8). Il explique que lorsqu’un homme faute, il ne s’exprime plus comme une personne de nature humaine[8] (comme on le voit dans le Zohar « qu’un homme ne peut fauter que lorsqu’un vent de folie le pénètre »), et il est transformé en un animal ; et le jour où il fait Téchouva….il monte de l’état animal à l’état d’être humain (Adam), est-il alors convenable de tuer cet homme à la place de l’animal (qui a fauté) ? (C’est pour cela qu’il rapporte l’exemple du fauteur qui est l’animal apporté en sacrifice, le fauteur s’associe à cet animal dans la souffrance et en pensée, car il devrait subir tout ce que subit cet animal apporté en sacrifice).
Tout concorde dans le sens que nous avons expliqué, à savoir, qu’après avoir fait Téchouva le fauteur devient un autre homme, une nouvelle identité. C’est pourquoi on ne lui applique pas la peine qui avait été décrétée contre lui lorsqu’il était encore un fauteur.
C’est peut-être l’intention de nos sages (Talmud de Jérusalem, Roch Hachana 19b) « le repentant (le Ba’al Téchouva ») est comme un enfant qui vient de naître ; et à son propos il est écrit (Psaumes Ch. 102 v. 19) וְעַם נִבְרָא, יְהַלֶּל-יָהּ « un peuple qui sera créé, loue l’Eternel », c’est-à-dire que le peuple d’Israël a la possibilité de « (re)naitre » pour se renouveler comme s’ils étaient nouvellement créés ; et cela par l’intermédiaire de la Téchouva et les bonnes actions. Les « Daat Zekanim » (Béréchit Ch. 23, v. 1) ont écrit dans le même sens, à savoir que celui qui fait Téchouva est comme un enfant qui vient de naître.[9]
Par la Torah et la prière, l’homme se transforme en une personne nouvelle (Le renouvellement de l’homme)
Bien que le Or Ha’haïm a développé son explication en ce qui concerne la Téchouva de celui qui apporte un sacrifice (à l’époque du Beth Hamikdach) et qui devient un être nouveau, cependant la prière n’a-t-elle pas une élévation supérieure à celle des sacrifices ? Comme le dit Rabbi Eliezer (Talmud Bérakhot 32b) « la prière est plus grande que les sacrifices, comme il est écrit (Isaïe Ch. 1 v. 11) : « Que m’importe la multitude de vos sacrifices ? Dit le Seigneur ». La Torah est également d’un niveau supérieur à celui des sacrifices, comme il est rapporté dans le Néfech Ha’haïm[10] (4, 31) au nom du Zohar, que l’étude de la Torah est plus chère, aux yeux du saint béni soit-Il, que les sacrifices.
On voit dans le même ordre d’idée dans le Talmud (Méguila 3b) : « L’étude de la Torah est supérieure aux sacrifices perpétuels[11] ». Et le Talmud (Makot 10a) rapporte que le Saint béni soit-Il a dit au roi David « une journée pendant laquelle tu t’adonnes à l’étude de la Torah m’est plus chère que les 1000 holocaustes que ton fils Shélomo (Salomon) sacrifiera devant moi sur l’autel du Beth Hamikdach[12] ».
Pour ce qui explique la raison à cela, j’ai entendu une fois, que l’expiation apportée par un sacrifice est uniquement parce que le fauteur montre un changement, c’est comme si c’était un autre homme, qui est passé de l’état d’animal et s’est élevé à l’état d’être humain. En revanche, par la Torah et la prière l’homme va réellement transformer son niveau[13], il va annuler toute sa nature profonde et ses pensées envers le Tout puissant, comme on le voit dans Hovot Halévavot[14] (Hechbon Hanéfech Ch. 3, 9ème Hechbon). Et dans Bérit Elokim du Mabit[15] (Téfila, 3) il est écrit que l’essentiel de la prière est la ferveur (l’intention, la concentration)[16] et non les mots, et que dans le fond la personne n’aurait qu’à dire qu’il n’existe rien d’autre que Lui et d’exprimer une aspiration totale envers D.ieu et sa soumission à Lui. Mais les Sages ont institué le texte détaillé de la prière afin que l’homme puisse demander chaque chose à part et en conséquence, de ce fait, l’homme acquiert une connaissance encore plus grande de D.ieu et cette connaissance permet de changer (d’élever) le niveau de l’homme.
