Cours du Rav Moshé Shapira: »le mois de Yiar »
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Monument de la pensée de Rav Shapira tirée du Maharal de Prague et du Ramhal,
essayez de le méditer à tête reposée.
Aujourd’hui commence le mois de Yiar. Le »Rama » écrit au sujet des actes de divorce que le mois de Yiar doit être écrit avec deux « youd » et il y a un avis qui dit que s’il est écrit avec un seul « youd » l’acte de divorce est invalidé. Il y a de nombreux tribunaux où, si un acte de divorce se fait au mois de Yiar, les Rabbanim écrivent deux actes de divorce, l’un où il est écrit avec deux »youd » et l’autre est écrit avec un seul »youd ». Et dans de nombreux endroits, il y a un décret rabbinique de ne pas faire d’acte de divorce pendant le mois de Yiar car écrire deux actes de divorces pose problème. De toute façon, il y a une coutume d’écrire ce mois avec deux « youd » car les lettres du mois de Yiar אייר représentent, Avraham אברהם pour le « א » et יצחק Ytshak pour le « י » et יעקב Yaacov pour le deuxième « י » et enfin רחל Rahel pour le « ר » qui sont tous les quatre, le principe du char céleste.
Dans le livre de la création, les douze mois de l’année sont partagés selon les douze influences astrologiques et ainsi ils sont partagés selon les douze énergies que génère l’âme animale: La parole la vue l’ouïe le déplacement …. qui eux, génèrent en l’homme une impression d’existence propre. Celles-ci délimitent les mois de l’année de même qu’elles définissent les tribus.
L’alphabet, le « א-ב » est composé de 22 lettres. 10 d’entre-elles sont partagées en 2 groupes comme le livre de la création l’explique: trois sont appelées « mères » et sept « doubles ». Les trois »mères » sont les trois racines « א-מ-ש » et les sept »doubles » sont ces lettres qui s’utilisent avec ou sans point dans la lettre et ainsi changeant sa prononciation. Ce sont les lettres « ב-ג-ד »-« כ-פ-ר-ת ».
Les trois lettres א-מ-ש sont les trois racines, les trois principes de la création c’est-à-dire les trois principes de la sagesse: »connaissance- compréhension- savoir ». Le Talmud explique que Betsalel pour construire le tabernacle, la résidence divine dans le désert, a associé les lettres avec lesquelles le monde a été créé. »Connaissance- compréhension- savoir » sont les énergies par lesquelles l’univers a été créé. Par elles ont été créés les cieux et la terre, les énergies spirituelles et les pulsions matérielles. Ces trois énergies sont les trois qualités supérieures et divines. Les sept autres qualités, les sept lettres »doubles » [Beth, Guimel, Daleth, Kaf, Pé, Tav, Resh], représentent les qualités par lesquelles nous faisons l’éloge du D-ieu créateur dans le verset: » car à toi D-ieu, la grandeur (h’essed) (1) la rigueur (guévoura) (2) la beauté (tiphéret) (3) l’éternité (nétsah’) (4) et l’isolement (hod) (5) car tout dans les cieux et la terre (yessod) (6) à toi D-ieu la royaulté (malkhout) (7). Ce sont les sept qualités qui peuvent s’arranger dans le bien. Elles peuvent être en nous des qualités qui se confondent avec les qualités du créateur et nous élèvent vers le divin mais elles peuvent aussi nous attirer vers l’abîme de la destruction et qui de ce fait ont besoin d’être arrangées. Elles sont appelées les sept « doubles », c’est-à-dire qu’elles peuvent s’exprimer d’une manière double, soit dans le positif soit dans le négatif mais qui ne sont en réalité que l’expression d’une seule et même énergie divine. L’unité absolue est de ressentir que les deux expressions de ces qualités ne viennent que d’une seule et même source. Lorsque ces qualités sont arrangées elles sont en phase avec les qualités divines mais lorsqu’elles ne sont pas arrangées et donc ne sont pas en phase avec la volonté divine, elles se transforment en mauvaises qualités capables de détruire le monde et même pouvoir dire qu’elles sont déjà en train de détruire le monde inexorablement.
