Lag Baomer – 5776 – Yehouda Moshé Charbit
בס״ד
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Ce cours est dédié à l »élévation de l’âme – Léilouy Nishmat Yossef Haïm Laurent ben Jaji
LAG BA’OMER
En ce jour de Lag Ba’omer, nous célébrons le grand maître que fut Rabbi Chimone Bar Yohaï, auteur du zohar. Cette date correspond également à la fin du deuil engendré par la disparition des 24000 élèves de Rabbi Akiva, illustre maître de Rabbi Chimone Bar Yohaï. Il est intéressant de tenter de comprendre le lien qui unit le décès de Rabbi Chimone Bar Yohaï, avec la fin du deuil des élèves de Rabbi Akiva. Pourquoi spécifiquement, la mort de cet homme représente t-elle la joie qui supplante le deuil du ‘omer ?
David hamélekh a écrit (téhilim 68, verset 19) : « עָלִיתָ לַמָּרוֹם שָׁבִיתָ שֶּׁבִי Tu es remonté dans les hauteurs, après avoir fait des prises ». Le Mégalé ‘Amoukot dévoile que »les prises » dont il est question dans ce verset, font référence à l’âme de Rabbi Chimone Bar Yohaï, comme l’insinue le mot en gras qui constitue les initiales de « שמעון-בר –יוחאי Chimone Bar Yohaï ». David Hamelekh nous dévoile ici, que lors du don de la torah, Moshé Rabbénou, en plus de récupérer les tables de la loi, a obtenu l’âme de Rabbi Chimone Bar Yohaï. Ainsi, lors de son passage dans les cieux, Moshé est intervenu sur ce personnage futur, et a favorisé sa descente sur terre.
Il semble difficile de comprendre ce que nos sages cherchent à nous apprendre. Pourquoi Moshé a-t-il trouvé nécessaire d’agir de la sorte ? L’âme de Rabbi Chimone Bar Yohaï n’était pas captive, alors pourquoi Moshé est-il intervenu ? Qu’est-ce qui le motivait à jouer un rôle sur cette néchama ?
Pour comprendre, il faut remonter plus haut dans l’histoire de Moshé Rabbénou, lorsque, pour épouser Tsipora, Moshé fait une promesse à son futur beau-père, Yitro. Comme chacun le sait, Yitro est un repenti, qui, pour découvrir l’existence de Dieu, a testé toutes les idolâtries, et en a déduit le mensonge. Fort de cette démarche, Yitro impose à Moshé une condition au mariage avec sa fille : leur premier enfant devra suivre la même démarche, et faire l’expérience du mensonge idolâtre pour mieux saisir la vérité divine. Conscient de la droiture de son beau-père, Moshé accepte comprenant que dans un avenir proche, Yitro reverrait ses positions pour comprendre que la démarche qu’il suscite n’est pas la plus adéquate. Cependant, le Baal Hatourim (chémot, chapitre 2, verset 16) écrit que cette acceptation de Moshé a joué en sa défaveur, et s’est répercutée sur son petit-fils qui s’est adonné à l’idolâtrie, comme il est écrit dans le livre de Choftim (chapitre 18, verset 30) : « ויהונתן בן גרשם בן מ נ שה Et Yéhonanthan le fils de Guerchom, le fils de Ménaché ». Or, Guerchom et Yéhonathan sont les descendants de Moshé et non de Ménaché, seulement la torah déforme le nom de Moshé par respect pour lui. Ainsi, le simple fait, pour Moshé, d’avoir concédé à son beau-père la future orientation idolâtre de son fils, lui a valu, le détournement de son petit-fils.
La guémara (traité sanhédrin, page 101b) raconte un fait similaire concernant les sages de l’époque du roi Yérov’am. Ce roi est tristement réputé pour l’idolâtrie dans laquelle il a poussé le peuple hébreu. Le talmud raconte comment il est parvenu à berner les sages afin de les faire signer un accord d’idolâtrie, qu’eux pensaient n’être qu’un test de confiance. En effet, ce dernier leur demande s’ils étaient prêts à le suivre quelques soient ses décisions, même si elles penchaient vers l’idolâtrie, et les sages, imaginant que le monarque ne cherchait qu’à vérifier leur loyauté, ont accepté de le suivre. C’est ensuite que, se servant de leur signature il a fait savoir au peuple que les sages approuvaient sa démarche et les a incité à l’idolâtrie. Parmi les maîtres présents, se trouvait A’hia hachiloni, dont la responsabilité est mise en avant. Cette histoire trouve un parallèle avec Moshé car tous deux, pensaient que les ambitions de leur opposants n’aboutiraient pas et pourtant, dans les deux cas, l’idolâtrie a été pratiquée.