Il en est de même dans l’étude de la Torah, l’homme se sanctifie et se transforme en un autre homme, comme nos sages l’enseignent dans le Talmud (Nidda fin de la page 73a) « toute personne qui étudie des Halakhot[17] chaque jour, peut être sûr d’être un homme du monde futur », ce qui prouve que par l’étude de la Torah cette personne devient un autre homme qui est (déjà) « un homme du monde futur ».
C’est exactement ce qu’écrit le Séfer Haikarim, que par l’intermédiaire de la Torah et de la prière le décret peut être changé, c’est-à-dire que par la Torah et la prière l’homme est transformé et devient un autre homme, et du fait du niveau qu’il a atteint maintenant, cette peine n’a pas été décrétée contre lui (à son niveau actuel). C’est ce qui est enseigné dans le Midrach (Chémot Rabba 38,4) : les gens (simples) du peuple d’Israël disent « Maître du monde, les princes apportent des sacrifices et cela expie leurs fautes…., nous, nous n’avons pas de sacrifices à apporter ». Hachem leur a répondu « Moi, Je demande des paroles de Torah, et Je vous pardonnerai toutes vos fautes ». Ils lui répondirent « nous ne savons pas » [étudier]. Il leur répondit, « pleurez et priez devant Moi et Moi J’accepterai [votre Téchouva] ; Je ne vous demande ni sacrifice, ni victime expiatoire, mais simplement des mots[18] ». Cela démontre que la Torah et la prière sont en lieu et place des sacrifices et agissent de manière similaire, comme nous l’avons développé.
Le renouvellement dans la Torah et la Prière
Non seulement l’homme lui-même se renouvelle grâce à la Téchouva, la Torah et la prière[19], mais encore doit-il « apporter du sang neuf » dans son étude de la Torah, et dans ses prières, et ressentir et provoquer le renouvellement dans l’étude de la Torah elle-même, selon l’expression du verset (Dévarim (Deutéronome) Ch. 6 v. 6) :
וְהָיוּ הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם–עַל-לְבָבֶךָ
Ces devoirs que je t’impose aujourd’hui[20] seront gravés dans ton cœur.
Et Rachi d’expliquer[21] :
אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם. לֹא יִהְיוּ בְּעֵינֶיךָ כִּדְיוֹטַגְמָא יְשָׁנָה שֶׁאֵין אָדָם סוֹפֶנָּה אֶלָּא כַּחֲדָשָׁה שֶׁהַכֹּל רָצִין לִקְרָאתָהּ. דְּיוֹטַגְמָא מִצְוַת הַמֶּלֶךְ הַבָּאָה בְּמִכְתָּב:
Que je t’ordonne aujourd’hui (le langage utilisé dans le verset « aujourd’hui » vient nous apprendre qu’) il ne faut pas qu’elles t’apparaissent comme un décret (diotagma, la lettre du Roi) démodé, que plus personne ne respecte plus (précieux et respecté), mais comme un décret nouveau vers lequel tous accourent pour l’accueillir (du fait de la curiosité et de l’amour d’écouter les paroles du Roi[22]). Le mot diotagma désigne un décret royal promulgué par écrit.
Il est de même écrit plus loin (Chémot Ch. 19 v. 1) lors du don de la Torah :
בַּחֹדֶשׁ, הַשְּׁלִישִׁי, לְצֵאת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם–בַּיּוֹם הַזֶּה, בָּאוּ מִדְבַּר סִינָי
A la troisième néoménie depuis le départ des Israélites du pays d’Égypte, le jour même, ils arrivèrent au désert de Sinaï.
Nos sages d’expliquer (Yalkout Chim’oni) « et sont-ils donc venus ce jour même ? (Cela faisait six jours qu’ils étaient aux abords du mont Sinaï) Mais, lorsque tu apprends la Torah, les enseignements ne doivent pas t’apparaître comme de vieux enseignements mais comme s’ils t’étaient donnés le jour même ». Il est de même écrit (Dévarim Ch. 11 v. 32) :
וּשְׁמַרְתֶּם לַעֲשׂוֹת, אֵת כָּל-הַחֻקִּים וְאֶת-הַמִּשְׁפָּטִים, אֲשֶׁר אָנֹכִי נֹתֵן לִפְנֵיכֶם, הַיּוֹם.