Il reste douze lettres de l’alphabet, du « א-ב » qui sont des lettres simples et qui sont la représentation des douze mois de l’année et aussi la représentation des pulsions humaines. Chaque mois de l’année étant dominé par une lettre spécifique de parmi ces douze lettres restantes de l’alphabet. La première de ces 12 lettres est la lettre « ה » le »hé ». Le « א » étant une des lettres-racines, « ב-ג-ד » étant doubles. Ainsi la lettre « ה » devient la première des lettres simples et la lettre « ו » le »vav » devenant de par ce fait la deuxième lettre simple. Donc puisque chaque lettre correspond à un mois, le « ה » le »hé » correspond au mois de Nissan qui est le premier mois de l’année selon l’ordre de la Torah et le « ו » le »vav » correspondant au mois de Yiar, le deuxième mois de l’année.
Ce qui est insufflé dans la lettre « ה » »hé » vient à s’exprimer et à se dévoiler dans le mois de Nissan et ce qui est insufflé dans la lettre « ו » »vav » vient à s’exprimer et à se dévoiler dans le mois de Yiar.
Le mois de Nissan est appelé dans le langage de nos sages: « le temps de notre libération« . Ce mois est l’expression du verset: « aujourd’hui vous êtes sortis dans le mois du renouveau« . Nos sages enseignent que le maître du monde a dit à Moshé: « va et parle à Parrho le roi de l’Égypte afin qu’il renvoie le peuple d’Israël de son pays » et Moshé lui répond: « voici que les enfants d’Israël ne m’ont pas écouté ! Comment veux-tu que Parrho m’écoute? Je suis bègue ». Ceci est un dialogue étrange. D-ieu envoie Moshé en lui disant: « va et parle » où y a-t-il place à l’argumentation devant cet ordre divin? Le Zohar explique que Moshé dit au maître du monde ainsi: » je ne peux parler devant Parrho car ma parole se trouve chez lui en exil. Ma parole est recouverte. Parrho la séquestre. Il empêche ma parole de s’exprimer ». Parrho rend impossible la parole de Moshé de se dévoiler et de s’exprimer. Cela veut dire que l’Égypte a asservi l’esprit. C’était cela la grande et redoutable puissance de l’Égypte qui était la plus grande des nations. Elle avait la puissance d’anéantir toute énergie spirituelle. Chaque personne étant soumise au dictat de l’Égypte. Celle-ci représentant les forces que la matière engendre. Cette matière qui domine l’esprit et l’empêche de s’exprimer. Un exemple tout simple: le moment de la prière où la personne veut exprimer toute sa puissance spirituelle en se concentrant sur les mots qu’elle exprime. Que se passe-t-il à ce moment précis? Les mots sortent de sa bouche sans vie spirituelle dénués de sens car sa parole n’est pas en adéquation avec sa pensée. C’est cela l’expression de l’exil de la parole.
L’homme est appréhendé comme un désert. Un champ non-cultivé, en friche et lorsqu’il est travaillé, il est transformé jusqu’au plus profond de son âme, n’ayant aucune possibilité d’exprimer sa nature propre. Il est esclave de ses pulsions qui le travaillent, le modèlent. Ceci est la véritable expression de la notion d’esclavage. Quelqu’un qui n’a pas la possibilité et qui n’est pas apte à se réaliser tel qu’il est réellement car esclave de ses pulsions qui l’empêchent de s’extérioriser. Ne se réaliser que par l’extériorité de sa matière. Il n’exprime que ce que son maître exige. Domination totale de la partie extérieure et superficielle du corps.
