Le renforcement dans la confiance et la providence divine Rav Yéhesqu’el Lévinstein
renforcement confiance et providence
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Le renforcement dans la confiance et la providence divine
Voici le premier des treize principes de foi: ‘‘je crois d’une confiance parfaite que le créateur, béni soit son nom est le créateur et le principe directeur de toutes les créatures et l’unique révélateur de tous les événements qui se matérialisent dans sa création ».
Le Ramban affirme que ce principe entraîne l’obligation de croire que chacun des événements de notre vie est un véritable miracle caché qui n’est régi par aucune loi prédestinée de la nature ! Et celui qui ne vit pas sa vie de cette manière, n’a pas de part dans la Torah de Moshé notre maître. S’il fait les Mitsvot, il reçoit directement son salaire et s’il transgresse la Torah, il reçoit sa punition. Aucune loi, nature, ni prédestination, ni hasard mais au contraire, tout étant suspendu aux Mitsvot et aux fautes de l’homme comme il est enseigné dans la Torah explicitement: »voici, j’ai placé devant toi aujourd’hui la bénédiction et la malédiction, la bénédiction si vous accomplissez mes commandements et la malédiction si vous les transgressez … » tout est tributaire des fautes ! Pour cela, celui qui ne croit pas en cette interaction, en ce système de révélation de la création, s’exclut lui-même de la Torah qui est elle-même le plan divin de la création.
Rabbi Shimon et son fils se sont réfugiés pendant treize ans dans une grotte sans réfléchir au moyen de leur subsistance car ce n’est pas le pain qui fait vivre mais la parole divine.
Qu’est ce qu’une Mitsva
Qu’est-ce qu’une Mitsva? Le mot »Mitsva » tire sa racine du mot »stavta », tenaille. Une Mitsva est en fait le moyen de se rattacher, de s’unir à la présence divine. C’est le moyen de retourner à l’unité, le but final de la révélation de la création.
Lorsqu’un homme accomplit une Mitsva avec cette approche, il s’unit au divin, révèle la présence divine qui est en lui par cette soumission à la Mitsva! Soit cette révélation se fait pas un dévoilement par étapes où la présence divine est sous-jacente ou bien l’homme peut arriver à s’extraire de ce système de perception et le divin se révèle de suite. Toute l’attitude à avoir est de devenir le véhicule, le char céleste. La faute engendre une dislocation de ce véhicule. C’est-à-dire une non-perception d’être le char céleste mais un véhicule abandonné à lui-même, se déplaçant tel qu’il doit se déplacer mais avec la sensation d’en être le conducteur où tous les événements de la vie vont s’habiller de règles immuables de la nature et d’une prédestination ou pire encore de hasard!
Et ainsi écrit le Ramhal: »l’homme devra mettre sa confiance véritablement vers Hachem afin qu’il ressente réellement qu’il ne lui manque absolument rien de ce qui lui a été fixé comme il est dit: »toute la subsistance de l’homme est fixée à Rosh Hachana ». De même, il est enseigné »un homme ne peut toucher à son ami même à un fil de ses cheveux » (sans que cela ne soit décrété d’en haut) une personne pouvant rester assise et ne rien faire car le décret a été rendu ! Seulement, l’amende, la malédiction, la punition devance le décret. Le premier homme avant la faute, était dans un état où Hachem le sustentait sans qu’il ait besoin de se soucier de sa subsistance. À partir du moment où il a fauté, Hachem lui a imposé une »amende »: »à la sueur de ton front, tu mangeras ton pain ». Et le service dans ce monde est devenu pesant. Nous sommes contraints maintenant de nous fatiguer et de peiner pour subvenir à nos besoins. Mais nous avons l’obligation de savoir et de ressentir que toute cette peine, cette sensation d’agir pour se sustenter n’est que pure illusion ! Tout acte n’influençant en aucun cas ma subsistance, les actions de mes mains n’ajoutant rien car tout est fixé depuis Rosh Hachana. La sueur ne nourrit en aucun cas l’homme, uniquement la parole divine.