Appliquez-vous alors à observer toutes les lois et les statuts que je donne devant vous en ce jour.
La Torah n’a pas dit « que je vous ai donnés », au passé, mais « que je vous donne » au présent, car la Torah est donnée chaque jour. C’est comme ce que nous l’enseigne le Taz (Touré Zahav, un des commentateurs du Choul’han Aroukh, dans le Choul’han Aroukh Ora’h Haïm Ch. 47 v. 5) que dans les bénédictions sur la Torah (dites chaque jour le matin ou lorsque qu’une personne monte à la Torah), les sages ont institué que la fin de cette bénédiction soit « נותן התורה » « qui donne la Torah », qui signifie qu’Il nous donne la Torah au présent, et non au passé (qui nous a donné la Torah au mont Sinaï) car le Saint béni Soit-Il nous donne continuellement, chaque jour, sa Torah. C’est-à-dire que chaque jour nous nous adonnons à l’étude acharnée de la Torah et Hachem nous fait trouver de nouvelles explications[23]. Comme nos sages l’ont interprété dans le Talmud (Erouvin 54b) à propos du verset (Proverbes Ch. 5 v.19) :
אַיֶּלֶת אֲהָבִים, וְיַעֲלַת-חֵן:דַּדֶּיהָ, יְרַוֻּךָ בְכָל-עֵת; בְּאַהֲבָתָהּ, תִּשְׁגֶּה תָמִיד.
Biche d’amour, gazelle pleine de grâce, que ses charmes (ses seins) t’abreuvent en tout temps, et que son amour t’enthousiasme sans cesse !
Le Talmud de dire « qu’est-ce qu’un sein ? Chaque fois que le bébé vient téter il y trouve du lait, de même pour les paroles de Torah, chaque fois qu’un homme s’adonne à son étude il y trouve une explication (une nouvelle raison, une nouvelle interprétation). Il en est de même dans le texte de la bénédiction sur la Torah (dans les bénédictions du matin, dans lesquelles il y a trois bénédictions sur la Torah) dans lequel nous disons « Tu es source de bénédictions Hachem, qui enseigne la Torah à son peuple Israël[24] ». C’est-à-dire que non seulement Hachem a enseigné la Torah lorsque le peuple se tenait devant le mont Sinaï mais en plus Hachem est un enseignant pour chaque génération, dans le présent de chaque génération. C’est comme nous l’avons expliqué (sur le verset de Vaykra Ch. 6 v. 6) que l’homme doit considérer la Torah comme une chose nouvelle qu’il a reçue aujourd’hui du Roi ; et tout le monde a un désir profond de savoir ce qui y est inscrit. Il en est d’ailleurs ainsi dans la pratique, toute personne qui étudie et approfondit la Torah y trouve des explications nouvelles et agréables (des nouvelles raisons, des nouvelles interprétations).
Et ce n’est pas seulement dans l’étude de la Torah qu’il faut ce renouvellement, mais également l’homme doit mettre de la nouveauté dans sa prière, comme nous l’enseignons dans le Talmud (Bérakhot 28b, ou Michna Bérakhot Ch. 4 Michna 4) « Rabbi Eliézer dit, celui qui fait sa prière [une obligation] fixe, sa prière n’a pas de supplication »[25]. Et il y a lieu d’expliquer que si une personne prie de manière identique (fixe), même s’il prie parfaitement, mais il prie aujourd’hui de la même manière qu’il a prié hier, sans quelque chose de nouveau, alors sa prière ne peut pas être une prière de supplication. C’est comme l’explique le « Ména’hem Tsione » (Parachat Haman page 155) que la Torah nous apprend le bon et droit chemin pour servir notre créateur, comment l’homme doit comprendre et méditer chaque jour avant la prière et prendre conscience de la grandeur de D.ieu, qu’Il soit béni, à Sa grandeur, et il doit trouver une voie (réfléchir à la manière dont il va s’y prendre) pour savoir de quelle manière il va se tenir et prier devant le Roi redoutable et Saint, et quelles explications et quelles pensées (intentions) nouvelles il va intégrer dans sa prière. Car toute personne qui sait un tant soit peu réfléchir, sait que même devant un roi de chair et de sang, il n’est pas beau de se tenir et de dire chaque jour un chant identique sans apporter quelque chose de neuf, à plus forte raison devant le Roi des rois, le Saint béni soit-Il, qui scrute les cœurs et les reins, à bien plus forte raison faut-il renouveler chaque jour l’intention du cœur comme il est écrit (Psaumes Ch. 96 v. 1) :
שִׁירוּ לַה », שִׁיר חָדָשׁ; שִׁירוּ לַה », כָּל-הָאָרֶץ.
