Le nom attribué à une personne, vient décrire et définir l’essence de cette personne
Réouven Carceles
Le nom d’une personne
Leilouy nichmat Zhari bat Shoulica et Ruth bat Sarah
Dans la Paracha de la semaine, Vyakra, la Torah nous dit : » Il appela Moché, Hachem lui parla depuis la tente d’Assignation » (Lévitique chap. 1, 1).
Beaucoup d’encre a coulé à propos de ce verset. D’après le Zohar, le Aleph de Vayka est écrit en petit pour montrer que même au moment où Moché fut « appelé » par D. pour communiquer avec lui dans la tente du rendez-vous, il n’était pas parvenu à la perfection, car celle-ci ne peut être atteinte qu’en terre sainte. Selon d’autres commentaires, le petit aleph fait allusion à la modestie de Moché, qui se rapetissait toujours devant le Créateur et devant ses semblables. Quant à Rachi, qui soulève une autre interrogation, il rapporte un enseignement au nom de la Guemara (Yoma 4b) que toutes les fois où Hachem s’est adressé à Moché, il a commencé par « appeler » (Vayikra), expression d’affection, identique à celle employée par les anges de service, comme il est écrit : « il appela l’un l’autre ». Il rajoute que la voix se propageait et atteignait les oreilles, et nul en Israël ne l’entendait. Ainsi, Il lui permettait de se préparer à recevoir le message qu’il s’apprêtait à lui transmettre.
Il y a lieu de se poser la question, pourquoi commencer le livre de Vayikra, qui parle surtout des sacrifices, par cet appel à Moché ? Quel lien y a-t-il avec les anges, et enfin en quoi le fait d’appeler Moché avant de se dévoiler à lui exprime l’amour que D. lui porte, comme le dit Rachi ?
Tout d’abord, tentons d’expliquer l’importance du nom. Le Rav Haim Chmoulevitch explique que le nom attribué à une personne, vient décrire et définir la nature profonde donc l’essence (Mahout) de cette personne, ce qui va pouvoir définir les caractéristiques spirituelles et physiques de la personne, en fonction de la mission qui lui est attribuée. C’est d’ailleurs de cela dont les sages parlent lorsqu’ils nous enseignent qu’à la naissance, les parents sont investis d’un certain roua’h hakodesh (esprit saint) qui les guide dans le choix du prénom.
Le midrach nous dit que lorsque D. a voulu créer l’homme, il dit aux anges que sa sagesse serait supérieure à la leur, justement par sa faculté de reconnaître la nature interne et les caractéristiques de toute chose créée qu’il a su nommer. Le prénom d’une personne renvoie donc directement à son point d’intériorité, là où est contenu le potentiel spirituel donné par Hachem.
Dans notre cas, Moché Rabénou, avait dix noms, pour mieux cerner sa personnalité et ses mérites, son niveau était extrêmement élevé, et se situait au-delà de la matière. Il est possible à présent de comprendre, que le nom exprime donc l’unité qui existe entre la personne et son essence, c’est-à-dire son but spirituel. De ce fait, lorsque D. appela Moché, c’était pour l’unir à son essence, à son but dans ce monde-ci, c’est peut-être cela, l’expression « d’amour » dont parle Rachi. A ce titre il nous explique plus loin, comme nous l’avons mentionné plus haut, que les Anges emploient aussi le mot Vayikra pour louer Hachem, comment est-ce possible ? Nous savons qu’un ange doit lui aussi se réaliser à travers une mission, c’est pourquoi son nom est donné en fonction de sa mission.
Le Ramhal nous dévoile dans le derekh Hachem, qu’il existe quatre catégories d’anges. Lorsqu’un ange du niveau supérieur doit influencer celui qui se trouve au niveau inférieur au sien, il commence par l’appeler pour que celui-ci se prépare à recevoir la lumière qu’il va lui envoyer, c’est-à-dire que l’ange inférieur reçoit l’influence de l’ange supérieur. C’est comme cela jusqu’à ce que l’ange le plus bas influence notre monde. Cela devait être aussi le cas de Moché, qui devait recevoir la prophétie du plus haut niveau à travers son nom comme nous l’avons expliqué afin de la transmettre au peuple d’Israel.
Le Or Ha’haim nous dit que c’est la plus belle des offrandes que l’on peut présenter au Maître du monde, s’efforcer de rapprocher d’Hachem les cœurs des enfants d’Israël. C’est pour cela que Hachem a appelé Moché et que personne ne l’entendait, pour qu’il se prépare à recevoir le message divin au même niveau que les anges. C’était sa mission, c’est un enseignement d’une grande importance pour chacun d’entre nous, nous devons tous arriver à nous unir dans notre intériorité et réaliser notre mission, car D. appelle chacun d’entre nous à réaliser son but spirituel. Comment y arriver ? La réponse est : grâce aux sacrifices et l’humilité.
Le Rambam dans le Guide des Egarés va plus loin : en s’unissant à Sa Torah alors on s’unit à D.. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est rapporté dans les livres saints que Vayikra est écrit avec un petit aleph pour nous montrer que la Torah ne reste que chez l’homme qui se fait petit et se conduit avec humilité. « Aleph » (qui veut dire « étude ») ne se maintient que chez le « petit », celui qui se considère comme petit a l’instar de Moché qui a mérité cet appel de D. Le Yalkout rapporte que c’est parce qu’il était humble et fuyait les honneurs : « je ne suis pas un homme qui sait parler » avait-il dit. Le Sforno de rajouter que ce que l’homme offre de lui-même en réalité c’est sa soumission à D. et son Cœur brisé, voilà le vrai sacrifice, accompagné d’un sentiment de repentir et de soumission.
A ce titre le Edout BiYéhossef rapporte au nom du Midrach que c’est aussi la raison pour laquelle on offrait uniquement des animaux domestiques, plutôt que des animaux sauvages en sacrifice à Hachem, parce que les animaux sauvages sont fiers et ont des tendances cruelles alors que l’animal domestique marche toujours humblement la tête baissée. Mais aujourd’hui où les sacrifices ne se pratiquent plus, alors il faut rester humble, purs dans notre essence, se séparer de la faute et savoir s’annuler devant l’autre.
Le Yisma’h Yisrael explique que ce sacrifice parfait n’est possible que lorsque l’homme ne se sépare pas du peuple juif mais, au contraire, éprouve de l’amitié envers chaque juif, s’associe à la communauté et s’efface devant elle. Le peuple juif est pur dans son essence. Le Maharal nous dit que la faute ne peut pas remettre en question la sainteté de notre âme, à partir du moment où le sacrifice, tel que nous venons de l’expliquer, s’accompagne de repentir sincère, alors Hachem nous appellera à nous aussi, pour éclairer notre prochain.