Cela nous conduit aux propos du Kli Yakar (sur Malakhim, tome 1, chapitre 12, verset 28) qui explique que pour son attitude, A’hia hachiloni sera condamné à être réincarné pour réparer son attitude. Et justement, le Kli Yakar souligne que les treize ans de souffrances de Rabbi Chimon bar Yohaï, dans sa grotte, constituait cette réparation, car les deux hommes possédaient la même âme ! Plus encore, l’idolâtrie consistant à renier l’existence du Dieu unique pour une multitude de faux dieux, remet en cause la singularité d’Hachem. C’est dans cet optique que les souffrances de Rabbi Chimone bar Yo’haï s’étendront sur une période de treize ans, qui correspond à la valeur numérique du mot « אחד un » car elles avaient pour vocation de réaffirmer l’unité du Maître du monde.
Nous pouvons maintenant comprendre l’attitude de Moshé Rabbénou et son désir de récupérer l’âme de Rabbi Chimone. En effet, Rabbi David, le fils de Rabbi Yéhouda Ha’hassid explique (dans son livre, livnat hasapir, sur béréchit, page 3, tour 1) que la grotte dans laquelle se sont trouvés Rabbi Chimone et son fils n’est autre que celle où Moshé et Éliyahou ont prophétisé (pour plus de détail, cf, shvilei pin’has, lag ba’omer, année 5774). Justement, en ce lieu, Moshé a reçu d’Hachem un secret important, celui des treize attributs qui éveillent la miséricorde divine. C’est dans cette optique, qu’à son tour, Rabbi Chimone va bénéficier de ce savoir, capable de faire pardonner les fautes du peuple. Seulement, pour accéder à cette connaissance, Rabbi Chimone va devoir passer par les souffrances qu’il a connu dans la grotte : treize années pour les treize attributs divins ! En somme, il va obtenir ce que Moshé a déjà obtenu et ce dans un but précis.
Le Rama’ Mipano (guilgoulé néchamot, lettre 116) nous dévoile que Moshé Rabbénou, A’hia Hachiloni et Rabbi Chimone Bar Yo’haï proviennent de la même étincelle d’âme. Dès lors, un constat s’impose. Pourquoi le secret des treize attributs est-il dévoilé à Moshé directement, tandis que Rabbi Chimone doit souffrir ?
La réponse paraît maintenant évidente. A’hia hachiloni et Moshé ont fait la même erreur, celle d’accepter l’idolâtrie. Or, il s’agit d’une même racine d’âme, c’est pourquoi, les souffrances de Rabbi Chimone Bar Yo’haï permettent une réparation non seulement pour A’hia mais également pour Moshé rabbénou. C’est en ce sens, que Moshé est intervenu pour récupérer la néchama de Rabbi Chimone, car il voulait lui aussi s’associer à ce tikoun, cette réparation ! Cela a eu pour conséquence de lier Moshé à Rabbi Chimone, et, au terme de ses souffrances, il parvient à supprimer la faute de Moshé et mérite son lot : la connaissance du secret dévoilé au plus grand des prophètes, celui d’apporter le pardon dans le monde !
Il s’avère donc qu’à titre extraordinaire, Rachbi est parvenu à la restitution parfaite de l’unité divine et ce à double titre. Non seulement parce qu’il a contrecarré l’erreur idolâtre de Moshé et d’A’hia, permettant l’affirmation de l’absence d’autres dieux, mais plus encore, le processus est évocateur de cette unité : Rabbi Chimone souffre et endosse la plus grande des rigueurs pour se voir révéler le secret de la miséricorde, réconciliant les deux notions en une seule qui qualifie parfaitement l’expression divine.