Chantez à l’Eternel un cantique nouveau, chantez à l’Eternel, toute la terre !
C’est-à-dire qu’il faut réfléchir chaque jour comment dire « un chant nouveau », et que la prière soit selon un sujet nouveau qu’il ne possédait pas la veille.
De même l’écrit le Hatam Sofer (Drachot Hatam Sofer sur la Paracha de Nitsavim page 351) que les nouveaux pseudo-philosophes disent que cela ne se fait pas de lire le Kiryat Chéma deux fois par jour et de prier trois prières par jour, car la force de l’habitude devient une nature et l’individu n’a plus de ressenti et l’homme perd peu à peu la crainte et l’amour de D.ieu et qu’il est préférable de prier une seule fois par an.
Cependant, l’expérience de la vie témoigne l’inverse car, grâce soit rendue à D.ieu qu’il soit béni, ce qui prient et s’unissent[26] développent chaque jour un amour nouveau et un cœur brulant dans le service divin ; et chaque jour est comme si la Torah avait été reçue, ce jour-là, au mont Sinaï. La raison à cela est comme le dit le verset (Proverbes Ch. 27 v. 19) « Comme dans l’eau le visage répond au visage, ainsi chez les hommes les cœurs se répondent ». Ainsi un cœur qui aime éveille l’amour dans le cœur de celui qu’il aime. Et ainsi, comme Hachem aime son peuple Israël, et chez lui ne peut exister « l’habitude », à D.ieu ne plaise[27], et comme son amour envers nous se « renouvellent chaque matin[28] » alors, même dans nos cœurs naissent des nouveautés chaque jour[29].
En conséquence, de peur que l’homme ne se trompe lui-même avec des arguments qui réduisent l’importance en disant « voici, hier j’ai déjà prié, et qu’y a-t-il encore de particulier dans cette prière ? ». Mais en dehors du fait qu’on attend de l’homme le service (divin) qui lui est spécifique personnellement, exactement à cet instant précis, à cet endroit et de cette manière, et il n’y a pas un instant qui ressemble à un autre instant, de même en ce qui concerne la prière nous savons des écrits du Ari Zal (Chaar Hakavanot 59a) qu’il existe une grande différence entre chaque prière, et depuis le jour où le monde a été créé jusqu’à la fin du monde, il n’y a aucune prière qui ressemble à une des autres prières.[30] Et donc, s’il en est ainsi, comment quelqu’un pourrait-il s’exonérer, par la prière qu’il a faite la veille, ou bien par la précédente prière qu’il a dite le jour même, puisque chaque prière ne ressemble à aucune autre et que chacune joue un rôle qui ne qui ne peut être rempli d’aucune autre manière ou autre possibilité dans le monde
Le renouvellement de tout le service divin passe par le renouvellement de l’homme chaque jour et à chaque instant
Il y a non seulement tout ce que nous avons déjà exposé, mais de plus l’homme doit créer en lui-même un renouveau dans son service divin spécifique, comme l’explique le Rav Yts’hak Ayzik ‘Haver (à la fin du livre Ma’alot Hatorah) que de la même manière que le monde se renouvelle à chaque instant, que chaque jour est différent d’un autre jour, et qu’il n’y a pas un instant qui ressemble à un autre instant, de même l’âme se renouvelle en chaque homme, et de même la force de la nouveauté (la nouvelle explication) arrive dans toute sa puissance en chaque homme et se renouvelle chaque jour. Et c’est la bénédiction que nous disons chaque matin (dans le Yotser, prière qui précède le Chéma) sur le renouvellement de la création « qui avec bonté renouvelle chaque jour, constamment, l’œuvre de la création du monde »
Et en vérité, c’est ce qu’écrit le Maharal de Prague, qu’un des quatre principes inclus dans le Tétragramme (י־ה־ו־ה) est que Hachem crée et renouvelle continuellement son monde, comme nous le disons dans la prière du matin (mentionné juste ci-dessus) « qui avec bonté renouvelle chaque jour, constamment, l’œuvre de la création du monde ». De même chaque chose demande un renouvellement comme on le voit dans le Midrach (Béréchit Rabba 19, 9) qu’il existe un oiseau qui a refusé la proposition de ‘Hava (Eve) de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal[31], et en conséquence cet oiseau n’a pas été condamné à devoir mourir (comme toute chose quia été condamnée à mourir un jour suite à la consommation de l’arbre de la connaissance du bien et du mal). Une fois tous les mille ans, un feu intérieur auto-détruit cet oiseau et le laisse de la taille d’un œuf, et de là renait cet oiseau. Cela montre que chaque être vivant, même celui sur lequel a été décrétée la vie éternelle doit, de temps à autre, se renouveler. C’est également la raison pour laquelle nous avons reçu la Mitsva de monter trois fois par ans, à l’occasion des fêtes (dites de pèlerinage), afin que nous puissions là-bas, associé à l’ensemble du peuple d’Israël, nous regénérer (nous resourcer) et nous renouveler que ce soit intellectuellement ou que ce soit émotionnellement, par la joie que nous éprouvons dans le Beth Hamikdach.