Et ainsi était le décret: alourdir le service sur l’homme et le tromper afin qu’il ressente que ses actes proprement dits lui amènent sa subsistance. Sensation d’indépendance et de dualité où rien ne se fait sans son action, étant une cause éphémère à toute conséquence issue de son monde. Illusoire sensation de force et de puissance inhérente à son être l’obligeant à rechercher sa subsistance pour vivre. Mais il faut savoir que cette sensation n’est qu’illusion afin que la malédiction puisse s’appliquer. Et puisque cela n’est qu’une punition, et donc cette conduite n’est pas incrustée dans l’essence même de la création, l’homme doit se comporter de même et s’investir au minimum avec l’intention de se défaire de son obligation, comme une charge que l’on supporte et que l’on se débarrasse le plus vite possible.
Et c’est en vérité, l’intention divine, l’homme ressentant cette situation comme une charge alors cette punition devient de plus en plus légère jusqu’à disparaître complètement.
Nous pouvons »décoder » ce texte du Rav ainsi: avant la faute, l’homme était dans un état d’unité totale où le corps ressentait la présence divine dans chacun de ses actes, étant guidé par la volonté divine et n’ayant aucune conscience d’une quelconque dualité (sa nourriture lui venant sans effort). La faute crée alors la dualité c’est-à-dire la révélation de l’empreinte de toute existence et donc cette conscience illusoire indépendante de l’unité qui doit agir de sa propre volonté. Mais derrière cette volonté dichotomique est tapie une volonté unique qui s’épanche à l’intérieure de la dualité. Et donc notre travail est de ressentir cette volonté unique, révéler cette unitude dans notre propre existence. » un homme ne peut toucher à son ami même à un fil de ses cheveux ». »Tout étant décrété à Rosh Hachana » veut dire que cette impression de maîtrise, de domination des événements n’est qu’un leurre et que seule la domination de l’unité et de sa volonté, existe et se diffuse dans la création, conscience universelle.
En vérité la faute ne s’appelle faute uniquement au moment de la révélation de la création, au moment de la révélation de la conscience particulière et individuelle. Car en vérité, il ne peut y avoir d’imperfection dans la volonté divine. Et donc, cet acte du premier homme était dans le programme de la création. Donc cela n’est considéré comme faute qu’au niveau de l’individu afin qu’il puisse se créer une conscience individuelle et artificielle, ayant l’impression de transgresser une volonté, afin d’exister, de même que la malédiction n’est qu’une limite définie pour l’homme, notion de dualité: bien et mal, bénédiction et malédiction. Ressentir que notre acte est forcé et non volontaire est la véritable révélation de l’unité divine. Le Rav explique que nous avons le devoir de ressentir que tout l’univers n’est qu’une création tirée d’une volonté unique. Mais le plus difficile à ressentir est que nous-mêmes nous ne sommes qu’une création. Cette sensation n’est pas uniquement une perception intellectuelle car tout le monde peut intégrer de manière logique que nous sommes une création car nous sommes »finis » limités par une naissance et une mort. Mais le ressentir est un autre plan de dévoilement. Pour cela, il faut faire un travail de reconnaissance de toutes ces perceptions que nous percevons et leur donner leur véritable nature. Pulsion unitaire où l’ego n’a aucune place. Par l’annulation de l’ego, apparaîtra alors une sensation illimitée d’unité avec tout le cosmos.
Pour ressentir cette union avec l’unité de cette lumière intérieure il faut développer les « moh’ine » les « cerveaux » spirituels canaux de l’énergie divine par quoi se déverse la lumière intérieure et infinie dans l’empreinte cosmique de la création
En vérité, lorsque nous réfléchissons sur notre état spirituel, nous verrions que nous sommes très éloignés du principe même de la confiance en D-ieu qui est exigée de nous ? Et chacun de nous peut très facilement vérifier son niveau de confiance en D-ieu. Car lorsque tout lui sourit alors il est confiant et heureux de sa part ce qui n’est pas le cas lorsque rien ne lui sourit. À ce moment, la peur l’envahit, se sentant complètement abandonné, perdu, étant dans un chemin sans issu, ressentant que les causes lui échappent, n’étant plus maître des événements !