En général nous définissons un esclave comme étant quelqu’un qui ne veut pas travailler mais qui est contraint et forcé, c’est-à-dire que sa volonté est existante mais contrainte. En vérité celui qui est en état d’esclavage est complètement asservi, n’a plus de volonté propre. Lorsque nous sommes dans les mailles des pulsions de notre corps, nous n’avons aucune volonté de se défaire de ces pulsions car elles deviennent nous-mêmes. Tous étaient esclaves en Égypte. Nos sages enseignent qu’il était préférable d’être esclave en Égypte plutôt que libre dans un autre endroit. Comme un homme esclave de ses désirs qui a la richesse et qui peut les assouvir à tout moment. Ressent-il le besoin de s’échapper de ceux-ci pour se sentir libre ? Bien sûr que non ! Mais il se trompe. Un exemple simple saute aux yeux: deux personnes identiques: une étant fumeur et une autre non-fumeur. Qui est l’homme libre ? Celui qui a l’envie de fumer et qui assouvit son besoin en fumant ou bien celui qui n’a pas l’envie de fumer ? L’esclave a le ressenti que son envie est sa nature propre. Comment pouvoir penser un seul instant de ne plus respirer ? C’est notre seule façon de perdurer dans ce monde. Ainsi en est-il de l’esclavage: faire ressentir à l’homme que ses besoins matérielles sont de l’ordre de l’inné, nature profonde de son être.
Lorsque D-ieu dit à Avraham: « saches que ta descendance sera étrangère dans une terre qui n’est pas la leur et ils les rendront esclaves et les feront souffrir quatre cent ans« , Il prédit qu’il y aura deux décrets sur eux:
1/ ils les feront souffrir
2/ ils en feront des esclaves.
A tel point que Moshé n’a pu trouver en lui la force d’exprimer sa véritable nature devant Parrho. L’expression de sa nature qui se réalise par la parole engeance de la pensée est en exil chez Parrho qui est l’expression des pulsions du corps. Ce corps qui empêche l’esprit de se dévoiler et de s’exprimer.
Et tout ceci était dans le décret divin « et ils les rendront esclaves« , décret en lui-même, indépendant du décret « et ils les feront souffrir« . A tel point qu’au moment de sortir d’Égypte, il a fallu que Parrho les libère. Il ne suffisait pas qu’ils sortent, il fallait qu’ils soient libérés de l’emprise de Parrho. Et ainsi a dit Parrho: « dans le passé vous étiez mes esclaves maintenant vous êtes des hommes libres, vous êtes vos propres maîtres vous êtes les esclaves de D-ieu et vous devez maintenant Le glorifier car vous êtes devenus Ses esclaves comme il est dit: « louez D-ieu louez le car vous êtes ses esclaves« . Ainsi étaient les paroles de Parrho. La parole qui était en exil devait sortir libre de toute entrave émotionnelle émise par le corps. Tout celui qui est doué de parole sait que la racine de toute parole s’exprime par la lettre « ה » »hé ». Lorsqu’un homme expire un souffle de sa bouche, il expulse le son de la lettre « ה », »hé ». La lettre
« ה » est l’expression du moment de la libération de Pessah. Le Ari Zal explique que le mot »Pessah » est l’association de deux mots: « Pé sah' » « la bouche qui raconte« .
Avant la libération de l’Égypte, la bouche ne pouvait s’exprimer. L’homme ne pouvait exprimer les profondeurs de son âme. Il ne pouvait se connaître réellement. « La bouche qui arrive à s’exprimer » c’est cela la liberté. C’est la libération qui est contenue dans ce mois de Nissan. C’est l’expression de ce qui est insufflé dans la lettre « hé ». C’est le point de sortie et c’est la racine de toute parole qui existe dans le monde.
La lettre « vav » est utilisée de trois manières:
1- le « vav » qui rajoute sur le premier sujet.
2- le « vav » qui réunit
3- le « vav » qui inverse [transforme le passé en futur ou le futur en passé].
Le « vav » qui inverse comme dans le mot « aya » « il était » c’est-à-dire ce qui était dans le passé se transforme par l’adjonction du « vav » en « véaya » en « cela sera » en un futur comme dans « et cela sera à la fin des temps ».
