Le dévoilement divin dans la matière
Cours de Rabbi Yérou’ham
(Mashguia’h de la Yéshiva de Mir)
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
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« אהללה הי בחיי« » je ferai les louanges de D-ieu toute ma vie ».
À propos du verset: » D-ieu tu craindras et tu le serviras », le Ramban écrit: [ et tu le serviras avec ton esprit, c’est-à-dire que tu sois pour lui à tout moment comme un esclave acheté au marché des esclaves servant son maître continuellement considérant le service de son maître comme essentiel et son propre service comme secondaire jusqu’à percevoir ce que les paroles de nos sages: « וכל מעשיך יהיו לשם שמים » » et tous tes actes seront dirigées vers le ciel » jusqu’à ce que même les besoins de ton corps soient dirigées et contrôlées en direction du divin. Manger-boire-dormir et tous tes besoins soient contrôlées pour uniquement renforcer le corps le rendre sain afin d’accéder au service divin et ainsi réaliser la vocation de ce verset « et je ferai tes louanges mon D-ieu tous les instants de ma vie« ]
Explication: tout le but de la vie d’un homme est de remercier et de louer son grand nom béni mais pas comme ce que nous comprenons faussement c’est-à-dire que nous remercions D-ieu du fait même de nous avoir donné la vie, mais au contraire, D-ieu nous a donné la vie afin de le remercier et de le louer. Car ainsi est le fondement de la création: il n’y a pas même un fil de cheveux qui est créé pour lui-même mais son existence et sa nature ne sont que pour servir D-ieu et dévoiler la beauté de l’honneur royal et son harmonie. Il n’y a aucun autre but et finalité à la création si ce n’est de reconnaître sa puissance et l’honneur de sa royauté comme ce que nos maîtres ont enseigné dans les chapitres des pères : » tout ce que D-ieu a créé dans son monde n’a été créé que pour son honneur« .
Le Ramban explique que le but des Mitsvot est de croire en notre D-ieu et de reconnaître qu’il est notre créateur qui est en fait la finalité de la création car il n’y a pas d’autre raison à cette création originale. Le seul désir qu’a le D-ieu supérieur dans ce monde inférieur est que l’homme reconnaisse, perçoive et remercie son D-ieu créateur.
C’est l’intention du Ramban lorsqu’il dit que le principe même de la vie est de remercier et de faire les louanges de son grand nom saint.
Ressentir que chaque action chaque parole et chaque pensée ne sont tournées que vers le divin. Annuler notre soi-disant vie personnelle au profit de son service. Annuler l’ego qui anime notre vie végétale pour se sublimer et traverser les dimensions de la création afin de percevoir la véritable source divine où il n’y a qu’unité. Même les pulsions animales les plus insignifiantes et les plus basses n’ont leur origine que dans son unité indicible. Lorsque nous dirigeons nos pensées nos paroles et nos actions vers leur origine unique, nous nous transportons automatiquement dans le monde du divin et nous nous unifions à notre finalité, l’unification avec D-ieu.
« שהכל ברא לכבודו » » tout a été créé pour Son honneur »
Le Sabba de Kelm fait remarquer quelque chose de redoutable dans la conduite divine. Les hommes ne se réalisent pas comme ce que D-ieu se réalise dans la création. Plus un homme est important dans les relations sociales plus il acquiert une importance intrinsèque, il aura une vie plus douce avec plus de considérations. Sa vie sera allégée et privilégiée. Ce qui n’est pas le cas dans la réalité divine de la création. Car plus l’homme est important, plus il est proche de l’unité divine, plus sa charge sera conséquente. Son obligation changera selon sa situation spirituelle. Car nous voyons dans les versets de la Torah que Éliézer le fils de Aaron le grand prêtre avait la charge de transporter à même ses épaules toute la quantité de parfums et d’huile pour le service de la tente d’assignation pour toute une année, ce qui était une charge extrêmement harassante à porter dans le désert pour un seul homme. Mais puisque Éliézer était extrêmement fort comme Yaacov notre ancêtre, cette charge lui était réservée. Il y a lieu de s’étonner! Comment se fait-il que le fils de Aaron qui était un des princes de la tribu des Lévi a t-il été désigné pour porter une charge aussi lourde aux yeux de toute l’assemblée d’Israël? Car bien qu’il soit fort et soit apte à porter ce poids, il n’était pas de son rang de se montrer peinant devant la communauté?