Le Or Ha’haïm (sur Genèse Ch. 47 v. 28-29) donne la parabole suivante. Une fois, un roi a partagé, entre des ouvriers, de belles pierres précieuses venant de la carrière (qui étaient à l’état brut), afin de bien les travailler pour les rendre les plus belles possible, de réaliser la préparation qui leur est nécessaire, et de leur faire des chatons d’or comme le font les rois (afin de réaliser sa couronne royale). Le roi a décrété que celui qui serait le plus prompt et qui s’évertuerait à arranger toutes ces pierres avec tous les efforts et toutes les réparations et la beauté possible, selon l’ordre du roi, recevra de nombreuses pierres précieuses, et ce décret était applicable à chacun d’entre eux. A l’un le roi a donné 300.000 pierres à préparer, au second 350.000 etc. Il leur a fixé un certain temps pour réaliser ce travail, un jour par pierre. Et à la fin du temps convenu pour réaliser ce travail, le roi a demandé à envoyer des émissaires pour récupérer les belles pierres précieuses.
Voici que, dès le lendemain que le travail leur a été assigné, chacun a commencé à réfléchir à la manière dont il va s’y prendre pour réaliser le travail qui lui a été assigné sur cette pierre qui sera sertie dans la couronne royale, cependant, après que se soient passés un ou deux jours, ils ont réalisé qu’ils leur restaient encore dix ans devant eux, et ils ont repoussé la tâche de jour en jour jusqu’à ce que le temps convenu se soit écoulé. Alors, le roi a convoqué les ouvriers qui travaillaient sur ces pierres, et il les a rassemblés en sa présence, et ils ont présenté devant le roi la réalisation que celui-ci leur avait confiée. Non seulement n’avaient ils pas réalisé le travail confié d’arranger et d’embellir les pierres, mais en plus ils les avaient abimées et salies et les ont rendues dans cet état dégradant. Le roi se mit en colère et ordonna de les exécuter. Le roi les remplaça par leurs fils, et leur firent craindre de subir le même sort que leurs pères. Le roi pensa ne pas leur donner trop de travail et leur allégea leur tâche et ne leur donna que 30.000 pierres. Cela était pour le bien de ses serviteurs afin que cela leur suffise, mais également pour que la durée ne soit pas trop longue et qu’ainsi la date pour réaliser l’ordre du roi soit proche et de ce fait ils seraient consciencieux pour réaliser la tâche qui leur était assignée. En vérité les serviteurs remplirent comme il faut leur mission, en quelques mois, et la couronne se tenait dans le palais royal comme il convient à un roi important, et ils reçurent le salaire convenu.
Le Or Ha’haïm continue selon le Zohar (Tome 1 page 83b), en donnant un parallèle entre la parabole et ce monde-ci. Chaque jour est une pierre précieuse une entité en soi, et dans chaque Mitsva que l’homme fait ce jour-là, il enjolive et polit la pierre précieuse correspondant à ce jour-là ; et lorsqu’il dort la nuit il monte dans les mondes supérieurs et apporte la pierre précieuse qu’il a produite ce jour-là. Et c’est à ce sujet que le verset dit (Béréchit Ch. 47 v. 29) וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל Les jours de Ysraël se rapprochèrent[32] », comment les jours eux-mêmes peuvent ils s’approcher ? L’explication est comme nous l’avons dit précédemment, que Ya’akov Avinou dans la plénitude de son état de Tsadik (juste), a approché (une forme de « sacrifice ») tous les jours de sa vie, qu’il avait apporté chaque jour des années de sa vie devant le maître du monde, et tous ces jours étaient des pierres précieuses complètes extraordinaires. Ainsi, il a quitté ce monde en ayant accompli sa tâche pleinement.