Le « vav » inverse le passé en futur. De même pour le contraire, le « vav » transforme le futur en passé. Nos sages enseignent que l’expression « vay’hi » introduit l’expression de la souffrance, le futur « yéhi » se transformant en passé comme dans « et ce fut au temps de Ah’achvéroch ». La raison en est parce que l’espoir qui est fondé dans un futur et qui se transforme en passé c’est-à-dire qui ne s’est pas concrétisé est une souffrance pour la personne qui voit ses projets réduits à néant. Et le contraire c’est-à-dire le passé qui se transforme en futur « véaya » introduit une expression de joie. C’est-à-dire que ce qui est passé est passé selon l’expression populaire mais si ce passé devient un futur, une source d’espoir, alors cela ne peut qu’engendrer la joie.
Ces trois expressions sont la particularité et la matérialisation de la lettre
« vav ». Le « vav qui relie » dans « ceci et ceci »- le « vav qui rajoute au premier sujet » dans ceci et aussi ceci- et le « vav qui inverse ».
Notre but dans ce monde est de faire que le passé que l’on a vécu puisse à nouveau revenir comme dans le langage de « véaya » et non espérer dans un futur qui n’a aucun fondement dans le passé, qui se transforme avant même d’exister en passé comme dans l’expression « vayéhi ». Ceci est l’expression du mois de Yiar. Faire que le passé de la sortie d’Égypte soit mon futur, mon but. Sortir de l’esclavage des pulsions de mon corps soit de nouveau mon avenir.
Le « vav » qui réunit et rajoute sur le premier sujet ressurgit dans le mois de Yiar par l’approche du sacrifice du »Pessah chéni’‘. Comment au mois de Yiar peut-on offrir de nouveau le sacrifice de Pessah qui est la spécificité du mois de Nissan ? Ce sacrifice représentant le temps de la liberté !
Au moment du don de la Torah, il est enseigné que le sacrifice de Pessah doit s’approcher au mois de Nissan et au moment du premier sacrifice de Pessah de la deuxième année dans le désert, les gens qui étaient impurs se sont tenus devant Moshé et Aharon et se sont plaints: « qu’avons-nous de moins que les autres pour ne pas avoir la possibilité d’apporter le sacrifice de Pessah ? »
Mais qu’est-ce cette revendication ? Ils sont impurs et donc impossible à eux d’apporter le sacrifice de Pessah! Mais non seulement ils ont osé argumenter ainsi mais ils ont été écoutés et ils ont fait descendre sur terre de nouvelles paroles de Torah ! Où ont-ils pu puiser cette force ? Cette force, ils l’ont puisée du mois de Yiar lui-même qui est la matérialisation du « vav qui rajoute sur le premier sujet ». Ce mois a la puissance de rajouter des paroles de Torah. Et ceci tout le monde le savait car Moshé leur a dit: « tenez-vous et écoutez ce que D-ieu va vous ordonner« . Il était certain que D-ieu allait leur répondre et leur ordonner quelque chose car Moshé connaissait la puissance de ce mois de Yiar.
La lettre « vav » vient aussi pour réunir deux choses, l’une avec l’autre. Le mois de Yiar est placé entre le mois du renouveau, le mois de Nissan où la sortie d’Égypte et la liberté se sont matérialisées et le mois de Sivan, le mois où la Torah a été donnée. Le mois de Yiar étant le lien entre la sortie d’Égypte et le don de la Torah, étant la continuation de la sortie d’Égypte et le commencement du don de la Torah. Dès le mois de Yiar, commence l’ordre qui va amener au don de la Torah. Le premier événement qui est arrivé au moment de l’arrivée au Mont Sinaï a été: « et Israël a campé en face de la montagne« . C’est un des grands principes qui a été dévoilé le jour du premier Sivan. Au moment où D-ieu s’est dévoilé au buisson à Moshé pour la première fois, il lui dit: « lorsque tu feras sortir le peuple d’Égypte, ils serviront D-ieu sur cette montagne״. La sortie d’Égypte étant une étape pour arriver au don de la Torah. Nous sommes sortis d’Égypte pour recevoir la Torah et le mois de Yiar est le pont qui relie ces deux événements entre eux.