De même nous trouvons Moshé Rabbénou lui-même étant obligé de supporter la charge de toute cette assemblée, la conduire dans le désert, la juger, lui fournir nourriture et boisson. Peut-on imaginer l’extrême lourdeur de la charge qui incombait au plus grand du peuple d’Israël? Non seulement il supportait le poids extrêmement lourd de les conduire à travers le désert pendant 40 ans mais au final il a été puni de la plus sévère des manières pour ne pas avoir eu une fois un comportement qui à son niveau n’était pas « parfait ».
En vérité d’après le principe fondamental que nous avons extirpé de la matière qui dit qu’il n’y a pas même le fil d’un cheveu qui a une existence et une réalité propre et singulière, et que chaque création et créature n’a été créée que pour l’honneur de la royauté divine » tout ce qui a une appréhension, par mon nom et pour mon honneur, je l’ai créé ( dans le monde des âmes) je l’ai formé (dans le monde angélique) et je l’ai fait (dans le monde matériel) » nous pouvons comprendre cette conduite divine. Et donc si Éliézer était aussi fort que Yaacov notre ancêtre, cela n’était pas pour rien ou plutôt pas pour son propre intérêt mais parce qu’il y avait une finalité à cette force qui lui était octroyée car rien n’est laissé au hasard mais cette force lui a été octroyée pour le service divin du transport des parfums et des huiles saintes et par ce fait, il servait D-ieu et l’honorait et au lieu d’être un rabaissement de sa réalité (pour son ego cela était réellement un rabaissement) au contraire cela était une élévation pour son âme car par le dévoilement de la lumière divine conséquence de son acte, la création toute entière s’élevait. Et s’il avait des épaules encore plus larges, il aurait encore porté une plus lourde charge. Et pour cette raison, Moshé Rabbénou avait cette charge de porter tout le peuple sur ses « épaules » car D-ieu lui avait octroyé cette force pour supporter le peuple. Moshé a mis donc toutes ses forces dans cette charge sans s’octroyer la moindre énergie pour ses « propres besoins » car cela n’existe pas une existence propre et individuelle en réalité, toute énergie se recycle et se transfert dans ce monde de la création. Rien ne se perd et n’a d’identité propre. « tout ce que créé D-ieu dans son monde, n’est que pour son honneur ».
C’est ce que nos maîtres enseignent: » plus l’homme est grand, plus son mauvais penchant est grand » car il ne peut en être autrement car se pourrait-il qu’il puisse garder de ses forces pour lui-même?
« וידע כל פעול כי אתה פעלתו » » et toute action saura que tu es celui qui fait l’action »
« Tu règnes sur tout le monde par ton honneur » c’est-à-dire par l’honneur de sa royauté qui se dévoile, les créatures reconnaîtront sa royauté bénie et nous prions afin que D-ieu dévoile sa royauté dans sa « gloire » « בכבודו » et par cela, toutes ses actions reconnaîtront que tu es celui qui agit et qui diffuse toute cette énergie cosmique.
Il y a lieu de comprendre car en fin de compte: connaître D-ieu dans la création est à priori une notion à la portée de tout le monde! Un raisonnement enfantin arrive à la conclusion que rien ne se crée de lui-même. Il y a besoin que l’honneur et la gloire divine se dévoilent à nos yeux afin de percevoir le D-ieu créateur? Un si grand dévoilement pour savoir que nous sommes des créatures et que D-ieu est notre créateur?
Nos maîtres enseignent: » tout celui qui reconnaît une existence propre aux forces cosmiques que la Torah définie comme « עבודה זרה » » service étranger » est considéré comme reniant toute la Torah ». Nos sages viendraient-ils nous enseigner quelque chose d’évident? Où est la nouveauté dans cet enseignement? Il est évident que celui qui reconnaît une réalité séparée et indépendante aux forces cosmiques serait en totale contradiction avec la Torah qui est source d’unité! Que veulent réellement nous enseigner nos maîtres de mémoire bénie?