Il s’avère donc que l’homme doit chaque jour apporter sa pierre précieuse spécifique à ce jour-là, entière et propre et à laquelle il ne doit rien manquer du tout. En conséquence, il n’est pas possible de dire « hier déjà j’ai appris la Torah et j’ai accompli les Mitsvot comme il faut » ; aujourd’hui il faut construire la pierre précieuse spécifique à aujourd’hui.
Nous voyons de même durant les semaines du décompte du Omer[33], chaque jour possède une élévation spécifique[34], (par exemple) ‘Hessed de ‘Hessed (L’amour dans l’amour), Guévoura Chébétiferet, Hessed Chébénetsa’h etc. De là nous pouvons apprendre qu’il en est de même pour les jours de l’homme qui sont comme sept longues semaines, comme il est écrit (Psaumes Ch. 90 v. 10) יְמֵי-שְׁנוֹתֵינוּ בָהֶם שִׁבְעִים שָׁנָה, « La durée de notre vie est de soixante-dix ans ». Chaque jour il faut être scrupuleux pour accomplir le service divin spécifique à ce jour, la pierre précieuse de ce jour précis, ce n’est pas simplement une pierre précieuse supplémentaire mais un autre service (qui est différents de tous les autres) et un aspect différent.
Le renouvellement lors de moments particuliers
En particulier en début de semaine, ou bien en début de mois, ou équivalent, l’homme doit se renouveler dans son service divin, c’est pour cela que chaque mois en hébreu s’appelle ‘Hodech qui est un langage de renouvellement (par le mérite que les femmes n’ont pas fauté lors de la faute du veau d’or, il leur reste le jour de Roch Hodech lors desquels elles n’ont pas le droit de travailler et, dans les temps futurs, elles auront le mérite de voir « leur jeunesse se renouveler comme un aigle »[35]), et il semble que c’est pour cela que nous lisons dans la Torah à Roch ‘Hodech la section de la Torah « ‘Olat Tamid »[36] « Holocauste perpétuel », afin de signifier à l’homme, par allusion, le renouvellement perpétuel qui lui est nécessaire. Et chaque « Roch ‘Hodech » il doit examiner s’il se situe effectivement dans ce renouvellement.
L’homme doit toujours trouver en lui des renouvellements, afin que cela lui donne des forces nouvelles et qui se multiplient, et ainsi l’homme peux mobiliser toutes ses forces pour la Torah et les Mitsvot avec désir et énergie, comme le dit le ‘Hazon Ich [37] : « une heure dans l’application (à faire son devoir) et le désir ardent valent bien plus que de nombreuses heures dans la paresse » (ce qui ressemble aux propos de Rabbi Haïm de Volozhin dans la lettre à son neveu : « ce que nous étudions toute la journée dans la paresse nous pouvons l’étudier en quelques heures dans la dextérité ».
*
Réponse à la question posée (Le renouvellement de l’homme):
Même sur quelque chose déjà existant, il est possible d’y avoir un renouvellement. De la même manière qu’un homme devient une nouvelle créature grâce à la Téchouva, il doit également trouver un renouvellement dans la Torah qu’il étudie et dans sa prière. Et il doit se renouveler chaque jour et chaque seconde dès qu’il le peut, et ainsi il accomplira son service divin dans la joie et dans le désir.
*
*
[1] Le renouvellement total d’une personne permet-il de le considérer comme une créature totalement nouvelle, même si de facto cette personne existait déjà ?
[2] Son comportement a totalement été modifié
[3] Ses qualités humaines
[4] Cette transformation, ce renouvellement de l’homme
[5] La faute est faite, c’est une réalité et puisqu’il y a déjà eu un décret la peine devrait être appliquée !
[6] Sa vie et son corps sont à l’abandon, car il entraîne les autres à fauter et à ne pas craindre la punition liée à la faute.
[7] C’est comme s’il ne l’avait pas commise ; ou autrement dit la personne qui a commis la faute « n’existe plus ».