En vérité, le véritable être »confiant » est celui qui ressent qu’il n’est en aucun cas la cause et le révélateur des événements qu’ils soient proches ou éloignés. Et au contraire, celui qui n’a pas foi en D-ieu, a une très grande perception d’un ego illusoire et infini, ressentant qu’il est la cause et l’élément fédérateur de tous les événements de sa vie. Et donc, lorsque les conséquences ne sont pas en adéquation avec ses espérances, ne ressentant plus qu’il en est la cause et le maître, se réveille en lui la peur et pour se rassurer fait dépendre cela au »Hasard », indépendant de sa volonté afin que l’ego perdure en lui. C’est cela en vérité la véritable malédiction »à la sueur de ton front, tu mangeras ton pain » étant le principe fondateur et révélateur de toute son existence. »Ton effort révélant ton pain », mettant sa confiance dans sa propre volonté. Être un être »confiant » est un être qui est sorti de cette malédiction. C’est l’ordre qui est donné à tout être conscient. Révéler la présence divine dans chaque création, dans chaque créature, dans chaque événement de notre vie.
Dans la nature même de l’homme est enracinée ce rejet de ce principe de confiance en D-ieu! (car cette non-confiance est le principe même de la dualité donc notre existence) tout notre travail est justement de s’extraire de cette perversion et de revenir à la conduite de l’unité où l’ego ne se matérialise plus et ne se diffuse plus en nous. C’est une nature de penser que tout ne se fait que par notre intermédiaire comme le verset le dévoile »et tu diras dans ton cœur: c’est ma puissance et de force de mes mains qui fait cette guerre ». Le Sabba de Kelm déduit que du fait qu’il n’est pas dit »de peur que tu dises… » mais ‘‘et tu diras… » cela vient nous enseigner que naturellement, un homme en arrive à penser ainsi ! Et une nature, il est difficile de s’en débarrasser. De plus les mauvaises qualités de l’homme entraînent un renforcement de cette nature et ce rejet de la confiance divine. L’orgueil étant enfoui et enraciné au fond de l’homme. Car l’orgueil c’est ce qui crée en l’homme cet ego, élément séparateur d’avec l’unité divine. C’est cet ego qui fait dire à l’homme que tout ne vient que de lui. De même le monde dans lequel l’homme vit, n’est que le reflet de ce rejet de la confiance divine. Et donc comment arriver à se défaire de cette malédiction ?
Le Kouzari écrit: « il faut croire que D-ieu est notre créateur et celui qui nous fait exister et qui nous insuffle la vie à chaque moment. Il est proche de nous car la notion de création de l’existence n’est pas la même que la notion de création matérielle. L’artisan qui crée une œuvre, une fois l’œuvre créée, il s’en détache et l’œuvre subsiste et perdure d’elle-même. Ce qui n’est pas le cas du Créateur. Lorsqu’il crée, il insuffle la vie à chaque moment sans détacher son influence régénératrice un seul moment. Si une fraction de seconde, D-ieu détachait sa volonté créatrice de la création, celle-ci reviendrait au néant, car du néant il a créé la création donc tant que la volonté divine s’épanche, la création se crée et perdure. Mais s’il enlève sa volonté un seul instant, la création revient au néant ».
Ce que fait Hachem en nous créant, c’est de nous sortir du néant et seule Sa volonté existe en réalité. Nous ne sommes en vérité que la matérialisation de Sa volonté de chaque instant. Comment en connaissant cette réalité, pouvons-nous ressentir une certaine indépendance ? Petit à petit, il faut ressentir que D-ieu réinjecte Sa volonté créatrice à chaque inspiration, à chaque pensée, à chaque parole, à chaque geste et à chaque mouvement que nous faisons. Si nous mettons notre attention à chacun de nos gestes, nous ressentirions un tant soit peu la présence divine qui circule dans tout notre être. Le Kouzari affirme que tout être qui arrive à ressentir tous ses gestes c’est-à-dire à développer une conscience liée au mouvement, ressentira automatiquement la présence divine qui se diffuse en lui à chaque instant. »Tu connais lorsque je m’assois et lorsque je me lève ». D’où l’homme tire-t-il la force et la volonté de s’asseoir et de se lever ? Tout vient du tout puissant béni soit-il ! Pour cette raison, Hachem »connait » c’est-à-dire donne l’énergie à l’homme de s’asseoir et de se lever. Le »daat », la connaissance supra-mentale étant en réalité la fusion du divin dans la matière. Ainsi, qui donne la force et la volonté à l’homme de parler si ce n’est uniquement D-ieu ! Il est évident donc que Hachem connaît ses paroles c’est-à-dire insuffle en lui ses paroles.