Cela peut nous permettre de comprendre pourquoi Rabbi Chimone est celui qui parvient à annuler le deuil et la tristesse des élèves de Rabbi Akiva. Comme nous le savons, la disparition des élèves de Rabbi Akiva est due au manque d’égard et de respect que chacun avait vis-à-vis de l’autre. Cette attitude provoque la dispute et n’est pas compatible avec le respect que des maîtres de leur ampleur devaient accorder à leurs confrères. En conséquence de cela, Dieu décide de les punir et ces derniers perdent la vie. Ravi Friedman (shvilei pin’has, parachat Kédochim, année 5771) évoque le remord qu’a ressenti Rabbi Akiva, de ne pas être parvenue à orienter ses élèves dans le bon sens, celui de l’union entre membre du peuple juif.
Le Maharal de Prague explique en quoi le mot « אחד un » qui conclut le chéma est étroitement lié avec le peuple d’Israël, qui descend de Yaakov avinou. Le « א aleph » a pour valeur numérique un, le « ח ‘het » a pour valeur numérique huit, et enfin le « ד dalet » vaut quatre. À ce titre, les douze fils de Yaakov sont une ramification de Yaakov dans la mesure où tous descendent de lui qui est représenté par la lettre « א aleph« . Or Yaakov a eu deux femmes et deux servantes en tant que concubines. De ses deux femmes sont sortis huit fils, tandis que des deux servantes quatre. L’union de Yaakov marqué par la lettre « א aleph » avec ses huit fils marqués par le « ח ‘het » et ses quatre derniers soulignés par le « ד dalet » forme le mot « אחד un« . Car Yaakov et sa descendance ne forment qu’une seule entité indissociable. Le « אחד un » est donc le symbole de l’union du peuple juif, car il est à la base de sa création. Ce qui est d’autant plus frappant, c’est de noter le lieu du commentaire du Maharal, il s’agit du chéma, qui constitue une déclaration de l’unité d’Hachem. Ceci connote un notion extraordinaire : briser le lien qui unit la famille de Yaakov, repousser la cohésion de ce peuple, revient (has véchalom) à remettre l’unité d’Hachem !
Par ailleurs, il est remarquable de noter que nos sages attribut la destruction du temple à la haine gratuite. Car lorsque le peuple d’Israël n’est plus »un », alors le »un » divin ne peut plus se manifester dans le monde, Hachem se retire et quitte son temple.
Justement, Rabbi Akiva, conscient de la gravité de l’attitude de ses élèves, devine les raisons de leur disparition. À ce titre, il prend le risque d’enseigner la torah en publique et d’être capturé et mis à mort par les romains, alors qu’il aurait été moins dangereux de transmettre ses enseignements dans le secret. Seulement, Rabbi Akiva voulait pouvoir appliquer une mitsva de la torah, celle de servir son Créateur, au péril de sa vie. Nos sages nous dévoilent une chose extraordinaire : c’est en récitant le chéma, lorsqu’il est arrivé au dernier mot de la première phrase, le « אחד un« , que l’âme de Rabbi Akiva a quitté son corps ! En somme, cela connote l’idée que le terme de sa vie est marqué par son désir ardent de reconstituer ce que ses élèves avaient remis en cause. Rabbi Akiva se sacrifie devant ses nouveaux élèves pour réparer la faute de ses anciens élèves !
Il ressort de cela, que Rabbi Akiva est parvenu à réparer la destruction de l’unité entre ses élèves. Or comme nous l’avons expliqué, la vrai unité se présente aussi bien sur terre que dans le ciel. Ainsi, même si la fraternité est de retours, l’unité céleste n’est pas encore réparée. C’est justement Rabbi Chimone qui, fort de la leçon de son maître agonisant, va conclure ce travail et au terme de treize années de souffrances, parviendra à supprimer l’idolâtrie et donc à réaffirmer l’unité sur le plan divin !
Nous comprenons donc pourquoi c’est cet homme qui parvient à annuler le deuil de la mort des élèves de Rabbi Akiva, car il est celui qui a fait disparaître la raison de leur mort !
Yéhi ratsone que le mérite de cet immense tsadik nous protège et que le jour de sa hilloula soit pour nous une source de bénédictions !
Chavoua tov.