Le verset enseigne: « de peur que tu lèves les yeux au ciel et que tu vois le soleil la lune et les étoiles que D-ieu a donnés comme part à tous les peuples qui résident sous les cieux » . Rashi explique les mots de ce verset » D-ieu a donné aux peuples comme part » ainsi: « comme divinités », « il ne va pas les empêcher de se tromper et de voir en eux une puissance divine indépendante ». Nous apprenons d’ici le fondement du service idolâtre « il ne les empêche pas de se tromper » » leur part est dans l’erreur »
le secret profond qu’il y a caché derrière cet enseignement est ainsi: il est évident qu’à la lumière de l’intelligence cognitive, même les nations peuvent percevoir l’unité divine qui trame son fil derrière toute la création. Seulement, par la perception cognitive, par une construction intellectuelle, par le raisonnement uniquement, il y a matière à se tromper. Comme ce que le Ramban dit: « il est impossible de s’appuyer sur l’intelligence cognitive et même sur la plus grande qu’il puisse exister car celle-ci « construit et détruit » « בונה וסותר« . Et puisque D-ieu ne les empêche pas de se tromper, en fin de compte par leur intelligence cognitive, ils se trompent et en arrivent à percevoir que chaque astre a en lui une puissance créatrice indépendante ». C’est le mone de la dichotomie.
Mais sur nous, les enfants de Avraham Itshak et Yaacov voici qu’il est écrit: » D-ieu vous a pris….afin que vous soyez pour lui un peuple en héritage comme ce jour » c’est-à-dire qu’il nous empêche de nous tromper et lorsque nous portons notre regard sur les astres et la course des étoiles dans le ciel, de suite nous reconnaissons qui a créé ces créatures célestes. La raison n’est pas parce que nous comprenons plus que les autres nations car d’un point de vue intellectuel, nous sommes du même niveau mais bien parce que notre foi divine ne se repose pas sur une construction intellectuelle comme il est dit: » car la part de D-ieu c’est son peuple, Yaacov c’est le lot de son héritage » pour dire que notre perception spirituelle du monde n’est pas qu’une perception passant par l’intellect mais cela passe aussi par une perception sensorielle aussi qui est issue d’une perception extra-sensorielle et dans une perception sensorielle, il n’ y a pas de possibilité de se tromper. Seul le raisonnement est faillible mais le sens lui est infaillible. Percevoir D-ieu par les sens est possible si nous faisons abstraction de notre intellect, si nous le « shuntons ». La philosophie est une sagesse basée sur l’intellect et donc sujette à l’erreur tout comme les sciences. Par contre la sagesse divine supérieure est au-delà de l’intellect cognitif qui lui est stimulé par des pulsions électro-chimiques émises par l’âme animale en réaction à la perception du monde extérieur et intérieur de l’homme. Comment arriver à se déconnecter de cet intellect inférieur? En essayant de faire abstraction de ces pulsions électro-chimiques produites par l’âme animale qui aura pour conséquence de faire régner une harmonie intérieure. Cela passe par une conscience de tous les instants qui va éliminer cet ego qui submerge notre esprit et par cela, la perception extra-sensorielle va se déverser sur nos sens et nous faire percevoir ce qui n’est pas percevable lorsque notre âme animale est en éveil.
C’est cela le secret de la consistance de l’âme du peuple d’Israël, sa vision peut atteindre un niveau de perception extra-sensorielle car « חלק השם עמו » » car la part de D-ieu c’est son peuple » et il nous a donné aussi « נר מצוה ותורה אור » » la Mitsva est la lampe et la Torah la lumière » pour pouvoir nous frayer un chemin dans ce labyrinthe qu’est notre corps et extirper l’âme de celui-ci.
Dans les temps d’avant même les gens simples avaient cette possibilité de percevoir le divin d’une manière sensitive car ils gardaient la Torah d’une manière parfaite et par cela, ils étaient plus proches de D-ieu et leur foi était une foi basée sur les sens.
Mais si cette foi n’est basée que sur l’intellect non séparé, construction cérébrale muée par le raisonnement, supportée par une vue de l’esprit, ceci est aussi appelé comme s’il reconnaît une réalité à l’idolâtrie. Et c’est cela qui écrit en filigrane dans ces mots « כל מודים בעבודה זרה » » tout celui qui reconnaît l’idolâtrie » « tout celui » même celui qui a foi en D-ieu mais que celle-ci est basée sur une construction cérébrale. Car tant que cette lumière divine ne traverse pas ses sens du fait de son éloignement spirituel et qu’il avance dans l’obscurité épaisse de la dualité, il donnera toujours une importance extrême à la matière et par cela, il s’appellera « reconnaître et donner une importance à l’idolâtrie ».