La Torah que nous avons reçue, est concentrée dans la première parole: « Je suis ton D-ieu qui t’as sorti d’Égypte de la maison des esclaves« . Nos sages commentent ce verset ainsi: « au moment où D-ieu a dit « Je suis Hachem ton D-ieu », se sont incrustées les paroles de la Torah dans leurs cœurs« . Cette même parole a été le principe qui a fait que les paroles de Torah se sont incrustées dans leurs cœurs. Et au moment où il est dit: « tu n’auras pas d’autres dieux… » s’est déraciné le mauvais penchant de leurs cœurs. En fait, ce sont deux facettes d’une même révélation car les deux premières paroles ont été dites en même temps: « une parole, D-ieu a exprimé, deux j’ai entendu« .
Si nous réfléchissons bien toutes les Mitsvot peuvent se partager en deux:
1- des obligations d’agir, les Mitsvot positives
2- des obligations de se retenir, les Mitsvot négatives.
Nous les appréhendons comme des ordres c’est-à-dire que l’ordre m’oblige soit à agir soit à ne pas agir. C’est-à-dire que j’appréhende ces paroles dans la dualité: moi devant l’ordre, donc positif ou négatif.
La première parole « Je suis Hachem ton D-ieu… » est une Mitsva positive qui est la racine de toutes les Mitsvot positives.
La deuxième parole « il n’y aura pas d’autre dieu » est une Mitsva négative qui est la racine de toutes les Mitsvot négatives.
Au moment où ces paroles sont appréhendées comme des réalités et non comme des ordres, ces deux paroles ne font qu’une car elles ne sont pas appréhendées comme des commandements positifs et négatifs. Car la réalité n’est qu’une. L’action et l’inaction font partie intégrante de la réalité. Ce n’est pas comme nous l’imaginons une décision à prendre ou à ne pas prendre mais une dimension de notre nature. Exemple: « ne voles pas » n’est pas un ordre au sens que je peux voler comme je peux ne pas voler et j’ai l’ordre de ne pas voler. Mais cela est une dimension de la réalité, un niveau de conscience où le vol n’est pas une réalité comme manger du sable n’est pas une réalité de notre être.
Le dévoilement qu’il y a eu à ce moment « Je suis Hachem ton D-ieu qui t’as fait sortir de la terre d’Egypte, de la maison d’esclaves » n’a pas été diffusé comme un ordre mais comme une réalité qui a permis aux paroles de la Torah de s’incruster dans leurs cœurs. Jusqu’à ce qu’un ordre s’incruste dans le cœur cela peut prendre beaucoup de temps et cela serait déjà bien qu’une vie entière puisse suffire à faire rentrer dans le cœur l’ordre divin. Tout cela n’est la conséquence que du fait que nous appréhendons les paroles divines comme des ordres dont j’ai la possibilité d’accepter ou de rejeter, donc cela ne peut se transformer en nature comme respirer est naturel. Mais lorsque nous réalisons que ces ordres ne sont qu’une matérialisation d’un niveau de conscience de notre réalité, alors les choses sont claires et évidentes. Il ne faut pas percevoir ces ordres comme positifs ou négatifs qui créent une impression d’obligation contre nature que je m’efforce de réaliser et donc l’ordre n’est pas moi mais quelque chose d’extérieur à moi que j’essaie d’appliquer. Cela ne peut s’incruster dans le cœur car cela passe par les pulsions animales. Une envie se réveille, une pulsion se diffuse dans le corps alors l’ordre de la Torah vient essayer d’éteindre cette pulsion. Cela est le niveau de la séparation que Rabbi Pinhas ben Yaïr avait ordonné dans son enseignement et qui amène à la sainteté qui elle, est un niveau de conscience extrême où la pulsion n’existe pas et où l’ordre devient à ce moment la réalité. Toujours le même exemple frappant du fumeur qui a une envie de fumer et qui se retient. Il maîtrise sa pulsion mais elle existe et elle est sa nature c’est le niveau de »séparation » et donc il lutte contre nature. Et il y a le non-fumeur qui n’a pas d’envie de fumer et au contraire cela le dégoûte car pour lui fumer est contre nature, sa nature est de ne pas fumer, c’est le niveau de »sainteté ». Faire que toutes les envies produites par les pulsions de l’âme animale s’éteignent complètement et par cela se dévoile la véritable nature de l’homme.