[8] En possession de toutes ses facultés conscientes
[9] Ils rapportent que même s’il est écrit à propos de Sarah « et ce furent les vies de Sarah » et que Rachi explique « toutes (les années) égales pour le bien », malgré tout, le même langage a été utilisé pour Yshmaël (même si nous savons que c’était un mécréant, et pour lequel on ne peut donc pas dire que toutes ses années étaient bonnes pour le bien). Il y a lieu d’expliquer que Yshmaël a fait Téchouva comme l’explique Rachi sur le verset (Genèse Ch. 25 v. 9) « Il fut inhumé par Yts’hak et Yshmaël, ses fils » (et donc tous ses jours sont bons). Une personne qui se convertit est comme une personne qui vient de naître et tout le mal fait avant la conversion est considéré comme n’existant plus du tout.
[10] De Rabbi Haïm de Volozhin
[11] Sacrifice quotidien matin et soir
[12] Le premier temple de Jérusalem construit par le roi Shélomo
[13] Pas seulement ses actes mais sa nature profonde
[14] Bahya ben Joseph ibn Paquda ( בחיי אבן פקודה), également appelé Rabbenou Bahya (« notre maître Bahya »), est un Rav de la première moitié du xie siècle
[15] Rabbi Moché ben Yossef di Trani ( משה מטראני) né à Salonique en 1505 et mort à Jérusalem en 1585.
[16] La Kavana
[17] Lois du judaïsme
[18] La prière
[19] C’est-à-dire dans l’essence même de l’individu.
[20] Sous-entendu chaque « aujourd’hui », chaque jour.
[21] La source de Rachi est dans le Sifri Paracha de Vaét’hanane 8 ; également Yalkout Chim’oni ; on voit également des notions similaires dans le Talmud Erouvin 54b et Bérakhot 63b)
[22] Comme si le décret est donné maintenant
[23] De nouvelles raisons aux enseignements de la Torah écrite ou orale
[24] Au présent
[25] Donnons l’explication du Kéhati : celui qui fait de sa prière une obligation fixe, qui ne prie que pour accomplir son devoir, comme s’il plie sous la charge, et qu’il veut s’en acquitter rapidement, sa prière n’a pas de supplication, c’est-à-dire que sa prière n’est pas apte à être entendue, parce qu’elle ne comporte pas de demande de miséricorde et des supplications envers Hachem.
[26] Au Créateur
[27] D.ieu n’est pas limité
[28] Selon l’expression de Lamentations Ch. 3 v. 23 (le pluriel est du verset)
[29] Dans la prière et dans la Torah
[30] Selon la Kabbale chaque prière agit de manière spécifique dans la réparation des mondes, et la réparation assignée à chaque prière est spécifique (en fonction du jour précis de l’ensemble de l’existence des mondes)
[31] Le Midrach explique que Eve a proposé à tout être vivant de consommer de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et seul un oiseau nommé « ‘Hol » a refusé d’en consommer (Midrach Béréchit Rabba Ch. 19 §5 dans l’édition de Vilna).
[32] Ce mot וַיִּקְרְבוּ, est de la même racine que קרבן un sacrifice (qu’on approche vers Hachem, ou qui nous rapproche de Hachem)
[33] Le décompte de 49 jours qui séparent la fête de Pessa’h de la fête de Chavouot
[34] Dont nous ne donnerons pas l’explication ici.
[35] Selon l’expression des Psaumes (Ch. 103 v.5)
[36] Le jour de Rosh Hodesh nous lisons le passage de la Torah dans la Paracha de Pin’has (Nombre Ch. 28 v. 2 à Ch. 28 v. 15). « Olat Tamid » עֹלַת, תָּמִיד « Holocauste perpétuel » est au verset 6.
[37] Kovets Iguérot
Retrouvez toutes nos publications sur la Paracha de Chémot
Retrouvez le texte de la Paracha sur sefarim.fr
*
Cet article vous à plu ? Notre site vous apporte les connaissances qui vous sont utiles ? Peut être souhaiteriez vous contribuer un peu à la vie de notre site. Quelques euros pour le Jardin de la Torah, nous serons partenaires dans le Zikouy Harabim (faire bénéficier un grand nombre de la lumière de la Torah)
Merci d’avance !!
*
Publié le 17 décembre 2018. Remis à jour le 11 janvier 2020