Nous devons comprendre ce premier principe qui dit que la création entière est une nouveauté créée du néant. Ce qui est contenu dans les mots ‘‘Je suis le créateur » qui veulent dire que D-ieu est le novateur de la création. Et automatiquement se révèlent tous les principes l’un derrière l’autre: si la création est une nouveauté et donc est l’émanation du Créateur, tout n’est que volonté divine et donc il n’y a aucune place à l’effort et aux causes de proximité car il crée par sa bonté chaque jour continuellement et donc tout est nouveauté sans réalité propre. Vie et mort, vie et mort….et ainsi il faut expliquer ces mots »il n’y a rien d’autre que Lui ». Il n’y a aucune existence sans sa volonté et chacune des actions de l’homme n’est que volonté divine. Cela ne veut pas dire que D-ieu surveille et comprend les actions de l’homme (l’homme ayant un pouvoir de décision indépendant du créateur) mais qu’aucune existence ne peut exister sans volonté divine rendant impossible l’idée que l’on puisse transgresser sa volonté car il n’y a aucune réalité sans sa sainte volonté.
Et même lorsqu’un homme faute, il ne transgresse pas la volonté divine mais au contraire ceci est la volonté divine. Seulement, l’homme se trompe et croit qu’il agit contre Sa volonté ! Et c’est sur cette perception de l’acte, qu’il est puni car il pense qu’il se révolte et donc qu’il est dans la dualité de l’action. C’est cela la véritable faute ! Se désolidariser de la volonté divine. La faute n’est pas dans l’acte lui-même mais dans l’intention!
Lorsque le premier homme a fauté, en vérité telle était la volonté divine afin de révéler l’empreinte de la création, car sans la transgression, la création ne pouvait se révéler. La faute n’est faute que vis-à-vis de l’homme qui par sa perception, se sépare de l’unité. De même, lorsque l’homme accomplit une Mitsva, l’action est inéluctable et seul le choix de perception de l’homme est réel: s’unir ou non au commandement c’est-à-dire choisir sa manière de percevoir l’acte que D-ieu accomplit par son intermédiaire: soit rester dans la dualité et ressentir une dichotomie dans l’acte même de la Mitsva qui en vérité n’en est plus une ou bien s’annuler devant l’ordre et ne faire qu’un avec le commandement devenant l’acte lui-même, le char céleste et alors tout acte devient Mitsva, même la plus profane des actions du quotidien.
Il est enseigné qu’avant même la révélation de l’empreinte de la création, toutes les créatures et tous les événements sont déjà en potentiel. Seules manquent leurs révélations. Tout est déjà programmé ! Comment l’homme pourrait-il alors transgresser la volonté divine, tout est déjà créé en potentiel ? Seule la dualité cache la volonté unitaire dans un brouillard qui révèle une illusoire indépendance et c’est sur ce brouillard illusoire que nous devons rendre des comptes. Car c’est par notre perception que l’on révèle ou non l’énergie divine qui est tapie à l’intérieur de la création.
Si nous vivions cette vérité au fond de nous-mêmes, toutes les mauvaises qualités telles que la jalousie, la haine, la colère, l’orgueil et l’envie s’annuleraient d’elles-mêmes. Car comment pourrions-nous être jaloux de notre camarade si tout est réglé, programmé depuis la nuit des temps ? De même, le désir s’estomperait puisque il est décrété qu’il aurait ou qu’il n’aurait pas. Désirer quoi ? Ce que je dois ou ne dois pas avoir ? Les mauvaises qualités ne sont que l’altération de la véritable perception de la réalité. Elles ne sont que la matérialisation de l’ego, pierre angulaire de cette perception dualiste de la création, matérialisation de la punition »à la sueur de ton front, tu mangeras ton pain » la »sueur » faisant allusion à la force imaginative de l’intellect dominé par les pulsions du corps.
Mais celui qui se renforce dans les Mitsvot et la prière, ressentira alors de plus en plus son attachement à l’unité divine et se détachera des envies de ce monde.
Retrouvez tous les écriris de Rav Lévinstein sur notre site
Une biographie du Rav Lévinstein en anglais sur wikipédia