Quelle a été la révélation qui s’est dévoilée par cette parole: « Je suis Hachem ton D-ieu qui t’as fait sortir de la terre d’Egypte, de la maison d’esclaves » ? De la manière dont nous percevons les choses, nous ne pouvons-nous empêcher de mettre des limites à ce que nous percevons. Les choses telles qu’elles sont, échappent à notre perception. Essayons de percevoir au maximum de ce que nous fait entrevoir la vérité de ce verset. Il y a dans ce verset un dévoilement de la réalité que nous n’arrivons pas à cerner. Nous avons tous traversé la sortie d’Égypte d’une manière physique et superficielle et ceci il y a moins d’un mois. Que veut dire en profondeur: « je suis Hachem ton D-ieu qui t’a fait sortir de la terre d’Égypte » ? Ici est dévoilée une nouvelle réalité, un nouveau niveau de conscience, une nouvelle dimension de perception de la réalité. Tout un chacun sait, connaît et perçoit une réalité de son être. Nous vivons dans un monde que nous cernons, saisissons et percevons consciemment ou bien inconsciemment comme une création réelle qui perdure dans le temps. Nous devons nous libérer de cette vision de la création comme étant une réalité éternelle. La table se tenant à jamais devant moi si ce n’est qu’une volonté extérieure vienne détruire cet immobilisme et cette éternité de la matière.
« Les paroles de la Torah se sont incrustées dans leurs cœurs« , il y a eu à ce moment un dévoilement extrême que la réalité vraie c’est-à-dire toute la création entière n’est que Torah, le dévoilement de sa volonté et de son honneur. Dévoilement de sa réalité ; « se sont incrustées« , cette parole s’est transformée dans leur cœur pour être une partie de la vie elle-même. Le cœur étant le générateur de la vie, le processeur qui transforme l’énergie divine en énergie vitale comme il est dit: « de toute garde, préserve ton cœur car de lui la vie est générée« . Et lorsque les paroles de Torah sont incrustées dans le cœur, elles se fondent dans l’essence même de la vie qui se diffuse dans le corps par l’intermédiaire du cœur.
C’est le « vav qui réunit » c’est le « vav » du mois de Yiar qui est le pont, le point de traverse entre le temps de la liberté défini par ce mois du renouveau et entre le temps du don de la Torah qui est défini par le troisième mois, le mois de la moisson. Le « vav » relie ces deux mois et donc automatiquement le « vav » qui va transformer le passé en futur, qui va faire perdurer ce niveau de la sortie d’Egypte pour arriver au niveau du don de la Torah.
A l’instant de la sortie d’Égypte qui est saisie comme le dévoilement de la réalité vraie, comme la réalité de la Torah dans la matière, c’est-à-dire que de la sortie d’Égypte, il est inéluctable de percevoir la délivrance future, car les mêmes miracles vont se matérialiser. Par cette perception de la réalité vraie dévoilée par la sortie d’Égypte, nous allons directement à la perception de la libération finale. » Voici je vous délivrerai à la fin des temps comme au commencement pour être pour vous en tant que D-ieu, je suis Hachem ». Et c’est le « vav » du mois de Yiar qui permet de faire ce passage et que cette réalité dévoilée à la sortie d’Égypte renaisse une nouvelle fois.
Que ce passé devienne un futur grâce au « vav qui inverse » ce » aya » ce passé va devenir « véaya » un futur. Une nouvelle sortie d’Égypte. La sortie d’Égypte étant le « aya » le mois de Yiar rajoute le « vav » et proclame » et ce sera à la fin des temps ».
Le Ramban explique que les miracles de la sortie d’Égypte sont venus pour mettre en tant que fondement la croyance en D-ieu et éclaircir la véritable foi. Les miracles dévoilent tous les principes fondamentaux de la foi. Lorsqu’un miracle se produit, il y a un dévoilement automatique, une vérité qu’il y a un maître à ce monde, quelque chose qui dirige ce monde quelqu’un qui fait pencher ce monde comme il le désire. « Tout ce que désire D-ieu, il le fait, que ce soit dans les cieux et sur terre, dans les océans et dans les profondeurs« . Les miracles montrent toutes les facettes de la Torah c’est-à-dire les fondements et les principes de la Torah, tous les principes de la foi. Le Ramban conclue ainsi: « des grands miracles dévoilés, l’homme a le pouvoir de reconnaître les miracles cachés qui sont eux-aussi les fondements de la Torah toute entière ». Et le Ramban rajoute que l’homme n’a pas de part dans la Torah de Moshé tant qu’il ne croit pas que toutes les situations et les événements qui se produisent ne sont que miracles sans aucun principe immuable de l’ordre d’une nature et d’une conduite préprogrammée que ce soit de manière générale où même individuelle car en fait la Torah est le fondement de la création entière et non une science qui se rajoute à celle-ci car l’essence même de la création est le dévoilement de la Torah. Les miracles cachés sont l’expression que l’ordre lui-même du monde est le dévoilement de la Torah.
Explication: si un homme reçoit une chose à un moment précis cela ne peut se faire que par l’ordonnancement de la Torah, que l’on comprenne la Torah ou non. Lorsque nous ouvrons la Torah, nous n’avons pas conscience de ce qu’elle peut raconter. Avraham savait interpréter la création et tout ce qui s’y déroule et par elle il a appréhendé toute la Torah entière. La création est une Torah
Les patriarches Avraham, Itshak et Yaacov sont le char céleste c’est-à-dire que tous les événements qu’ils ont traversé au cours de leurs vies sont devenus des paroles de Torah au sein d’Israël. Nous vivons par cette Torah et tous les moments de notre vie sont une conséquence de la Torah qui s’est dévoilée et qui s’est matérialisée par les actes des patriarches. Le secret du char céleste ne peut être transmis si ce n’est qu’individuellement et en ne dévoilant que les têtes de chapitre. Les patriarches, l’essence même de leurs vies était ce char céleste c’est-à-dire chaque pas, chaque enjambée et chaque geste qu’ils faisaient était un dévoilement de Sa volonté, de Sa sagesse et de Ses noms divins. C’est cela qui se défini par « char céleste« . Nous sommes les descendants des patriarches et ceux-ci sont comme les patriarches. Chaque action de chaque individu de l’assemblée d’Israël, a pour but de dévoiler la Torah. Toutes les parties de notre vie qui ne sont pas un dévoilement de la Torah vont engendrer un dévoilement de la Torah par la punition. De là-bas va se dévoiler la Torah qui doit revenir à celui qui n’accomplit pas ce qu’il devait accomplir. Même la punition est Torah. Aucun homme d’Israël ne peut s’enfuir de la Torah. Nous sommes sortis d’Égypte, nous avons traversé tous les grands miracles dévoilés et par cela nous reconnaissons les miracles cachés et que tous nos actes et les événements de notre vie de tous les jours ne sont pas accidentels mais tous sont chargés d’enseignements, tous sont Torah. C’est cela le grand principe de toute la Torah. Ce qui nous fait passer de la sortie d’Égypte au don de la Torah n’est pas un chemin de traverse mais un dévoilement. « Je suis Hachem ton D-ieu qui t’as fait sortir de la terre d’Egypte, de la maison d’esclaves« . La sortie d’Égypte a été dévoilée comme étant un dévoilement de la Torah, réalité de la תTorah, la véritable réalité.
En conclusion nous comprenons que le mois de Yiar est en fait l’expression de ses initiales: Avraham-Itshak Yaacov et Rahel qui sont le secret du char céleste. Le mois de Yiar est le mois qui nous fait traverser de la dimension appelée « la sortie d’Egypte » a la dimension appelée « don de la Torah » c’est-à-dire que la traversée de ce mois nous permet de réaliser que la sortie d’Égypte est le dévoilement de la Torah, dévoilement que la sortie d’Egypte est le fondement de la Torah qui nous enseigne que toute situation et tout événement sont tous Torah, sont tous source d’enseignements